Originally: Themes d’Emission de la Semaine
Thèmes de l?Emission de la semaine
Orlando le 11 Juillet, 2008
Actualités Politiques : Grandes Lignes
Bonsoir chers auditeurs. Vous écoutez sur les ondes de Radio Classique Inter, l?émission Actualités Politiques, Grandes lignes, animée par Robert Bénodin.
Nous avons avec nous, sur les ondes de Radio Classique inter, James Morrell directeur exécutif de projet d?Haïti Democracy Project. Le sujet, l?entretien sur la crise haïtienne organisé par le Center for Strategic and International Studies (CSIS) et l’Inter-American Dialogue.
Les intervenants officiels à cette conférence du CSIS, ont été :
- La modératrice Johanna Mendelson Forman
- L?ambassadeur d?Haïti auprès des Etats-Unis, Raymond Joseph
- Le directeur de staff du sous-comité des relations étrangères pour la chambre basse du Congrès américain, chargé des affaires de l?Hémisphère occidental, Jason Steinbaum
- Le directeur du programme caraïbéen (dialogue interaméricain), Dan Erikson
James Morrell, nous vous souhaitons la bienvenue sur les ondes de Radio Classique Inter.
RB : Johanna Mendelson, dans son introduction, a mis l?accent sur les axes principaux de cet entretien, les émeutes de la faim et sa conséquence exceptionnelle, la destitution du premier ministre.
Vous avez assisté et participé à cet entretien organisé par le CSIS au début de ce mois.
Quel était le but réel de cet entretien ?
JM: Les deux groupes de réflexion, CSIS et Inter-American Dialogue ont couvert Haïti depuis un long moment. En février dernier, le CSIS a présenté le leader du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en Haïti. En avril, il a programmé Hedi Annabi, chef de mission à l’ONU. Ceci a été annulé quand Annabi a du retourner précipitamment en Haïti pour affronter la crise. Compte tenu de la gravité de la crise, les deux groupes de réflexion ont estimé qu’il était temps de reprendre la couverture médiatique.
A l’exception du modérateur, les intervenants étaient l’ambassadeur d’Haïti, le directeur du personnel d’un sous-comité du Congrès et un représentant de l’Inter-American Dialogue. La tâche de l’Ambassadeur était de présenter son gouvernement sous le meilleur jour possible, ce qu’il a fait fort adroitement. Le représentant du Congrès a déclaré qu’il éviterait les questions politiques haïtiennes. S’il y avait quelqu’un parmi les intervenants qui avait la possibilité de s’attaquer au phénomène politique qui pourrait étayer à la fois, les émeutes de la faim et l’impasse gouvernementale, ce serait Dan Erikson de l’Inter-American Dialogue.
Parmi les invités, il n’y avait vraiment personne pour présenter le point de vue de l’intelligentsia démocratique haïtienne, qui pourrait soulever plus directement les questions d’élections manquées, la menace conséquente sur le parlement et les man?uvres souterraines pour la prochaine présidence qui sont à la base de bon nombre des phénomènes de surface. Quand on feuillette les pages de l’histoire d’Haïti, on est frappé par la nature dévorante de cette campagne pour la présidentielle et l’effet extrêmement perturbateur que cela peut avoir sur l’économie et les institutions politiques. Etant donné l’absence d’une telle perspective critique, le danger était que les intervenants n’effleurent que la surface de ces évènements et manquent la dynamique sous-jacente.
RB : Selon ce qu?a avancé Johanna Mendelson dans son introduction, êtes-vous aussi certain qu?elle, que ce gouvernement soit vraiment en position et prêt à résoudre les problèmes auxquels le pays est en train de faire face ?
JM: Eh bien, Johanna n’a pas dit que le gouvernement Haïtien était prêt à résoudre les problèmes du pays mais plutôt qu’il était prêt à aller de l’avant avec la confirmation d’un Premier ministre. Sur cette question, je suis plein d’espoir mais loin d’en être certain, compte tenu du haut taux d’échec des candidats de Préval.
RB : Ayant à l?esprit les réactions de la communauté internationale face à la nouvelle crise haïtienne, avez-vous l?impression, comme l?avait avancé Jason Steinbaum au début de son intervention, que la communauté internationale ne va pas permettre Haïti de faillir ?
JM: La communauté internationale a réalisé un investissement important en Haïti. Elle a pris à c?ur la leçon de la détérioration du milieu des années 1990 et de son départ prématuré et cette fois, elle a installé une mission importante et la maintient depuis quatre ans. On peut être d’accord avec Jason dans la mesure où des moyens ont été mis en place pour éviter toute défaillance. Toute la question est de savoir si cette capacité technique est utilisée efficacement. Puisque la souveraineté haïtienne doit être préservée, “le conducteur de la voiture reste Haïtien”. Si ce conducteur est déterminé à “quitter” la route pour les raisons historiques mentionnées ci-dessus, alors le directeur étranger de la mission doit être prêt à saisir le volant ou bien les deux pourrait être responsable de l’accident.
La “déviation” a déjà commencé pourtant il n’y a aucun signe de mesure corrective adoptée par la mission de l’ONU. Sur ce sujet, les intervenants n’ont fait aucune suggestion.
RB : Jason Steinbaum a voulu établir une différence sans distinction pour celui qui a réellement faim.
Avoir faim étant un état physique, il y a-t-il une différence pour celui qui a vraiment faim, qu?il n?ait pas accès à la nourriture à cause de la faiblesse de son pouvoir d?achat, ou de la famine ?
