Originally: Il ne faut pas chercher la solution à la crise d?Haïti en République dominicaine !
Commentaire de Haïti en Marche le 2 septembre 2009
SANTO-DOMINGO, 30 Août ? L?une des interventions suivies avec le plus d?attention à une conférence organisée par des personnalités de la politique et de la société civile haïtienne le week-end dernier dans la capitale dominicaine a été celle du député dominicain Pellegrin Castillo, du FNP (Force Nationale Progressiste). Le député Pellegrin Castillo est plus connu en Haïti comme étant une voix de la branche ultranationaliste. A cette conférence il est venu s?expliquer sur ses positions. Nous l?avons écouté avec intérêt et nous allons vous faire vivre sa prestation en en rapportant les passages les plus importants. Et presque mot pour mot.
J?ai consacré beaucoup d?efforts à penser à la nation haïtienne et aux drames qu?elle traverse.
Je parle au nom d?un nombre important de citoyens dominicains.
J?ai beaucoup de sympathie pour la nation haïtienne. Je vais donc parler en ami. Et parlant en toute franchise.
Nous Dominicains et Haïtiens avons un défi considérable à relever. Comment organiser notre présence et notre avenir sur cette même île. Deux cultures différentes. Une explosion démographique. Et des problèmes environnementaux très graves.
Et aussi une situation géo-politique menaçante. Nous sont en cours. Nous sommes au coeur d?un continent où d’importants changements sont en cours.
Il n?y a aucun peuple au monde qui puisse être intéressé davantage au destin d?Haïti que le peuple dominicain.
Ceci pour notre propre sécurité. Pour notre propre intérêt stratégique.
Cela exige des questionnements. Et des réponses.
Vue de la République dominicaine, la crise haïtienne se présente comme une crise très profonde. Une crise structurelle, dont les solutions ne sont pas faciles à trouver et qui soulèvent beaucoup de préoccupations.
Aux Etats-Unis chaque année ils publient un tableau montrant les Etats en faillite. Et Haïti y figure chaque année.
Mais nous aussi étions sur le point de figurer dans ce tableau.
Aussi nous avons compris que pour nous également, la situation est dangereuse.
Nous avons besoin d?un engagement profond de la communauté internationale en faveur de la reconstruction d?Haïti pour que Haïti retrouve sa stabilité. Il y va de notre plus grand intérêt.
Une approche impérialiste, cynique, irresponsable ?
Mais pourquoi tarde-t-on à accorder à la situation haïtienne tout l?intérêt qu?elle mérite ?
Les grandes puissances promettent, mais ne tiennent pas leur parole.
Elles croient que l?on peut résoudre un problème aussi complexe uniquement par la tenue d?élections.
Les valeurs démocratiques sont nécessaires pour résoudre ces problèmes, mais elles ne suffisent pas.
Alors ils se plaignent que la situation haïtienne est compliquée (les Haïtiens sont trop divisés entre eux), etc. Alors les jours passent. Bòf ! On ne peut rien faire.
La communauté internationale n?a pas une attitude sérieuse, cohérente, ni respectueuse du destin d?Haïti.
Alors ils pensent, pourquoi pas, à une solution au niveau de toute l?île.
Nous disons non à une telle approche impérialiste, cynique, irresponsable. Et niant le droit d?Haïti (ainsi que de la République dominicain) à l?auto-détermination et à garder notre propre identité réciproque.
Nous Dominicains devons mettre cette approche injuste en évidence et la dénoncer.
Il ne faut pas chercher la solution à la crise d?Haïti en République dominicaine ! une telle approche vise à nous affaiblir définitivement.
Le temps passe et au fur et à mesure les deux peuples perdent le contrôle de leur destin.
Haïti est une nation emblématique ?
Quel type d?efforts devons-nous entreprendre, Haïtiens et Dominicains ?
Il faut dépasser cette approche minimaliste qui ignore nos intérêts fondamentaux de peuple et de nation.
