Originally: BILAN DE L?ANNEE 2005


 


INTRODUCTION


 

L?année 2005 a encore été celle de l?insécurité, de l?impunité, de l?incompétence, de l?inefficacité et de l?incohérence.

 

A.     POLITIQUE


 

Sur le plan politique, l?incompétence, l?inefficacité et l?incohérence des acteurs aussi bien nationaux qu?internationaux ne leur ont pas permis d?atteindre les objectifs visés et les résultats escomptés en 2005.

 

D?abord, le gouvernement de transition avait pour objectif d?organiser des élections libres, honnêtes et démocratiques à la fin de l?année 2005 et de transférer le pouvoir au Président issu de ces urnes le 7 février 2006.  Le gouvernement n?a pas pu délivrer la marchandise.  Les raisons en sont multiples et les responsabilités partagées.  Après le 29 février 2004, les analystes politiques sont unanimes à reconnaître que le gouvernement de transition se devait de changer la formule de constitution du Conseil Electoral Provisoire, les circonstances ayant présidé à son adoption n?étant plus les mêmes.

 

1.  Incompétence et inefficacité

 


  1. CEP

 

Le Conseil Electoral Provisoire (CEP) remporte la palme de l?incompétence, de l?inefficacité et de l?incohérence.  Trop occupé à gérer les conflits de personnalité et d?intérêt surgissant en son sein, le CEP n?a pas su évaluer l?immensité de la mission qui lui était dévolue et se doter, en conséquence, d?un tableau de bord.  Le premier conflit d?intérêt résultait d?une affaire d?attribution de contrat de service informatique.  Le deuxième est un conflit entre la Présidente de l?institution et le Conseil des Sages.  Les conflits se multipliaient et culminaient à la démission de la Présidente Rose Laure Julien.  Alors, le gouvernement sollicitait le concours de la Conférence Episcopale qui désignait un autre représentant.  Sans mentionner la querelle autour de la réclamation inopportune d?une prime de risque, ce changement permettait d?atténuer les conflits sans pour autant les éliminer.

 

Le commun des mortels ignore le contenu du plan de travail et du chronogramme d?activités ayant servi de base à l?élaboration du budget pour la réalisation des élections.  Pourtant, le CEP soumettait un budget au gouvernement et à la communauté internationale.  Le coût total de l?opération était estimé à près de 50 millions de dollars américains.  C?était l?occasion pour chaque bailleur de fonds d?exprimer son engagement.  Comme toujours, le Canada, les Etats-Unis et l?Union européenne figuraient parmi les plus gros contributeurs.  Ils choisissaient le PNUD et l?OEA pour coordonner l?assistance technique et financière au CEP, suivant une division du travail convenue entre ces deux organisations.  Même la contribution financière de l?Etat haïtien devait transiter par le PNUD.

 

Comme on le constate, le CEP n?a ni les mains libres ni les coudées franches.  Pourtant, il est l?organisme constitutionnel chargé d?organiser et de contrôler en toute indépendance toutes les opérations électorales sur tout le territoire de la République jusqu’à la proclamation des résultats.  Malgré ce contrôle de la communauté internationale, l?opération paraissait réalisable dans le délai imparti, à une condition : la volonté de réussir chez tous les acteurs impliqués dans le processus.  Tel ne semble pas le cas.   Au contraire, le venin de la mauvaise foi, de la division et de la discorde est présent au sein du CEP.  Comme on dit souvent, le ver est dans le fruit.  Le CEP porte en son sein les germes de sa propre inefficacité.  Sa crédibilité ainsi que la confiance des partenaires s?en est ressentie au fur et à mesure de l?évolution du processus électoral.

 

Les principes élémentaires de gestion indiquent que, dans un chronogramme d?activités, tout changement de la date de réalisation d?une activité compromet la réalisation de l?activité suivante et est susceptible d?affecter l?ensemble du chronogramme.  La phase d?enregistrement des électeurs potentiels a commencé timidement aux Gonaives.  Les bureaux d?inscription étaient installés au compte- gouttes.  La méconnaissance de la topographie du terrain par les partenaires du CEP jointe à l?inaccessibilité de certains quartiers de la Capitale rendait le démarrage délicat.  Entre temps, un Décret Electoral était adopté et publié dans le Journal Officiel « Le Moniteur » ;  question de tempérer l?ardeur des partenaires et de la classe politique.