JM: Effectivement, il n’y a aucune différence puisque la faim est un état physique. Pour le corps humain, peu importe que ce soit un manque absolu de nourriture ou un manque de moyens sociaux qui soient la cause de la “faim”. Le corps est affaibli, ce qui le rend vulnérable à la maladie et à la mort prématurée. L’ampleur de la crise de faim est sans précédent dans l’histoire haïtienne. La dépendance à l’égard des importations étrangères dans un pays avec une telle tradition agricole est particulièrement alarmante.
Par conséquent, nous devons être très prudents avec ces formulations, de peur de communiquer involontairement une profonde inquiétude justifiée par cette situation. Certaines remarques indélicates du Président Préval ont semblé allumer le fusible des émeutes de la faim.
Lors de la conférence, il a été précisé par un membre d’ “Haiti Democracy Project” que le président et le premier ministre étaient agronomes. Pourtant ni l’un ni l’autre n’ont favorisé l’agriculture de façon significative. Plutôt que la faim, le président a pointé du doigt, la constitution avec ses limites sur le pouvoir présidentiel comme étant l’élément le plus déstabilisant à l’horizon. Clairement, les priorités du gouvernement étaient ailleurs.
RB : Qu?espérez-vous du projet de biocarburant dont parle Jason Steinbaum pour Haïti ?
JM: Ce projet parait très prometteur, encore comme indiqué plus haut dans la discussion de la mission de l?ONU, on doit être prudent en cherchant refuge appliquant des solutions techniques à des problèmes politiques. Le problème politique qui n?est pas abordé comme tel, sapera la plus efficace des solutions techniques.
RB : Selon la conclusion de Jason Steinbaum, Haïti n?est pas encore dans une crise. Elle est en train de glisser rapidement sur la pente vers la crise.
Etes-vous de cet avis ?
JM: Haïti demeure en crise. Le gouvernement est préoccupé par des questions de pouvoir tel que, comment éliminer des rivaux, enlever les gardes fous constitutionnels pour limiter le pouvoir, et fixer les résultats des élections. Ceci laisse la faim comme une question à résoudre par la charité étrangère. Jason est correcte, que la réaction internationale a été généreuse et que les Etats-Unis peuvent en être fiers. Néanmoins sans la volonté politique en Haïti de recréer la capacité agricole indigène, l?aide étrangère demeurera un palliatif.
RB : Constatant le calme apparent, Jason Steinbaum n?a pas l?impression que la marmite est en train de bouillir en Haïti.
Avez-vous la même impression ?
JM: Pour moi la situation en Haïti demeure explosive. Si quelqu?un perçoit les émeutes d?avril comme étant principalement motivées par l?économie, dans ce cas, ces facteurs économiques demeurent inchangés. Si quelqu?un les perçoit comme inspirées par la politique, dans ce cas les acteurs politiques sont toujours présents, non maîtrisés par la mission de l?ONU.
RB : L?ambassadeur Raymond Joseph déclare qu?Haïti n?est entrée en crise qu?à partir du 12 avril 2008.
Etes-vous de cet avis ?
JM: Comme un Américain d?origine haïtienne membre de Haiti Democracy Project a mentionné à la conférence, quelqu?un aura un point de vue différent de la situation, s?il visite actuellement Haïti et parle aux gens des rues dans leur langue. Ce membre a parlé aux haïtiens en août 2007 au sujet de la faim et a trouvé la situation alarmante.
Les précurseurs de la crise politique ont commencé aussi à apparaître cet été quand le gouvernement n?a pas établi les assemblées locales qui devraient nommer les membres du Conseil Electorale Permanent. Compte tenu de la diversité des partis politiques au niveau local, ceci aurait résulté en un Conseil pluraliste que le Président Préval ne pourrait pas contrôler.
Sous le leadership d?un autre membre de Haiti Democracy Project le Sen. Rudolph Boulos, une conférence conjointe du Sénat et de la Chambre des députés a été tenue à Kaliko Beach qui a résulté finalement à l?installation des autorités locales. Mais le processus n?est pas allé plus loin.
RB : L?ambassadeur Raymond Joseph a voulu banaliser et passer en ridicule l?échec des deux prédécesseurs de la nouvelle candidate à la primature.
Pensez-vous que ce jeu de dupe soit aussi simple qu?il veut le faire croire ?
JM: C?est un fait connu en Haïti : Ne croyez-pas à ce que vous entendez, mais seulement à la moitié de ce que vous voyez. Quand il s?agit de l?état civil des ancêtres, de la période de résidence en Haïti, ou d?un aspect de la vie privée de quelqu?un, on est en droit d?avoir des réserves.
L?agence de nouvelle AlterPresse a interviewé un ex-officiel haïtien :
L’ancien ministre de l’agriculture, Gerald Mathurin, actuel dirigeant de la Coordination Régionale des Organisations du Sud-est (CROS), a qualifié de « tollé mineur » cachant des intérêts inavoués, la campagne de rumeurs orchestrée contre le premier ministre désigné Michèle Duvivier Pierre-Louis.
« Il ne faut pas se laisser prendre à ce jeu ».
Mathurin affirme que « c’est l’après Préval qui se discute aujourd?hui ».
Constitutionnellement, le président ne peut briguer un troisième mandat. « Quel rôle a-t-il décidé de jouer ? Quel groupe politique va-t-il favoriser ? Telles sont les questions qui se posent », souligne-t-il.
Face à cet enjeu de pouvoir, explique Gérald Mathurin, le désaccord, la méfiance et la division se sont installés au sein de la plate-forme Espoir, sous la bannière de laquelle Préval a été élu.
