Originally: Thèmes d’Emission de la Semaine

Orlando le 14 aout, 2009


Actualités Politiques : Grandes Lignes


Pour nous soustraire à nos responsabilités, nous avons pris la mauvaise habitude du discours de lamentation se terminant toujours par : « Le pays n?a pas de chance ! » Est-ce vraiment une question de chance ou une question de choix ? N?avions-nous pas eu l?opportunité de rompre avec le populisme de droite le 7 février 1986, et le populisme de gauche le 29 février 2004 ? A ces deux rendez-vous historiques quels ont été nos choix, particulièrement en 2004 après une expérience exécrable de 47 ans consécutifs de pouvoirs répressifs populistes des deux extrêmes ? Au lendemain du renversement du régime populisme de gauche lavalas, à qui est-on retourné paradoxalement ? Au 1er premier ministre de lavalas, au 2e et au 4e chef d?état de lavalas ! Qu?il y a-t-il de commun entre ces chefs d?état de ces deux tendances populistes qui ont dirigé les affaires du pays pendant plus d?un demi-siècle ? Ils ont tous géré exclusivement le maintien du pouvoir personnel, sans égard pour les intérêts de la nation et de l?Etat.


Certes, seuls ces despotes n?auraient aucune chance de succès même momentané, si leurs intérêts ne coïncidaient pas avec ceux de l?internationale. Mais attention, n?est-il pas nécessaire aussi de se rendre à l?évidence que réciproquement la chute de chacun de ces despotes correspond ponctuellement aux changements d?intérêt de l?internationale. Il y a toujours eu une collaboration et un soutien étranger pour garantir ces succès même momentanés. Mais l?internationale maintenant, n?est-elle pas en plein dans un processus de rajustement de rapports de forces et d?intérêts ? Pour faire échec à l?expansion du communisme durant la guerre froide, Duvalier n?a-t-il pas été armé jusqu?aux dents et supporté par tous les services d?intelligence de l?Ouest pendant 3 décennies ? Il faut se rappeler les mots du grand Charles de Gaule au jeune John Fitzgerald Kennedy qui s?inquiétait de la brutalité et de la cruauté de François Duvalier : « Surtout ne vous en mêlez pas. Ceux sont des nègres ! » Au moment du déclin, puis de l?implosion de la Russie Soviétique, n?a-t-on pas vu l?effet domino de la chute des despotes, tel que Somoza, Duvalier et Marcos, les fameux « son of a bitches » de Jane Kirkpatrick ? Pour matérialiser la Résolution 1080 de l?OEA abolissant le coup d?état militaire, tous les gouvernements civils membres de l?OEA, n?ont-ils pas exigé des Etats-Unis l?invasion militaire qui a ramené Aristide au pouvoir dans les fourgons de l?armée américaine en octobre 1994 ? Après le scandale de la confiscation des élections de l?an 2000, n?a-t-on pas vu Bill Clinton qui avait retourné Aristide au pouvoir en 1994, couper totalement à la fin de l?an 2000 l?aide étrangère pour Haïti, littéralement un mois et 7 jours avant le 2e mandat d?Aristide ? Juan Gabriel Valdès, populiste et anti-américain pure laine, ayant des ambitions présidentielles au Chili, n?a-t-il pas conspiré avec Gérard Latortue et les généraux brésiliens pour le retour du régime lavalas dont les populistes de la région et ceux du CARICOM accusaient les Etats-Unis, le Canada et la France de l?avoir renversé ? Les Etats-Unis ne sont-ils pas en train maintenant de reprendre le dossier d?Haïti des mains des Sud-américains à qui on impute la faillite d?Haïti, à cause de leur choix, Préval ? Attention, la collaboration haïtienne pour ce retour au populisme de gauche n?était pas des moindres ! Est-ce que ce n?est pas un groupe multi-classiste d?Haïtiens de la bourgeoisie aux masses qui ont conspiré, avec Valdès, Latortue et les généraux brésiliens, pour le retour de Préval au pouvoir ? Ce ne sont pas uniquement les masses appauvries, ignorantes et illettrées qui comme des moutons de Panurge, ont voté pour rendre ce choix désastreux possible. Cependant ceux sont les masses qui constamment tombent victimes des conséquences d?un tel choix ! Aujourd?hui, l?ignorance peut-elle continuer à être le prétexte des masses, après avoir subi les conséquences désastreuses de ces choix pendant plus d?un demi-siècle ? On n?a même pas besoin d?évoquer l?intelligence, l?instinct de préservation seul, devrait pouvoir suffire amplement pour créer le besoin, la nécessité et l?impératif d?un choix différent ! Certes, il y a eu toujours une collaboration et un soutien étranger qui supplantent la volonté nationale. Cependant, dans le cadre de cette crise économique et financière mondiale qui affecte tous les paradigmes et force des rajustements de rapports de forces, ne sommes-nous pas maintenant à ce moment précis d?une redéfinition des intérêts internationaux ? Ce n?est pas le moment d?avoir une attitude fataliste ! Il faut faire collectivement un choix autre que ce qu?on a fait pendant ces 52 ans !


