Originally: Themes d’Emission de la Semaine
Malgré l?évidence criarde des problèmes de fond tels que, le cri d?alarme des émeutes de la faim, plus de 70% de taux de chômage, le déclin substantiel du taux de croissance économique, l?effondrement évident des structures macro-économiques, la recrudescence du rapt, la pérennisation asphyxiante de l?insécurité et, dans 15 jours, le cauchemar des mères de famille, la rentrée des classes ; On n?a pas simplement l?impression, mais bien la certitude que ce soit le cadet des soucis de Préval et de son équipe. La ratification du premier ministre et surtout la formation du nouveau cabinet ministériel, remplissent l?avant-scène politique. Et sont l?unique préoccupation de nos gouvernants à l?exclusion de tout le reste. En d?autres termes, le partage du pouvoir voilà de fait la priorité pour tous nos acteurs politiques. Voilà ce qui sous-tend vraiment la crise ministérielle.
Si certains ont l?impression que l?on est entrain de tourner la page, ce n?est pas pour aller de l?avant, mais pour régresser. C?est le marché de dupe de l?accord du 6 mars 1999 entre l?Espace de Concertation et Préval, qui se répète. Sachant qu?en peu de temps il allait se débarrasser des ministres de ce regroupement politique, Préval avait refusé de signer l?accord du 6 mars. C?est Robert Manuel qui enfin l?avait signé. Aujourd?hui c?est le pacte de gouvernabilité que Préval refuse de signer, en apostrophant Victor Benoît. C?est le premier ministre désigné, qui selon Préval, doit prendre l?engagement.
Certes, le cadre politique est différent. On a aujourd?hui un parlement fonctionnel. La crise ministérielle reflète plutôt la faiblesse du gouvernement et non sa force. Pour Préval cette situation ne sera que de courte durée. Il faut remarquer qu?il fonce tête baissée vers la tenue d?élections sénatoriales à la fin de l?année 2008. Il escompte pouvoir les confisquer pour en faire une sélection et se doter de 12 sièges sénatoriaux. Si la topographie politique change drastiquement en sa faveur, grâce à cette sélection ; Qui pourra l?empêcher de se débarrasser des ministres de ces partis politiques ? Force est de constater et surtout de comprendre que c?est un pouvoir faible qui n?est protégé que par la politique conservatrice du « devil you know ». N?ayant pas pu récupérer la base politique qui l?avait catapulté au pouvoir, il n?a pas su non plus jusqu’à présent, se créer une base politique qui lui soit propre. Mais il veut, malgré tout, gérer la consolidation de son pouvoir en exploitant à fond et même abusivement, le présidentialisme traditionnel, pour confisquer à tout prix la machine étatique. C?est à partir du contrôle totalitaire de cette machine étatique que s?imposera la puissance du pouvoir prévalien. Ce n?est pas étonnant que Préval ne se soucie pas de problèmes de fond. La légitimité diffuse et la légitimité spécifique sont le cadet de ses soucis. C?est la politique en tant qu?instrument et moyen de gestion et de contrôle de l?appareil étatique pour le maintien, la consolidation et l?imposition de son pouvoir personnel qui importe. Le reste est secondaire.
Cela ne veut pas dire pour autant que cette politique égocentrique et isolante, qui se concentre exclusivement sur sa consolidation et sa propagation au sein de l?appareil étatique, soit absolument invulnérable. Loin de là. Elle a son talon d?Achille, qui lui est inhérent. Gérant les affaires du pays le plus pauvre de l?hémisphère, ignorer totalement les problèmes de fond d?un peuple à bout de souffle et aux abois, laissant les interventions humanitaires aux soins exclusifs de l?étranger (ONG), n?ayant aucun programme social substantiel, manifestement associé au gouvernement, lié à une volonté politique convaincante d?intervenir en faveur des gouvernés et des plus vulnérables en particulier ; L?exclusion délibérée de ces interventions sociales impératives, constitue non-seulement un point évident de faiblesse de cette politique, mais elle comporte en elle, le germe fatidique de sa destruction.