Il faut continuer à appeler à un effort multilatéral pour la reconstruction d?Haïti. Aussi bien de l?Amérique du Nord que de la Communauté européenne principalement.
Parce que Haïti est une nation emblématique.
Parce que aujourd?hui le monde est petit et que ce qui se passe ici a des rebondissements partout.
Nous Dominicains devons cependant dire sans fard aux grands dirigeants de la terre que nous refusons d?accepter le rôle de tutelle à l?endroit d?Haïti.
Et qu?ils doivent prendre leurs responsabilités.
Nous Dominicains devons crier face aux Etats-Unis, au Canada et à l?Union européenne qu?il n?y a pas une solution dominicaine aux problèmes d?Haïti.
Nous sommes nous aussi un Etat fragile ?
Nous Dominicains sommes solidaires devant les problèmes d?Haïti (contrairement aux propagandes mensongères véhiculées par certains courants internationaux) mais les grandes puissances semblent penser qu?elles peuvent s?en laver les mains et que la crise d?Haït peut se résoudre aux dépens de la République dominicaine.
On trouve aussi des intérêts dominicains qui se rangent derrière cette thèse.
Mais un problème aussi vaste ne peut pas se résoudre à nos dépens, parce que nous sommes nous aussi un Etat fragile face aux grandes puissances.
Et parce que nous avons aussi le droit à notre différence, à notre propre identité.
D?autre part j?affirme que nous avons en République dominicaine la volonté de résoudre la situation migratoire visà- vis d?Haïti.
Un plan qui permettrait de rendre transparentes les conditions migratoires de tous les étrangers qui se trouvent en situation illégale en République dominicaine.
Seulement dans le cas d?Haïti nous ne parlons pas d?un simple problème migratoire, mais d?une crise dans le pays voisin qui menace d?ensevelir notre pays.
Nous avons besoin d?un engagement des responsables haïtiens pour stopper la migration illégale.
Mais il faut aussi un engagement définitif de la communauté internationale pour stabiliser et pour développer Haïti.
Sans ces deux garanties, toute initiative dans le problème migratoire servirait au contraire comme un aimant, une incitation à la migration illégale.
Ça nous ne pouvons pas l?accepter.
A Haïti de trouver elle-même la solution ?
Ensuite, le député Pellegrin Castillo en vient à énumérer ce qu?il appelle des questions urgentes d?intérêt commun pour les deux pays. .
Haïtiens et Dominicains font face aux mêmes menaces du changement climatique.
Selon les pronostics des Nations unies, on doit s?attendre à des effets funestes pour nos deux pays. .
Actuellement les Dominicains luttent pour récupérer leur espace maritime, ce qui dérange les grandes puissances économiques.
Les Haïtiens devraient faire de même. .
Il y a aussi les problèmes de sécurité (nationale, régionale, internationale). La drogue, le crime organisé, ce sont des facteurs qui entravent tous nos efforts. .
Ensuite les projets d?énergie renouvelable. Le Brésil encourage nos deux pays à s?y impliquer dans un effort qui serait bénéfique à toute l?île.
Et voilà donc une prestation que nous estimons de la plus grande importance pour nous Haïtiens d?en prendre connaissance. Derniers mots du député dominicain Pellegrin Castillo :
« On ne peut pas résoudre les problèmes d?Haïti si on ne résout pas le problème fondamental d?Haïti. »
Pour finir, le parlementaire dominicain pense que le moment est aujourd?hui favorable pour Haïti. Le nouveau président américain Barak Obama ayant promis de reposer le problème d?Haïti sur une nouvelle base.
Mais c?est à Haïti de trouver elle-même la solution. « Personne ne peut le faire pour vous. Personne ne doit le faire pour vous. »
N.B. Malgré la cohérence apparente de son discours, le député Pellegrin Castillo est une figure de cette droite néo-conservatrice souvent accusée d?alimenter l?antihaïtianisme dans la république voisine. Le FNP est allié au parti au pouvoir, le PLD du président Leonel Fernandez. –Haïti en Marche, 30 Août 2009