Dans ce qui paraît être une « bataille entre l’exécutif et le législatif », il y a aussi des acteurs moins visibles, « des mains occultes qui man?uvrent dans l’ombre », selon Mathurin.
C’est dans ce contexte, dit-il, que se sont produits les rejets des deux précédents premiers ministres désignés (Eric Pierre et Robert Manuel). Les critères techniques évoqués par les parlementaires sont considérés comme des “prétextes” par le dirigeant de CROS.
« Tout le monde sait que ce qu‘on voit n‘est qu‘une apparence qui cache la réalité », déclare-t-il.
Cette “bataille pour le pouvoir” est qualifiée de « stérile », par Mathurin. « Dans l‘état actuel des choses, ce n‘est pas une bataille pour apporter des réponses aux problèmes de la société, mais pour contrôler les avenues du pouvoir et assurer sa réussite personnelle », opine l‘ancien ministre.
RB : L?ambassadeur Raymond Joseph a voulu faire croire que les émeutes de la faim n?avaient ni fond de vérité, ni légitimité. Alors que Jason Steinbaum vient d?admettre qu?à sa visite en Haïti, il a constaté que les plus vulnérables, n?ont pas accès à la nourriture, faute de pouvoir d?achat.
Qui est en train de tromper qui ?
JM: Qu?il y ait eu un élément important de spontanéité et de légitimité à ce soulèvement on ne peut pas s?en douter. De loin, il parait que les masses haïtiennes étaient en train de battre au fléau des réalités économiques inexorables ? la flambée des prix sur le marché international. Mais on doit accorder plus de crédit aux Haïtiens pour leur capacité de reconnaître la situation dans laquelle ils sont et leurs efforts pour l?améliorer. Ils ont pu d?une manière détecter ce que la communauté internationale n?a pas pu, que les priorités de Préval étaient autre part. Ils ont bien compris que quand les prix des commodités ont augmenté brusquement, que l?homme qu?ils avaient élu, n?a rien fait pour eux. Ils ont réagi en conséquence.
RB : Croyez-vous que les émeutes de la faim, comme le prétend l?ambassadeur Raymond Joseph, ont eu lieu pour provoquer le départ de la Minustah ?
JM: Je ne vois aucune raison de douter de l?important élément de réaction spontanée face à la hausse cruelle des prix des produits de première nécessité et la passivité du gouvernement face à la crise. Maintenant il ne s?agirait pas d?Haïti si certains individus ne chercheraient pas à exploiter cette énergie pour leurs intérêts personnels. L?ambassadeur Joseph était correct de noter que la Minustah a géré la situation sans tirer sur personne et ceci est au crédit de la mission.
RB : En constatant dans la réalité la coïncidence, du conflit intense qui a existé depuis quelque temps entre Prévale et Alexis, l?infiltration manifeste des émeutes de la faim par des agents qui ont voulu en augmenter la violence, que les sénateurs ont été séquestrés dans un hôtel la veille de l?interpellation du premier ministre pour éviter toute défection, et enfin le fait que ce soit seul en Haïti, que les émeutes de la faim aient causé la destitution du premier ministre ;
N?y a-t-il pas lieu de croire que Prévale a laissé pourrir la situation pour se débarrasser d?Alexis ?
JM: Nonobstant, l?important élément de spontanéité, il serait quelque chose de rare en Haïti, si aucun acteur politique ne chercherait pas à exploiter cette énergie dans le but d?acquisition, de retient ou de regain de pouvoir présidentiel. Au cours des manifestations, il a été rapporté partout que les partisans d?Aristide, tels que Rév. Gérard Jean Juste ou Annette Auguste circulait parmi la foule cherchant à introduire des slogans pour le retour d?Aristide et contre la Minustah. Il n?y a pas de reportage de journaliste jusqu’à présent attestant que Préval a provoqué les émeutes pour se débarrasser d?Alexis. Qu?Alexis serait en train de se préparer pour briguer la présidence, que Préval voulait se débarrasser de lui, qu?il s?est plaint au sujet de la Constitution limitant son pouvoir de le révoquer, tout ceci a été vérifié mais pas plus. Une telle man?uvre de la part de Prévale ne serait pas inconsistante avec une détermination brûlante d?éliminer un rival. Mais il serait une man?uvre hautement suicidaire qui aurait affaibli sa présidence de manière fondamentale.
RB : L?ambassadeur Raymond Joseph a réitéré en mainte fois, au cours de l?entretien, que la décision de répartir les votes blancs, est ce qui a consacré la légitimité du pouvoir de Préval.
Savez-vous que cette répartition au prorata des votes blancs, pour prévenir le second tour, est en violation de l?article 134 de la Constitution de 1987 et de l?article 185 de la loi electorale de 2005 ?
JM: Oui, c?était une violation de la loi électorale haïtienne. A ce moment là, j?étais à Port-au-Prince participant à la mission d?observation électorale de Haiti Democracy Project pour le 7 février 2006. J?ai soulevé ce point avec un des conseillers importants de Préval, à la mission de National Democratic Institute en Haïti et avec l?ambassadeur américain. Je me rappelle bien de l?énorme problème que cette question avait causé en Haïti aux élections de 1997, et comment d?autres irrégularités de décomptes ont vicié les élections législatives de mai 2000. Je suis aussi opposé au fait de céder aux pressions de la populace qui a été provoqué par des rumeurs de fraudes massives, insinuées par Préval. Ayant administré une mission d?observateurs étrangers de 15 personnes qui a constaté beaucoup de confusion administrative mais pas de fraude, J?ai bien su que ce qu?Haïti avait accompli était remarquable le 7 février, et que les charges de fraude n?étaient pas fondé.
