On est au début de novembre. On n’a pas encore un CEP fonctionnel. En dépit des prescris du calendrier constitutionnel, les sénatoriales partielles n’auront pas lieu pour la fin de l’année. On n’a pas l’impression que ce soit un impératif pour ceux qui auraient dû être concernés. Le fait que ce soit acceptée comme une banalité, montre que René Préval a vraiment fait école. Va-t-on continuer, dans la même veine, à lui emboîter le pas? Après le chaos constitutionnel causé par Préval, comprend-on l’importance du respect du calendrier constitutionnel? Est-on conscient de la différence entre le mandat sénatorial et celui du député? Ou veut-on continuer dans le bricolage politique traditionnel?

 

Le simple constat de cette violation dû au retard provoqué par la volonté de créer prématurément un CEP permanent, suffit-il pour évacuer à la fois ses intentions, ses implications et ses ramifications? Ce retard, est-il provoquer intentionnellement pour servir des intérêts de l’Internationale? Ou, est-il simplement dû à la spontanéité, à la témérité et à l’inexpérience politique de Martelly?

 

Il faut se rendre à l’évidence que l’Internationale avait déjà exprimé avec insistance l’impératif de réduire le coût des élections, quand il ne s’agissait, à ce moment là, que de contempler seulement la possibilité d’amender la constitution. On n’était même pas à la formulation des amendements. Ceci a commencé bien avant la dernière session ordinaire de la 48e législative, le 14 septembre 2009.

 

N’a-t-elle pas procédé ensuite en 2012, au financement d’une commission ad hoc, pour reconstituer, corriger et re-promulguer ces amendements? Il faut se rappeler, que ce soit à partir de sources qui ne provenaient pas des archives du parlement, mais de sources externes, non-validées, venant de la USAID, des média et autres, que cette commission a reconstitué et corrigé les textes des amendements constitutionnels adoptés le 9 mai 2011 par le parlement, dont la promulgation le 13 mai 2011 par René Préval, avait été dénoncée par des parlementaires, après le constat de falsifications flagrantes des textes.

 

Après la dénonciation par les parlementaires, un arrêté présidentiel, avait automatiquement retourné le pays sous l’égide de la version originale de la constitution. Quelle était la raison qui a porté l’Internationale à s’immiscer avec autant de force et de détermination dans un tel projet de reconstitution et de correction des textes des amendements? L’Internationale, déterminée à réduire le coût des élections, avait intentionnellement ignoré le fait qu’Haïti soit retournée sous l’égide de la version originale de la constitution, et forcé la re-promulgation inconstitutionnelle des amendements. Voilà la couleuvre édulcorée que Martelly, en collaboration avec l’Internationale, avait fait avaler au peuple haïtien, prônant le changement !

 

Suite à cette re-promulgation, Martelly a déclaré qu’il voulait établir un CEP permanent. N’a-t-on pas constaté que malgré le fait qu’il était absolument évident que les conditions n’étaient pas réunies, des ambassadeurs, certains juristes et pas des moindres, avaient instantanément supporté et encouragé cette décision prématurée? On constate aussi aujourd’hui que les controverses provoquées par cette décision, le scandale au CSPJ pour la désignation des délégués du pouvoir Judiciaire, l’impossibilité de voter en Assemblée Nationale au parlement, pour désigner les délégués du pouvoir Législatif, demeurent jusqu’à présent les causes apparentes qui empêchent la tenue des élections.

 

Cependant, si l’Internationale est en train de poursuivre avec acharnement sa stratégie de réduction du coût des élections. Comment pourra-t-elle accomplir ce nivellement, si elle n’arrive pas à accumuler graduellement, sans les renouveler, la fin de tous ces mandats des postes électifs? C’est le seul et unique moyen, par lequel des élections générales puissent s’organiser à l’unisson, niveler les mandats des postes électifs et réduire le coût des élections !

