Originally: DANS LE CADRE DE LA PRÉSENTATON DU PROJET DE SAUVETAGE NATIONAL ¸A L?HÔTEL DOUBLE TREE À L?AÉROPORT JOHN F. KENNEDY DE NEW YORK
En 1986, le peuple haïtien s?était défait de la dictature tyrannique des Duvalier arrivé au pouvoir après des élections frauduleuses du 22 septembre 1957, qui virent aussi le Sénat et la Chambre entièrement composés d?élus duvaliéristes, dont certains avaient été tout simplement nommés à la place d?autres citoyens régulièrement élus.
La Constitution de 1987 a vu le jour un an ou environ après la chute de ce régime totalitaire, qui avait causé une longue stagnation pour le pays. On était en droit de s?attendre un nouveau démarrage, mais des dirigeants sans vision ont fait capoter ce nouveau départ par les élections de novembre 1987 noyées dans le sang, le coup d?État contre le président Leslie Manigat, en 1988, contre le président Jean-Bertrand Aristide, en 1991, ce qui a conduit au tragique et injuste embargo contre le pays et à la seconde intervention militaire étrangère de notre histoire, en 1994 et à la troisième intervention militaire étrangère en 2004, après une cascade d?élections frauduleuses organisées en 1995, 1997 et 2000. Les élections générales de 2006 ont été d?un niveau acceptable et ont permis d?organiser une sortie de crise en conférant aux nouvelles autorités élues une certaine légitimité.
La Constitution de 1987 a été le fruit d?un long processus de maturation et de réflexion qui duré 29 ans. Quand on a réuni l?Assemblée constituante, à la fin de l?année 1986, les idées étaient déjà`prêtes et il ne restait plus qu?à écrire le document. Cela s?effectua assez vite, il y a 23 ans, en quatre mois de travail seulement.
Pour comprendre la finalité du PSSN et ses rapports avec la Constitution de 1987, nous pensons qu?il est utile de présenter la Constitution de 1987. Cette Constitution deux caractéristiques majeures au départ, plus une troisième acquise en cours de route.
1) La Constitution de 1987 met en place des institutions pour éviter le retour du pouvoir personnel. Parmi ces institutions, il y a l?Exécutif bicéphale, le retour au bicaméralisme, un Sénat de la République se renouvelant par tiers tous deux ans, la prohibition de la réélection présidentielle immédiate et la limitation à deux seulement le nombre de mandats présidentiels, la décentralisation du pays, etc.
2) La Constitution de 1987 met en place un certain nombre de garanties constitutionnelles relatives aux droits fondamentaux des citoyens et aux libertés publiques. Le régime Duvalier avait fondé son fonctionnement sur la violation systématique des droits de l?homme et des libertés publiques; il fallait donc les garantir, ces libertés qui sont inscrites dans la Constitution de 1987 représentaient les revendications du peuple haïtien dans le mouvement démocratique, l?État de droit, qui avaient été comprimées depuis le coup d?État militaire sanglant du général Antonio Th Kébreau, le 14 juin 1957, qui marque d?ailleurs par son caractère anti-démocratique et liberticide le point de départ du pouvoir totalitaire des Duvalier qui ne tolèrera jamais aucune forme d?opposition, même démocratique.
À titre d?exemple concernant les acquis garantis par la Constitution de 1987, nous citons : la liberté de parole, la liberté d?opinion, la liberté d?association, la liberté de réunion, la suppression des visas d?entrée et de sortie pour les Haïtiens. Nous signalons au passage que si les constituants de 1987 ont jugé bon d?interdire la double nationalité, ils n?ont jamais interdit le cumul de nationalités, qui est une espèce juridique différente, mais dont les effets sont très voisins de ceux de la double nationalité, et qui pourraient être réglementés par une simple loi, sans avoir à toucher à la Constitution, s?il existait vraiment un minimum de bonne foi et une réelle volonté politique chez les responsables gouvernementaux en place à Port-au-Prince.
Dans leur souci de protéger les libertés citoyennes, les constituants de 1987 ont fait explicitement mentionner dans le Préambule de la Constitution haïtienne de la Déclaration universelle des droits de l?homme du 10 décembre 1968, en l?incorporant de ce fait `notre droit positif, ce qui représente une garantie supplémentaire pour la protection des droits des citoyens haïtiens, qui peuvent réclamer chacun des droits exercés dans cette Déclaration universelle des droits de l?homme.
