Originally: Thèmes de l?Emission de la semaine


Thèmes de l?Emission de la semaine 
Orlando le 7 décembre, 2007
                                                        


Actualités Politiques : Grandes Lignes
Bonsoir chers auditeurs. Vous écoutez sur les ondes de Radio Classique Inter, l?émission Actualités Politiques, Grandes lignes, animée par Robert Bénodin.


 


Nous avons avec nous, sur les ondes de Radio Classique inter, Mirlande Hippolyte Manigat, Secrétaire Générale du RDNP sur la conjoncture de crise qui sévit en Haïti.


 


Madame Mirlande Manigat, nous vous souhaitons la bienvenue une fois de plus sur les ondes de Radio Classique Inter.


 


RB : Préval est en train de jongler dangereusement des problèmes, sans se soucier de l?insatisfaction générale sous-tendue par la misère, la pauvreté, la faim, les inondations, la cherté de la vie, le chômage, l?insécurité etc.


Il y a-t-il lieu de s?inquiéter qu?à court terme, on passe de l?insatisfaction générale, à l?éruption du mécontentement ? 


 


MHM : Vous avez énuméré en un raccourci, les principaux problèmes que vivent les Haïtiens maintenant à l?intérieur du pays. Je crois que c?est une énumération qui est conforme à la vérité. Il y a peut être deux sortes de vérité, deux niveaux de vérité. Il y a la vérité objective. Et il y a la vérité vécue. C’est-à-dire que les gens peuvent avoir faim, peuvent être au chômage, peuvent vivre l?insécurité. Ca c?est le premier niveau. Mais le deuxième niveau interviendra, lorsqu?ils ont conscience que cette situation est intolérable. Et c?est ce passage de la vérité brute à la vérité vécue, à la vérité psychologique, qui est porteur de mécontentement possible.


Vous avez dit en outre à court terme. Je ne sais pas, si c?est à court terme ou à moyen terme. Disons que nous avons pour l?instant, tous les ingrédients qui pourraient. Je ne dis pas qui devraient. Vous savez ce passage n?est pas historiquement facile. Mais qui pourraient se convertir en mécontentement, si rien n?est fait pour essayer de résoudre les principaux problèmes.


 


RB : Force est de constater qu?en Haïti le mécontentement est latent au niveau des masses. A l?exception de lavalas, les partis de masse, faisant parti du gouvernement, sont pour le moment démobilisés.


Comment voyez-vous une gestion de l?éruption éventuelle du mécontentement, pour empêcher à lavalas de s?accaparer non seulement du haut, mais surtout du monopole du pavé ?   


 


MHM : Vous savez que dans l?histoire des peuples, il y a quand même toujours une inconnue. Il y a d?abord ce premier passage, dont je vous parlais tout à l?heure. C’est-à-dire qu?il y a des raisons d?être mécontent. Mais on n?est pas toujours mécontent. Cependant le mécontentement grossit, s?amplifie et à un certain moment, comme vous l?avez dit, fait une éruption. Mais c?est précisément, et c?est là le danger. Le propre d?une éruption, c?est qu?elle est incontrôlable. On ne peut pas savoir, comment ni quand. Parfois c?est un événement mineur, une décision banale qui peut être le détonateur du mécontentement. Donc gérer ce mécontentement c?est vraiment difficile.


Vous dites que lavalas pourrait se l?approprier. Mais d?autres personnes aussi, des groupes pourraient s?en approprier.


Est-ce que dans votre question vous voulez dire, ce n?est pas que je sois en désaccord avec vous, mais je veux comprendre, que lavalas se trouve dans la meilleur position, pour gérer ce mécontentement.


 


RB : Ce n?est pas qu?il soit dans la meilleure position. Mais quand on compare les activités de lavalas sur tout le territoire, et qu?on voit les autres partis qui sont démobilisés parce qu?ils sont dans le gouvernement. On est obligé de se poser la question, s?il y a une éruption, lequel des partis sera en meilleure position ? 


 


MHM : Si c?est lavalas qui attise le mécontentement. Car c?est bien possible. C?est bien possible que lavalas dans sa situation actuelle ait intérêt à non-seulement augmenter le mécontentement, à l?attiser, de façon à essayer de tirer profit de ce mécontentement. Maintenant, dans la mesure où les autres partis de masse, comme vous dites. Vous faites bien la distinction entre les partis, c?est ceux qui sont au gouvernement. Ceux qui sont au gouvernement, en principe, devraient manifester une certaine solidarité gouvernementale. Je veux dire par là, s?il y a un mécontentement qui est déclanché contre le gouvernement, ils devraient faire bloc. Ou alors retirer leur ministres du gouvernement. C?est ça la vision la plus logique. Mais cependant malheureusement, hélas la logique n?est pas toujours là présente, quand il s?agit d?apprécier les décisions politiques, les attitudes politiques. Et effectivement si les partis qui sont au gouvernement laissent lavalas, non-seulement attiser le mécontentement, l?augmenter, mais tirer profit de ce mécontentement, à ce moment là, ils auraient fait un mauvais choix, un mauvais calcul. Car ils risqueraient de sombrer avec le gouvernement, si jamais c?est lavalas qui arriverait à contrôler ce mécontentement.


Contrôler, cela veut dire quoi ? Cela veut dire de laisser se manifester à certains moments. A apaiser les choses à d?autres moments. Mais vous savez, les masses ne sont pas toujours contrôlables. On peut bien s?imaginer quand on est chef de partis politiques, comme lavalas par exemple, dire bon je mets mes troupes dehors. J?organise des manifestations quand je veux. Je retire les manifestations quand je veux. Je prêche la solidarité ou la paix quand je veux etc. Après un certain moment, les masses ne se laissent plus contrôler. Maintenant quand les masses ne sont pas contrôlées, parce que fondamentalement elles ne sont pas toujours contrôlables. Quel peut être l?issu ? Il se peut très bien que tout le monde perde. C’est-à-dire aussi bien le gouvernement que lavalas, ils perdent. C?est pourquoi c?est une situation que nous suivons avec un grand intérêt. Cette situation présente un danger. Et il s?agit peut être d?anticiper les dangers possibles, pas certains, de façon à précisément d?essayer de canaliser les événements dans un sens qui soit favorable à notre cause.


 


RB : Certains partis tels que l?OPL, la Fusion, le MOCHRENA etc. ont rejoint la Commission Episcopale Nationale Justice et Paix sur la question des élections indirectes que le régime lavalas inclus Préval I et Préval II  refusent de faire.


Il y a-t-il un suivi ? Si non pourquoi ?   


 


MHM : Je ne sais pas si on peut parler de suivi. On peut de toute façon parler d?une certaine convergence de vue. Je ne sais pas si un parti tel que l?OPL suit la Conférence Episcopale. Peut être. Je ne sais pas quels sont les liens qu?il y a entre ces trois partis que vous avez mentionnés et cette Conférence. Je ne sais pas non plus, si la Conférence elle-même a pris contact avec ces partis, avant de se prononcer sur la question des élections indirectes.


Ce que je peux dire, c?est que beaucoup de partis avaient pris position avant le 17 octobre, puis après le 17 octobre. Ce que je constate dans mon analyse personnelle, c?est que le président Préval a réussit à les ramener sur son terrain. C’est-à-dire que tous ceux qui disaient qu?il fallait faire les élections indirectes, qu?il fallait maintenir par exemple le CEP dans sa structure actuelle. Que les membres du CEP ont fait du bon travail. Qu?on leur maintenait une certaine confiance. La confiance que précisément que ce CEP serait capable, comme c?était son mandat de faire les élections indirectes. Car c?est ça sont mandat tel que libellé dans le décret électoral de 2005. Mais ce qu?il y a, à partir d?un certain moment, c?est quelle raison ? On finira bien par le savoir. Pour l?instant, je suis prudente dans l?énoncé des raisons que apparemment, ces raisons là de prise de position d?une certaine façon et dans un certain sens ont été balayées. Et le président Préval les a ramenés sur son terrain. Il les a obligés, en quelque sorte, à dénoncer implicitement le CEP. Il les a obligé à choisir et à proposer  des noms de personnes. Et tout en n?ayant pas la certitude que le président finalement choisirait ces noms. Car légalement, il n?est pas lié. Il n?y a pas d?entente. On parle de consensus, mais c?est un vain mot. Un consensus qui ne se traduit pas dans un document écrit, signé solennellement et surtout avec l?exigence qu?ils sont disposés à respecter la parole donnée. Et surtout lorsque cette parole est symbolisée par la signature d?un document officiel et public. Hé bien il n?est pas publié.


