Originally: LES DÉRIVES D?UNE COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Il est plutôt surprenant de voir le soutien inconditionnel accordé par certains acteurs de la communauté internationale à la politique du Président René Préval, politique caractérisée, entre autres, par:
· Des violations flagrantes et répétées de la Constitution et des lois haïtiennes;
· Le refus systématique de dialoguer avec les acteurs nationaux;
· La corruption, la cooptation et le détournement des fonds publics, notamment au bénéfice de certains parlementaires;
· La manipulation des élections par un conseil totalement aux ordres;
· Le mépris de l?opinion publique haïtienne;
Les seuls gouvernements qui ont pris une certaine distance vis-à-vis de cette dérive antidémocratique, ont été ceux des États-Unis et de l?Allemagne. Mme Hilary Clinton a clairement exprimé devant la presse américaine le v?u que les élections en Haiti, se fassent au moment approprié, ce qui ne veut pas dire coute que coute en novembre 2010. Dans le même temps, le Département d?État a publiquement dénoncé le règne de la corruption en Haïti. L?Ambassadeur allemand accrédité en Haïti, pour sa part, a appelé au dialogue politique entre le gouvernement et le reste de la société pour dénouer la crise qui s?amorce.
Quant aux instituions internationales, leurs représentants donnent l?impression de confondre leur allégeance au Président Préval au soutien qu?ils devraient apporter au peuple haïtien. Ils font la leçon sur les bienfaits de la démocratie par les urnes alors qu?en avril 2009, les institutions dont ils sont les porte-paroles avaient avalisé des élections frauduleuses où des bulletins de vote n?avaient pas été comptés, sans aucune explication du Conseil Électoral Provisoire (CEP)[i]. Cette démocratie se résumerait au respect de l?échéance de la tenue des élections présidentielles, minimisant le blocage d?élections locales qui n?ont jamais eu lieu ou le retardement des législatives qui devaient avoir lieu en novembre 2009.
Voilà maintenant plus de trois mois que ces acteurs chantent le refrain de la faisabilité d?élections générales à la fin de l?année sans qu?aucune initiative soit prise pour résoudre d?épineux problèmes techniques : Plus de 300.000 morts non enregistrés à l?état civil; Des centaines de milliers de personnes déplacées à enregistrer à travers le pays; Un nombre indéterminé de centres de vote rendus inutilisables par le séisme; Les rues d?une capitale jonchées de camp de réfugiés non structurés.
En plus de ces problèmes techniques, il y a des goulots politiques que ces représentant de la communauté internationale font semblant d?ignorer tels le rejet du CEP par les partis politiques pour toutes les raisons que nous venons de rappeler et plus récemment l?agitation créée par le vote d?un état d?urgence de 18 mois et la prolongation du mandat du président, au delà du terme constitutionnel. À un moment, ou il faudrait la mobilisation de tous les efforts pour reconstruire le pays, ces acteurs encouragent, de fait, la division au sein de la famille haïtienne.
Tous les haïtiens soucieux de l?avenir du pays veulent que de bonnes élections aient lieu. Ils auraient même souhaité que leur préparation ait été initiée depuis bien longtemps. Rien n?indique que le Président Préval veut vraiment organiser des élections en novembre 2010, puisqu?il ne prend aucune mesure réelle pour résoudre les problèmes techniques et politiques que nous venons de noter. Pire, dans son discours du 18 mai 2010, il en envoie la responsabilité à des personnes non identifiées. Fort de la loi de prolongation qui demande à ce que le pouvoir soit remis à un président élu, il peut rester indéfiniment au pouvoir, en bloquant dans la réalité, ce qu?il fait semblant de réclamer. Comment demander aux haïtiens d?accepter cette perspective viciée à la base, plus effrayante que le tremblement de terre du 12 janvier 2010 par ses conséquences prévisibles.
Ces acteurs non avertis ou mal intentionnés de la communauté internationale doivent savoir qu?ils hypothèquent irrémédiablement les chances de la reconstruction d?Haïti, en soutenant la politique de M. Préval. Ce ne sont pas des milliards versés à un régime corrompu qui vont pouvoir nous sauver. Il est temps pour qu?ils adoptent une posture plus respectueuse de la bonne gouvernance, de la vraie démocratie et, enfin, plus soucieuse des intérêts du peuple haïtien.