Il nous faut le reconnaitre qu?aujourd?hui, le problème se pose différemment qu?il ne l?ait été. L?autorité et l?influence étrangères sont directes et à domicile. On a sur le terrain une armée multinationale, dû au fait qu?Haïti est un Etat en faillite avec toutes les séquelles et tous les symptômes dû à son état. Bien que dans cette situation, Préval soit pris dans un corset qui limite ses appétits en lui empêchant d?avoir le 3e mandat qu?il convoite. Par accommodation, il gère maintenant sa perte du pouvoir par le biais de son second choix, la nomination de son successeur. Pour arriver à cette fin, il est en train d?abuser à fond la présence de la Minustah comme garde prétorienne. Préval est en train de prendre impunément des risques qui sans la présence de la Minustah lui seraient absolument fatales. A ce moment historique, allons-nous, perdre l?opportunité de faire un choix, la nôtre ? Ou allons-nous laisser à Préval, drapé dans les jupes de la Minustah, le soin d?engager notre avenir, en faisant pour nous et en notre nom, un choix qui sert ses intérêts, au détriment des nôtres ?


Observant le comportement de Préval au pouvoir et sa façon de gérer le maintien et la perte du pouvoir, on peut se rendre à l?évidence qu?il est avant tout concerné et obsédé que par l?omnipotence de son pouvoir personnel. Se voulant être un leader de crise et exploitant l?amnésie et la myopie de la classe politique, Préval se contente de provoquer constamment des crises et de les remplacer par de nouvelles qui ne sont ni résolues, ni résorbées. Sous l?égide d?un vrai leader de crise traditionnel, la courbe ascensionnelle représentant graphiquement la performance d?un tel régime, est naturellement et continuellement en dent de scie. Avec Préval, on observe plutôt le contraire, une déclivité constante de cette courbe qui mène graduellement et fatalement à la catastrophe.


Préval a maintenant sur les bras deux crises de nature différente, qui ne sont pas mutuellement exclusives, qui coïncident et coexistent à l?avant-scène, sans montrer aucun signe de résorption. Elles montrent au contraire une tendance vers l?intensification avec le temps. Préval est tiraillé entre deux crises multiformes, la crise électorale et celle du salaire minimum ! En plus des débats houleux à la chambre basse, le salaire minimum a déjà fait des casses et est disponible et disposé à en faire d?autres. Il n?y a pas que les syndicaux qui s?en mêlent. Certains craignent un dérapage. Le CEP dénoncé par son ex-vice-président a perdu toute crédibilité. La validation des pouvoirs au Sénat demeure jusqu’à présent un obstacle. La démission du président du Sénat et le refus de son vice-président de démissionner, cette man?uvre sert qui et à quoi ?


Après 18 ans et demi de pouvoir lavalas, la rentrée des classes, un problème annuel, ne peut plus constituer, ni une surprise, ni une impasse pour aucun chef d?état du régime lavalas. Pour un chef d?état lavalassien la rentrée des classes se résume à faire des débours ponctuels qui sont, j?en suis sur, déjà alloué au budget de fonctionnement. La coïncidence et la coexistence des crises électorales et salariales sont plus volatiles que le problème de la rentrée des classes. Avec la nuance qu?elles ne peuvent pas avoir politiquement d?effet accumulateur en venant s?ajouter à celle de la rentrée des classes qui a déjà une formule de résorption connue et pratiquée au moins pendant 17 ans. Un fait est certain que l?année dernière la crise post-cyclonique, avec tous ses désastres et tous ses dégâts, a coïncidé de fait avec la rentrée des classes, sans causer d?éclatement, ni de casse.