 

Alors, à la date prévue pour compléter cette phase, un modeste pourcentage de la population en âge de voter figurait sur le registre électoral.  Il a fallu en prolonger la durée.  Cette extension affecte l?étape suivante de fabrication des cartes d?identification.  De même, le retard, l?extension de la période de déclaration de candidature, sans compter les délais de contestation et de recours, affectaient l?étape d?impression des bulletins de vote.  A ceux-là s?ajoutent les retards accumulés dans l?identification des bureaux de vote, la sélection, la formation du personnel et leur installation dans les centres de vote répartis dans les dix départements géographiques du pays.

 

Les reports de date devenaient fréquents.  De début octobre, le premier tour des élections présidentielles et législatives était reporté à fin novembre avant d?être fixé au 8 janvier 2006.  Plus d?un sont sceptiques quant à la capacité du CEP à respecter cette date.  Toutefois, ce dernier a réussi à briser un mythe, celui du 7 février pour l?entrée en fonction du Président de la République.  Désormais, plus de date fatidique.  Toutes les dates sont permises. Tout semble possible.

 

Les conflits internes ont contribué à affaiblir le CEP et à entamer sa crédibilité auprès de ses partenaires tant haïtiens qu?étrangers.  Le Pouvoir Exécutif en a profité pour exercer un certain contrôle sur l?institution, pourtant réputée indépendante.  Coup sur coup, il a formé une Commission d?Appui, imposé la nomination d’un patron en la personne d?un nouveau Directeur général et lui a confectionné des règlements intérieurs sur mesure.  Tous ces artifices permettaient de faire l?économie du renvoi des membres du CEP et d?éviter un report indéfini des élections.  Divisé, le CEP est pris entre l?enclume du Gouvernement et le marteau de la communauté internationale.   On aurait pu dire compté, pesé, divisé, comme le Royaume de Nabuchodonosor.

 


  1. La Communauté Internationale

 

Depuis 1987, l?encadrement technique et le financement des élections en Haïti sont assurés par des partenaires internationaux.  Cette année, le montage est le suivant : le CEP joue le rôle de maître de l?ouvrage, le PNUD coordonne l?ensemble du financement ainsi que les décaissements des fonds et l?OEA agence l?exécution de la phase d?enregistrement des électeurs jusqu’à l?installation des centres de vote.

 

Cependant, ces deux organisations n?ont pas la réputation d?être efficaces.  Leur fonctionnement bureaucratique exige qu?elles se réfèrent, pour la moindre décision, à leur siége principal à New York et à Washington.  L?incompétence, l?inefficacité et l?incohérence du CEP jumelées à celles du PNUD et de l?OEA ne pouvaient qu?alourdir davantage la machine électorale.     Mais seul le CEP doit rendre des comptes à la population haïtienne.  Pour gommer leur échec et se donner bonne conscience, ces organisations ont révisé à la baisse les prévisions relatives à  la taille de la population en âge de voter,  ce au mépris des statistiques officielles fournies par l?Institut Haïtien de Statistique et de l?Informatique (IHSI), sevrant ainsi un million d?haïtiens du droit constitutionnel de voter.

 

Le montage administratif et financier PNUD-OEA-CEP nécessite beaucoup de coordination ainsi que le respect scrupuleux du calendrier d?exécution, notamment en matière de commande et d?approvisionnement en biens et services.  Par exemple, l?OEA a attribué le marché de fabrication des cartes électorales à une firme américaine installée au Mexique : Digimark.  Cette firme n?a pas pu livrer dans les délais les 3 millions 500 mille cartes électorales commandées, à cause des retards accumulés dans les étapes précédentes.  La distribution de ces cartes aux potentiels électeurs se réalise dans le plus grand désordre.  Il en résulte des bastonnades voire des cas de mort par suffocation ou asphyxie.