 

N’y a-t-il pas là une corrélation entre le renvoi des sénatoriales partielles et le besoin de parvenir à remplir les conditions pouvant permettre des élections générales, nivelant tous les postes électifs à 5 ans et réduire le coût de élections? Ce qui à la surface apparaît comme de la spontanéité et de la témérité de la part de Martelly, ne s’insèrent-elles pas sans heurt, dans cette stratégie qui nous mène inéluctablement comme des moutons de Panurge, vers le nivellement des mandats de tous les postes électifs? Entre la détermination forcenée de l’Internationale et la témérité instinctive de Martelly, laquelle des deux, a plus de pertinence dans la poursuite de la réduction du coût des élections ‘ Cette insistance à vouloir avec témérité imposer cette décision de créer un CEP permanent, n’est-elle pas une dissimulation théâtrale d’un atermoiement à peine voilé, qui doit mener graduellement à la caducité de tous les mandats des postes électifs, pour leur nivellement à 5 ans ?

 

Dans le processus de développement de la Démocratie Représentative, on a, à travers le temps, la pratique et l’expérience, adopté des notions, des règles et des principes, pour maintenir la stabilité sociale, économique et politique. Ce faisant, on a voulu aboutir à une gestion de la cohésion de la société, n’ayant recours qu’à l’utilisation minimale de la force. Cette notion unique et importante distingue la Démocratie Représentative de tous les autres régimes politiques. C’est la gestion de la cohésion sociale par le consentement.

 

Pour arriver à aménager cette forme de gestion, la notion que la Démocratie Représentative n’est pas la dictature de la majorité, est fondamentale. De cette notion émane naturellement, la nécessité de la tolérance, de la reconnaissance et du devoir de protection des droits de la minorité. Sachant que la périodicité des élections, a la possibilité de provoquer un changement brusque de majorité, mais aussi le danger d’un changement total, éliminant d’un seul coup la présence de la minorité tant dans les pouvoirs, que dans les institutions étatiques. On a adopté des dispositions pour gérer ce danger, en modifiant la durée des mandats des postes électifs et leur cycle de renouvellement. L’intention est qu’au sein des trois pouvoirs, des institutions étatiques et au niveau des autorités des collectivités territoriales, la pluralité de la mosaïque des intérêts nationaux, soit toujours représentée ! Ce n’est qu’à partir de la nécessité de cette présence que la gestion de la cohésion sociale pourra se faire par la négociation et le consentement.

 

Il faut admettre, que le maintien, pendant 54 ans, des régimes populistes hérités de la période de la guerre froide, cette kyrielle de dictatures, d’insurrections et surtout des fraudes électorales, ont empêché à l’Haïtien de vivre, d’expérimenter, de comprendre et de s’accommoder graduellement à ces dispositions qui entretiennent harmonieusement la stabilité, parlementaire, sociale, économique et politique. En d’autres termes, de développer une vraie culture démocratique. L’expression de la volonté politique de l’Haïtien, n’ayant jamais été respectée, le corollaire est qu’il n’a jamais éprouvé le sentiment d’être réellement représenté au sein des pouvoirs ! Bien que l’on gouverne en son nom, il n’a jamais éprouvé ce sentiment, cette certitude, cette confiance, que l’on gouverne dans son intérêt. Il n’a pas tort, pour ce qu’il a constaté pendant ces 54 ans ! Ce n’est pas par l’effet du hasard qu’Haïti ait, 70% de taux de pauvreté ! Qu’elle soit classée parmi le 4 pays les plus corrompus du monde, avec plus de 60% d’analphabètes !

 

Quels seront les effets d’un tel nivellement des mandats de tous les postes électifs, après des élections générales? Le risque du changement brusque et total ! Le risque de la dictature de la « soi disant majorité » ! Le risque de l’impossibilité de la gestion de la cohésion sociale par le consentement !

 

L’Internationale qui impose avec force et détermination, le nivellement de tous les mandats des postes électifs, pratique-t-elle cette politique, chez elle? Absolument pas ! La continuité du Sénat est strictement respectée et maintenue, chez elle. Le renouvellement du Sénat se fait régulièrement par tiers chaque deux ans ! Pourquoi veut-elle cyniquement imposer à l’Haïtien cette forme bâtarde de Démocratie Représentative? Pourquoi veut-elle abolir la pratique de la continuité de Sénat en Haïti? Pourquoi veut-elle priver Haïti de cette pratique qui offre la stabilité parlementaire ?

 

Ne vous trompez pas. Si l’Internationale continue à poursuivre avec la même détermination sa volonté de réduire le coût des élections, on devra attendre le temps qu’il prendra pour que les conditions soient réunies pour des élections générales !