Originally: Message du président René Garcia Préval au peuple haïtien 9 avril 2008

Message du président René Garcia Préval au peuple haïtien 9 avril 2008 
 
Depuis quelques jours, de grandes manifestations, de fortes tensions contre la vie chère, sont constatées dans les rues. 

Par respect pour vous qui souffrez, par respect pour moi-même qui ne peux vous mentir, je vais vous parler avec franchise. Nous allons parler >>> en adultes. 

 La vie chère que connaît aujourd?hui le peuple haïtien, sévit aussi dans un tas d?autres pays sur la planète. Les pays riches comme les pays  pauvres font face à la vie chère. Lors même que les pays riches arrivent  à la supporter, cela ne les empêche pas de manifester. En ce qui concerne les pays pauvres ? n?en parlons pas ? partout au Maroc,  Burundi, Cameroun, Cote d?Ivoire, Sénégal, l?Egypte etc., vous vous  informez certainement, c?est le même cri. Ce sont les mêmes  manifestations contre la vie chère. 

Mais nous Haïtiens, qu?allons-nous faire face à cette situation ? 
 Est-ce que les actes tels qu?enflammer des pneus, casser et piller les  magasins, casser des voitures, feront baisser les prix des produits  consommation en Haïti ? Est-ce que tout casser, tout briser fera baisser  les prix des produits que nous importons de l?étranger ? 

 En 2007, l?année dernière, les prix des produits de consommation ont  augmenté de 50% sur le marché international. Le prix du blé, à partir  duquel on obtient le pain, le prix du riz, du mais, de l?huile, a  doublé, triplé même pendant les deux années qui viennent de s?écouler. 
 
 De 1998 à 2008, le prix du pétrole est passé de dix dollars ($10) le  baril à plus de cent dollars (100$) le baril, et le prix ne cesse d?augmenter  chaque jour. Le prix du ciment, du fer, augmente à une vitesse qu?on n?a  pas encore vue. Si les prix augmentent sur le marché international, ils vont aussi augmenter en Haïti. Parce que nous dépendons des importations. 

Si l?on vous dit que les prix sur le marché international vont baisser,  répondez que c?est un mensonge. Je vous donne la garantie que c?est un  mensonge. 

 Alors, quelle est la solution pour nous autres en Haïti ? 
 – Est-ce que la solution consiste en la non-taxation du fer, du ciment,  de la gazoline. Si c?est cela la solution, avec quoi, dites-moi,  allons-nous construire des routes, des écoles, des hôpitaux, etc. ? 
 – La solution consiste-telle en la non-taxation du riz et des autres  produits de consommation importés de l?étranger ? Si c?est ainsi, nous  aidons les produits venus de l?étranger à continuer à détruire ce qui  reste de notre production nationale. 
 
  En 1987, quand nous avions fait entrer dans le pays du riz à bon marché, beaucoup avaient applaudi. Le riz étranger à bon marché a dévalorisé le  riz de l?Artibonite. Aujourd?hui, le riz importé est cher alors que  notre production nationale est en quelque sorte détruite. Ce qui  augmente encore notre misère. 
 
  Ainsi, la solution ne réside pas dans la subvention des produits de  consommation en provenance de l?étranger. 
 
  Aujourd?hui, nous sommes en train de payer le prix d?une politique de  plus de 20 ans d?application. 
 
  Laissez-moi vous dire ce que je vois comme solution. 
 
  Au lieu de subventionner des produits de consommation importés,  subventionnons notre production nationale agricole. Au lieu de  subventionner les produits importés, subventionnons notre production  agricole nationale. Nous sommes maintenant en saison pluvieuse, beaucoup  de paysans ne peuvent planter en raison du cout élevé de l?engrais. Je  propose que l?Etat haïtien subventionne le prix des engrais afin que les  paysans puissent acheter de l?engrais à moitié prix ou moins encore.  Pendant que les paysans s?adonnent à l?agriculture, l?Etat peut leur  donner du travail comme par exemple, le nettoyage des canaux partout où  c?est nécessaire. Ainsi, les paysans auront de l?argent en main en  attendant la récolte. 
 
