Originally: Themes d’Emission de la Semaine
Thèmes de l?Emission de la semaine
Orlando le 18 Juillet, 2008
Actualités Politiques : Grandes Lignes
Quand on compare les réactions, tant en Haïti qu?en Diaspora, à la désignation d?Ericq Pierre et de Robert Manuel, à celle de Michèle Pierre-Louis, la différence est frappante. On a une polarisation instantanée, avec des lignes de démarcation, pas toujours claires, mais avec une intensité à vous couper le souffle. La tension était telle, qu?elle a ralenti substantiellement le processus de confirmation. Entre les vrais acteurs, les vrais protagonistes, les rencontres et les négociations se sont multipliées. Témoignant d?un certain durcissement et même d?une certaine polarisation, dans le secteur du pouvoir, particulièrement au sein du parlement entre différents regroupements et intérêts politiques.
Les passions surchauffées à blanc dans les deux camps, ont tout bousculé, remplissant l?avant-scène politique. Quand on cherche à comprendre l?intensité de l?intervention brusque des secteurs qui se sont lancés spontanément pour défendre littéralement du bec et des ongles le premier ministre désigné, on se rend compte du fait, qu?à cause de la pluralité sectorielle, ce lever de bouclier n?est ni monolithique, ni d?intérêt unidimensionnel.
Elle a milité pendant très longtemps en tant que femme de terrain dans divers secteurs, plus particulièrement au sein du secteur au pouvoir. On dira judicieusement que ce ne soit pas exclusivement ce secteur qui se soit lancé à sa défense. Certes, elle a milité dans les secteurs féminins et féministes, ainsi que dans le secteur littéraire et les ONG etc. Alors que pour ces secteurs, c?est une question d?amitié, de solidarité et d?affinité idéologique et doctrinale. Pour le secteur au pouvoir, elle représente autre chose. Elle est sa carte d?atout. Certains croient et disent sa dernière chance. Peut être pas. Mais on sait qu?elle était tenue en réserve par ce secteur au pouvoir, pour un autre rôle. C?est ce qui explique que l?effort a été plus substantiel, plus intense dans ce secteur au pouvoir.
Face au risque de la brûlée, qu?est-ce qui a forcé le secteur au pouvoir à la décacheter avec autant de force ? Evidemment, le choix d?un premier ministre qui ne serait pas de leur sérail, aurait été pour eux, une catastrophe, avec des conséquences incalculables. Tous ceux qui la connaissent, savent, que malgré ses relations étroites avec le pouvoir, de 1991 à nos jours, elle n?a jamais voulu accepter de poste d?avant-scène politique. Le corollaire, pourquoi maintenant ? Elle vient de perdre, par coïncidence, le financement de FOKAL, sa principale ONG. Après 6 ans, Open Society Institute de Georges Sorros a décidé de mettre fin au financement de cette ONG. Il semble que les résultats obtenus en Haïti étaient très médiocres par rapport au financement global. L?une des fonctions du premier ministre étant la gestion des deniers publics, un tel dossier ne devrait-il pas logiquement faire l?objet d?une enquête préalable à sa ratification par le parlement ?
L?entourage rapproché de Préval réalise, que pour le maintien et la protection des monopoles dont il jouit, il est impératif que le premier ministre soit de leur clan. Il faut se rappeler que ce clan tourne aux abords du pouvoir depuis le premier mandat de Préval et pour certains, même avant. Dans cet entourage se trouvent les hommes les plus riches et les plus puissants du territoire. L?intensité avec laquelle ils s?acharnent à vouloir obtenir par tous les moyens la confirmation de ce premier ministre désigné, est proportionnelle aux risques qu?ils courent. Ils tirent sur toutes les ficelles. Ils ne laissent rien au hasard. Ils frappent littéralement à toutes les portes. Ils incitent tous les secteurs sympathiques à se manifester. Même le milieu diplomatique a usé de pression. Ils font de la pression directement et individuellement sur les parlementaires des deux chambres. Préval a personnellement appelé individuellement chaque sénateur pour solliciter leur vote. Avec la nuance, qu?il a attendu jusqu?à la dernière minute pour le faire. Les observateurs avisés sont tous d?accord, que ce retard est dû à une volonté politique de Préval d?obtenir l?affaiblissement maximal du premier ministre désigné.
Si la politique est un jeu, un débat et un combat. Et aussi l?art de l?accommodation entre le désirable et le possible. Aujourd?hui, c?est plutôt le combat qui est lancé pour vaincre. Il ne faut pas se tromper, si à la surface ils veulent montrer des dispositions à la négociation. En d?autres termes, s?ils semblent vouloir pratiquer l?art de l?accommodation entre le désirable et le possible. L?importance des enjeux, ne leur permet pas de négocier de bonne foi. Ils ont trop à perdre.
Il faut aussi comprendre qu?aux intérêts financiers et commerciaux s?ajoutent les intérêts de pérennisation du pouvoir politique qui doivent garantir la continuité du monopole des privilèges et prérogatives politiques dont jouit ce secteur au pouvoir. Il faut bien comprendre même quand la pression ne vient pas uniquement du secteur au pouvoir, cependant l?intensité et le maintien de cette pression sans cesse croissante, est suscité par lui. Il est aussi clair maintenant, que pour satisfaire l?ambition de Préval de nommer son successeur, les élections de novembre 2009 deviennent un point névralgique, incontournable. Pour réaliser son rêve, il doit contrôler tout le mécanisme étatique pour garantir sa victoire aux élections présidentielles de novembre 2010. Prévale est obligé en vérité de confisquer les élections de novembre 2009. C?est de fait une condition sine qua non pour son succès.
