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Scandale au Sénat !!! Des sénateurs ont été soudoyés pour voter une résolution en faveur de la SOCABANK, révèle le sénateur Gabriel Fortuné
En relation avec le dossier, un “potentat” a laissé le pays, selon le parlementaire qui promet des “preuves” à l’appui de ses révélations
samedi 27 janvier 2007,
Le sénateur Gabriel Fortuné (Sud) a révélé samedi que des sénateurs ont été soudoyés en vue de voter jeudi soir une résolution par 16 voix contre 18 recommandant une solution négociée dans un conflit opposant la Banque de la République d’Haïti (BRH) aux actionnaires de la Société Caribéenne de Banque S.A. (SOCABANK) contre laquelle l’Etat haïtien a décidé des poursuites pour insolvabilité.
Le sénateur Fortuné qui affirme que l’argent a été versé par des « gens de la SOCABANK » promet d’administrer la semaine prochaine la preuve de ses allégations, précisant qu’il s’est résolu à faire cette révélation après en avoir informé le président du Sénat, Joseph Lambert. Il explique une telle décision par la nécessité de faire savoir au public qu’il y a des sénateurs, dont lui-même, qui ont refusé d’être mêlés à cette « sale affaire ».
« Ils savent que je sais. De nos jours, les transactions financières, surtout quand elles concernent de fortes sommes, ne peuvent être effectuées secrètement », a ajouté M. Fortuné, soulignant qu’en relation avec le dossier, un potentat, dont il n’a pas révélé l’identité, a laissé le pays vendredi soir.
La résolution constitue une réplique directe à l’arrêté présidentiel pris le 19 janvier en appui à la décision de la Direction Générale des Impôts (DGI) d’engager 3 avocats chargés d’assister et de représenter l’Etat haïtien dans l’action visant la SOCABANK, indique Gabriel Fortuné. « C’est extrêmement grave que des membres de la 48ème législature se soient engagés dans une entreprise de consolidation d’une véritable mafia financière en Haïti, contre de justes mesures de la BRH et de l’Etat haïtien visant la préservation et la sauvegarde de certains intérêts », ajoute-t-il.
La démarche ayant abouti au vote de la résolution est d’autant plus scandaleuse qu’il était entendu qu’il n’y aurait pas de séance jusqu’aux funérailles du sénateur Noël Emmanuel Limage tué le samedi 20 janvier dans un accident sur la Nationale No. 1 (Nord), a indiqué Gabriel Fortuné.
Se montrant encore plus critique envers ses pairs, il a mis l’accent sur le fait que « ceux qui ont voté la résolution sont ceux-là même qui ont fait la sourde oreille à d’importants rapports sur la corruption rendus publics respectivement par l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) et la Commission d’Enquête Administrative (CEA) créée par le gouvernement de transition pour faire le jour sur des cas de malversations sous Aristide ».
Défendant pour sa part ladite résolution, le sénateur Kelly Bastien (Nord) a expliqué pourquoi, selon lui, l’option d’une solution négociée devrait être privilégiée, telle que le préconise la résolution. Il a mis l’accent sur le fait que la BRH elle-même n’a pas caché son désir de sortir d’un dossier dans lequel elle est à la fois juge et partie, par le fait qu’elle est en même temps instance de régulation et propriétaire.
Pour lui, la politisation du dossier a abouti au fait que l’Exécutif affiche une certaine partialité envers la BRH alors qu’il devait en être autrement. Il estime tout à fait raisonnable dans ces conditions que la résolution demande de surseoir aux mesures prises contre la SOCABANK et que les parties se rencontrent en vue de définir les termes d’une solution à leur différend.
Kelly Bastien précise que la résolution stipule toutefois que toute la lumière soit faite sur les auteurs des malversations relevées dans la gestion de la SOCABANK contre qui, ajoute-t-il, doivent être appliquées les sanctions prescrites par la loi .
Interrogé sur le fait apparemment inquiétant que le parlement et l’exécutif soient aux antipodes concernant le dossier de la SOCABANK, le sénateur Bastien estime que rien n’oblige que leurs positions soient identiques. Il souligne toutefois que l’Exécutif aurait dû consulter le parlement sur la question vu que les deux chambres avaient été saisies du dossier depuis déjà un certain temps.
A signaler que les sénateurs impliqués dans le vote de la résolution souhaitent que celle-ci ait force de loi par sa publication, aux bons soins de l’Exécutif, dans le journal officiel de la République, Le Moniteur. Une telle proposition constitue, en soi, une pomme de discorde supplémentaire entre divers acteurs concernés, certains d’entre eux contestant le principe du caractère d’emblée contraignant des résolutions de l’une ou de l’autre des deux chambres.
Le dossier de l’affaire BRH/SOCABANK qui vient de connaître un développement tout à fait spectaculaire avec les fracassantes révélations du sénateur du Sud, retient l’attention de divers milieux qui y voient le signe d’un nouvel épisode de la grave crise institutionnelle que connaît déjà le pays. Outre une possible confrontation Exécutif/Législatif autour de la question, il est également à craindre que la crédibilité des institutions haïtiennes ne soit davantage affectée par ce qui prend déjà l’aspect d’un véritable scandale politico-financier. [jmd/RK]