On attend jusqu’à présent comme vous le savez. Comme vous le savez, il y a des gens qui se voient déjà membre du CEP parce qu?ils ont été choisis par tel ou tel secteur. Mais cependant ce jeu politique apparemment se déroule. Et c?est ça qui est grave. Il se déroule à l?avantage du président Préval. Il laisse passer le temps. Bon Dieu choisir 9 membres, alors qu?on lui a donné une vingtaine de noms, ça ne semble pas tout de même quelque chose de très difficile. Et pourquoi jusqu’à présent il ne les choisit pas ?


Donc en ce qui concerne les élections indirectes, et si les partis ont exprimé des positions favorables à ces élections, on va voir si ayant donné, proposé  des noms au président Préval, non-seulement ces personnes désignées seront choisies, au moins une des deux sera choisie. Mais quel sera le mandat de ce nouveau CEP ? Nous ne savons pas. C?est un jeu un peu obscure, sibyllin. Et apparemment, je dis bien apparemment, sous réserve de plus ample information, le président Préval semble tenir quand même les manettes. C?est lui qui dirige les jeux. Et les autres se laissent prendre à ces jeux là.     


 


RB : Le CEP n?ayant pas été formé jusqu’à présent, force le pays au seuil d?une dangereuse crise institutionnel.


L?article 111.8 de la Constitution de 1987 se lit comme suit :


ARTICLE 111.8:


En aucun cas, la Chambre des députés ou le Sénat ne peut être dissous ou ajourné, ni le mandat de leurs membres prorogé.


 


Il est évident qu?au 14 janvier 2008, le tiers du Sénat plus un, n?étant pas renouvelés, il sera impossible pour le Sénat d?avoir un quorum des deux tiers.


Quelles seront les conséquences de cette caducité pour la 48e législature ?


 


MHM : Il n?y aura pas de caducité immédiate au deuxième lundi du mois de janvier 2008. Parce que le quorum nécessaire pour former l?Assemblé Nationale, c?est la majorité plus un. Et là il suffit qu?il y ait 16 sénateurs et qu?il y ait 51 députés pour qu?on ait une Assemblée Nationale. Parce que d?après la Constitution, c?est en Assemblée Nationale qu?on ouvre la session. Si ce quorum n?était pas atteint, car le quorum va être terriblement fragilisé, Il suffira que quatre sénateurs ne se présentent pas aux diverses sessions. Nous ne voulons pas être oiseau de mauvais augure. Il suffirait que trois sénateurs tombent malade, ou affichent une maladie diplomatique et qu?un quatrième se trouve en voyage et ne soit pas rentré à temps, pour qu?on n?ait pas le quorum au Sénat, le quorum de 16. A ce moment là le deuxième lundi du mois de janvier 2008, il n?y aura pas d?Assemblée Nationale.


Maintenant, l?article 111.8 parle d?une décision qui est impossible. A savoir que le président déclare, la Chambre des députés ou le Sénat sont ajournés ou que leur mandat est prorogé. Mais là, il ne s?agira pas de proroger leur mandat. Proroger leur mandat ce serait de dire par exemple que les dix sénateurs qui ont eu un mandat de deux ans, on prolonge leur mandat pour quelques mois. Il est impossible de le faire.


D?autant, il y a un point auquel les gens n?ont pas suffisamment fait attention, peut être par manque d?information. Dans la vie de l?histoire parlementaire haïtienne, ce n?est pas la première fois qu?une session ne s?ouvre pas à la date constitutionnelle prévue. Et le Moniteur est rempli d?appels des bureaux des deux chambres qui demandent, à l?approche de chaque début de session, aux députés et aux sénateurs de venir s?inscrirent. S?ils ne viennent pas, et le jour constitutionnel prévu, ceux qui se présentent doivent constater qu?il n?y a pas de quorum. On convoque pour deux jours plus tard, toujours pas de quorum, une semaine après pas de quorum. Dans la vie parlementaire haïtienne ce ne serait pas la première fois qu?une session ne commence pas, voir une législature ne commence pas, à la date constitutionnelle prévue.


Mais il y a quelque chose qui s?est passée l?année dernière à laquelle les gens n?ont pas suffisamment fait attention. Après que les sénateurs et les députés sont entrés effectivement, non pas le deuxième lundi du mois de janvier, ils sont entrés beaucoup plus tard. Le deuxième lundi du mois de mai, ils ont implicitement fermé la première session. Car ils ont ouvert une session extraordinaire. Ils sont entrés en session extraordinaire. Or la session extraordinaire ne prend naissance que lors qu?il y a eu une session ordinaire. Dans la mesure où ils ont fermé la session, ils ont ouvert une session extraordinaire, puis après quelques jours, ils ont fermé la session extraordinaire. Et le deuxième lundi du mois de juin ils ont ouvert une nouvelle session, c?est que implicitement eux-mêmes ont accepté que la première session s?est déroulée normalement. C?était un geste qui n?était pas voulu dont les conséquences n?étaient pas simplicités. Mais qui signifie quoi ? Ce qui signifie, que pour les députés et les sénateurs, la première session a eu lieu. Donc, ils ont accepté que la législature de la chambre des députés, a commencé a la date constitutionnelle prévue.


Donc, je profite de souligner ce que je souligne toujours à l?attention de mes compatriotes que les sénateurs ne sont pas liés par une législature. La législature s?entend seulement de la durée du mandat des députés qui est de quatre ans. Le mandat des sénateurs est de six ans. Quand on dit les sénateurs de la 48e législature par exemple, ceci est impropre. Les sénateurs ne sont pas liés par des sessions. Le sénat est permanent.


Quand on dit que la première session a lieu, ça signifie dans l?histoire parlementaire, quand il s?agira de parler de la 48e législature, on sera obligé de constater que cette législature aura eu sept sessions et pas huit. Car la première session ne s?est pas ouverte à la date prévue. Elle a été conclue et fermée et une session extraordinaire s?est ouverte.


Donc, si vous voulez, le dysfonctionnement du Sénat, dont on parle tellement, que l?on craint, n?interviendra pas nécessairement le deuxième lundi du mois de janvier. Le dysfonctionnement du Sénat interviendra, si le deuxième lundi du mois de janvier et si après on se rend compte que faute de quorum les sénateurs ne peuvent pas se réunir parce qu?ils n?ont pas de quorum. C?est ça.


Le quorum va être très fragilisé, car ils seront 19. Ils sont 29 maintenant. Remarquez que ça arrive plus souvent du coté de la chambre des députés que du Sénat. On ne peut se réunir a la chambre des députés parce qu?il n?y a pas de quorum. Or c?est un absentéisme qui est presque voulu, car ils sont très nombreux. Ils sont 99, et le quorum est de 51. Tandis que pour les sénateurs le quorum est de 16. C?est la moitié plus un. Ils étaient 29. Parfois ils ne se réunissaient pas. Mais en ce qui concerne la situation qui va être créée, ils seront 19. Donc quatre sénateurs manquant et le Sénat devient dysfonctionnel.


Le dysfonctionnement du Sénat ce n?est pas l?affaire d?un moment. Ce n?est pas l?affaire d?un jour. Ce serait spectaculaire, si le deuxième lundi du mois de janvier, on n?a pas les 16 sénateurs présents. Mais le dysfonctionnement peut se révéler un événement chronique, après. Si le Sénat n?arrive jamais à se réunir, ou se réunit une fois sur cinq. Tout simplement, parce qu?on fait l?appel nominal une première fois, il n?y a pas de quorum, une demi-heure après on fait l?appel nominal, il n?y a pas de quorum, la troisième fois on constate qu?il n?y a pas de quorum, et à ce moment là le président est obligé de renvoyer la séance. Si ça devient chronique, on parlera de dysfonctionnement.


