Originally: Thème de l’Emission de la Semaine
Les Etats-Unis viennent de contribuer 5 millions de dollars pour l?organisation des prochaines élections. Quand Préval avait soulevé, il n?y a pas longtemps, la question des élections en présence du ministre des affaires étrangères des Etats-Unis, Hillary Clinton, n?avait-elle pas répondu, « Qu?elles auront lieu en temps opportun. » ? Dans un laps de temps aussi court, il y a-t-il quelque chose de miraculeux qui a dramatiquement changé les conditions pour rendre les élections soudainement possibles ? Ou se laisse-t-elle glisser sur la déclivité des concessions envers l?hégémonie méridionale pour gérer un dossier plus brûlant, le maintien de la cohésion régionale au sein de l?OEA ?
Dimanche dernier, à l?émission télévisée « Meet the Press » l?ex-président des Etats-Unis, Bill Clinton, a eu une entrevue avec David Gregory. Il l?a questionné sur le progrès des projets de reconstruction. Bill Clinton a saisi l?occasion pour exprimer ses appréhensions concernant les risques que comporte la coïncidence des élections et des projets de reconstruction en Haïti. Il s?est exprimé en ces termes : « I think you will see in the next six months a dramatic acceleration if the election doesn’t mess it up. They are having an election in the middle of all this, which is highly unusual for a country in the throes of rebuilding. » Traduction française : « Je pense que vous verrez dans les six prochains mois une accélération spectaculaire, si l?élection ne la déraille pas. Ils organisent une élection au beau milieu de tout cela, ce qui est hautement inhabituel pour un pays qui s?engage dans la reconstruction. » Le langage corporel de Bill Clinton à la télé et le fait qu?il ait repris la dernière phase deux fois de suite, ont mis en exergue l?importance qu?il accorde au danger qu?il perçoit dans cette coïncidence.
Il est à remarquer que, malgré le fait que son épouse, le ministre des affaires étrangères des Etats-Unis aient déjà contribué 5 millions de dollars pour l?organisation des élections, les remarques de Bill Clinton montrent, qu?il n?est pas convaincu, que le temps soit propice, pour simultanément organiser des élections et lancer des projets de reconstruction. Avec cette déclaration, il rejoint de fait l?opinion antérieure de son épouse. Mais, force est aussi de constater et surtout de comprendre que ces appréhensions sont fondées. La volatilité de l?atmosphère électorale, étant sous-tendue à la fois par de profondes suspicions envers la gestion et l?observation électorale ; Elle a irréfutablement la capacité de tout chambarder, tout au début du lancement des projets de reconstruction. Alors que l?hégémonie méridionale et Préval préconisant le strict respect du calendrier constitutionnel comme prétexte pour faire valoir leur priorité politique commune, faire des élections coûte que coûte, sous l?égide de l?actuel gouvernement, pour garantir le maintien du régime populiste. Mais aussi, tenant compte du fait qu?au départ, la réticence des bailleurs de fonds envers le régime populiste et Préval, les rende très durs à la détente. Si la reconstruction et la relance économique ont tant soit peu une certaine pertinence comme intérêts nationaux, n?y a-t-il pas là un conflit brûlant, entre les priorités politiques de l?hégémonie méridionale et ces intérêts nationaux ?
Il n?y a pas que le succès de la relance économique et des projets de reconstruction à être d?intérêt national. Il y a aussi des intérêts politiques nationaux. Tel que la garantie de la probabilité d?alternance démocratique pour créer en vérité la chance de pouvoir rompre avec les régimes populistes qui asphyxient le pays depuis 53 ans en maintenant une atmosphère d?instabilité constante. Soit par la mobilisation constante (François Duvalier et Jean Bertrand Aristide). Soit par l?incompétence, le laxisme et l?accumulation irréversible et continue des crises irrésolues (Jean-Claude Duvalier et René Préval).
Dans un important rapport au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, le Secrétaire Général Ban Ki-moon, n?a pas seulement articulé ses appréhensions contre l?insécurité. Il a soulevé une question d?importance, un problème beaucoup plus grave. Voilà ce que dit son rapport : « La campagne électorale risque d’être en partie financée par le produit d’activités illégales, notamment le trafic de drogues, qui demeure un facteur d?instabilité en Haïti. » Il suffit, pour se rendre à l?évidence, de consulter les archives des rapports annuels de la DEA publiés par le Département d?Etat. Vous y trouverez, que sous le régime anarchopopuliste qui perdure depuis près de 20 ans, Haïti n?a jamais raté la palme, d?occuper toujours une place favorable sur la liste des narco-états de la Caraïbe.