Conséquemment, l?ambassadeur Preeg, le président de Haiti Democracy Project et ex-ambassadeur américain en Haïti et moi avions émis une déclaration rejetant la manipulation illégale du décompte pour donner l?avantage à Préval. La mission de l?International Foundation for Elections Systems dirigée par l?éminent professeur Edward Joseph de Johns Hopkins University expert en élection a fait de même. Cependant les gouvernements sud-américains présents et dont les troupes auraient à affronter la populace pro-Préval ont opté en faveur de la manipulation. Les Etats-Unis, le Canada et les Européens ont emboîté le pas. Une mission électorale fondée lourdement par le gouvernement canadien a fait de même.
Ambassadeur Preeg et moi avons décidé dans la même déclaration de reconnaître la légitimité des élections de Préval bien que déviant de la loi, du fait qu?il avait amassé 48% des voix contre 11% de son rival le plus rapproché. Il pourrait aisément gagner au second tour. Nous avions voulu qu?Haïti ait enfin le bénéfice d?un gouvernement légitimement élu, pour tacler les tâches difficiles qui vont se présenter.
Avec le temps le coût de cette manipulation est devenu de plus en plus clair. La première perte a été la démission de la brillante Mirlande Manigat qui a été élu sénateur pour le Département de l?Ouest. Elle a démissionné en solidarité admirable avec son mari Leslie Manigat de qui on a ravi l?opportunité de maintenir sa candidature en vie pour concourir contre Préval dans un second tour légalement requis. Comme résultat le Sénat a été privé peut être de son membre le plus illustre ?une des figures incorruptibles, verticales et compétentes qu?Haïti peut offrir. Comme les travaux du Sénat attestent en maintes occasions, elle lui a gravement manqué.
Le second et le pire, c?est l?effet que cela a eu sur Préval lui-même. Amené de Marmelade à Port-au-prince par hélicoptère pour calmer la populace, Préval se trouve consacré comme l?homme indispensable. Il a le support inconditionnel de la communauté internationale même si ça signifie violer la loi ça et là. Il empocha la leçon pour exploitation future.
RB : Etes-vous d?accord avec la conclusion de l?ambassadeur Raymond Joseph, qu?en Haïti la Démocratie est en train de progresser et qu?Haïti est en train de faire face à de nouvelles formes de crise ?
JM: Notre organisation, Haiti Democracy Project, s’est juste efforcée d’aider Haïti à maintenir ses acquis démocratiques de 2006. En septembre 2007, devant la preuve que le fondateur de notre projet, le sénateur Boulos aidait à organiser les élections, l’administrateur Jacques Bernard a comparu devant le sénat haïtien.
Bernard était l’homme qui a eu le plus de responsabilité lors de la création de la machine administrative qui accompagna Haïti à travers trois bonnes élections en 2006 jetant ainsi les fondements pour le redressement d’Haïti et sa prospérité future.
Au sénat, Bernard a témoigné que si le gouvernement haïtien commençait maintenant, en septembre, il serait toujours temps de tenir les nécessaires élections sénatoriales avec la commission électorale existante et de maintenir le sénat au complet. Des fonds étrangers pour les élections étaient disponibles.
N’obtenant aucune réponse du gouvernement haïtien, le sénat a envoyé en octobre une délégation officielle de cinq membres à Washington dirigée par le vice-président du sénat, la Sén. Edmonde S. Beauzile qui entre autre chose, a plaidé en faveur de l’appui des Etats Unis.
“Haiti Democracy Project” s’est chargé de cette mission. D’autres délégations ont suivi et sont allés à Ottawa et au Mexico City.
Cette démarche ainsi que la pression de l’opinion publique haïtienne ont au moins porté Préval à s’intéresser au problème. Il a écarté l’actuelle CEP et en a formé un nouveau, de gens n?ayant aucune expérience dans le domaine électoral, mais qui sont bien imprégné de loyauté envers lui. Pour compenser ce manque de compétence, il a reconduit Jacques Bernard en tant qu’administrateur.
Comme condition pour accepter cette responsabilité non rémunérée, Bernard a insisté pour que les statuts qu’il avait rédigés et qui ont mené Haïti à trois élections couronnées de succès, restent inchangés. Apparemment, Préval était d’accord. Un mois plus tard, il envoya une nouvelle version supprimant totalement l’autorité de Bernard. Celui-ci ne pourrait pas diriger les dispositifs destinés à prévenir la fraude mais il pourrait rester et prêter son nom au processus. Bernard démissionna le jour même.
Toutes ces manigances ont créé une quasi certitude parmi les hommes politiques de l’opposition haïtienne que Préval avait l’intention d’utiliser le CEP trié sur le volet, sans la crédibilité de Bernard, pour manipuler les résultats.
Sans aucune élection pour le sénat en vue, en janvier 2008, le sénateur Boulos aida à bâtir un compromis par lequel un tiers du sénat dont les mandats étaient techniquement expirés, restaient en place pour cinq autres mois.
Maintenant, Boulos va payer personnellement le prix pour ces travaux démocratiques. Il avait lutté pour créer le Conseil Electoral Permanent, fait programmer des élections au sénat, maintenir le sénat complet en session. Il a également mis le gouvernement en garde contre la prochaine crise alimentaire, en l?invitant à réduire la taxe sur le riz, à reprendre les microcredits, et à rendre disponible les intrants agricoles aux fermiers. Toutes ces activités ont attiré l’attention désobligeante du Président Préval. Comment un simple sénateur pourrait-il remettre en cause le leadership d’un président confirmé indispensable par la communauté internationale ?