 

Aussi, de l?enregistrement à l?obtention de sa carte électorale, le citoyen haïtien doit  payer un tribut de sang dans l?exercice d?un droit constitutionnel pourtant légitime : le droit de vote.  Il lui reste maintenant à parcourir des kilomètres avant d?atteindre un centre de votes pour accomplir cette fois son devoir civique. Inscrit dans sa circonscription, il est appelé à voter dans une autre, distante de plusieurs heures de marche. Comment pourra-t-il choisir entre des candidats à la députation et aux collectivités territoriales qu?il ne connaît même pas parce que ces derniers ne le représentent pas ? Absurdité contraire à tout principe de base d?une élection crédible. Même les règles les plus élémentaires de courtoisie, consistant à accorder la priorité aux personnes âgées ou handicapées, voire aux femmes, ne sont pas respectées.  Et le CEP et ses partenaires internationaux émettent des communiqués pour déplorer, comme s?il s?agissait d?un banal incident.  Le désastre combien prévisible de ces élections nous sera-t-il ainsi présenté comme un accident de plus du tumultueux parcours du peuple haïtien ?  A qui fera-t-on porter la responsabilité de l?échec de l?entreprise dirigée au moins à 80% par l?OEA et la MINUSTAH ?

 


  1. Les Partis Politiques

 

Les élections ont toujours constitué un facteur de division de la classe politique haïtienne.  L?on se rappelle le semblant d?unité qui a existé entre certains partis politiques et la société civile pour venir à bout du pouvoir dictatorial dirigé par  Jean-Bertrand Aristide.  Ce qui fait dire aux observateurs étrangers que les politiciens haïtiens sont plus aptes à s?unir contre quelque chose que pour faire avancer une cause juste dans l?intérêt du pays.  En témoigne le nombre de partis politiques inscrits au CEP pour participer aux élections.

 

Près d?une quarantaine de candidats à la Présidence ont fait acte de candidature, plus précisément 37 dont une femme.  Deux d?entre eux sont bannis de la liste définitive du CEP, parce que détenteur d?une nationalité étrangère.  Le gouvernement dut modifier le Décret Electoral et recourir à la formation d?une Commission inter-ministérielle sur la nationalité pour aider le CEP à venir à bout de deux « étrangers », contrevenant  aux dispositions de la Charte fondamentale haïtienne sur les conditions d?éligibilité à la fonction présidentielle.  Car l?incompétence du CEP a permis à l?un d?entre eux de bénéficier d?un arrêt favorable de la Cour de Cassation. 

 

La question de la double nationalité a fait couler beaucoup d?encre et de salive dans la société haïtienne.  Cette question mérite qu?on s?y attarde.  Cette année, une citoyenne américaine d?origine haïtienne s?est vue refuser un poste Ministériel, alors qu?elle dirigeait une des principales organisations patronales du pays.  L?on se rappelle ses prises de positions antérieures dans les médias à l?occasion des conflits survenus à la zone franche installée dans la plaine de Maribaroux dans le département du Nord?Est.  Cette question est abordée avec beaucoup d?émotion et surtout d?hypocrisie.

 

Hypocrisie, parce qu?au moins un Ministre du gouvernement de transition est citoyen américain.  Hypocrisie, parce que plusieurs citoyens convoitant des postes de Sénateurs ou de Députés sont porteurs de passeport étranger.  Hypocrisie, parce que la plupart de ceux qui interviennent dans des émissions radio-télédiffusées sont porteurs de passeports étrangers.  Hypocrisie, parce que la diaspora haïtienne, composée en grande partie de citoyens naturalisés, contribue  à l?économie du pays pour plus d?un milliard de dollars américains chaque année sous forme de transfert aussi bien de fonds que de nourriture aux parents vivant en pays natal. 

 

Emotion, parce que nous vantons et nous honorons des exploits de nos compatriotes émigrés en terre étrangère.  Les cas sont légions.  Mentionnons pour mémoire ceux de Michaelle Jean, nommée récemment Gouverneur du Canada, donc représentante de la Couronne britannique, de Luc Mervil et de Wyclef Jean.  Ce dernier dirige une fondation, fournissant de l?assistance humanitaire aux populations vivant dans les quartiers défavorisés de la capitale.  De plus, il ne rate jamais l?occasion d?exhiber le bicolore national au cours de ses prestations artistiques internationales.  Par ailleurs, ces ressortissants manifestent toujours leur solidarité à l?endroit de leur pays d?origine, surtout dans les situations de catastrophes et de désastres naturels, comme ce fut le cas à Mapou, Fonds-Verrettes et Gonaives.