La crise salariale qui a déjà fait et qui continue encore à faire ses preuves de volatilité, peut être porteuse de surprises importantes, si les acteurs et les instruments politiques s?en mêlent, en entrant manifestement en scène. Les étudiants et les syndicaux peuvent amorcer un mouvement de protestation. Pour que cette revendication sociale, fasse le saut qualitatif pour se transformer en un mouvement politique d?envergure, ayant les potentiels de l?éventail de toutes les options politiques, il faut l?apport direct et manifeste des partis politiques et particulièrement des partis de masse. Il faut que la crise salariale soit coiffée par un ou plusieurs partis politiques pour amplifier l?effet politique et forcer cette transformation. Or force est de constater et surtout de comprendre que les leaders des partis de masse assis confortablement depuis quelques temps à la table de Préval, engourdis, ils ne sont pas prêts à se lever de table. Les jours de vache maigre pas trop lointains ont été pénibles. On vient d?assister avec stupéfaction le drame d?un leader d?un parti de masse très connu, qui a préféré abandonner son parti plutôt que de se lever de cette maudite table. Pouvons-nous croire qu?il soit le seul leader de parti de masse à être en porte-à-faux dans cette situation embarrassante ? La différence est que les autres leaders n?ont pas subi autant que lui la pression de leurs bases, s?il leur en reste. Il y a un phénomène de découplage graduel qui s?opère entre ces leaders et leurs bases.


Quant à la crise électorale multiforme, elle est une lame à doubles tranchants. Alors qu?elle constitue peut être un obstacle pour Préval, il peut en profiter pour ne pas faire les élections de la fin d?année. Ceci étant déjà prévu dans la loi électorale 2008, en violation flagrante de la Constitution qui n?admet en aucun cas la prorogation des mandats des parlementaires. Voilà ce que dit la Constitution à ce sujet :


ARTICLE 111.8:


En aucun cas, la Chambre des députés ou le Sénat ne peut être dissous ou ajourné, ni le mandat de leurs membres prorogé.


L?article 232 de loi électorale 2008 se lit comme suit :


Article 232


La durée des mandats des élus de l?année 2006 est fixée de la manière suivante:


a) le Président de la République est en fonction jusqu?au 7 février 2011;


b) les Sénateurs élus pour six (6) ans sont en fonction jusqu?au deuxième lundi de janvier 2012, au cas où les élections auront lieu au plus tard en décembre 2011. Dans le cas contraire, ils restent en fonction jusqu?à la fin de leur mandat de six (6) ans, le 8 mai 2012 ;


c) les Sénateurs élus pour quatre (4) ans sont en fonction jusqu?au deuxième lundi de janvier 2010, au cas où les élections auront lieu au plus tard en décembre 2009. Dans le cas contraire, ils restent en fonction jusqu?à la fin de leur mandat de quatre (4) ans, le deuxième lundi de mai 2010 ;


d) les Députés sont en fonction jusqu?au deuxième lundi de janvier 2010 au cas où les élections auront lieu au plus tard en décembre 2009. Dans le cas contraire, ils restent en fonction jusqu?à la fin de leur mandat de quatre (4) ans, le deuxième lundi de mai 2010 ;


e) les Membres des Conseils et des Assemblées des Collectivités Territoriales sont en fonction jusqu?en janvier 2010 aux dates fixées pour la prise de fonction de leurs successeurs.


Paradoxalement, ce sont ces législateurs directement concernés, qui ont voté cette loi électorale 2008 tel quel, avec cette violation flagrante et manifeste de la Constitution ! Il faut reconnaître qu?une des constantes qui établissent l?image de marque de Préval, c?est l?absence totale de respect pour le calendrier électoral constitutionnel, excepté les présidentielles du 26 novembre 2000. Préval n?en aurait pas l?audace. Aristide n?aurait pas permis de telles incartades !