La première initiative de Préval a été de lancer une campagne de rumeur contre le sénateur. Celle-ci s’est répandue comme des champignons lors d’une campagne personnellement orchestrée par Preval pour faire expulser le sénateur Boulos pour de fausses raisons de double nationalité.
Selon la loi haïtienne, les problèmes de nationalité sont du ressort de la justice, le sénat ne peut pas non plus expulser un membre à moins que ce membre ait été dûment condamné par une cour de justice. Mais Préval savait par son expérience de Février 2006 qu’un petit problème de loi ne va pas le retenir. Le 18 mars 2008, il obtint du sénat le vote de la résolution. Boulos dans une situation dangereuse, a verbalement démissionné, quitta le pays. Il a cru qu’il pouvait être jeté en prison d’où il ne ressortirait pas vivant. Effectivement, un mandat d’arrêt avait été préparé. Plus tard, l’information a révélé que la méthode employée aurait été de lui administrer des injections pour provoquer un coma diabétique.
Au moment de ces magouilles, Boulos était vice-Président du Sénat.
Une fois en sécurité, Boulos a insisté sur le fait que sa démission verbale avait été donnée sous la contrainte, qu’il n’avait pas démissionnée par écrit, et donc il est resté sénateur. Le sénateur Beauzile a exhorté le sénat à reconsidérer sa résolution.
Le tribunal de Fort-Liberté a ensuite jugé que le sénateur Boulos avait été injustement et illégalement privé de son siège. Un certain nombre de sénateurs ont fait part de leur volonté de réexaminer l’expulsion.
Avec l’épisode de Boulos, les menaces abstraites contre des institutions démocratiques telles que des élections et le parlement ont transformé leur escalade inévitable en menaces physiques contre des personnes, exactement comme sous Aristide.
RB : Etes-vous d?accord avec Dan Erickson, que de février 2006 à nos jours Haïti a fait des grands progrès dans le domaine de la stabilité politique et économique ?
JM: De toute évidence, la démocratie en Haïti régresse depuis l’été 2007 après avoir fait de remarquables progrès durant les années 2004 – 2006.
Qu’est-ce qui a été révélateur de la réponse internationale à ce phénomène a été sa sélectivité. Deux délégations sénatoriales haïtiennes se sont rendues à Washington pour solliciter son soutien en faveur de la tenue des élections sénatoriales nécessaires. Jacques Bernard a publié un rapport public exposant en détail les pressions qui l’ont forcé à démissionner, et a répété ces faits aux conseillers du Congrès américain. Le vice-président du sénat a été forcé de fuir pour avoir la vie sauve. Mais c?est seulement que quand Haïti a été privé d’un premier ministre, et que la perspective d’un siège indéfiniment vide, s?est présentée, comme au cours des années 90, que les Etats-Unis ont protesté contre Preval.
Mais pour celui qui est en train d’étudier Haïti, tous ces phénomènes, que ce soit le refus d?avoir un CEP permanent, ou le refus d’organiser une élection sénatoriale, la création d?un nouveau CEP contrôlé, l’expulsion du vice-président du sénat, ou la destitution d?un premier ministre, l?incapacité de pouvoir en confirmer un nouveau, tous ces sous-ensembles sont de la même catégorie. Ils sont, selon les mots de Gérard Mathurin, tous les expressions d’une même «bataille pour contrôler les voies du pouvoir et assurer sa réussite personnelle. »
RB : Juste après avoir mentionné les progrès en matière de stabilité politique Dan Erickson admet qu?Haïti est continuellement en crise et que ce soit de sa nature.
Comment expliquez-vous cette contradiction ?
JM: Eh bien, Dan serait probablement le premier à reconnaître la contradiction, qui a été résumée dans le titre d’une excellente étude de 2007 de l’Inter-American Dialogue : «Haïti: de réels progrès, réel de fragilité.” Connaissant bien Haïti, Dan n’était pas certain de garantir l’irréversibilité des progrès. En fait, tous les étudiants sérieux d?Haïti devront s’emparer du problème : comment se fait-il qu’Haïti puisse réaliser les élections de 2006 et instituer un gouvernement légitime, pour retomber dans la menace habituelle des élections truquées, la menace de changement constitutionnel pour permettre des mandats successifs, l’érosion du Parlement, la persécution des opposants politiques, et le vide gouvernemental?
C’est un problème pour “Haiti Democracy Project” au dessus de tous les autres. Comme nous l’avions préconisé depuis 2002, ce qu’Haïti avait le plus besoin, c’était d’une élection libre, par laquelle l’action des électeurs pourrait accorder le précieux cadeau de la légitimité au gouvernement d’Haïti, et ainsi jeter les bases du redressement et de la modernisation. Nous avons obtenu ce que nous avons demandé, mais cela n’a pas apporté le résultat escompté.
La seule réponse que nous pouvons trouver, pour nous sauver de cette contradiction, est de continuer à tenir des élections jusqu’à ce que l’intelligentsia démocratique haïtienne envoie une brochette de candidats qualifiés intègres et capables – ce qu’Haïti possède à la fois dans le pays et dans la Diaspora – et que les électeurs auront le besoin de les choisir. Quand on se souvient des pays voisins dans les années 1980 qui étaient dans une situation aussi triste que celle dans laquelle Haïti se trouve aujourd’hui, ou même pire, comme la République dominicaine ou le Salvador. Il a fallu des élections répétées avant que des équipes à l’esprit moderniste issues du monde de l’entreprise, des intellectuels et de la Diaspora soient mis en place. Ensuite, ces pays ont décollé, créant des opportunités économiques pour beaucoup.