Quelles sont les mesures prises par la Minustah qui coûte 700 millions de dollars US l?an, par la PNH, par les autorités civiles et par les autorités électorales, pour protéger le processus électoral contre l?influence néfaste du narcodollar, après le rapport alarmant de Ban Ki-moon ? Si le Secrétaire Général des Nations-Unies concerné par la situation, l?a exprimé dans son rapport au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, rendu public. Avez-vous l?impression qu?au même titre le Secrétaire Général de l?OEA, Jose Miguel Insulza, le soit aussi ? Ou est-il plus anxieusement concerné par le maintien du statu quo, en exploitant comme prétexte, le strict respect du calendrier constitutionnel ?
S?il est aussi important pour les pays tuteurs tel que les Etats-Unis, la France, le Canada, le Brésil, l?Argentine et le Chili, d?être aussi pointilleux sur le strict respect du calendrier constitutionnel, quand il s?agit de faire prévaloir la prépondérance de leurs intérêts sur ceux d?un petit pays pauvre ; Comment expliquer que ces pays tuteurs acceptent sans réserve à financer des élections avec un registre électoral manifestement vicié ? Pourquoi risqueraient-ils leurs millions dans une telle aventure, où la contestation est manifestement inévitable, s?ils n?avaient pas à l?avance la garantie formelle qu?ils ne perdront pas leur financement ? Ne devraient-ils pas avoir au préalable, la certitude formelle, qu?en fin de compte, les résultats de ces élections seront inéluctablement validés, imposés et finalement entérinés ? S?il est certain pour ces élections, telles qu?elles sont organisées et qu?elles fonctionnent, que la probabilité d?alternance démocratique soit totalement inexistante. N?est-il pas aussi certain, pour garantir les intérêts des gouvernements qui les financent, que l?annulation de ces élections soit aussi absolument impossible ?
Un autre fait très peu banal à souligner. Ce n?est un secret pour personne que Préval compte principalement sur une très faible participation aux élections pour pouvoir mieux gérer le maintien du statu quo. Les partis politiques d?opposition pensent qu?en augmentant la participation, ils pourront déjouer cette stratégie. Dans la réalité, Préval est en train de contrôler le taux de participation à partir de l?émission de nouvelles cartes d?identification nationale. Malgré l?effort des partis d?opposition pour créer l?engouement. En réduisant la capacité d?impression des cartes émises par l?Office Nationale d?Identification, Préval diminue considérablement le nombre de participants. Le nombre des nouveaux inscrits et aussi de ceux qui veulent pour une raison quelconque renouveler leur carte, est énorme. Soit parce qu?ils ont perdu ou égaré leur carte. Soit parce qu?ils ont changé d?adresse. Il n?y a de fait qu?une seule imprimante à produire les cartes d?identification nationale pour tous les électeurs inscrits tant à Port-au-Prince qu?en province ! Après le cataclysme qui a détruit la capitale et plusieurs villes de province, fait plus de 300000 morts, on aurait dû en prévision des activités incommensurables de mise à jour du registre électoral, prendre des mesures adéquates pour augmenter le traitement des données et la livraison des cartes d?identité nationale. Pensez-vous qu?une simple augmentation de demande logistique, dépasse la capacité d?anticipation des informaticiens de l?hégémonie méridionale ? Ou embrasse-t-elle de fait la stratégie de Préval ? On est en train de le constater, l?énormité de nombre d?électeurs qui font la queue pour solliciter le renouvellement de leur CIN. Préval subrepticement entretient et maintien un goulot d?étranglement à l?Office Nationale d?Identification, pour réduire substantiellement le taux de participation. Evidemment, quand on est en contrôle de la machine étatique et qu?on a de surcroît la bénédiction de la force hégémonique tutélaire, on peut tout se permettre. Etes-vous toujours certain que le 28 novembre 2010, on aura une compétition électorale réelle, avec une vraie probabilité d?alternance démocratique, ou simplement un couronnement ?
September 20, 2010