Jacques Desrosiers
LE MATIN 3 février 2006
Au premier tour des élections législatives et présidentielles du mardi 7 février, les électeurs auront à choisir un président parmi les 33 prétendants, 30 sénateurs sur 309 candidats et 99 députés sur 1069. La campagne a surtout résonné des prestations des candidats à la présidence, principaux porte-parole de leur parti. Les commentaires tournent autour de leurs exploits. Des sondages sont publiés ou diffusés sous le boisseau. Si l?on en croit les résultats que l?on colporte et si la campagne massive de visibilité leur correspond, René Préval de la coalition Lespwa, Charles Henri Baker du groupe Respè/Konba et Leslie François Manigat du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RNDP) sont donnés pour favoris. Cependant, aucun d?entre eux n?aura la majorité au parlement si l?on doit se fier à un sondage du 29 janvier denier que nous avons eu le privilège de consulter.
Les formations pivots
Il faut d?abord prendre en considération la présence des partis dans les différentes circonscriptions. Il apparaîtra une coïncidence entre le nombre de leurs candidats et leur poids dans les intentions de vote. Ce sont ceux-là que nous appelons les partis pivots. Comme le montre les tableaux de répartition des candidatures à la députation et au Sénat, ce sont les mêmes qui viennent en tête tant en nombre qu?en probabilité de gains, selon les sondages. Il s?agit de Fusion, OPL, Lespwa, Alyans.
Des 58 candidatures à la députation et 19 au Sénat présentées par la coalition Lespwa de René Préval, il y a respectivement 16 et 10 à figurer dans la catégorie « probabilité », c?est-à-dire en compétition au premier et au deuxième tour.
Pour le groupe Respè/Konba de Charles Henri Baker, 8 sur 39 candidats à la députation et un sur les 9 au Sénat, seraient donnés comme gagnants potentiels. Pour le RDNP de Leslie François Manigat, sur 60 postulants à la députation et 19 au Sénat, il y en aurait 10 et un. En prenant en considération ses alliances avec le MPH, d?une part, Latibonit an aksyon (LAA), d?autre part, le RDNP aurait cinq présences probables au Sénat et 31 à la Chambre des députés.
Ce sont les partis Fusion (Fusion des sociaux-démocrates haïtiens) et OPL (Organisation du peuple en lutte) qui pourraient avoir une majorité relative au niveau du parlement si l?on tient compte de leur présence dans les circonscriptions et de leur poids dans les intentions de vote. Fusion aurait 38 élus sur 84 candidats à la députation et 11 élus sur 24 candidats au Sénat. Comme la Fusion, l?OPL présente 84 candidats à la députation mais 22 au Sénat. Il ferait aussi bien que son adversaire également socialiste avec 39 et 12 élus potentiels.
Viennent ensuite les candidats de l?Alyans d?Evans Paul avec 4 probabilités pour le Sénat et 32 pour la députation et ceux de l?Union du pasteur Chavannes Jeune avec 4 pour le Sénat et 15 pour la députation.
Au niveau des partis nouvellement créés, la Mobilisation pour le progrès d?Haïti (MPH) de Samir Georges Mourra fait la différence avec 2 favoris pour le Sénat et 14 pour la députation.
Pour sa part, l?alliance Lavalas, regroupant le Mouvement pour l?instauration de la démocratie en Haïti (Midh) et l?Organi- sation fanmi lavalas (Lavalas), a fait enregistrer 42 candidats à la députation et 17 au Sénat. Parmi eux, seulement 9 seraient en bonne position pour la députation.
Un parlement Entente ?
Sous l?instigation de la Fondation Nouvelle Haïti (FNH), neuf partis et regroupements politiques se sont entendus autour d?un protocole d?accord, « Entente politique pour la démocratie et la modernité », à travers lequel ils se sont engagés sur un ensemble de points visant à promouvoir la démocratie, la stabilité et la modernité. L?Alliance démocratique (Alyans), le Parti fusion des sociaux démocrates haïtiens (Fusion), le Grand front centre droit (GFCD), le Mouvement chrétien pour une nouvelle Haïti (Mochrenha), l?Organisation du peuple en lutte (OPL), le Parti libéral haïtien (PLH), le Ras- semblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), le regroupement Respè/Konba et la coalition Union sont les principaux signataires de ce document.
À travers cet accord, les partis signataires se sont engagés à reconnaître les résultats des prochaines élections qui seront proclamés par le Conseil électoral provisoire (CEP) et qui seront confirmés par les instances d?observation tant nationales qu?internationales. Ils se sont également entendus pour gouverner ensemble soit au sein d?un gouvernement « d?entente nationale et d?ouverture tout en respectant le principe de la majorité parlementaire » ou dans d?autres postes.
Les partis signataires se sont engagés à définir également une stratégie unitaire pour conjurer toute menace contre la démocratie. Dans le cadre de la prochaine présidentielle, ils se sont entendus pour faire front commun derrière celui d?entre eux qui ira au second tour. Au parlement, ils ont prévu de constituer un bloc parlementaire avec une majorité confortable.
Ces neuf partis qui ont signé l?Entente, à eux seuls, regroupent 500 candidats à la députation et 137 au Sénat. Ensemble, ils auraient 35 élus potentiels au Sénat et 157 à la Chambre des députés.
En considérant les deux alliances ente le RDNP et le MPH, d?une part, et celle entre le parti de Leslie François Manigat et Latibonit an aksyon (Laa), d?autre part, le groupe RDNP/ MPH/Laa aurait 5 favoris au Sénat et 31 à la députation. Ajouté au score précédent, l?Entente aurait 40 compétiteurs sérieux pour le Sénat et 178 pour la députation. Peut-on parler déjà d?un parlement Entente ?
Un autre élément à ajouter au tableau de la configuration éventuelle du parlement, c?est la possibilité des résultats d?un regroupement des forces Lavalas. C?est-à-dire Lespwa/ Pont/Lavalas. On aurait à ce moment, pour ce groupe, 12 compétiteurs sérieux pour le Sénat et 29 pour la députation.
Une énergique campagne en faveur de la candidature des femmes a marqué l?organisation de ces élections. Le Conseil électoral provisoire (CEP), dans l?article 240 du décret électoral a même prévu de doubler le financement public de « tout parti politique, groupement ou regroupement de partis qui présente au moins 30 % de candidats de sexe féminin et qui réussit à en faire élire 20 % ». Un « réseau des femmes candidates pour gagner » a été créé par-delà les clivages partisans. Soutenu par des organisations féministes d?ici et d?ailleurs, il a bénéficié de la sympathie sinon de l?appui agissant de plusieurs secteurs de la communauté internationale. Qu?en est-il en termes de présence et de participation des femmes au processus ?
Sur les 44 partis et regroupements politiques, seulement 25 ont présenté des candidatures féminines. Parmi les 35 candidats à la présidence, on note une seule femme : Judie C. Roy.
Au niveau de la députation, sur les 99 circonscriptions, on retrouve des femmes candidates dans seulement 36. On répertorie 23 candidates au Sénat réparties comme suit: 6 pour la Fusion, 4 pour Fanmi Lavalas, 3 pour JPDN, 2 pour le RDNP, une pour chacun des autres partis.
Jacques Desrosiers
jadesro@yahoo.fr