 

En ce début du XXI ème siècle et à l?ère de la mondialisation, il parait injuste de vouloir n?entretenir qu?une relation de « envoie-moi » avec les compatriotes de la diaspora.  Débarrassons-nous de ces tares et comportements rétrogrades, empreints d?hypocrisie et d?émotion à l?égard de compatriotes qui ont dû s?expatrier soit pour sauver leur vie, soit pour faire profiter à leurs progénitures des avantages de la vie en terre étrangère.  D?autres pays y basent leur stratégie de développement.  Mais ceci requiert la paix, la stabilité et la sécurité.

 

Avant de clore cette section consacrée aux élections, rappelons que la campagne électorale a débuté au mois d?octobre.  Elle est mièvre.  Elle donne davantage lieu à un concours d?affiches, de banderoles, de spots publicitaires et de machines mobiles à décibels qu?à des débats de fond sur les grandes questions intéressant l?avenir du pays.

 

A cet égard, saluons les efforts d?organisations de la société civile comme l?Université Notre-Dame, l?ECOSOF, le Groupe Croissance et différents médias qui offrent des forums destinés à élever le niveau du débat électoral.  De même, grâce au concours de l?ISPOS, plusieurs partis politiques ont signé notamment un Code de Conduite Electorale et un Pacte de Gouvernabilité.  Récemment, de leur propre chef, certains d?entre eux sont parvenus à  une Entente politique au cas où l?un d?eux parviendrait au second tour.  C?est un effort somme toute louable, un exercice inédit dans l?histoire politique haïtienne contemporaine.  Néanmoins, le gros du chemin reste à parcourir. Il s?agit du choix d?un candidat unique à la présidence.

 

Autre originalité de la saison électorale est l?intégration dans le Décret Electoral des clauses prévues aux articles 281 et 281.1 de la Constitution de 1987.  En effet, ces articles stipulent que, à l?occasion des consultations nationales, l?Etat prend  en charge, proportionnellement au nombre de suffrages obtenus, une partie des frais encourus durant les campagnes électorales.  Ils fixent du même coup les conditions d?éligibilité au financement public.

 

Compte tenu de la faiblesse d?organisation des partis politiques, le Décret Electoral a assoupli les conditions et prévu le versement d?une avance à tout parti ayant soumis au CEP une liste de 40.000 membres inscrits sur le registre électoral, soit 10% environ de l?électorat.  Le gouvernement prétend réserver 55 millions de gourdes pour ce financement.  L?on comprend que des partis qui ont eu des difficultés à soumettre une liste de 5000 membres pour se faire inscrire au CEP ont du mal à accéder à cette subvention.  L?accès à ce financement est comparable à la montée d?un mât de cocagne.

 

2. Insécurité

 

La situation de la sécurité dans le pays est préoccupante.  Les deux institutions chargées du maintien de l?ordre public, en l?occurrence la PNH et la MINUSTAH,  ont presque failli à leur mission.  Les gangs armés font la loi.  Durant le premier trimestre de l?année 2005, l?insécurité a atteint son point culminant.  Des quartiers comme Solineau, Bel-Air, La Saline, Cité Soleil, Grand-Ravine étaient inaccessibles.  De plus, l?insécurité régnait dans des villes comme Petit-Goâve et Hinche.

 


  1. La  Police

 

Dépourvue de matériels et d?équipements, la PNH ne peut garantir la sécurité des vies et des biens sur tout le territoire.  Des communes entières sont dépourvues de policiers.  Les Commissariats qui en ont ne possèdent pas la quantité suffisante.  Le problème de la PNH est triple.  1 : l?effectif  est maigre.  2 : son personnel contient des délinquants.  3 : un embargo du gouvernement américain lui interdit de s?approvisionner en armes sur le marché régulier.