Cependant ce sera un moment crucial que le deuxième lundi du mois de janvier, on n?ait pas de quorum. Car on verra précisément quelle sera l?attitude des sénateurs. Il y en a qui disent, je constate que je ne suis plus en fonction je me retire. Il y en qui dise que : « wè pas wè » le deuxième lundi du mois de janvier ils seront présents. Il y a des députés qui acceptent la première hypothèse. Il y a des députés qui disent qu?ils n?accepteront pas des sénateurs qui auront eu un mandat de deux ans.


Voilà une situation qui est lourde, lourde de virtualités conflictuelles. Et ces virtualités, nous parlions de contrôle tout à l?heure, elles peuvent se révéler incontrôlables, et débouchées sur une crise parlementaire.


 


RB : Il est évident que votre décision de ne pas participer à la 48e législature n?a laissé personne indifférent. Pour répondre à certaines critiques, vous avez évoqué les fraudes dans le comptage des voix, et par-dessus de marché, vous avez avoué avoir repéré trois ou quatre occasions, qui vous auraient porté à démissionner de cette législature.


Quelles sont elles ?    


 


MHM : Je n?aurais pas démissionné de la législature. Encore une fois je le dis, la notion de législature ne s?applique pas au Sénat.


Vous savez depuis ces élections de l?an dernier, je me suis abstenue de dire quoi que ce soit contre le Sénat. J?observe comme citoyenne, comme tout le monde. Mais je n?interviens pas précisément pour que les gens ne disent pas, voyez si vous étiez là, peut être que les choses seraient différentes. D?abord je ne le crois pas. Car je suis assez lucide, pour ne pas admettre que la présence d?une seule personne, pourrait faire un changement.


Je vais vous donnez un seul cas. Le cas qui me parait le plus mineur. Lorsque le secrétaire Général des Nations Unies était venu en visite en Haïti, en visite officielle, et les sénateurs ont refusé de le recevoir. Voilà un cas. Car j?estime que le Sénat organe de l?Etat ne peut pas refuser de recevoir le Secrétaire Général des Nations Unies. Il est un personnage important. Il est en visite officielle. Il avait annoncé qu?il viendrait au Sénat. Finalement sa visite a été un peu escamotée. Mais le Sénat avait décidé de ne pas le recevoir, à cause d?un incident qui s?était produit entre la Minustah et un sénateur. J?ai estimé pour ma part que si j?étais là, non seulement j?aurais manifesté mon désaccord profond et peut être ça m?aurais porté à me retirer. Parce que j?estime que ce n?était pas sérieux. C?est comme si la présidence de la République refuserait de recevoir un personnage comme le Secrétaire Général des Nations Unies. D?autant qu?il y avait des choses. Il y avait tout un cahier de charges, des reproches à adresser à la Minustah, en profitant de la visite du Secrétaire Général. J?estime que vous ne pouvez pas avoir eu cette opportunité exceptionnelle, qui serait certainement médiatisée de recevoir le Secrétaire Général, pour qu?avec toutes les formes diplomatiques requises, vous lui fassiez part de vos griefs, de vos reproches, de vos suggestions etc. J?ai estimé pour ma part, que ce n?était pas sérieux. Ce n?était pas normal. Je vous donne un cas pour lequel vraiment les journalistes m?avaient demandé d?opiner. Je n?ai pas opiné. J?estimais que les gens pourraient dire que si j?étais là, j?aurais fait ceci ou cela. Si j?étais là, j?aurais fait entendre ma voix publiquement pour exprimer mon désaccord. Mais ça n?aurait pas changé les choses. Puisque ils avaient décidé, je crois, à la majorité, si non la totalité des sénateurs s?étaient prononcés dans ce sens. Les souvenir sont un petit peu lointain. Je m?abstiens de donner trop de précision. Voilà un cas qui m?avait paru vraiment énorme. Le manque de sagacité politique, le manque de raisonnement politique, et le manque de forme.


 


RB : Il y a une absence totale de sens de direction au niveau de l?Exécutif. Préval fait une multitude de déclarations banales, sans expliquer le pourquoi et encore moins le comment. Alexis chef de gouvernement semble ne pas pouvoir motiver ses ministres à prendre des initiatives.


Comment expliquez-vous cet état de stagnation totale du pouvoir exécutif ?


 


MHM : Il y a beaucoup de bruits qui circulent, en ce qui concernent les rapports entre le président Préval et le premier ministre Jacques Edouard Alexis. De toute évidence, parfois on a l?impression que c?est un attelage qui ne marche pas. C?est comme deux chevaux qui iraient dans des directions différentes, le carrosse ne peut pas marcher. Ce qui se précise. Ce qu?on peut observer, c?est un manque de synchronisation, un manque de convergence dans l?attitude des deux. Des fois le premier ministre parle. Peut être le lendemain, il pourrait être contredit par le président de la République. Ou alors un ministre s?exprime avec beaucoup de prudence. Les ministres n?ont pas un grand pouvoir, parce qu?ils sont ministres, c?est-à-dire qu?ils ont un pouvoir très limité. Ils ont un pouvoir de décision administrative dans le cadre de leur ministère. Mais cependant ce ne sont pas eux qui déterminent la bonne marche, ni de leur ministère, ni de l?Etat. Cela me rappelle le propos du ministre Chevènement, c?était sous le président François Mitterrand. Il avait démissionné parce qu?il n?était pas d?accord avec une orientation. Je crois qu?il s?agissait de la guerre de l?Irak, la première guerre de l?Irak. Et il a eu ce mot très fort. « Un ministre ça ferme sa gueule, ou il démissionne. » Pardonnez moi la vulgarité de l?expression, c?est exactement les mots qu?il avait employés. A savoir lorsqu?on est ministre, hé bien l?on suit. C?est comme quand on est ambassadeur. L?ambassadeur n?a pas d?état d?âme. L?ambassadeur n?a pas d?idée. L?ambassadeur n?a pas d?opinion. Il exécute. Un ministre a quand même plus de pouvoir d?appréciation qu?un ambassadeur. Mais, s?il est en désaccord avec le premier ministre, voir avec le président, ces désaccord ne peuvent se prononcer, ne peuvent s?exprimer qu?en conseil des ministre. Et ça ne peut pas sortir, normalement du conseil des ministres. Il est invraisemblable qu?un ministre critique le gouvernement auquel il appartient. Alors je ne sais pas comment cet attelage fonctionne entre les deux têtes de cet Exécutif bicéphale. Cependant il y a un fait par exemple, que je peux dire, c?est que le 17 octobre le président Préval a critiqué la Constitution. Et il a eu à dire ceci, il nomme le premier ministre, c?est d?ailleurs partiellement vrai, il dépend aussi du parlement, cette procédure associe la présidence de la République et les deux chambres. Il nomme le premier ministre mais il ne peut pas le révoquer. Il trouve cette situation pour le moins inconfortable. D?accord, mais le premier ministre était présent. Il m?a semblé ce jour là qu?il aurait pu dire, un petit mot en faveur du premier ministre. Il aurait pu dire, heureusement qu?entre monsieur Jacques Edouard Alexis et moi, les choses vont très bien. Il n?a rien dit. J?ai trouvé vraiment quand vous parlez d?un problème général. Mais lorsque vous avez présente la personne concernée par cette généralité, vous pouvez maintenir votre position de principe, critiquer la Constitution qui dit que vous n?avez pas le droit de révoquer le premier ministre. Mais cependant, la personne est là, vous auriez pu quand même dire un petit mot. Je me suis demandé, si ce n?était pas l?aveu d?un malaise pour le moins entre le président et le premier ministre. Je ne suis dans l?intimité du gouvernement. Je connais Jacques Edouard Alexis comme recteur de l?Université Quisquéa au quelle j?appartiens. Les gens changent peut être en changeant de fonction. Je ne peux pas me prononcer d?avantage sur les difficultés qui s?observent entre d?un coté les deux et de l?autre l?ensemble des ministres. 