C’est pour cette raison que la menace faite par le Président Préval est si pernicieuse, il voudrait enlever la possibilité de tenir des élections libres pour donner aux électeurs d’Haïti et au secteur démocratique une autre chance de créer une gouvernance efficace.
RB : Dire qu?Haïti a été victime d?un problème mondial, l?augmentation de la cherté de la vie.
Justifie-t-il le fait que ses gouvernants n?ont rien fait pour parer à ces moments difficiles, comme les dirigeant d?autres pays l?ont fait ?
JM: Les manifestants d?avril en Haïti n?on pas senti qu?une telle inaction pourrait être justifiée, et ils ont exprimé leurs sentiments énergiquement. Il n?y a pas eu d?émeute généralisée en République dominicaine, dont les leaders se sont démenés pour le développement national. N?étant pas indifférents à leurs propres avenirs politiques, les politiciens dominicains ont laissé les électeurs décider et les institutions réguler. La stabilité que ce comportement plus mûr a créée, a transformée complètement le climat en faveur de l?investissement. Comme résultat, les investisseurs et les touristes viennent de partout à travers le monde. La terre est la même que celle d?Haïti et de plus en plus les travailleurs des Haïtiens. La seule différence est la qualité de la gouvernance. Avec une gouvernance qui répéterait des élections libres en Haïti, ceci pourrait créer le même niveau de prospérité qu?en République dominicaine en Haïti.
RB : Etes-vous sûr, comme Dan Erickson, que Préval ait ces trois caractéristiques dont tout leader haïtien a besoin :
- Etre capable de faire la paix avec l?élite tempétueuse
- Avoir besoin d?obtenir l?appui de la communauté internationale
- Avoir besoin d?être élu et d?être supporter par une masse qui vie avec moins de $2 par jour ?
JM: Préval de fait a présenté ces qualités en 2006. Il a parlé à tout le monde et apaisé ses ex-opposants en les incluant dans le gouvernement. Il a voyagé à l?étranger et a été habile à recevoir de l?aide. Et comme sa manipulation des électeurs a démontré, il a la capacité de soulever et d?apaiser les masses.
Si Préval se contenterait d?exploiter ces qualités pour faire de son dernier mandat de 5 ans un succès, il pourrait être l?un des meilleurs présidents qu?Haïti n?aurait jamais eu.
Mais les présidents en Haïti ne servent pas leur mandat et se retirent. Au contraire, ils s?accaparent du pouvoir et complote pour le garder. Préval n?est pas l?homme qui peut rompre avec cette tradition. Depuis l?été dernier les effets sont évidents. La communauté internationale ayant misé sur sa personnalité et la combinaison de ses qualités, déteste d?admettre son erreur.
RB : A la lumière du fait qu?un tiers du Sénat soit aujourd?hui tombé en caducité, quelle est votre impression de la relation qui s?est développée entre Préval et les parlementaires ?
JM: Nous avons déjà discuté de quelques pressions que Préval a placé sur parlement–le refus de faire les élections sénatoriales, sa volonté de laisser un tiers du sénat tomber en caducité en janvier, son succès en incitant les sénateurs à chasser du sénat un rival politique perçu. On ne peut pas par inadvertance oublier que Préval a dissous le parlement en 1999, malgré le fait que le même argument ait été évoqué à ce moment là, que les députés devraient poursuivre leur mandat de quatre ans jusqu?en octobre faute d?élections pour les remplacer. A ce moment là on avait tout blâmé sur la pression qu?Aristide exerçait sur Préval.
Comme nous le constatons maintenant avec la confirmation du premier ministre, les relations entre Préval et les membres du parlement « la bataille apparente entre l?Exécutif et le Législatif », peut être un jeu dans l?ombre, comme décrit par Mathurin « des mains occultes qui man?uvrent dans l’ombre ».
RB : Croyez-vous, qu?avec un taux de chômage qui dépasse les 75%, une production nationale qui est à son point le plus bas historiquement, les émeutes de la faim qui viennent de sanctionner un premier ministre, l?insécurité qui s?intensifie, et la crise de la primature qui est en difficulté, que le pays sortira de sitôt de cette spirale ?
JM: Avec son intelligentsia démocratique, la Diaspora, la persistance de son peuple à voter dans des conditions difficiles, Haïti a le capital humain et moral pour accomplir la même récupération que des pays tels que la République dominicaine, le El Salvador et Guatemala, ont accompli dans des circonstances difficiles, quand ils ont engagé ce capital humain. Plusieurs pays d?Afrique ont eu du succès. Le cas du Zimbaoué, cependant démontre ce qui peut arriver quand une dictature pérennise trop longtemps et qu?il y ait un club d?hommes forts appartenant à des secteurs et des régions qui supportent cette dictature.
La contribution des démocrates haïtiens est apparue en 2003 avec le Groupe 184 qui a connu un succès dans l?opinion publique haïtien. Alors que la violence d?Aristide était l?argument le plus convainquant, ce groupe a sensibilisé la population haïtienne, en changeant complètement le climat politique à un point tel que les supporteurs armés d?Aristide ont fait défection. Ceci aussi bien que l?expérience d?autre pays ont démontré le capacité qu?une classe moyenne progressive, des commerçants, des professionnels, des politiciens, et la Diaspora, ont à pouvoir se mobiliser s?ils veulent faire l?effort de s?organiser. En 2005, cette discipline s?est effondrée quand la classe politique haïtienne a présenté à l?électorat quarante quatre candidats à la présidence. Confronté à cette confusion en masse, l?électorat a choisi seulement ceux qui ont été présidents.