 Je propose, qu?après la récolte nous subventionnions la vente du riz ?  local bien sur ? afin qu?il se vende à un prix compétitif. La vente de  ce riz peut se faire au travers de centres de distribution bien  organisés. 
 
 Aujourd?hui, le pays importe 360,000 tonnes de riz par an à raison de  750 USD par tonne. C’est-à-dire que 270 millions de dollars laissent le  pays chaque année pour acheter du riz à l?étranger. Aujourd?hui, Haïti  produit 90,000 tonnes de riz. Et si nous nous mettions à produire quatre  fois plus, ce qui est possible, nous arriverions à remplacer le riz  importé par le riz national. Ainsi, les 270 millions de dollars par an  qui constituaient le coût d?importation du riz étranger, resteront ici  chez nous, pour les paysans. 
Je le répète, nous n?avons pas de problème à subventionner la vente du  riz national afin de réduire son coût. Une solution donc, pour baisser >>> le prix du riz, c?est la subvention du riz national, pas du riz importé. 

Prenons un autre exemple. Il y a un problème d??ufs de nos jours. Haïti  importe 360 millions d??ufs par an pour environ neuf (9) millions de  dollars. Avec cette crise du manque d??ufs, le ministère de l?Agriculture  a lancé un programme qui permet de produire actuellement quelques trois  millions d??ufs par an. Et dans un an, ce programme permettra de  produire trois cent millions d??ufs par an. Donc, presque la même  quantité que celle que nous importons annuellement. 

De même que pour le riz, nous n?avons pas de problème pour aider à ce  que ces ?ufs se vendent moins cher sur le marché national, nous n?avons  pas de problème pour les subventionner, ce qui baissera le prix des  ?ufs. 

De même au lieu d?importer des ailes de poulets, pourquoi ne pas  relancer la production des poulets chez nous et en même temps, produire  des ?ufs afin que le prix des ?ufs se réduise ? 

Nous pourrons avoir d?autres exemples comme celui des Lèt agogo, les  poissons qui se produisent dans nos lacs, que l?Etat peut subventionner  afin qu?ils se vendent moins chers. 

Voila la solution durable : la production nationale, la subvention des  produits locaux. 

Peuple haïtien, résoudre le problème de la faim, ce n?est pas seulement  réduire le coût de la nourriture. Mais c?est aussi permettre aux gens d?acheter  plus de nourriture avec l?argent qu?ils ont en main, parce que le prix d?autres choses, aussi importantes, est accessible, comme le coût du transport,  de la santé, de l?école. 

Pour baisser le prix de la santé et de l?école, il faut qu?il y ait plus d?hôpitaux, plus d?écoles. Pour réduire le prix du transport, il faut  que l?Etat organise un système de transport public, comme « Service Plus ». Pour réduire le coût du transport, il faut de bonnes routes, des  routes en bon état, qui ne détruisent pas les véhicules. Une livre de  viande vaut deux gourdes dans certaines villes de province et à  Port-au-Prince, elle coute 15 gourdes, à cause des mauvais états des  routes. Si on a de bonnes routes, le prix de la nourriture sera réduit  assurément. Nous devons donc remettre CNE en marche et travailler rapidement à la construction de routes afin que la nourriture arrive,  des provinces à la capitale, avec plus de facilité, comme auparavant. 

Peuple haïtien, nous devons résoudre les problèmes entre nous. Je vais  parler aux importateurs afin de voir ce qu?ils peuvent faire sur le prix  des produits même si ce n?est pas beaucoup. Nous demandons aussi à tous  les fonctionnaires publics qui gagnent plus de 30,000 gourdes de donner plus de 10% de leurs salaires pendant une période, afin d?aider les plus défavorisés. Ce n?est que dans la solidarité l?un envers l?autre que  nous trouverons les meilleurs résultats. 

