Originally: Thèmes de l’Emission de la Semaine

Laurent Lamothe a fait un énoncé impressionnant de la politique générale du gouvernement. Disons simplement, comme nous l?aurions dit pour n?importe quel autre énoncé de politique générale : « The proof of the pudding is in the eating. » En d?autres termes, la valeur de cet énoncé, aussi impressionnant qu?il puisse être dans la forme et dans le fond, ne se vérifiera qu?à partir de sa matérialisation. Un calendrier d?exécution, désignant, qui va faire quoi, pourquoi, quand et comment, mettra en exergue la capacité spécifique d?exécution précise de l?énoncé, établissant ainsi la différence entre le potentiel et le tangible. Certes, la présentation du calendrier d?exécution n?est pas requise par le parlement. Néanmoins, il est indispensable, pour planifier et vérifier l?exactitude de la matérialisation, de la coordination et du contrôle du progrès d?exécution exacte de chaque projet, que l?on ait un calendrier d?exécution. Ce calendrier doit être conçu et rédigé avec une précision maximale. C?est ça la systématisation de l?exécution et de son contrôle. On ne peut plus continuer à pratiquer le bricolage politique, comme par le passé. Si on veut franchir de fait le seuil de la modernité, on doit adopter ses méthodes d?exécution !


 


Cet énoncé de politique générale, suggère clairement une répartition équitable de richesse, « Fòk Pèp la Jwenn ». Espérons qu?il ne s?agira pas de miettes. « Fòk Pèp la Jwenn », l?expression utilisée et répétée à travers ce texte, veut nous convaincre du fait que ce soit la volonté politique qui va sous-tendre la matérialisation du projet politique de ce nouveau gouvernement. Certes, les deux régimes populistes précédents, n?ont jamais été avares d?expressions de ce genre dans leur discours démagogiques. C?est précisément ce qui m?incite à insister sur l?adoption et la publication d?un calendrier précis d?exécution. Ce calendrier d?exécution permettra donc à ceux qui ont la capacité d?analyse, de déceler à l?avance les véritables bénéficiaires des décisions de politiques d?exécution. Qu?on ne vienne pas nous ensorceler avec les notions révolues de ruissellement du début du XXe siècle, (The trickle down theory). En d?autres termes il ne faudra pas ?uvrer uniquement en faveur des intérêts des élites, espérant qu?avec le temps les plus vulnérables en bénéficieront par l?effet du ruissellement ! Ronald Regan était revenu avec cette notion au cours des années 80, sans aucun résultat tangible. Il faudra de fait agir manifestement et honnêtement dans l?intérêt des masses de manière convaincante, sans démagogie. D?ailleurs, après 54 ans de corruption, de dilapidation, d?abus de pouvoir, de violence, d?intimidation, d?ostracisme, de xénophobie et d?exclusion de toutes sortes, ne vous trompez-pas, ce sont de faite la justice et l?équité qui sont les priorités les plus importantes pour la nation haïtienne.


 


Il est aussi important de reconnaître, qu?à partir de l?exemple des autres pays modernes, qu?un pays qui n?est pas libre, qui ne jouit pas vraiment de sa souveraineté, ne peut pas se doter d?institutions fortes, solides et fonctionnelles. Et encore moins la capacité de les défendre. Or pendant 54 ans d?affilé, on a subi 6 gouvernements libertaires, dont 2 de droite et 4 de gauche, provoquant ainsi deux faillites successives de l?Etat et par voie de conséquence deux régimes de tutelle en une décade, 1994 et 2004. Le dernier en date, on l?endure jusqu’à présent avec toutes ces conséquences, depuis tantôt 8 ans. Il est aussi à remarquer que ce soit pour la seconde fois en 21 ans que cette caste a perdu le contrôle de l?Exécutif, offrant à chaque fois l?opportunité de transformer le pays. La première fois, elle l?a récupéré pour imposer le maintien du statu quo. Qu?en sera-t-il pour la seconde fois ? C?est un fait irréfutable aussi que la caste ne peut plus survivre sans le contrôle de l?Exécutif ! C?est précisément ce qui sous-tend l?intensité de ce combat qui se mène entre le Législatif et l?Exécutif. Ce nouveau pouvoir exécutif acceptera-il ou continuera-t-il à rejeter catégoriquement les efforts de récupération par cette caste ?


 


Bien que les plus intelligents et les mieux éduqués de cette caste, soient indubitablement conscients du fait qu?elle ait survécu sa période d?utilité. On est en train de constater dans les faits que ça n?a aucun effet rédhibitoire. Il est absolument évident, au seuil de ce nouveau gouvernement, qu?on continuera à assister à des affrontements interminables de toutes sortes, pour le contrôle de l?Exécutif.


 


Certes, on ne peut pas, si on est sérieux, croire que l?on va récupérer la souveraineté aussi facilement par le simple fait de la vouloir ou de la désirer. Mais on ne peut pas non plus, comme Préval, ne rien faire, parce qu?on est conscient du fait que la présence de la Minustah soit une garantie formelle de son mandat présidentiel. Puisqu?il est évident que ce soit l?effet cumulatif des exactions de toutes sortes et dans tous les domaines de ces deux régimes populistes consécutifs, qui a abouti à la déliquescence institutionnelle, causant ainsi deux faillites consécutives de l?Etat et deux régimes de tutelle en une décade. Cela va de soi, qu?il y a un effort particulier à faire pour la reconstruction et la consolidation institutionnelle.


 


Il y a aussi un effort collectif, unitaire à faire pour la récupération de notre souveraineté, de notre pouvoir décisionnel, et de notre sécurité. Il faut un effort de persuasion pour en faire un projet national. La volonté collective est indispensable au succès de cet effort. En dépit des velléités diviseurs de cette caste, il nous faut redevenir une nation, qui s?accorde sur des valeurs communes à défendre et sur des buts communs à accomplir. Il faut rétablir ce sentiment d?appartenance, sans exclusion. Il faut que tous les Haïtiens reprennent collectivement conscience que le pouvoir émane d?eux, en dépit de la volonté de confiscation du pouvoir par cette caste. Il faut que les Haïtiens arrivent à avoir une vision collective et une compréhension nouvelle de la politique, pour qu?ils éprouvent le besoin de participer. Il faut aussi qu?ils apprennent, qu?ils ont aussi l?obligation, le devoir et la responsabilité de défendre l?expression de leurs volontés politiques ! Le faible taux de participation aux dernières élections, est une preuve irréfutable du désintéressement des Haïtiens à la chose publique. C?est dû à quoi ? Au manque de confiance qu?ils ont dans le processus électoral. Il faut que les Haïtiens soient capables en vérité de choisir en toute liberté, leurs dirigeants, pour qu?ils puissent bénéficier de la possibilité d?alternance démocratique. Voilà ce qui va nous débarrasser de l?emprise asphyxiante de cette caste. Les Haïtiens ne veulent plus continuer à jouer au qui perd gagne ! Et être dirigés par des dirigeants sans légitimité qu?ils n?ont pas choisis ! Des dirigeants qui servent exclusivement les intérêts d?une caste qui a confisqué le pouvoir depuis 54 ans et qui continu à faire des efforts pour le retenir.