 


RB : La lutte contre la corruption lancée tambour battant par Préval a fait ses premières victimes dans le secteur privé. Quant au scandale du CNE affectant des gouvernants passés et présents, on s?est empressé d?y mettre rapidement une sourdine. Les rapports de la CEA, de l?UCREF et de l?ULCC, qui ont offert des preuves de culpabilité irréfutables contre des dirigeants lavalassiens, sont jetés au rancart. Préval a mis fin à la poursuite contre Aristide par-devant les tribunaux de la Floride, pour malversation.


Pouvons-nous faire foi à cette mascarade de lutte contre la corruption ?    


 


MHM : Vous avez résumé un petit peu les dernier événements, qui montrent que l?ULCC, l?UCREF, n?ont pas été créé par le président Préval, mais par le gouvernement provisoire. Ils ont établi des rapports. Certains sont rendus publics avec des noms, avec des faits, avec des preuves. Et on se rend compte que les personnes dénoncées se trouvent encore en liberté, alors que les charges qui pèsent contre elles sont assez graves pour les envoyer devant les tribunaux. Quand on parle de la corruption, il faut d?abord identifier dans les structures mêmes gouvernementales, les secteurs, les poches de corruption. Il faut établir les faits. Et lorsque les faits sont établis. Les personnes accusées de malversation preuves à l?appui sont dénoncées. Il s?agit de les poursuivre devant les tribunaux. En d?autres termes, il y a une séquence dans la lutte contre la corruption. Il y a effectivemenrt les dénonciations verbales. On peut dénoncer verbalement. On peut affirmer urbi et orbi qu?on va lutter. Qu?on est décidé à extirper la corruption. Que la corruption cesse ! Qu?on va poursuivre quelque soit la personne etc. Ils savent que tout ceci c?est du bla, bla, bla ! Lorsque à la deuxième étape les faits sont établis. Les cas de malversation sont documentés. Et on ne fait rien.


Qui peut faire ? Ce n?est pas le pouvoir Exécutif qui peut. Le pouvoir exécutif peut par exemple se défaire d?un ministre compromettant qui est accusé. Avant même qu?il ne passe devant les tribunaux, le pouvoir exécutif peut dire, c?est vrai, il peut bénéficier de la présomption d?innocence. Mais lorsque les faits sont assez graves documentés, qui affectent un haut personnage de l?Etat. Je crois que le geste le plus élémentaire et le plus sain, c?est de s?en défaire.


La troisième étape c?est l?intervention du pouvoir judiciaire. Quand je dis pouvoir judiciaire, il faut bien savoir que la chaîne pénale commence avec le pouvoir exécutif. Car le Commissaire du gouvernement est un fonctionnaire du ministère de la justice intégré donc au pouvoir exécutif. Il faut donc que la chaîne pénale soit mise en mouvement. Et que ces personnes soient traduites par-devant les tribunaux. Si ceci n?est pas fait, on peut remonter les étapes, et se rendre compte que toutes ces paroles, n?ont pas de sens dans la mesure où elles n?expriment pas une volonté réelle du pouvoir exécutif de lutter contre la corruption.


Donc pour l?instant, la population est un peut sceptique. Ou alors la population dit, on prend une tête par-ci, on prend une tête par-là. Et vous l?avez dit le secteur privé. C?est possible effectivement qu?au niveau de la douane, il y ait des malversations qui ont été commises. Mais on ne peut pas mettre les gens en prison comme cela. Et les sortir de prison sans jugement. On ne peut pas ! On n?en n?a pas le droit ! Je ne sais pas si les gens du secteur privé ont été coupables ou pas. Mais cependant, si leur culpabilité est démontrée, logiquement, ces personnes devraient passer par-devant les tribunaux. On n?a pas le droit de jeter les gens dans une cellule et les sortir comme cela, sous pression, sur intervention ou sur négociation, et puis rien du tout. Ce n?est pas possible !


Ceci met en doute la crédibilité d?une détermination gouvernementale à lutter contre la corruption. J?attends pour ma part de voir. Vous avez parlez du secteur privé. Le secteur public aussi offre des poches de corruption, offre des possibilités de corruption. C?est encore plus facile. Car quelqu?un qui travail dans le secteur privé est un salarié. On connaît le niveau de son salaire. On le voit se livrer à des dépenses extraordinaires, maisons, voitures voyages. Sa femme aussi affiche un appétit pour les dépenses. On sait qu?il a une maîtresse, ou deux, ou trois et que ces femmes aussi se mettent à dépenser. Ce n?est pas difficile de documenter cela.


Il y a un système en France qui a été adopté depuis quelques années, qui s?appelle « Les signes apparents de richesse ». Ceci a été adopté de façon à lutter contre la fraude fiscale. Les gens font des déclarations d?impôt. S?ils ont telle somme comme revenu. Cependant des agents du fisc peuvent se rendre chez eux et réaliser qu?ils ont deux, trois voitures dans leur garage. Que dans leur maison, il y a des meubles de prix estampillés. Qu?ils ont un Fragonard. Qu?ils ont un Renoir comme tableau. A ce moment là ceux sont des signes apparents de richesse. Et ces gens sont taxés non à partir de ceux qu?ils ont déclarés comme revenu. Mais à partir des qu?ils possèdent.


Ce sera difficile. Il faudra vraiment réformé notre système fiscal, notre système d?investigation fiscale pour aboutir à cela.


Ce pour dire que les fonctionnaires de l?Etat qui ont un salaire sont repérables quand ils se mettent à faire des dépenses qui ne correspondent pas à leur salaire. Il y a une présomption de culpabilité qui devrait permettre à l?Etat, au bras judiciaire de l?Etat d?intervenir pour établir leur culpabilité.


Donc, sans toutes ces mesures là, j?estime que ceux sont des paroles en l?air !


 


RB : Les narcotrafiquants ayant atteint les plus hauts sommets de l?Etat sous le premier mandat de Préval, par exemple, Fourel Célestin président de l?Assemblée Nationale et plusieurs autres autorités lavalassiennes croupissent aujourd?hui dans les prisons de la Floride.


Peut-on croire à la lutte contre la drogue sous Préval ? 


 


MHM : C?est un peu la même chose. La drogue est une calamité. Haïti malheureusement est sur le chemin, sur l?itinéraire de la drogue, entre les zones de production et de commercialisation. Haïti devient un des circuits des zones de distribution et de consommation. Je suis d?accord que nous n?avons pas les moyens qu?il faut pour lutter efficacement contre la drogue. Mais, on n?a pas non plus la volonté réelle de lutter contre la drogue. Parce que ce qui fait la puissance des narcotrafiquants, c?est que participer d?une manière ou d?une autre à la production, à la commercialisation, et même à ce circuit intermédiaire que représente Haïti, ceci est extrêmement lucratif. Il y a beaucoup de gens qui se laissent tenter. Donc, il y a des particuliers qui sont impliqués dans le trafic de drogue, dans ce circuit, cette étape que représente Haïti. Mais il y a aussi des fonctionnaires de l?Etat. Pourquoi ?


Parce que la distribution, la commercialisation font d?Haïti un circuit important pour l?acheminement de la drogue. Ceci implique une certaine complicité au niveau des structures de l?Etat. Que ce soit l?aéroport. Que ce soit les douanes. Que ce soit la police. Il y a nécessairement la complicité. Les avions ne peuvent pas impunément atterrir en Haïti, livrer la drogue et repartir, s?il n?y a pas une complicité des fonctionnaires de l?Etat. Donc, on ne peut pas lutter contre le Trafic (T majuscule). Mais on peut certainement contrôler les circuits, les poches, les interstices de l?Etat par lesquels passe le trafic de la drogue. Là encore, s?il y a la détermination politique, je pense qu?il n?est peut être pas facile, mais il n?est pas impossible d?identifier les coupables et de les punir.


