Originally: Les Commissions du Désespoir
Dans la tradition politique haïtienne, quand un gouvernement ne veut pas faire quelque chose ou s?il le veut, mais, n?entend pas en assumer ouvertement la responsabilité, il organise et investit des commissions dont les membres sont choisis précautionneusement sur les volets, pour justifier et consacrer des conclusions préalablement établies par lui.
Mis à part la responsabilité de l?Exécutif dans ce qui va être proposé, qu?est-ce qu?on est en train de vouloir circonvenir ? Il n?y a pas seulement que les raisons qui ont amené à la formation des commissions, mais leur nombre nous inquiète. De plus, quels sont les critères de qualification pour faire partie de ces commissions ? Ils vont décider et vont faire des recommandations. La question est de savoir, quelle est la légitimité de ceux qui en font partie ? Quel secteur de la société représentent-ils ? Ou pour répéter ce qu?un sénateur de l?Ouest a déclaré à l?émission du samedi de la radio canadienne CKUT, que Préval a garni ces commissions de gens qui pourraient, s?ils n?étaient pas membres de ces commissions, être des voix discordantes et gênantes. Est-ce une façon très astucieuse, mais peu élégante de leur fermer le bec ? Ce n?est pas étonnant qu?ils aient accepté sans pudeur ou par peur à devenir membres de ces commissions. Certaines élites, pour faire taire leur conscience, se plaisent à se répéter continuellement la même rengaine depuis 200 ans : « Nous laide men nous là !»
Est-ce une nouvelle tactique pour soumettre au parlement des tas de recommandations faites par ces commissions, dont le volume doit à dessin ankyloser sa capacité d?absorption, mettre en exergue son disfonctionnement et justifier sa mise au rancart.
La question est de savoir est-ce que la commission constitutionnelle va recommander dans ce cas, le remplacement ou l?amendement de la Constitution de 1987 ? Mais si, comme on l?entend venant de différents secteurs proche de l?Exécutif et même d?autorités législatives, que les élections du 19 avril 2009 n?auront pas lieu, comment logiquement l?Exécutif pourrait-il soumettre des amendements à un parlement, dont le Sénat n?a plus une majorité de 2/3 ? La proposition d?amendements venant de l?Exécutif présuppose que les deux chambres du parlement remplissent les conditions qui les mettent en mesure d?en faire la déclaration.
Préval voulant imiter ses collègues sud-américains, veut s?engager dans un bras de fer contre une Constitution qui depuis 22 ans constitue l?unique rempart contre la présidence à vie. Voyant venir la fin de son pouvoir politique, Préval est prêt à tout, même suivre l?exemple des adeptes de la révolution bolivarienne.
Le contexte est absolument différent en Haïti. De faite la situation haïtienne est diamétralement opposée à celle de ses collègues sud-américains. Nous avons déjà fait pendant 30 ans cette expérience exécrable. Et nous l?avons rejeté. Cette Constitution qu?il veut remplacer est précisément rédigée avec la détermination absolue de protéger la nation haïtienne contre les embûches de la présidence à vie. Ce qui nous inquiète le plus, les 9000 paires de bottes de la Minustah vont-elles accepter à servir de garde prétorienne à un régime ouvertement dictatorial, qui installe la présidence à vie ?
Cette jeunesse qui n?a jamais connu les cauchemars de la présidence à vie, acceptera-t-elle à se laisser leurrer par Préval dans cette aventure ? Pour nous Haïtiens qui avons vécu ce type de régime, la présidence à vie n?a rien de révolutionnaire, rien d?attrayante. Pour protéger son avenir, cette jeunesse se doit de protéger cette Constitution qui a protégé son pays pendant 22 ans.
Sénateur Rudolph H. Boulos, 22 Février 2009