Quand, pour avoir une vue d?ensemble et développer une meilleure compréhension, on prend un certain recule par rapport à la crise ministérielle, quelque chose soudainement apparaît, qui se met immédiatement en exergue. C?est le vrai élément de blocage. C?est dû à la nature dissymétrique du pouvoir. C?est dû à la prépondérance de l?autorité de Préval par rapport aux autres acteurs. D?ailleurs qui est en possession de ce que l?on convoite ? Qui est en train de solliciter ? C?est non seulement la réticence viscérale, mais surtout l?entêtement inflexible de Préval contre la répartition incontournable des postes ministériels aux partis politiques. Il est allé jusqu’à l?usage de grossièretés à l?endroit de Victor Benoît, un chef de parti politique. Perplexe, on est bien obligé de se poser la question : Est-ce que Préval veut vraiment de ce premier ministre ? Pourquoi insiste-t-il à faire traîner la crise, malgré les fortes pressions internationales et celles de l?oligopole ?
Quant aux élections ou plutôt les sélections vers lesquelles Préval se précipite, il nous faut comprendre que c?est pour la première fois que Préval s?aventure dans une telle gestion, sans la tutelle d?Aristide et sans l?aide de sa base. Ces sélections ont deux aspects distincts, politiques et psychiques. Si Préval réussit à confisquer les 12 sièges sénatoriaux, d?une part, politiquement il se donne automatiquement, à partir de sa majorité au Sénat, un droit de veto sur le parlement, mais pas la capacité de forcer l?adoption à volonté de ses dictats politiques. De l?autre, l?effet psychique et le plus important, ce sera la consécration irréfutable de sa capacité de pouvoir confisquer l?appareil étatique. Ce sera aussi autant pour lui, que pour ses compétiteurs, la confirmation de sa capacité d?imposer sa volonté politique.
Réciproquement, s?il ne réussit pas à confisquer les 12 sièges sénatoriaux, sa faiblesse sera proportionnelle au nombre de sièges qu?il aura perdu. L?effet psychique, dans ce cas, dépassera de mille coudées, l?effet politique, tant pour lui que pour ses compétiteurs. Cependant ayant le dos au mur, cet échec le poussera à l?extrême pour la confiscation des sélections de novembre 2009. Il faudra, dans ces conditions, s?attendre à n?importe quoi. Il sera dans un « Do or die situation ».
Préval et ses acolytes ne se contentent pas seulement de vouloir régresser pour reprendre le marché de dupe du 6 mars 1999. Préval l?antimilitariste viscéral qu?il est, n?hésite pas avec ses acolytes à vouloir retourner à l?époque de la « Constitution à la carte » du régime militaire en 1992, la réduction du quorum sénatorial. La Constitution ne saurait prévoir un article concernant un élément aussi important que la notion de majorité au sein des deux chambres du parlement, pour permettre que le quorum dans chacune des Chambres, soit augmenté ou réduit au gré des circonstances. S?il en est ainsi, les notions de fragilisation du quorum et de disfonctionnement d?une chambre, faute de quorum, n?auraient aucun sens.
Ce qui est manifestement paradoxal, c?est le fait que ce sont ceux qui en 1992 ont protesté énergiquement contre cette violation constitutionnelle qu?ils ont eux-mêmes dénoncé et étiqueté de « Constitution à la carte ». Mais qui aujourd?hui veulent faire jurisprudence de cette même violation. Ils veulent réduire le quorum du Sénat. On peut comprendre qu?il soit de la nature des paléo, crypto et néo-lavalassiens de faire flèche de tout bois en toutes circonstances, pourvu que ça sert leurs intérêts. Mais, revenir et adopter ce qu?ils avaient ostensiblement et sans équivoque rejeté et condamné comme violation constitutionnelle en 1992, pour vouloir aujourd?hui en faire jurisprudence, nous oblige à poser des questions : Ont-ils un sens d?intégrité ? Et pire, quand il s?agira pour Préval de faire en sorte qu?il se succède à la présidence, que ne fera-t-il pas ? Haïti est en train d?avancer vers des jours sombres ! Manman pitite marer vente !