Originally: Growing security gives Haitians a sense of hope
PORT-AU-PRINCE — Dans ce pays qui, depuis plusieurs années traverse une crise économique et politique, j?ai trouvé un fragile mais incontestable air d?optimisme.
Le point charnière était peut-être le grand concert hip-hop du musicien d?origine haïtienne, Wyclef Jean ? qui se rapproche le plus d?un héro national dans l?Haïti d?aujourd?hui ? accompagné de la mégastar d?origine sénégalaise Akon. À quelques personnes près, tous ceux à qui j?ai parlé m?ont informé qu?un tel spectacle aurait été impensable il y a juste un an, par peur des gangs armés et des kidnappings.
Peu nombreux sont ceux qui pensent déclarer victoire sur la vague d?enlèvements ayant pratiquement paralysé le pays depuis quelques années, mais un net allégement des kidnappings et un sentiment naissant de stabilité politique ont ramené un certain degré d?espoir ? du moins dans le milieu des affaires et dans la classe politique.
« Il s?est ouvert pour nous une fenêtre d?opportunité, » dit Rudolph Henry Boulos, membre du Sénat de la République. « Il y a une stabilité politique et une sécurité accrue. Avec ceci, nous pouvons nous concentrer sur la consolidation d?une stabilité économique. »
Parmi les premiers à créditer pour ce sentiment croissant d?un retour à la normale il faut compter les 9.800 membres de la force onuisienne de maintien de l?ordre menée par un contingent brésilien, formation arrivée après la révolte de 2004 ayant suscité le départ de Jean-Bertrand Aristide, président à l?époque.
SUCCES DE L?ONU
Malgré le scandale impliquant plus de 114 casques bleus du Sri Lanka accusés d?exploitation sexuelle de mineures haïtiennes, la mission de l?ONU est généralement considérée comme ayant réussi à rétablir l?ordre.
Les enlèvements, par exemple, ont dramatiquement réduit, allant de 500 cas en 2006 à 215 à date pour 2007, selon l?ONU.
Jean-Paul Faubert, homme d?affaires du secteur des textiles qui sautait et se balançait à côté de moi au concert, a déclaré qu?il y a seulement un an, sa famille et lui envisageaient de quitter Haïti. Plus maintenant.
A présent, il reprend plutôt les investissements en son usine textile. Il considère qu?Haïti est mieux positionnée que la Chine pour offrir une main d??uvre à bon marché et un accès commode aux Etats-Unis, si le pays caraïbéen maintient et consolide la stabilité régnant actuellement.
Une des choses que j?ai trouvées les plus intéressantes ? et qui peut-être pourra s?appliquer à des efforts de reconstruction future à Cuba ? c?est le rôle positif qu?ont joué les pays de l?Amérique Latine. Dans un pays dont l?histoire est ponctuée d?interventions militaires américaines et de micro-management du Département d?Etat, un grand nombre d?Haïtiens prétendent que les Latino-américains sont pour beaucoup dans le succès de la police onusienne.
« Il nous est plus facile de communiquer avec les Latino-américains parce qu?ils ont eux-mêmes eu à faire face aux coups d?état, à l?hyper-inflation, aux kidnappings, » dit Bernard Craan, grand exportateur de mangues. « Ils peuvent mieux comprendre nos problèmes. »
Pour sa part, Gabriel Verret, principal conseiller économique du Président René Préval, le voit ainsi : « Parce que les Latino-américains ne s?occupent pas d?assistance économique, ils n?adoptent pas une approche à l?emporte-pièce. Etant donné qu?il n?appliquent pas une formule consacrée, ils doivent prendre le temps d?écouter. Et ceci réussit très bien. »
Il est certain qu?Haïti représente sous de nombreux aspects un cas aberrant. D?une manière générale, à la capitale, on ne bénéficie que de trois heures d?électricité par jour, et encore moins dans les campagnes.
Soixante-dix-huit pour cent des 8,5 millions d?habitants subsistent avec moins de $2 par jour, et 46 pour cent n?ont pas accès à l?eau potable, selon les chiffres des Nations Unies.
Et, comme j?ai eu à apprendre au concert Wyclef-Akon, les petits larcins sont encore omniprésents. Insoucieux, je scandais les refrains avec la foule, ma veste dans une main, lorsqu?une main inconnue surgit subitement pour me ravir la veste en une fraction de seconde. Peu de temps après, il y a eu à quelques pas un léger tumulte, alors qu?une douzaine de jeunes hommes se disputaient l?accès aux poches de la veste en la déchirant (heureusement, il n?y avait aucun objet de valeur dedans).
Quand je visitais ce pays au milieu des années 80, le secteur de la sous-traitance comprenait plus de 100,000 ouvriers, et le tourisme était en pleine croissance. De nos jours, après des coups d?état sans nombre et autant de changements portés à la constitution, seulement 20,000 ouvriers travaillent dans la sous-traitance et très peu de non-Haïtiens comme touristes.
Le matin suivant le concert, au cours d?un entrevue qui a duré un heure à la résidence présidentielle, j?ai interrogé Préval sur le sentiment de sécurité qui va en s?intensifiant.
Il a répondu de manière prévisible, créditant son gouvernement pour la majeure partie de cette réussite, et notant que lui personnellement a convaincu les chefs de gang à permettre à la police d?accéder aux quartiers les plus dangereux du pays. Ce n?est qu?alors que les forces de l?ONU ont pu faire leur travail, a-t-il dit.
Maintenant que la mission des Nations-Unies a contribué à ce sentiment de sécurité, il faut à présent élargir son rôle, pour qu?elle puisse aussi contribuer à la relance économique du pays, a continué Préval.
Le problème c?est que, même si les officiels brésiliens veulent bien élargir leur mission à celle du développement, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies ne le permettra pas, dit-il. Le Conseil de Sécurité invoque les règlements selon lesquels sa mission en Haïti se limite strictement au maintien de la paix.
« Il est temps de modifier les règles d?engagement de la mission de l?ONU, et faire en sorte qu?elle contribue davantage à améliorer les conditions de vie, » m?a dit Préval. « Ils peuvent faire appel à leurs ingénieurs militaires pour nous aider à construire des routes, à réparer les écoles, à améliorer le système d?enlèvement d?ordures et beaucoup d?autres choses. »
UNE STABILITE PRECAIRE
Mon opinion : je suis d?accord. Pratiquement dénuée d?électricité, avec peu de routes adéquates, et une classe moyenne quasiment inexistante, Haïti ne pourrait jamais fonctionner à elle seule. Si la mission des Nations-Unies n?est pas élargie, les démunis d?Haïti deviendront de plus en plus frustrés, et le nouveau sentiment de sécurité qu?une toute petite intervalle dans une longue période de tourmente.
Le concert Wyclef-Akon, et le fait que ? à une ou deux vestes près ? il se soit déroulé dans la paix, peut marquer dans l?esprit des gens le point de départ d?une nouvelle période de stabilité en Haïti. Mais ceci est loin d?être sûr. Il faut que ça se traduise en avancées visibles pour les pauvres. Les Nations-Unies devraient veiller à ce que cette fenêtre d?opportunité ne se perde pas.