Originally: DÉCLARATION DU 18 OCTOBRE 2006
Coordination Nationale de Plaidoyer
pour les Droits des Femmes
Kòdinasyon Nasyonal k ap Plede Kòz Fanm
17 octobre, commémorer la mémoire de Dessalines et
honorer le courage de Défilé dans un contexte d’occupation ?
DÉCLARATION DU 18 OCTOBRE 2006
Le 17 octobre, date importante dans l’histoire d’Haïti, représente un symbole multiple pour les militantes de la Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes – CONAP
Le 17 octobre 2002, des organisations féministes et d’autres organisations de femmes à travers divers départements du pays présentaient la CONAP à partir de son Plan de Plaidoyer dont les axes principaux concernent : la lutte contre les agressions sexuelles dont sont victimes les femmes, la promotion de la santé des femmes, la protection du droit des femmes au travail et la lutte contre la féminisation de la pauvreté
Déjà le 17 octobre 2000, la Marche Mondiale des Femmes indexait l’extrême pauvreté et la misère des femmes à travers le monde ; ce fut l’occasion pour des représentantes de 160 pays d’interpeller le Secrétaire Général des Nations Unies en lui signifiant, par pétition, leur refus d’une société aussi injuste et inégalitaire.
Ce fut également l’occasion pour les femmes haïtiennes de signifier au Président Préval leur ” Cahier National de Revendication contre la violence faite aux femmes et la pauvreté des femmes”, ce à quoi, il y a 6 ans, ce dernier répondit “Naje pou n soti”. Six ans après, Monsieur Préval, la CONAP revendique de l’Etat haïtien l’adoption d’un programme national de lutte contre la paupérisation des populations, la féminisation de la pauvreté; de même, la CONAP revendique la mise en ?uvre d’une politique globale visant à combattre la violence faite aux femmes et l’application de mesures permettant de contrer le phénomène d’insécurité.
La CONAP ne saurait célébrer ses quatre (4) années de fondation, (17 Octobre 2002- 17 Octobre 2006) sans saluer le courage des paysannes haïtiennes dont la situation n’a cessé d’empirer, comme en ont témoigné les représentantes des 77 organisations ayant participé aux rencontres estivales organisées par la Plateforme, dans les départements du Sud-est, du Nord-ouest, de l’Artibonite et du Sud. Toute célébration de la Journée Mondiale des Femmes Rurales ? le 15 octobre, se devait d’adresser les termes de la condition des paysannes, qui, à l’instar des femmes des autres secteurs sociaux, n’ont cessé d’exiger des détenteurs et détentrices du pouvoir d’État, des réponses concrètes aux besoins réels des femmes de ce pays, en matière de justice, de justice sociale et de sécurité publique pour mettre un terme à l’utilisation du corps des femmes comme territoire de guerre.
De même, la CONAP ne saurait célébrer ses quatre (4) années de fondation (17 Octobre 2002- 17 Octobre 2006) sans invoquer le courage de Défilé que d’aucuns-nes ont taxée de folle pour avoir ramassé les restes de l’Empereur. Pour nous autres de CONAP, le 17 octobre 2006 aurait du être une occasion citoyenne de commémorer cette déchirure dans un contexte de reconstruction nationale. Deux cents ans après, les citoyennes et citoyens de ce pays, sont contraint-e-s de saluer la mémoire de Jean Jacques Dessalines, un des fondateurs ?trices de la nation, dans un contexte d’occupation par les forces onusiennes.
Qu’en est-il de notre souveraineté lorsque, à défaut de politique nationale, le gouvernement Préval/Alexis, sans aucune politique endogène, souscrit aux diktats de puissances étrangères, applique une politique néolibérale « subventionnée » par les institutions financières internationales au détriment des intérêts nationaux ?
Depuis plus de deux ans, notre situation de dépendance est devenue un fait accompli avec l’ingérence de la MINUSTHA dans tous les espaces de la vie nationale.
