Originally: Thèmes de l’Emission de la Semaine

A son retour du Japon, Martelly a rencontré une fois de plus la Diaspora pour   reprendre un dialogue qui languit depuis un quart de siècle. La question est de savoir, d?une part, ce que réclame la Diaspora, peut-elle l?obtenir par le dialogue quand ses interlocuteurs n?y sont pas vraiment intéressés ? D?autre part, dialoguer, sur quel nouveau point, sur quel nouvel aspect, sur quel nouvel angle, pour convaincre qui et accomplir quoi ? Ou, a-t-elle simplement permis à Martelly une fois de plus, comme à tous ses prédécesseurs d?ailleurs, de réitérer une invitation vague, béate et naïve, à venir investir au pays ? Y croit-il ? 


La diaspora, toutes tendances confondues depuis un quart de siècle, depuis l?adoption de la constitution de 1987, pour être plus précis, à cause de certains articles de cette constitution, n?a pas cessé vainement de réclamer principalement la récupération de ses droits civils et politiques. Alors que l?on croyait avoir gagné en hauteur et en liberté avec cette constitution. Elle a malheureusement charrié avec elle, les clivages, exacerbé le venin de la xénophobie et de la division, imposé pendant trois décades sous le régime féroce des Duvalier. Et qui a continué, sans abattement d?intensité, à diviser la nation pendant les 20 dernières années du régime anarchique de lavalas : moun deyò vs moun andan, camoquin vs macoute, macoute vs chimère. 


Force est de constater et d?admettre que quand il se fut agi en 1987 de légiférer ostensiblement et sans équivoque la velléité de mettre fin à la confiscation du pouvoir par le biais de la présidence à vie, prescrire la décentralisation pour mettre fin à la république de Port-au-Prince. La constitution simultanément et avec autant de force que de clarté, a manifesté avec la volonté la plus ferme de maintenir hélas l?exclusion ! C?est un fait irréfutable que cette volonté d?exclusion a survécu même les amendements, quand la Diaspora avait cru naïvement à certaines promesses. On a abrogé l?article 15, certes. Mais on a limité l?accès à la Diaspora qu?aux postes électifs de CASEC et des municipalités ! « Thanks for small favors ! » 


Il est absolument évident que ce ne sera pas à partir d?un dialogue tenu au hasard d?un moment, entre la Diaspora et un autre chef d?état haïtien, qui fait escale à Miami, qu?émanera miraculeusement une solution à ce déni perpétué de droits civils et politiques. On a vainement répété ces dialogues sans issue, comme un rituel pour entretenir la foi dans un espoir stérile. 


Encore pire on a eu pour la première fois des amendements, annoncés par la 48e Législature, votés par la 49e , à cause de la conspiration impliquant Préval et des parlementaires falsifiant les textes de ces amendements, la promulgation, puis l?annulation, suivi de la re-promulgation de ces amendements par Martelly. On n?a pas réussi jusqu’à présent à obtenir la récupération de ces droits civils et politiques, même après la prorogation du fameux article 15 de la constitution. Posez-vous bien la question : Si l?abrogation de l?article 15 par ces amendements avait en vérité résolu ce problème, aurait-on besoin de ce dernier dialogue avec Martelly ? 


Il est évident que l?on tient la dragée haute à la Diaspora qui ne fait que quémander, à genou, depuis un quart de siècle des autorités haïtiennes la récupération de ses droits civils et politiques. Les candidats, toutes tendances confondues, viennent faire campagne en Diaspora. Font des promesses. Reconnaissent l?expérience et la substantialité de la formation scientifique, professionnelle et technique de la Diaspora. Reconnaissent la nécessité de l?intégration de la Diaspora dans le secteur public du pays. Reconnaissent l?apport que la Diaspora peut fournir à la bonne gouvernance du pays. Reconnaissent la participation substantielle de la Diaspora par le biais des transfères de deux milliards de dollars US l?an, dans l?économie du pays. Reconnaissent que cette participation dépasse le montant combiné de la totalité de l?aide internationale annuelle, etc. Et là s?arrête hélas, à chaque fois, ce dialogue stérile ! 