S?il y a des gens qui sont inculpés aux Etats-Unis. Ou qui attendent leur jugement. Qui sont déjà jugés et condamnés. Ca signifie qu?un tribunal américain a donc toutes les évidences qu?il faut pour les inculper. Vous savez qu?en matière de trafic de drogue, les Etats-Unis ont pu obtenir de plusieurs pays latino-américains que la DEA puisse intervenir directement dans le territoire même, pour arrêter les gens et les extrader vers les Etats-Unis. Il y a un double problème de souveraineté de l?Etat. Le premier problème c?est la capacité de l?Etat lui-même d?identifier les fauteurs, les trafiquants, les complices du trafic de la drogue en Haïti, les fonctionnaires de l?Etat. De l?autre un problème de souveraineté à savoir l?incapacité des tribunaux haïtiens à les juger, comme ils le sont aux Etats-Unis. 


 


RB : Préval veut que les élections indirectes soient tenues après la promulgation de lois régissant le fonctionnement des Assemblées. Or le dysfonctionnement du Sénat constituera irréfutablement un handicap à l?adoption de telles lois.


Ce pré-requis n?étant ni dans la lettre, ni dans l?esprit de la Constitution de 1987, Préval peut-il faire une telle exigence ? 


 


MHM : Le fonctionnement des Assemblées, vous voulez dire les ASEC les Assemblées Municipales, les Assemblées Départementales et les Conseils. La Constitution a prévu quand même l?adoption de lois à cet égard. C?est vrai qu?il n?y a que le parlement et le gouvernement qui peuvent prendre l?initiative des lois. Mais il n?y a pas de conditionnalité prévue par la Constitution. C?est exact, il n?y en a pas.


Il y a une étape qui est la constitution de ces Assemblées et une autre étape qui est leur fonctionnement. Evidemment la Constitution a prévu une cinquantaine de lois d?application pour toutes les institutions qu?elle a créées. Ces lois d?application n?ont jamais été votées depuis 20 ans, depuis que la Constitution existe. Ceci représente un handicape. Mais pas un handicape pour la préparation, pour la constitution de ces organes eux-mêmes. Car la constitution de ces organes est prévue aussi bien par la Constitution que par les lois électorales antérieures et par le décret de 2005, qui régit les élections du moment.


Le Sénat n?est pas encore dysfonctionnel. Il ne l?est pas encore. Il peut le devenir. Même à 19, encore une fois comme je vous le dis, sauf des cas très rares où la Constitution prévoit la majorité des deux tiers. Comme par exemple, pour adopter définitivement une réforme, un amendement constitutionnel. Le quorum pour le Sénat c?est la majorité plus un. Ce quorum est éminemment fragile. Un gouvernement qui veut agir dans ce sens, qui veut rendre virtuellement caduc le Sénat, peut, peut être convaincre quatre sénateurs de ne jamais se présenter. Le dysfonctionnement s?exprime dans la continuité de défaut de quorum. Mais pas dans la réalité présente.


Nous avons une situation dangereuse. A savoir que  sur les 19 sénateurs, obtenir le quorum peut être facile mathématiquement. Mais politiquement ce quorum est extrêmement fragilisé, car il dépend de la volonté soit  de quelques sénateurs, soit de la possibilité pour l?Exécutif d?agir auprès des ces quatre sénateurs.


 


RB : Comment percevez-vous la décentralisation, la déconcentration et le régime d?Assemblée ?


Quels sont les bénéfices que les Collectivités Territoriales peuvent en tirer ?


 


MHM : Vous mentionnez trois questions dont deux sont comparables. La troisième non. Les deux questions sont la décentralisation et la déconcentration. Ce qu?on appelle le régime d?Assemblée n?a rien à voir avec les Collectivités Territoriales. J?estime que vous voulez dire des Assemblées des Collectivités Territoriales. Pas le rédime d?Assemblée tel que prévu par le droit constitutionnel.


J?ai une opinion en ce qui concerne les Collectivité Territoriales, disons pour rafraîchir la mémoire de nos auditeurs que la Constitution identifie comme Collectivités Territoriales, la Section Communale, la Commune et le Département. Les institutions des Collectivités Territoriales sont le CASEC, l?Assemblée Communale et l?Assemblée Départementale. Il est bien précisé dans la Constitution que par la loi, on peut créer d?autres Collectivités Territoriales. C’est-à-dire que l?on ne peut pas créer une autre catégorie. On ne peut pas dire par exemple la Région est une collectivité territoriale. Mais dans les trois catégories qui existent, Section Communale, Commune, et Département, la loi peut en créer. C?est pourquoi d?ailleurs le président Aristide n?avait pas violé la Constitution en créant le Département des Nippes qui devient le 10e Département du pays. Il n?a pas violé la Constitution en créant Cité Soleil et Tabarre comme Commune. Ou créant d?autres Sections Communales à travers le pays.


Les institutions elles-mêmes CASEC, Conseil Municipale, Conseil Départemental, en outre à coté d?elles il y a des Assemblées. On a coutume de dire que le CASEC représente un pouvoir exécutif local et l?ASEC un embryon de pouvoir législatif. Ceci est une mauvaise interprétation dans la mesure où l?ASEC n?a pas un pouvoir de créer quoi que ce soit, ni comme norme, encore moins des lois. Cependant ceux sont des organes de délibération. Ceux sont des organes supposément dans lesquelles les représentants des populations locales peuvent venir délibérer de choses, de problèmes qui les concernent.


Mais le grand problème en ce qui concerne les Collectivités Territoriales, c?est qu?on a multiplié les institutions. Nous devrions donc avoir du Département 10 Assemblées départementales, et au dessus un Conseil Interdépartemental, 142 Communes, 142 Conseils municipaux, et 142 Assemblées communales, 565 Sections communales, 565 CASEC, 565 ASEC. C?est une machine extrêmement lourde. On les a créés, et pour la plupart elles sont vides de sens. Elles sont vides de pouvoir. Et elles sont vides surtout de moyen. Il n?y a pas à ma connaissance une cinquantaine de CASEC qui fonctionnent normalement. Les CASEC se plaignent qu?ils n?ont pas de moyen. Les communes se plaignent qu?elles n?ont pas de moyen. Alors que la Constitution dit que la Commune est autonome. C?est-à-dire elle est financièrement autonome. Elle devrait être en mesure de prélever des taxes, de marché, le droit d?alignement, l?impôt locatif, qui est très mal nommé, ceux sont les propriétaires qui paient l?impôt locatif. Dans les Communes ceci ne se fait pas régulièrement. Il y a énormément de problèmes pour faire fonctionner les Collectivité Territoriales.


C?est pourquoi la Décentralisation qui est considérée comme étant synonyme de Démocratisation. Si cette Démocratisation doit passer par la Décentralisation, il aurait fallu que celle-ci fût mieux pensée, d?abord par les constituants et en outre par les lois.


La France a adopté des lois de Décentralisation en 1982 depuis lors, il y a une soixantaine de lois d?application et beaucoup plus de règlements qui ont été adoptés par l?Etat français pour mettre tout ceci en pratique. Car il y a énormément de problème à considérer. Un des problème, en ce qui concerne les Collectivités Territoriales, c?est la délimitation géographique. C?est la délimitation territoriale. C?est insensé lorsque l?on voit une carte d?Haïti avec les Communes et à l?intérieur des Communes les Sections communales. J?aime bien citer le cas d?une Commune que je connais bien. Parce que j?y vis, c?est la Croix-des-Bouquets. Vous avez des Sections communales de la Croix-des-Bouquets qui sont plus proches de Pétionville que de la Croix-des-Bouquets.


Il faudra, je pense pour ma part, de manière à mieux réaliser cette délimitation, il faudra revoir tout le processus. A commencer par un réaménagement territorial du pays. 565 unités, sans compter les Habitations. On a plus de 12 milles Habitations à l?intérieur des Sections communales. Il faudra peut être repenser tout cela. Et faire appel à des équipes de démographes, de géographes, de géologues, de spécialistes en administration publique et aussi à des fonctionnaires, pour établir des politiques publiques. Si non on n?aboutira pas à l?objectif meme de la Décentralisation, qui est d?apporter le bien-être matériel, le progrès, la modernisation aux populations là où elles se trouvent. C?est ça le grand défi !