Quel est le mandat réel de cette mission onusienne qui a patronné le processus électoral dans les conditions et avec les résultats que l’on sait? Quel est l’agenda réel de cette mission qui, présente depuis deux ans, pactise avec les bandits? En quoi consiste son appui aux forces de sécurité publique, quand jusqu’à aujourd’hui, il est dit que la PNH n’est pas en mesure d’assurer la sécurité des populations ?
En plus de contrôler l’appareil d’État, la MINHUSTAH mène une politique systématique de cooptation des initiatives des différents secteurs sociaux. Sa présence est manifeste dans nombre d’activités politiques et socioculturelles commanditées ou récupérées par ses experts-tes à travers le pays.
Pourtant, aujourd’hui encore, même après l’installation de ce gouvernement, nos vies et notre intégrité physique et morale demeurent menacées. Quoi qu’en disent les « touristas », le climat de terreur, caractérisé par le viol, le kidnapping, les assassinats et le règne de l’impunité perdure. Les populations de quartiers dits de non droits demeurent otages des bandes armées, ou sont contraintes d’émigrer. En dépit de l’insécurité et des violences, le président de la république négocie avec les bandits?
La gestion faite par les responsables du gouvernement de la question du désarmement relève, non seulement de la complaisance, mais aussi de l’irresponsabilité face à ces fléaux. Cette politique suicidaire qui prône la paix et la réconciliation nationale dans l’impunité est une insulte à notre intelligence et notre dignité en tant que peuple. Un tel comportement constitue une violation de nos droits fondamentaux, tels que prescrits par la constitution haïtienne et les conventions internationales.
Trois mois après l’installation du gouvernement Préval/Alexis, la CONAP est préoccupée par l’absence de stratégie émanant d’une politique de construction nationale avec des actions visant à apporter des réponses concrètes face aux problèmes structurels que confronte le pays. Trois mois après l’installation de ce gouvernement, la CONAP, comme bon nombre de citoyennes et citoyens de ce pays, se demande quelle est la politique suivie par le régime en place dont le silence et le manque de transparence caractérisés sont notoires ?
Le 17 octobre 2006 est donc l’occasion pour la CONAP de renouveler sa détermination à promouvoir les revendications des femmes contenues dans son Plan de Plaidoyer par devant toutes les instances de l’appareil de l’État. En ce sens, la CONAP réitère auprès du Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, ses attentes en matières de prise en compte des revendications des organisations de femmes, d’?uvrer pour la définition de politiques répondant aux besoins réels des femmes de ce pays. Ces politiques doivent participer d’une vision qui favorise l’inclusion et la participation citoyenne.
De son coté, ce 17 octobre, la CONAP s’engage à poursuivre la promotion de la Charte Mondiale des Femmes pour l’Humanité au sein du mouvement des organisations de femmes en Haïti. Cette charte est un véritable instrument de lutte contre le patriarcat et le capitalisme, deux (2) systèmes générant exclusion et injustice à l’endroit des femmes. Elle constitue notre boussole, pour la construction d’un monde nouveau promoteur des valeurs d’Egalité, de Liberté, de Solidarité, de Justice et de Paix.
A l’occasion des ses quatre (4) années d’existence et face à la gravité de la situation nationale sur les plans : politique, social, économique et culturel; devant l’acuité des manifestations de dépendance de l’Etat et des faiblesses des organisations du mouvement social haïtien, Où allons-nous?
Encore une fois, la CONAP croit à la mobilisation des forces progressistes pour une véritable construction nationale qui doit se baser sur le développement et la consolidation des structures organisationnelles.
La CONAP exhorte les citoyennes et citoyens à un réveil pour la redynamisation et le renforcement des institutions étatiques défaillantes en vue de la réalisation de leur mission. CONAP reste convaincue que nous devons continuer à adhérer à l’étique de « Fé Politik Yon lòt Jan » et d’?uvrer à ce que ce principe devienne notre praxis
Pour la promotion, la défense et la jouissance des droits des femmes,
Pour une société juste, digne, solidaire et égalitaire
Restons mobilisé-e-s
Vive une Haïti souveraine et indépendante
Pour la CONAP,
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Jesi Chancy Manigat Olga Benoit