Originally: Note de Presse

Regard sur la réforme de la Justice à la veille de l?anniversaire de l?assassinat de Jean L. Dominique et de Jean Claude Louissaint


 


S?il est possible de constater certains efforts tendant vers la réforme de la Justice, il ne nous est pas encore possible de parler de réforme de la Justice proprement dite.


 


Des avancées dans le domaine de la Justice.


 


De grands efforts ont été consentis en vue d?organiser mieux et plus d?assises criminelles, entre autres, à Port-au-Prince. C?est pour nous l?occasion de féliciter et d?encourager de telles initiatives.


 


Finalement, après quelques 6 ans, on a pu procéder à la réouverture de l?école de la Magistrature-EMA. C?est une mesure dont nous saluons et félicitons l?initiative.


 


La sortie d?une nouvelle promotion de la Police nationale augmente le nombre des policiers à quelques 9.600 membres, et dans les villes de province, on assiste à une légère amélioration de la présence policière.


 


Une nouvelle commission est créée au niveau du Ministère de la Justice avec pour attribution de faire des propositions en vue de l?amélioration des conditions de détention. Nous attendons les propositions ainsi que les résultats de cette commission


 


De même, deux groupes de travail traitant de la réforme du droit ont été institutionnalisés par le Président de la République. L?un concerne la réforme de la Constitution et l?autre concerne la réforme du droit et de la Justice.


 


Ce qui nous empêche d?entrer dans les processus réel.


 


Un premier constat : Trois lois ont été votées en 2007 sur le Statut de la Magistrature, l?Ecole de la Magistrature et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Mais jusqu?à date:


 


Nombreux sont les magistrats qui ne disposent pas d?un exemplaire de ces lois et ne savent rien sur ces dernières ;


 


La population quant à elle, ne connaît que très peu si non rien sur ces trois lois et leur utilité.


 


En conséquence :


 


Jusqu?à date, elles ne sont pas appliquées. Ni les autorités publiques ni les citoyens et les citoyennes ne peuvent affirmer qu?elles sont les transformations apportées par ces lois.


 


Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire n?est pas encore institué en raison du fait que le Président de la Cour de Cassation n?est pas encore nommé. Faute de cette nomination et du fonctionnement réel de cette institution le CSPJ, on ne peut parler de réforme, réellement, même du lieu de l?Etat ayant voté, sous la rubrique de la réforme, cette loi, il y a de cela plus d?un an.


 


De l?inexistence de cette institution découle un ensemble de questionnement :


Les citoyens et les citoyennes – victimes d?abus de la part d?un juge – ne savent toujours ni où, ni comment porter plainte contre ces autorités ;


 


Aucune structure indépendante de l?Exécutif n?est chargée de faire des enquêtes sur les magistrats. A ce compte, rappelons que le système de perception des droits et des tarifs judiciaires constituent l?une des principales sources de corruption, du coût exorbitant de la justice et de la méfiance des justiciables par rapport à cette dernière.


 


Jusqu?à date, il n?existe aucun contrôle efficient sur les professions judiciaires et leur exercice (comme les avocats, arpenteurs, notaires, huissiers, …).


 


Autre constat.  Le nouveau budget de la Justice n?a subi aucune augmentation. Pourtant, les problèmes d?impunité et d?insécurité juridique et judiciaire sont de plus en plus manifestes. Cependant de l?avis des plus hautes autorités de l?Etat, la justice est une priorité.


 


En conséquence :


 


Il n?est pas possible d?augmenter le nombre des juges ou de construire plus de tribunaux ou d?améliorer les conditions de travail du personnel judiciaire ou d?améliorer l?accès de la population aux services publics de la justice.


 


Les prisons, les centres de détention ou de garde à vue sont toujours débordés. Prisonniers, détenus et les gardés à vue vivent dans des conditions infra humaines. En dehors de toute norme.


 


Troisième constat.  La lutte contre l?insécurité s?assimile toujours à la répression des individus sans capacité d?endiguer de manière structurelle les causes à l?origine de ce fait.


 


La population est toujours en attente d?une amélioration quantitative et qualitative des services publics – en général- et de la justice, en particulier.


 


En conséquence :


 


La lutte contre la corruption n?est pas une réelle priorité de l?Etat haïtien.


 


Si au cours des derniers mois, le nombre de policiers a augmenté, plus d?un cinquième (plus de 2000 au plus) de ces policiers assurent la sécurité des autorités publiques.


 


Très peu sont les efforts consentis en vue de la reconquête de la souveraineté de l?Etat dans ses différents domaines.


 


S?il y a des avancées, elles n?existent qu?au niveau du discours. Outre les discours, rien ne montre clairement ni les objectifs ni la vision des autorités publiques et des politiques en matières de sécurité juridique et publique.