Il ne s?agit pas d?obliger les gens a venir inscrire leurs enfants dans une école primaire de la ville la plus proche. Il s?agit en matière d?éducation d?apporter l?éducation, les structures de l?éducation là où vivent les enfants et leur famille.


La Déconcentration, mais nous l?avons dans le droit administratif haïtien. Le fait pour un ministère d?avoir des représentants au niveau des Départements et au niveau des Communes. La Déconcentration ne marche pas en ce qui concerne tout les ministères. Mais c?est déjà dans le panorama. Mais il y a des problèmes qui se posent sur place, entre les agences déconcentrés de l?Etat et les quelques rares élément d?une fonction publique territoriale, dépendant donc des Collectivités Territoriales sur place. Sans compter des conflits de compétence entre les agents de déconcentration et de décentralisation et les représentants de l?Etat à travers les délégués et les vices délégués.


On a toute une série de problèmes qui sont liés entre eux et qu?il s?agira de résoudre de façon à rendre cette Décentralisation, cette Déconcentration vraiment des réalités. A faire d?elles des réalités efficaces.  


 


RB : Au seuil d?une crise institutionnelle provoquée par le pouvoir, d?une part, et de l?autre le besoin de brouiller les cartes pour éviter les élections indirectes, et ceux qui en découlent. Par coïncidence, nous assistons aujourd?hui à une reprise spontanée du kidnapping, et à une résurgence soudaine de l?insécurité, menaçant tous les secteurs sans exception.


 Ne pensez-vous pas que ce soit une man?uvre politique faite sur commande pour forcer l?internalisation de la peur ?


 


MHM : Je ne sais pas si c?est une man?uvre. Si non elle serait extrêmement dangereuse non seulement, irresponsable, coupable et très dangereuse. C?est vrai, qu?il y a une résurgence de l?insécurité. On croyait que le gouvernement avait dit que c?était en voie de résomption. Ca recommence. Ca s?étend. C?était un phénomène de Port-au-Prince de la zone métropolitaine. Maintenant c?est un phénomène qui gagne les provinces. On apprend des cas qui se passent dans les provinces. A ce sujet il faut dire ceci, c?est que pour un cas connu, dénoncé à la radio, par exemple, il y a peut être cinq ou six cas qui ne le sont pas. Car les gens se taisent. Quand il y a des monstruosités de barbarie qui se présentent, comme par exemple le petit garçon, dont la famille ne pouvait pas payer les $25,000 qui a donné 20,000 gourdes, on a découvert son cadavre avec les deux jambes coupées et une main coupée. Pour moi c?est de la sauvagerie. Quand un cas de ce genre se présente, ça fait la une des journaux et des médias. Tout le monde en parle. On est offusqué. On est plein de colère et tout. Mais cependant c?est de bouche à oreille qu?on apprend, écoutez dans mon quartier il y a eu un cas de kidnapping où le fils de mon frère a été kidnappé, etc., etc. On apprend ainsi par le voisinage que telle personne, telle famille a été frappée etc. Ce n?est pas par la radio. Ce phénomène est beaucoup plus vaste que ce qu?on apprend à la radio.


Mais encore une fois, je ne sais pas si c?est une man?uvre politique pour fixer l?attention sur le kidnapping et détourner l?attention sur d?autres problèmes. Je crois que si c?est ça. Ca n?a pas réussi. Car les gens se plaignent à la fois de l?insécurité et de la vie chère, du manque d?électricité, comme de la cherté de la gazoline etc. Au contraire les gens ajoutent le kidnapping à l?ensemble de calamités qu?ils vivent pour l?instant dans le pays. Je ne peux pas vous répondre par oui ou par non. Mais cependant, si votre hypothèse se révèlerait juste, je crois que ce serait irresponsable et dangereux. 


 


RB : Préval comme Chavez, Morales et Correa, veut remplacer la Constitution de 1987. L?échec retentissant de Chavez au Venezuela a peut être porté Préval à réfléchir. D?ailleurs, Préval n?a pas la légitimité diffuse de Chavez, et encore moins sa capacité financière.


Qu?est-ce qui a forcé l?échec de Chavez ? 


 


MHM : Tout d?abord je ne comparerais Chavez, Morales et Correa. Parce que les deux autres n?ont pas les moyens de Chavez et pas non plus cette maîtrise de la population. Evo Morales, c?est un cas exceptionnel en Amérique latine. Cette exceptionnalité je ne la lie pas au fait que ce soit un homme de gauche, mais au fait que ce soit un Indien. D?ailleurs il fait face maintenant aux possédants de son pays qui ne veulent pas du tout de l?orientation qu?il veut donner, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan économique. Il est significatif que cette bourgeoisie veuille changer la capitale du pays au lieu de La Paz, de rétablir Sucre comme capitale du pays. Parce que Sucre fut la capitale de l?époque de conquistadors, des conquérants espagnols. Ceux sont les héritiers en partie  de ces conquérants espagnols qui ramènent cela sur le tapis. Ce n?est pas la première fois. Mais c?est la première fois que c?est aussi violent et aussi déterminé.


D?abord l?échec de Chavez, lors du référendum d?une part et de l?autre, l?incidence de cet échec sur la mentalité du président Chavez. Les auditeurs ceux qui me connaissent savent que nous avons vécu huit ans au Venezuela. Mais à une époque beaucoup plus calme, mais à une époque où il y avait déjà la bonanza pétrolière. Déjà à cette époque nous observions qu?il y avait une authentique Démocratie. On trouvait inacceptable certaine manifestation de pauvreté. Que les inégalités sociales augmentaient dans le pays. Car nous avons connu le pétrole à $14. Nous l?avons aussi connu à $28 le baril. A une époque où il avait été à $32 le baril, il avait été nationalisé par le président Carlos Andres Perez. Le Venezuela a donc disposé en tout temps d?une certaine enveloppe financière qui aurait dû permettre une politique beaucoup plus efficace, et sans doute beaucoup plus évidente de justice sociale. Ce qui n?a pas été fait. Et ce déficit explique l?ascension d?un personnage comme le président Chavez.


Ce qu?il faut dire, malgré son caractère imprévisible, malgré son absence de retenu. Il dit n?importe quoi, au point d?avoir provoqué un incident à Santiago de Chile l?autre jour quand il y a eu la réunion de l?ensemble de la grande famille ibéro américaine. C?est une réunion qui se fait tous les deux ans. Le roi d?Espagne et le président portugais viennent et glorifient, non pas la hispanidad seulement, mais à cause du Brésil qui est un gros morceau, ils sont bien obligés de parler de la famille ibéro américaine. C’est-à-dire les anciennes métropoles de la péninsule ibérique européenne. Ca se passe toujours de façon très courtoise et le personnage qui était haut en couleur jusqu?ici, mais sans faire d?éclat, c?est Fidel Castro. Fidel Castro arrivait avec ses propres gardes etc. Mais il jouait aussi le jeu de cette grande confraternité ibéro américaine. Or a Santiago de Chile, le roi d?Espagne est sorti de sa réserve. Le président Chavez a quand même eu un geste qui a défié toutes les normes de la bienséance diplomatique. Quelqu?un parlait, il lui a pris le micro, et il s?est mis à critiquer, à insulter le précédent premier ministre espagnol, alors que l?actuel premier ministre était là. Le roi, tout le monde la vu lui a dit « calla te ! ». C’est-à-dire, tais-toi ! Certains journaux français l?ont traduit par « fermes la ! ». Ce qui est encore beaucoup fort. Ca été mal ressenti au Venezuela. Même les partisans de Chavez, ont trouvé qu?après ces pitreries aux Nations Unies, où il a fait le signe de croix, par qu?il senti une sorte d?atmosphère satanique, parce qu?il se trouvait aux Etats-Unis. On a trouvé qu?il se comportait un peu comme Nikita Khrouchtchev dans les années 60, le chef du parti communiste soviétique qui se rendait aux Nations Unies. Ensuite, son attitude concernant l?affaire des otages. Vous ne pouvez pas arrivé à Paris, alors que le président français s?engage à faire libérer l?otage la plus connue, qui est Franco-colombienne Ingrid Béthencourt, et vous dites, je suis sûr que madame Ingrid Béthencourt est vivante, mais j?attends encore les preuves. C?était vraiment l?occasion pour lui de la fermer. De ne pas dire des chose de ce genre. Il a eu des problèmes avec le président Uribe qui est tout à fait anti-Chavez. Le président Uribe lui a enlevé la mission, malgré les insistances de la France. Je ne sais pas si finalement les choses ne se sont pas arrangées depuis hier, parce que je n?ai pas de nouvelle.