3) La Constitution de 1987 a une troisième caractéristique acquise avec le temps, c?est d?avoir débarrassé jusqu?à présent Haïti d?une maladie dont elle avait recommencé à souffrir depuis 1918, celle de l?instabilité constitutionnelle. La Constitution de 1987 actuellement en vigueur est la troisième constitution en durée dans toute l?histoire d?Haïti, après celle de 1889 et celle de 1816, qui sont toutes deux des constitutions du 19e siècle. C?est la constitution qui a duré le plus longtemps depuis la première occupation, c?est à dire pendant près d?un siècle, et c?est la première Constitution haïtienne du 21e siècle qui a déjà commencé depuis dix ans. Ce n?est pas rien quand on regarde la longue histoire de changements de constitution qu?a connu notre pays en 200 ans de vie indépendante.
La Constitution de 1987 a correctement rempli les deux missions que le peuple haïtien lui avait confiées. :
1) Empêcher la retour du pouvoir personnel;
2) Protéger les droits et libertés du peuple.
Elle a, par la force des choses, acquis une troisième mission dont elle s?acquitte aussi : empêcher le retour de l?instabilité constitutionnelle à laquelle certains rêvent pourtant afin de pouvoir organiser l?État à leur convenance.
Tous ceux qui ont essayé de détruire cette Constitution jusqu?à présent s?y sont cassé les dents.
La Constitution de 1987, dans le contexte politique actuel où elle se trouve menacée par le pouvoir en place poursuivant des objectifs inavouables, représente donc notre plus sûr et plus efficace rempart contre le retour à la dictature. Tout doit être fait pour la maintenir. Nous devons nous mobiliser et faire bloc autour d?elle pour la protéger, afin qu?elle continue en retour à nous protéger et à protéger nos droits. Elle n?est pas parfaite, mais elle représente à l?heure actuelle la dernière citadelle de la souveraineté nationale qui résiste toujours. Dans toute l?histoire nationale, toutes les réformes constitutionnelles ont été faites par un pouvoir en place pour servir ses intérêts, non pour servir ceux de la communauté. La réforme constitutionnelle illégale que projette l?actuel pouvoir vise également à servir ses vues, non à servir la communauté.
Cette présentation de la Constitution était nécessaire pour en venir au Plan stratégique de sauvetage national, fils de la Constitution de 1987.
Nous ne sommes pas venus présenter aujourd?hui le PSSN à cette conférence, cela demanderait plusieurs heures pour en développer tous les aspects et exposer tous les détails. Il y a d?autres personnalités qui sont plus qualifiées que nous pour parler de tous les aspects de ce Plan.
Avec une action délétère de certains régimes qui se sont succédé au pouvoir depuis 1987, le projet de société prévu par la Constitution de 1987 n?a pas pu voir le jour.
Les longues périodes de gouvernement provisoire ont appris à nos responsables politiques et administratifs à gérer le provisoire, à gérer l?immédiat, à ne pas se préoccuper du moyen et du long terme. Par ailleurs, dans le même temps, un certain nombre de responsables politiques malhonnêtes et sans honneur se sont préoccupés d?occuper l?appareil d?État dans l?unique but de s?enrichir et d?édifier rapidement des fortunes colossales sur le dos d?un peuple pauvre, alors que le pays dont ils avaient la charge continuait sa descente dans l?abîme.
C?est justement pour stopper cette descente vertigineuse dans l?abîme que le Plan stratégique de sauvetage national a été élaboré. Son nom en dit long sur ces objectifs et les explique :
Plan, c?est quelque chose d?ordonné, c?est une planification, un plan pour le pays;
Stratégique, c?est un document mûrement élaboré, qui se propose de mettre en ?uvre une stratégie pour la réalisation du plan;
De sauvetage, le pays est en danger, il faut le sauver;
National, le PSSN n?est pas l?affaire d?un petit groupe, mais de la nation toute entière. Il se propose d?associer tout le monde sans exclusive à la grande entreprise de sauvetage et de reconstruction du pays. Ce plan est fondé sur la concertation, le dialogue, la coopération entre tous les secteurs de la société, exactement ce que veut la Constitution de 1987.
Le PSSN adhère àux tous les principes de la démocratie représentative et de l?État de droit. Il prône les trois modernisations, politique, sociale et économique. Il vise au développement harmonieux du pays. Il a été élaboré collectivement par des gens provenant d?horizons variés. Ce n?es pas une ?uvre venue d?en haut et qu?on essaie d?imposer à la société, contre ses intérêts et contre ses désidérata.
Le PSSN vise à la récupération de la souveraineté nationale totale, pas d?une façade de souveraineté masquant la réalité inacceptable d?un pays sous tutelle. Les Haïtiens doivent être les maîtres de leur destin et les étrangers, onusiens ou autres, qui n?ont aucune attache avec Haïti, doivent cesser de décider pour nous et de décider à notre place. Le PSSN nous indique donc la voie à suivre et il entend nous donner les moyens nécessaires pour réaliser les buts qu?il se propose d?atteindre.