 


Des commissions ou des groupes de travail pour la réforme du droit et de la Justice


 


Le Président de la République a mis en place, deux commissions sinon deux groupes de travail en vue de réfléchir et de faire des propositions de réforme de la constitution, pour le premier, du droit et de la justice pour le deuxième groupe, avec pour délai une année dans le cas du groupe de travail sur la réforme du droit et de la justice.  Le Forum fait remarquer que les deux commissions ont un lien avec la réforme du droit et de la Justice dans le pays.  La Constitution en effet trace un cadre pour la Justice ; elle définit clairement les droits des citoyens et citoyennes.


 


Ce que pense le Forum


 


Nous accueillons de telles initiatives comme autant de signes, de manifestation de la volonté du gouvernement par rapport à la réforme du droit et de la Justice


 


D?expérience, les différentes commissions ayant existé par le passé, montrent que les résultats de ces commissions se résument à des rapports ? non mis en ?uvre par les gouvernements qui les ont institués ou sont restés méconnus par la population. De ce point de vue, de telles initiatives constituent une source d?inquiétude pouvant, soit détourner l?attention, soit créer des désillusions.


 


En ce sens, le Forum entend :


 


Suivre, voire même appuyer, le travail de ces commissions ou groupes de travail, sans oublier que seuls les résultats fournis par de telles initiatives n?auront de valeur.


 


Faire la promotion de nouvelles méthodes et de nouvelles pratiques citoyennes et étatiques dans l?élaboration de la norme et de la politique de la nation, s?arqueboutant sur la participation citoyenne, y compris en matière de Justice.


 


Questionnement du Forum


 


Malgré les critiques formulées par le Comité Coordonnateur du Forum Citoyen (CCFC) quant à la méthodologie et au contenu des trois lois, les organisations membres du CCFC ont depuis un an participé au choix des différents membres du CSPJ et de l?EMA, c?est pourquoi :


 


Depuis un an le Forum attend la mise en ?uvre de la loi sur le CSPJ. Différentes organisations de défense des droits humains ont participé au processus de désignation des membres de ce conseil. Aujourd?hui, il est temps que ces membres soient installés dans leur fonction et que le CSPJ rentre en action et montre son utilité à la population.


 


Depuis 4 ans, la Cour de cassation n?a pas de Président. Il est amputé d?au moins cinq membres. Si la réforme de la Justice est aussi importante comme les autorités la prétendent, pourquoi ces autorités judiciaires ne sont nommées ou investies de leur pouvoir ? Si le CSPJ est aussi important pour la réforme, pourquoi ne fonctionne-t-il pas ?


 


La Constitution prévoit que : le Président de la République nomme le Président de la Cour de cassation (article 175), c?est lui qui devient le Président du CSPJ.  Le Constitution stipule également que la nomination est faite à partir d?une liste de trois candidats préparée par le Sénat de la République (article 175 et 97).


 


Pourquoi le Président de la République ne demande pas au Sénat de proposer la liste des personnalités retenues pour pourvoir au poste vacant de la Cour de cassation ?


 


Pourquoi le Sénat de la République ne prépare pas la liste des personnalités retenues en vue de pourvoir au poste vacant de la Cour de cassation ?


 


Conclusion :


 


Il nous est impossible sinon difficile de prévoir des changements signifiants dans les pratiques nécessaires à la transformation du Pouvoir Judiciaire pour cette année 2009. Pour preuve, rien n?a changé dans les pratiques d?élaboration du budget de la République qui jusqu?à date n?est pas voté.


 


Le Forum entend continuer son travail de prospection sur le fonctionnement et les dysfonctionnements de la Justice, dans le sens du renforcement de son diagnostic de la crise de la Justice comme crise de l?Etat et de ses pratiques


 


En ce sens, le Forum entend réaliser le 11ème Forum avant la fin de cette année.


 


A l?occasion des élections, nous interpellons les candidats aux sénatoriales de dire clairement leurs objectifs et leur vision de la Justice ainsi que de sa réforme.


 


Nous sommes à la veille de l?anniversaire de l?assassinat de Jean L. Dominique et Jean Claude Louissaint ? le 3 avril 2000.  En 1987, nous étions unanimes à reconnaitre : la Justice est au c?ur des revendications citoyennes.  20 ans plus tard, rien n?est fait. Les enquêtes se poursuivent. L?impunité est la règle.


 


                Enpinite nan Leta,                                                                Enpinite lè moun nwi moun,


                Enpinite nan sèvis piblik yo,                                              Enpinite nan ajisman prive moun,         


Enpinite lè moun pa pran reskonsabilite yo tout bon,


                Enpinite devan koripsyon an.


 


Fini ak enpinite se kondisyyon pou sitwayen ak sitwayèn yo kòmanse pran konfyans nan Jistis peyi a.


 


 


CCFC : M. Jean-Claude Bajeux, CEDH / M. Jean Lhérisson, HSI / P. Jan Hanssens, Justice et Paix