RB : Dan Erickson a parlé d?une vision à long terme que la communauté internationale envisage pour Haïti.
Etes-vous au courant, cette vision est-elle un secret ?
JM: Je crois que Dan là est en train de parler de tous les moyens offerts par la mission onusienne et les programmes d?aide. Ceci est de fait impressionnant et dédié à Haïti à long terme. Mais comme nous l?avons suggéré plus haut, les moyens techniques appliqués sans une stratégie délibérée est un vain effort. Si les Etats-Unis ou la communauté internationale ont une stratégie pour d?une manière quelconque, guider, persuader, aiguillonner, ou pressurer Préval à retourner vers la ligne démocratique, ils l?ont de fait gardé en secret jusqu’à présent.
Rassurez-vous que des choses ont été dites concernant le refus de faire les élections sénatoriales et des questions ont été soulevé concernant l?exile d?un sénateur. Ce n?est quand il se fut agi seulement de la nomination d?un nouveau premier ministre, que Préval cependant a montré des signes qu?il ressent la pression, en démontrant récemment son support pour le dernier premier ministre désigné. On peut toujours s?en douter.
L?administration Bush a certainement ses questions à propos de Préval, mais il a tellement investi sur lui, qu?il n?est pas intéressé à changer pour un programme avisé de persuasion et de pression pour sauver la Démocratie. Comme l?expérience de la communauté internationale avec les deux, Cédras et Aristide l?a démontré le chemin de la pression sur les dirigeants haïtiens est dur et peu fructueux. Ils absorbent beaucoup d?efforts diplomatiques, ils résistent avec toutes les ruses du marronnage, quand finalement ils succombent, leurs remplacements ne valent pas mieux. L?administration Bush ne montre aucun signe de vouloir faire cet effort, mais sont plus intéressé à contempler la fin de son mandat. Il n?y a pas non plus une vision indépendante des Latinos, des Canadiens ou des Européens.
RB : Le Brésil, l?Argentine et le Chili dominent la Minustah par la proportion de la présence de leurs troupes au sein de ce corps militaire. La Minustah c?est leur premier et unique projet qu?ils gèrent ensembles. On connaît les ambitions multilatéralistes de ces trois pays pour l?Amérique du Sud. On sait aussi quelles sont les ambitions de ces pays à long terme, dans une union pareille à celle de l?Union européenne.
Est-il de l?intérêt d?Haïti de se trouver dans cette situation, dominée par des pays qui sont en train d?ambitionner tant de nouveaux projets inédits et qui ont tant d?autres chats à fouetter ?
JM: Pour commencer toute occupation d?Haïti par quelque armée étrangère que ce soit, même avec les meilleures intentions, est une situation hautement indésirable, qui ne peut être justifié que par la considération prépondérante du droit à la protection et de la doctrine de l?intervention humanitaire. En outre, quelqu?un doit faire une analyse froide des coûts et bénéfices. Est-ce que les Haïtiens sont mieux, protégés par des soldats étrangers efficients et entraînés pour la protection des civils, que par un tas de gangs et de mercenaires armés que des personnalités tel que Préval, Aristide et Alexis leur imposeraient ? Considérant le chaos des derniers incidents, beaucoup d?Haïtiens, à leur corps défendant, accepteront qu?ils soient mieux sous la protection des étrangers. Ceci n?est pas un choix facile ou agréable. Des analystes politiques aussi chevronnés que Gérard Pierre Charles et Nancy Roc ont mis Haïti en garde, non pas pour des raisons de rhétorique nationaliste ? parce que la pensée de ces écrivains vise à un plus haut niveau intellectuel et moral- Mais parce que le poids de la présence étrangère doit de toute façon se faire sentir quelque part dans la politique, que ce poids peut ?uvrer contre le centre démocratique haïtien et en faveur des dirigeants d?aujourd?hui. C?est là que commence l?analyse apte à saisir les coûts et bénéfices.
Ces deux écrivains ont cru qu?avec l?émergence d?un sens d?unité nationale qui était évident dans le Groupe 184, les partis politiques et le soulèvement contre Aristide, qu?il y avait la possibilité pour le secteur démocratique de diriger Haïti seul, sans avoir à partager le pouvoir avec des étrangers et lavalas, comme stipulé dans l?accord tripartite. C?était un potentiel vaguement perçu, mais parsemé d?écueils, mentionné mais pas exploré par ces auteurs. C?était néanmoins un potentiel attrayant, parce qu?il contenait les germes de la modernisation et de fondement de la nation. Le problème perçu par ces écrivains dans la présence étrangère, c?est matérialisé de fait dans la protection et la déférence excessive des étrangers envers Préval. Le fait qu?il soit dûment élu président lui donne droit au respect, mais pas à l?approbation aveugle. Dans le dénouement avec Aristide au début de l?année 2004, on a fait face à ce même problème. Tout le poids de la diplomatie américaine a pesé sur André (Andy) Apaid dans un effort mal dirigé pour le forcer à consentir à laisser à Aristide une sorte de contrôle. En tant que leader à ce moment là du mouvement de conscience national pour se débarrasser d?Aristide, Apaid ne pouvait pas consentir à ces demandes même quand elles venaient personnellement du Secrétaire d?Etat Powell. La formulation de ces demandes, aux derniers moments, révèle l?attachement irréaliste que l?Administration américaine a pour les dirigeants au pouvoir (le démon que l?on connaît), au lieu de permettre au changement nécessaire de se matérialiser.