Le PSSN réalise les objectifs fondamentaux de la Constitution de 1987 : l?État de droit, la démocratie, le respect de la souveraineté nationale et de l?indépendance politique de la République d?Haïti par tous les acteurs nationaux et internationaux, l?élimination définitive du pouvoir personnel de nos m?urs politiques, le respect scrupuleux des institutions politiques nationales et de leurs attributions respectives, la défense et la protection des droits de l?homme et des libertés publiques, l?inclusion de la diaspora au moyen du cumul de nationalités, le développement économique, l?amélioration des conditions de vie de nos concitoyens, la décentralisation administrative et économique, qui est l?un des apports majeurs de la Constitution de 1987. Le PSSN croit beaucoup en cette décentralisation promise par la Constitution de 1987 et il se propose d?apporter les instruments nécessaires pour rendre effective cette décentralisation dont le pays a tant besoin.
Les problèmes qui affectent notre pays sont immenses et ont été encore aggravés après la catastrophe du 12 janvier 2010, qui offre également de manière paradoxale une occasion pour rebâtir le pays sur de nouvelles bases, des bases modernes, occasion qui ne se renouvellera pas forcément avant très longtemps.
Les problèmes auxquels tout dirigeant haïtien doit faire face étaient là avant le 12 janvier. Ils se posent maintenant avec encore plus d?acuité, et ils n?ont pas de couleur politique. On les connaît bien. Ils ont pour noms : la sécurité, la bonne gouvernance, la santé, l?éducation, les infrastructures, les transports, l?énergie, la pollution, le recyclage des déchets, la production alimentaire, l?emploi, la déforestation, l?investissement, la surpopulation, etc.
La tâche est immense et les ouvriers de bonne volonté sont peu nombreux. Le PSSN se propose de mettre la main à tout cela et veut transcender tous les clivages politiques pour arriver à résoudre tous ces problèmes en profondeur et sur le long terme.
Le PSSN est bien conscient du fait qu?Haïti ne peut s?épanouir que dans le cadre de la Constitution de 1987, qui est un compromis historique accepté par tous à la faveur de la conjoncture de 1986-1987 et encore accepté par tous jusqu?à date.
Le PSSN brille par sa rationalité, par son caractère scientifique et par son haut niveau de réflexion. C?est un bon projet pour la modernisation.
Nous voudrions terminer cet exposé par une considération qui intéresse au premier chef notre diaspora. C?est cette question de cumul de nationalités que nous avons mentionné précédemment.
Nous dirons d?entrée de jeu, au risque de nous répéter, que si la Constitution de 1987 interdit la double nationalité, elle n?interdit pas du tout le cumul de nationalités, qui est autre chose en droit. Les effets de ces deux espèces juridiques sont très voisins, à la seule différence que dans le cas du cumul, l?autre nationalité s?arrête aux frontières de l?État considéré. Tout ce que vous faites en dehors des frontières de cet État n?intéresse pas l?État en question. La France, par exemple, n?admet pas la double nationalité, mais admet le cumul. Le droit haïtien étant inspiré du droit français et ayant toujours suivi les solutions juridiques retenues par le droit français, pourrait, en matière de cumul de nationalités, suivre ce que fait le droit français. Ce dont nous avons besoin en réalité aujourd?hui, c?est d?une nouvelle loi sur la nationalité haïtienne, qui aurait des dispositions très précises pour les citoyens haïtiens qui se retrouvent en situation de cumul de nationalité. Si nous sommes trop nuls ou simplement trop paresseux pour élaborer cette nouvelle loi dont nous avons besoin, nous pouvons toujours copier le Code français sur la nationalité. Parfois nous copions biens d?ailleurs.
Le pouvoir en place voudrait se servir de la question de la double nationalité avec la diaspora, comme d?une carotte pour la faire marcher et pour obtenir son appui dans son entreprise de réforme constitutionnelle, qui n?est, en réalité, qu?une entreprise de destruction de la Construction de 1987 avec l?appui tacite de ses alliés des Nations Unies dont les forces militaires occupent actuellement le territoire national. La diaspora ne doit absolument pas tomber dans ce piège tend par le pouvoir de Port-au-Prince. Elle doit continuer à défendre comme elle le fait la Constitution de 1987. En même temps, elle doit mettre le poing sur la table et exiger des autorités haïtiennes qu?elles passent les instructions administratives nécessaires pour que soit effectivement appliqué tout de suite le cumul de nationalités.
Le PSSN étant le fils de la Constitution de 1987 et se réclamant de tous les principes énoncés par elle, réclame le maintien de cette Constitution et la fin des man?uvres politicienne déloyales visant la détruire, même après le vote d?une déclaration de révision apporté de plusieurs rédhibitoires de nullité rendant par voie de conséquence cette déclaration du point de vue juridique inopérante et nulle.