C?est un fait incontestable qu?au niveau du public en général, toutes classes confondues, il n?y a vraiment aucune réticence implicite ou explicite à l?intégration de la Diaspora. Où se trouve donc la difficulté à accepter l?intégration de la Diaspora par le biais de la récupération de ses droits civils et politiques ? 


Si on veut comprendre d?où vient cette réticence. Il devient nécessaire de tenir compte de ce qui vient de se produire avec les amendements. Mis à part la gestion de la stratégie de la continuité, Préval a fait un effort particulier pour inclure dans les amendements des points d?intérêt spécifiques pour se trouver des alliés externes supportant l?amendement de la constitution, après l?échec de cette tentative farfelue de remplacement de la constitution. D?abord satisfaire un besoin exprimé ouvertement par l?Internationale, de réduire le coût des élections, par le biais du nivellement des mandats de tous les postes électif à 5 ans. Et ensuite la promesse élusive de la récupération des droits civils et politiques de la Diaspora. 


Pour la Diaspora pendant longtemps, l?article 15 a été le principal et l?unique obstacle à la récupération de ses droits civils et politiques et de son intégration totale à la vie sociale, économique et politique d?Haïti. De fait, l?article 15 a été abrogé par les amendements. Soudainement apparaissent d?autres obstacles ! Les pré-requis pour les postes électifs des CASEC et des municipalités ont été amendés pour permettre à la Diaspora de participer seulement à ce niveau. Mais les pré-requis pour les postes du Législatif et de l?Exécutif, sièges de deux des trois pouvoirs, renforcés, persistent à exclure la Diaspora. 


La Diaspora est forcée de se rendre à l?évidence qu?il y a une volonté politique manifeste de l?exclure de toute participation au niveau national aux postes électifs qui permettraient son intégration au niveau des pouvoirs. Puisque lavalas a été le premier et le seul régime à gouverner sous l?égide de cette constitution et à l?amender. Ayant constaté le fait que les clivages, la xénophobie exacerbés sous le régime des Duvalier, aient été paradoxalement charriés par la constitution et maintenus sans abattement d?intensité par le régime lavalas, « macout pa ladann ». Or tout ce qui n?est pas lavalas, est par défaut « macout » La diaspora se trouve-t-elle face à une culture politique commune, adoptée par tous ceux qui accèdent au pouvoir depuis 54 ans ? Le model de gestion de l?exercice et du maintien du pouvoir dans le tiers-monde, datant de l?époque de la guerre froide, a fait ses preuves ; a de fait résulté, d?abord en 3 décades, puis en 2 décades de pouvoir ; a fait des adeptes ; et est pratiqué jusqu’à présent ! On est hélas au début de la deuxième décade du XXIe siècle ! 


Toute démagogie mise à part, la Diaspora est bien obligé de se rendre à l?évidence et de poser la question : Contrairement à ses prédécesseurs, quel intérêt ce nouveau pouvoir aurait-il à rompre avec cette tradition de plus d?un demi-siècle, pour augmenter la compétition dans l?arène sociale, économique et politique, en levant l?exclusion contre la participation intégrale de la Diaspora ? La Diaspora peut-elle continuer à ignorer ce réflexe, ce fait, commun à tous les dirigeants haïtiens, toutes tendances confondues, adopté aussitôt qu?ils aient conquis le pouvoir, comme une part essentielle et fondamentale de leur stratégie de l?exercice du pouvoir et de la gestion de son maintien ? Ce réflexe n?a-t-il pas maintenu continuellement ce dialogue entre les gouvernants et la Diaspora en échec pendant un quart de siècle ? Peut-on continuer à ignorer la stérilité du dialogue, après un quart de siècle ? N?est-il pas nécessaire aujourd?hui pour la Diaspora, face à la stérilité du dialogue et à l?impératif de trouver une nouvelle solution, de se ressaisir, de s?unifier pour se forger une nouvelle stratégie ? Ou se complaît-elle dans la stérilité du statu quo ?