Pourquoi les élections de novembre 2009 sont aussi cruciales pour Préval et son entourage ? Parce que tous les postes électifs à l?exception de la présidence seront renouvelés aux élections de novembre 2009. Tous les mandats aux postes électifs, excepté la présidence arriveront à leurs termes :
-Les 2/3 du Sénat,
-Tous les députés de la 48e législature,
-Et enfin toutes les autorités locales.
C?est pourquoi depuis des mois, Préval et les neuf conseillers du CEP se réunissent très souvent au palais national pour considérer et déterminer qui seront sélectionnés, comme sénateurs, comme députés, comme maires et assesseurs et enfin comme CASEC. C?est à la base, les sections communales et les municipalités que se gagnent et se perdent les élections. Evidemment Préval n?est pas à son coup d?essai. Il a déjà géré la confiscation des élections du 21 mai 2000. Avec la nuance, qu?il est maintenant conscient du fait que c?est l?échec de ces élections confisquées par lui et Alexis, avec un CEP qu?ils ne contrôlaient pas suffisamment, qui ont causé l?érosion, puis l?effondrement du gouvernement d?Aristide II. Le corps législatif tel qu?il est organisé et qu?il fonctionne aujourd?hui sera remplacé dans sa totalité. Depuis son premier mandat, Préval a développé une méfiance viscérale envers les parlementaires. Préval ne veut que des hommes à lui, à tous les échelons de la machine étatique.
Ayant franchi la première étape aux deux chambres, Michèle Pierre-Louis aura à franchir celle de la présentation de sa politique générale et la formation de son cabinet ministériel. C?est là, que les marchandages ont eu lieu pour Alexis. A-t-elle déjà marchandé, ou va-t-elle le faire à cette étape ? Peu importe, les marchandages auront lieu bon gré malgré, parce que le parti de Préval n?a pas la majorité aux deux chambres. Ce n?est un secret pour personne que Préval ne veut plus d?un gouvernement de coalition. Il faut bien se rappeler que pour Préval, il ne s?agit pas seulement de la notion de dissymétrie du pouvoir politique, mais de l?omnipotence absolue de son pouvoir présidentiel. Aura-t-on pour la seconde étape, un jeu de dupe, ou un bras de fer. J?opte pour le premier. Préval n?ayant ni pudeur, ni froid à l??il. N?a-t-il pas pris le risque de forcer intentionnellement la fragilisation du quorum du Sénat par la mise en caducité d?un tiers du Sénat ? La communauté internationale, n?a-t-elle pas entériné cette action délibérée contre une institution démocratique ? Dans cette conjoncture opposant le législatif et l?exécutif, Préval ne s?est-il pas déjà procuré d?un bouc émissaire, le parlement. Compte tenu de la politique du «the devil you know » qui porte le grand frère à s?accrocher aussi longtemps que possible à la présidence ; Dans l?hypothèse d?un troisième échec, à la seconde étape, Préval ne sera-t-il pas tenté, dans cette conjoncture exceptionnelle, de faire d?une pierre trois coups :
-Suspendre la Constitution, source de déstabilisation, dit-il.
-Dissoudre le parlement diabolisé en tant qu?élément de blocage, par lui.
-Circonvenir la ratification d?un premier ministre, handicape à son omnipotence.
-Garantir, pas la présidence à vie, mais le pouvoir à vie, avec alternance présidentielle, selon le model lavalassien.
Force est de comprendre et surtout d?accepter que d?ici le 4 novembre 2008, la date des élections présidentielles aux Etats-Unis, c?est la fenêtre d?opportunité que Prévale peut, à sa guise, abuser impunément. Les Républicains n?ont d?intérêt, pendant cette période électorale, que dans le maintien du statu quo à tout prix. D?ailleurs l?allocation substantielle de fonds, faite par la communauté internationale n?est-elle pas pour parer à la tension qui traditionnellement augmentera à la rentrée des classes ? L?approche caritative pour produire l?effet instantané de palliatif d?apaisement, n?est-elle pas pour garantir ce sursis ? Pour le nouveau premier ministre et pour Préval, mis à part le sursis d?un an que l?article 129.6 de la Constitution leur accorde, si les Démocrates gagnent, la période de sursis va se prolonger jusqu’au début de juin 2009, les 100 jours de lune de miel, pour la période de passation du pouvoir aux Etats-Unis.
Compte tenu du chaos du premier mandat de Préval et de la catastrophe de la première moitié de son second mandat, dans cette atmosphère de méfiance, de réserve, d?interrogation et d?inquiétude, la question maintenant est de savoir, d?une part, au seuil de la seconde moitié du second mandat de Préval que va-t-il apporter de positif à un peuple endolorie, à bout de souffle et aux abois ? De l?autre, malgré la politique du «the devil you know », qui par défaut fait de la Minustah la protectrice involontaire de la cause du mal national, que faire pour sortir de ce gouffre pour détourner cette stratégie machiavélique de Prévale et de son entourage, la pérennisation du régime prévalien ?