L?Etat vient d?octroyer à tous ses fonctionnaires 35% d?augmentation  salariale. Aujourd?hui, vous autres qui avez reçu cette augmentation,  nous vous demandons de faire preuve de solidarité avec ceux qui ont  moins. Cela les aidera pendant ces moments difficiles. 
Je demande aux ministres et aux hauts fonctionnaires de l?Etat, de s?efforcer  de dépenser le moins que possibles s?agissant des voyages et autres  dépenses qui ne sont pas nécessaires. Solidarité entre nous. 

Je demande à tous les citoyens qui doivent payer leurs taxes, de remplir  leurs devoirs patriotiques afin que l?Etat puisse trouver de l?argent  pour aider les plus défavorisés. 

Les problèmes sont difficiles et existent depuis longtemps en Haïti. Les  problèmes sont difficiles et, aujourd?hui, ils sont mondiaux. 

Ce n?est pas dans les promesses démagogiques ni les solutions  économiques faciles ni les manifestions désastreuses qu?ils vont être  résolus. Au contraire. Les promesses démagogiques entrainent que plus de  frustrations quand les résultats escomptés ne n?aboutissent pas. Les  promesses qui ne sont pas tenues entrainent plus de colère. 

Les décisions économiques faciles, comme ôter les taxes sur les produits  alimentaires importés, ne feront qu?aggraver les choses. Puisque ca ne  fera que détruire la production nationale.

 Les manifestations désastreuses ne font qu?aggraver la misère des plus  pauvres. Les manifestations ne feront pas baisser le cout de la  nourriture au contraire elles l?augmenteront. Les manifestations  empêchent les investissements qui pourraient créer de nouveaux emplois  dans le pays. 

 J?en profite pour féliciter la PNH et la MINUSTAH qui ont beaucoup aidé  pendant ces journées difficiles. 

 J?exprime mes sympathies à ceux-là qui ont perdus leurs biens, mes  condoléance aux familles qui ont perdus des parents. 

Peuple haïtien, je comprends votre colère et votre désespoir face à la  cherté de la vie. Par respect pour vous, je vous dis la vérité. Je vous  propose des solutions, des solutions durables. Prenons la route du  développement durable, la route qui commencera par nous tirer de nos  problèmes, aujourd?hui, et qui tirera nos enfants et nos petits enfants  de leurs problèmes, demain, plus tard. Cette voie est la voie nationale.  La Subvention de la production nationale, la subvention de la  consommation nationale. Subvention pendant un certain temps pour  soulager afin de soulager la misère et la faim. 

Pour ce faire, il faut reprendre le chemin de la paix. Il faut  travailler ensemble. Après les élections, nous avons mis en place un  gouvernement qui a mené à la stabilité politique. Aujourd?hui nous  pouvons réfléchir sur le moyen d?ouvrir la participation politique dans  le gouvernement et dans les fonctions publiques. C?est aussi le moment d?évaluer  le travail de ce gouvernement. 

Peuple haïtien, vous qui souffrez, vous qui êtes dans les rues à cause de la cherté de la vie, je vous demande de vous CALMER. Ceux qui créent  les troubles et le désordre, ce qui détruisent les biens, ceux qui  lancent des jets de pierres, qui incendient, je vous ordonne d?ARRETER. La police, ne tolérera plus ce désordre. La population ne l?acceptera  pas non plus. 

Rétablissons la paix, afin que tout ce que je viens d?énoncer puisse se  mettre en application dans la solidarité. 

Unissons-nous. Nous travaillons et nous espérons trouver les solutions,  les solutions durables qui nous sortiront des difficultés dans  lesquelles les politiques démagogues nous ont plongés depuis des années  et des années.

La solution n?est pas facile, mais la production nationale est la meilleure voie. C?est la meilleure voie pour nous aujourd?hui et c?est  aussi la meilleure pour nos enfants demain. 

Tenez ferme