C?est le maintien du statu quo, l?attachement prédominant à la personne du chef de l?état à l?exclusion des autres institutions constitutionnelles et du peuple lui-même, qui domine la mission des Nations Unies en Haïti, et tend à le transformer en une garde présidentielle. Ayant absorbé pleinement l?expérience de février 2006, Préval, utilise la mission des Nations Unies comme un bouclier derrière quoi, il exerce le pouvoir comme décrit plus haut par Mathurin. Comme anticipé par Pierre-Charles et Roc, la mission des Nations Unies, bien que juridiquement correct, Préval est le chef d?état élu, la mission intervient dans la politique haïtienne, mais pas du coté de la Démocratie.
Considérant le chaos qui peut en résulter, la solution ne peut pas être le départ de la mission, mais sa réorientation à des fins légitimes de stabilisation et de support pour le retour à la souveraineté. La stabilisation et le développement démocratique ne peuvent pas s?accomplir en supportant un factionnaliste qui menace les institutions démocratiques, même si cette personne est le président. Le devoir indispensable pour la mission de l?ONU est de guider le développement de la faible Démocratie naissante en Haïti. Si les dirigeants actuels d?Haïti pouvaient seul gérer un régime démocratique, sans assistance étrangère, la présence de la mission n?aurait pas sa raison d?être. La mission ne devrait pas rester un jour de plus
RB : Qu?est-ce que le projet HOPE va apporter pour Haïti ?
JM: Certainement HOPE est une forme très pratique d?aide à Haïti réservant une petite portion du marché des Etats-Unis pour l?exportation venant d?Haïti, sécurisant les investissements et la création d?emplois. HOPE II en accordant une expansion de 10 ans, libéralise les catégories en permettant l?investissement dans des usines de textile en Haïti.
Sur un plan plus large, HOPE peut contribuer à des avancements techniques dans le cadre d?une politique de stabilisation et de construction de la Démocratie. Seul, il sera un îlot d?activités accueillantes. Mais lié à la stabilisation, à l?amélioration de la sécurité et à la prédictibilité d?investissement, il sera un exemple qui se multipliera par milliers d?imitateurs dans des douzaines d?industries.
RB : Quelle est la distinction entre un Etat creux et un Etat en faille que Dan Erickson a voulu établir ?
JM: En 2004 le Président de notre organisation Ambassadeur Preeg a fait une présentation intitulée « Pourquoi Haïti n?est pas un Etat Nation en faillite ». Même après tout ce qu?Haïti a enduré, l?ambassadeur s?est bien rappelé les commerçants et les professionnels que ce pays a produits. Face à un tel accomplissement, il ne pouvait pas déclarer qu?Haïti soit un Etat nation en faillite.
En résumé, nous deux Dan Erickson et notre organisation, étant des supporteurs d?Haïti, nous sommes réticents à l?emploi de cette épithète. Nous préférons utiliser d?autres épithètes, tel que creux ou fragile pour décrire le problème d?une façon plus positive.
RB : Pourquoi l?intervention de la communauté internationale en réaction à l?émeute de la faim a choisi de prendre uniquement l?approche caritative, tandis qu?il est absolument clair que l?augmentation de la production agricole en aidant les cultivateurs, et la reprise du microcrédit apporteraient le plus valu qui manque pour redémarrer l?économie ?
JM: Qu?il y ait une intervention d?urgence pour faire face à la crise de la faim, est normal. Le point le plus important qui souligne le fait que cette aide n?est seulement qu?un palliatif, et qu?il lui manque une politique de construction de gouvernance et de production interne, demeure valide. Une lecture complète du portfolio de l?agence d?aide révèlera des projets appropriés qui contribueront au développement agricole et qui ira au-delà de la charité. On peut s?attendre à ce qu?Haïti et les agences développeront plus de projets de cette sorte. La flambée des prix rendra plus profitable l?agriculture nationale haïtienne. Bien qu?il y ait un intérêt d?exportation américaine à vendre des produits alimentaires à Haïti, cet intérêt n?est pas assez fort pour pouvoir affecter les gérants de l?aide dans leur décision de supporter l?agriculture haïtienne.
RB : Si Haïti pour Dan Erickson est le canari dans la mine de charbon, faudra-t-il qu?Haïti meure, avec Prévale au pouvoir, pour que la communauté internationale admette que la situation soit toxique ?
JM: Peut être Dan avait à l?esprit un canari qui chante au lieu d?un qui meurt en détectant les gazes empoisonnés. Il est certainement vrai que la plupart des gens à Washington ignoreront la situation d?Haïti pourvu qu?elle demeure tranquille. Les émeutes de la faim ont donné un visage et une voix à la souffrance des Haïtiens et certainement ça a capté l?attention de Washington. Jason Steinbaum est correcte en considérant que l?aide alimentaire soit une réaction significative. Maintenant, Washington ne franchira pas la prochaine étape vers une réorientation de la politique d?Haïti, pour ré-aiguiller une reconstruction d?Etat démocratique, peu importe combien de textes qu?Haiti Democracy Project peut produire sur ce topique. Mais il sera forcé d?en tenir compte, si un nombre similaire d?Haïtiens prennent les rues, mobilisés peut être par des partis politiques ou des organisations du calibre du Groupe 184. Les deux délégations sénatoriales Haïtiennes ont eu une audition respectable, mais parce qu?elles ne sont pas supportées par un mouvement. Sans risque, elles ont été ignorées.
RB: James Morrell je vous remercie pour votre participation a notre émission. J?espère pouvoir vous inviter bientôt.
JM : Ça a été un plaisir. Merci.