Tout ceci pour créer un contexte, dans lequel au Venezuela lui-même, et c?est le cas le plus important, il vient d?essuyer un échec. Pour avoir 51%, cela signifie que des gens qui avaient voté pour lui l?année dernière, lors des élections présidentielles, n?ont pas voté la constitution. Et les déclarations faites par certaines personnes dans la rue, micro-trottoir, des gens disent qu?on est toujours pour le président Chavez, mais on n?est pas d?accord avec certains amendements constitutionnels qu?il a voulu faire. Je pense que ce serait trop rapide et imprudent de dire qu?il est fragilisé. Il a subit des revers. Il a dû ressentir une certaine humiliation. Mais il s?est vitre rattrapé en disant : « On ne peut pas dire que je suis un dictateur ! ». Effectivement, ceci est réconfortant, il y a quand même des ressorts et des structures démocratiques qui demeurent au Venezuela comme le Conseil Electoral Suprême qui organise les élections. C?est lui qui en a nommé les membres. Donc les élections observées par des étrangers qui étaient là etc. Les structures électorales a Venezuela sont très bien faites. Le soir même on a pu avoir les résultats, comme pour toutes les élections au Venezuela. Ils sont techniquement bien équipés pour cela. Il a essayé de faire contre mauvaise fortune bon c?ur, de dire, je ne suis pas un dictateur. Je ne me hasarderai pas à dire qu?il est fragilisé. Il demeure populaire. Il a les moyens de cette popularité. C’est-à-dire, c?est la bonanza pétrolière. Près de trois millions de barils de pétrole par jour, dont la moitié, soit dit en passant, est vendu aux Etats-Unis, malgré les rodomontades du président Chavez. Il a les moyes de mener une politique qu?on dit démagogique, c?est possible. Cependant il y a des résultats qui sont palpables au niveau de l?amélioration des conditions de vie des masses vénézuéliennes.


Maintenant, est-ce que parce qu?il s?agit de Constitution, que ceci va avoir une influence sur le président Préval, je ne sais pas. Les pays ne sont pas comparables. Les enjeux ne le sont pas. On ne sait pas finalement ce que le président Préval a en tête. S?il va forcer les choses et faire son Assemblée constituante. Ou bien, s?il va tranquillement attendre l?année 2009, pour initier la procédure d?amendement constitutionnel. En tout état de cause, quand un événement de ce genre se produit dans un pays, surtout dans un pays dont le président se présente comme ami, même si on n?a pas encore vu un seul baril de pétrole, et vous dites que vous vous situez dans la même mouvance. Ca peut porter à réfléchir, non seulement le président Préval, mais je crois que les autres, le président de l?Equateur, celui de la Bolivie, et peut être aussi le président du Nicaragua. Mais attendons pour voir les résultats.     


 


RB : Cette liste de détenus pour vol, viol, meurtre, assassinat, kidnapping, narcotrafic etc. libérés récemment sans jugement par René Préval et Claudy Gassant, est-ce une autre tentative de récupération des bandits avec qui Préval et Alexis avaient voulu dialoguer et négocier ?


 


MHM : C?est initiatives là, ont jeté un certain trouble dans le pays. Leurs noms ont été publiés et leur dossiers aussi. Ceux sont des gens qui ne sont pas encore passés en jugement. Les membres du système judiciaire haïtien se sont fait entendre. Les avocats sont montés au créneau pou dire qu?il y a des accros graves à la procédure judiciaire qui risque de faire chuter l?efficacité de la justice haïtienne.


Vous situez votre question dans une autre perspective. Ets-ce que ces deux cents personnes sont des individus parmi d?autres, ou sont-ils des chefs de gang capable de former un petit noyau sous contrôle  dans divers partis du pays. Des  noyaux dont les membres seraient mobilisables pour n?importe quel entreprise. Je ne peux pas le dire parce que je manque d?information à ce sujet.


Je préfère insister sur ce que cela représente au niveau de la justice elle-même. Car il y a une surpopulation carcérale qui est délétère. Qui certainement ne crée pas des conditions ni de vie acceptable pour les détenus, ni non plus créant les conditions d?une régénération morale citoyenne de ces individus. Il y a donc un problème de surpopulation des prisons, est-ce que c?est la bonne méthode ? Je ne le crois pas. Je préfère me retrancher pour m?interroger derrière les critiques formulées par les gens qui sont directement impliqués dans le système judiciaire, c’est-à-dire les magistrats et les avocats. 


 


RB : Quelles sont les intensions de René Préval, de Claudy Gassant et d?Alix Fils-Aimé avec toutes ces armes entreposées à la CNDDR qui sont à leur disposition ? Est-ce pour le réarmement de ceux qui sont libérés ?


 


MHM : Ici encore on touche du doigt un problème de crédibilité. Cette commission qui a été mise sur pied, dont certains membres ont été critiqués, pour ne pas inspirer la confiance. De temps en temps elle monte au créneau pour parler des armes récupérées. Cependant, je ne crois pas que la moisson soit très importante. Selon certaines informations, il n?y a pas 10% de ces armes qui ont été récupérées. Par quelle incitation peut-on porter des gens qui disposent d?armes, d?armes légères ou lourdes à les remettre au gouvernement. Autrement dit s?il y a une utilisation possible des armes par des gens du pouvoir que ça leurs servirait pour armer éventuellement des bandes à leur solde. Ce qu?il y a de plus inquiétant c?est le maintien des stockes d?armes dans le pays non récupérées, non aisément récupérables et ce qui se dit aussi concernant la rentrée d?importation d?armes nouvelles par certains secteurs de la vie politique. A cette occasion faut dire qu?il est tout à fait important d?établir la matérialité du fait que d?évoquer la croyance dans le fait. Les gens le croient. Et c?est ça qui est important. Ont-ils raison de le croire ? Je ne sais pas. Parce que je n?ai moyen de vérifier la matérialité de certaines accusations. Cependant les gens se disent, cette opération là encore, c?est jeter la poudre aux yeux. Faire croire vraiment qu?il y a quelque chose de sérieux qui est en train de se réaliser, alors que les armes demeurent à la disposition de certains secteurs.


 


RB : Il y a deux semaines, il était prévu pour Préval de visiter la Cité Soleil en personne. Et pourtant, c?est par hélicoptère qu?il a choisi de survoler les bidonvilles.


Pourquoi refuse-t-il de s?y rendre en chair et en os ?


 


MHM : Il faudrait le lui demander, à lui-même ou alors à ceux qui l?entourent. Ceux qui lui ont conseillé de prendre l?hélicoptère. Cependant si j?étais habitante de Cité Soleil, je trouverais cela assez mal venu, que vous voulez me visiter et que vous survolez la zone seulement en hélicoptère. S?il n?est pas descendu de son hélicoptère pour se mêler à la population, pour parler à la population, pour l?interroger sur les méfaits des destructions à la suite de cette tempête tropicale. Je pense que c?est quand même significatif. Peut être une certaine réserve, pourquoi hésiter à ne pas vouloir dire le mot, peur d?une manifestation hostile à Cité Soleil.   


 


RB : Catapulté au pouvoir depuis 19 mois, par la base lavalassienne, ce gouvernement s?est-il créé une base politique qui lui soit propre ?    


 


MHM : Les rapports entre le président Préval et le gouvernement actuel, avec le milieu lavalas sont sujets quand même à beaucoup de prudence. Parce que c?est vrai, ceux sont les troupes lavalassienne qui ont orchestré toutes les manifestations, qui ont porté toute la communauté internationale à avoir peur. Toute cette mise en scène de la publication des résultats des élections. C?est vrai. C?est attribuable au milieu lavalas.


Maintenant, le milieu lavalas semble vouloir s?organiser de manière autonome. Ces fortes manifestations au Cap. Les paroles qui sont prononcées. Les intentions qui sont déjà annoncées, de candidature etc. Tout ceci pourrait laisser croire à une distanciation entre le gouvernement actuel et le milieu lavalas. Cette distanciation est peut être voulue apparemment. De façon à porter les gens à s?interroger.


Pour ma part, je ne m?aventurerais pas à dire que les marassas sont subitement devenus ennemis. Je n?oserais pas non plus de dire que pour les prochaines élections, il y aura un candidat LESPAW et un candidat lavalas. Par exemple pour les élections du tiers du Sénat. Attendons pour voir. Il y a un jeu qui se dessine, dont les gens croient avoir tout le contrôle, toutes les ficelles. Ce jeu est aussi destiné à jeter la poudre aux yeux. C?est pourquoi il faut être vigilent. Et ne pas s?empresser de dire que ce n?est pas la même chose LESPWA et lavalas. Qu?il n?y a aucune entente possible. Que tant qu?il est au pouvoir Aristide ne retournera pas etc., etc.


Je crois qu?il faut essayer de pénétrer les  non-dits et les non-faits de ce jeu politique, qui n?est pas peut être aussi intelligent que ses promoteurs le croient.


 


RB : Plus d?un doute du fait que Leslie Manigat ait abandonné pour de bon le rôle de leader du RDNP. Certain pense que ce ne soit pas définitif.


Que pouvez-vous dire pour les convaincre ? 


 


MHM : Je peux leur dire que quiconque connaît Leslie Manigat, ne se posera pas la question. Leslie Manigat dit ce qu?il fait, et fait ce qu?il dit. Je peux donner un seul élément. Il y a des réunions qui se passent au bureau central auxquelles je participe. Mais depuis des années les réunions du Comité Exécutif National du parti ont lieu chez moi, le samedi après-midi, de 4 heures jusqu’à 8 heures et demi du soir. Depuis que j?ai été élue Secrétaire Générale, la première fois qu?une réunion du CEN s?est présentée à la maison, Leslie est venu et il a dit, de manière absolument irréfutable, de manière sérieuse : « Mes amis je suis là aujourd?hui, mais c?est pour la dernière fois que je participe à une réunion du CEN. » Il ne m?avait même pas prévenu moi-même de ce qu?il allait dire. Les gens ont protesté. Même s?il n?est plus Secrétaire Général, il est le leader historique du RDNP. Il a dit non. Maintenant, vous avez un autre leader, madame Manigat. « Je me retire » Depuis lors les réunions se déroulent chez moi. Lui, il est à son bureau. Il travaille. A la fin de la réunion, il peut sortir pour saluer, au moment où les gens s?en vont. Il ne va pas au bureau central. Il ne se prononce pas au nom du RDNP. Cependant je peux quand même dire que les gens ne comprendraient pas que moi devenue Secrétaire Générale, je ne bénéficie pas de ses conseils.


Leslie est un homme d?une très grandes intelligence, supérieure à la moyenne, bien supérieure à beaucoup d?intelligences politiques. Il a l?intelligence intellectuelle, si j?ose dire, pardonner moi de ce pléonasme, mais aussi de l?intelligence politique. Il a une connaissance extraordinaire des hommes. Et moi je dois bénéficier de ses conseilles et de ses suggestions. Il est tout à fait normal que je m?en réfère à lui, quand il y a une situation qui se présente, une décision à prendre, je lui demande son avis. Et parfois lorsque je fais des réunions au bureau central, une situation se présente etc., mes collaborateurs disent, il faudrait demander au président Manigat ce qu?il pense de telle chose. Je lui en parle, et il me dit ce qu?il pense.


Il ne peut pas s?en aller définitivement du RDNP. Le RDNP c?est son ?uvre. Il l?a dirigé pendant d?années. Il en connaît tous les problèmes. Il connaît les hommes. Il connaît leur caractère, leurs défauts et leurs qualités. Il est normal que j?en bénéficie.


On m?a même parlé à Boston, si un jour votre destin se dessine d?une certaine manière, est-ce que ce ne sera pas un destin de doublure ? Non ! Non pas du tout ! Cependant, Leslie n?a pas intérêt à ce que j?échoue. Il est normal qu?il soit à mes cotés. Dans la vie intellectuelle, comme dans la vie personnelle, comme dans la vie politique, nous sommes ensembles. Il n?est pas question de penser que Leslie Manigat est là me dictant.


Même pour cette affaire de mon retrait l?année dernière, les gens ont pensé que c?est lui qui m?avait obligé. Alors qu?il a tout fait, quand je lui en ai parlé. C?est la première personne à qui j?ai fait part de mon intention. Il m?a dit ceci « Réfléchi, dômi sous li. » « Car on ne te comprendra pas. On ne te pardonnera pas. » Il avait raison. Mais cependant devant certaines évidences et en particulier le coup de cinquante milles voix qui on disparu comme par enchantement du résultat des élections. Ma détermination était prise, il l?a respectée. Leslie a un très grand respect pour moi. Et c?est réciproque. En d?autres termes, dans la vie intellectuelle comme dans la vie courante, nous nous entendons. Et il est normal qu?il me conseille, qu?il me critique même. Ceci est tout à fait normal.


Mais je peux rassurer les gens, pour leur dire que, ne vous inquiétez pas. Leslie c?est vrai, et personnellement je le déplore, je le dis le plus sincèrement du monde, Leslie a abandonné non seulement son rôle de leader du RDNP. Mais il a abandonné la politique. Je crois pour ma part. Et je le dis avec conviction. Je le dis avec la solennité, le pays ne réalise pas encore, ce qu?il a perdu, en ne choisissant pas Leslie Manigat comme président l?année dernière. En laissant faire, ce qui a été fait l?année dernière. Car beaucoup de gens disent, « Si Manigat té rété pays a ta pi loin ! » en songeant aux quatre mois de sa présidence. Cependant dans la conjoncture actuelle, le pays a encore beaucoup perdu, en laissant faire ce qui s?est passé l?année dernière. En n?ayant pas Leslie Manigat à la tête du pays. Ce n?est pas seulement une affaire du RDNP. C?est une affaire du pays. 


 


RB : Compte tenu de la tension politique et de la volatilité de la conjoncture, quels sont vos pronostiques à court et moyen termes ?


 


MHM : Une grande préoccupation. Et le mot de volatilité, je crois, est pertinent. Car ce qui est volatil est imprévisible. Cette ombre qui s?étend sur le pays c?est précisément cette imprédictibilité. Je ne pense pas que le premier janvier 2008, je dirai bonne année. Car nous ne savons pas ce que 2008 nous réserve.


 


RB : Je vous remercie pour votre participation hors pair. Participation très supérieure en réflexion, en vision, en appréciation et évaluation de la chose politique, en expression de pensée et en analyse de la conjoncture. Je souhaite pouvoir vous inviter une prochaine fois, pour parler politique.


 


MHM : Ce sera toujours avec plaisir, avec grand plaisir.


Je profite quand même avec un dernier mot pour souhaiter avec trois semaines d?avance, un joyeux Noël pour ceux qui peuvent. Mais quand même un paisible Noël, un Noël de paix. Et malgré toutes les ombres qui planent sur le pays, malgré ce que je viens de dire, pour votre vie privée pour votre famille, pour votre entreprise, pour vos activités professionnelles, je souhaite que l?année 2008, vous apporte beaucoup plus de satisfaction et de bonheur que de déception et de peine.


 


RB : Je vous souhaite de même.