 

Des promotions successives de 400 policiers sont formées à l?Ecole de Formation tous les quatre mois pour ramener l?effectif total à 7000 d?ici la fin du mandat du gouvernement de transition.  Son personnel fait l?objet de purge en permanence.  Même le Directeur Général a été limogé et remplacé par un ancien cadre responsable de la Direction de la Police Judiciaire.  La Chambre des Représentants du Congrès des Etats-Unis a adopté une Résolution interdisant la vente d?armes à la Police Nationale d?Haïti accusée de violations de droits humains.

 

Cette accusation trouvait un semblant de confirmation dans une bavure commise par une patrouille de la PNH au cours d?un match de football patronné par l?USAID à Martissant.  Les rapports émanant d?organisations de promotion et de défense des droits humains aussi bien nationales qu?internationales accablent la PNH.  La Direction Générale, suite au rapport de l?Inspection Générale, réprimait ces comportements avec la dernière rigueur.  Deux hauts-gradés et une dizaine d?agents sont détenus en attendant les conclusions de l?instruction ouverte à cet effet.  Cette détention a donné lieu à des manifestations bruyantes voire violentes des partisans d?un de ces deux cadres supérieurs.

 


  1. MINUSTAH

 

Cette force internationale, constituée suite aux Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, n?est pas arrivée jusqu’à maintenant à pacifier le pays.  En écoutant les témoignages des victimes de l?insécurité, on se demande si elle en a la volonté.  La violence ne justifie-t-elle pas sa présence prolongée avec de juteux salaires ?  L?insécurité serait-elle un « nasty  business » pour les bandits d?un côté et la MINSUTAH de l?autre ?  Les haïtiens ont de plus en plus tendance à le croire. Dotée de 7000 militaires et de 1200 policiers civils, la MINUSTAH paraît bien équipée pour faire le travail.  Mais elle connaît, déclare-t-elle, des difficultés à rétablir l?ordre au Bel-Air et à Cité Soleil. 

 

Cela est dû sans doute aux règles d?engagement, définies dans ces Résolutions.  Mais, le principe sacré d?assistance à personne en danger ne plane t-elle pas au-dessus de toute résolution ?  Le souci de protéger certaines vies faisait partie des principales préoccupations du Général Heleno de Ribeiro.  Ce dernier ressemblait davantage à un télé évangéliste qu?à un général d?armée.  Au milieu de l?année, il a été remplacé par un autre général brésilien à la tête des forces militaires de la MINUSTAH.  De même, le Commandant de la Police civile, rebaptisée UNPOL, a lui aussi été muté.

 

La MINUSTAH a subi des attaques des bandits : ce qui rendait nerveux certains de ses détachements.   Il en est résulté des exactions contre des entreprises commerciales et leur personnel.  Les Commandants de ces garnisons ont dû faire des excuses publiques aux victimes d?actes d?agression de la part de militaires de la MINUSTAH.

 

Cependant, à Delmas, à Cité Militaire et à Cité Soleil, des groupes de bandits armés continuent de faire la loi.  Il ne se passe un jour sans que des dizaines de personnes ne soient enlevées ou tuées.   L?enlèvement et l?assassinat du poète et journaliste Jacques Roche au mois de juillet soulevaient la réprobation de la communauté nationale et internationale.  La domination des groupes armés ne s?est pas déroulée de façon uniforme, quelle que soit leur zone d?influence. 

 

D?un côté, des anciens militaires dirigés par Ravix Remissainthe semaient le trouble à Petit-Goâve, au Morne-à-Cabrits, à Hinche et à Frères.  Vers le mois de février, une alliance Ravix-René Jean Anthony dit Sonnen augmentait la pression sur les habitants de Delmas.  Le lundi gras, ils prenaient une patrouille de police en chasse dans la zone de Clercine.

 

En conséquence, deux policiers fraîchement sortis de la 16eme promotion y perdaient la vie alors qu?ils assuraient la sécurité d?un char carnavalesque.  Ravix et Sonnen continuaient de semer la terreur au point de revendiquer les tirs contre le local du CEP.  Vers le mois d?avril, ils étaient blessés mortellement au cours d?échanges de tirs avec la Police à Delmas pour reprendre les propos de la porte-parole de cette institution.

 

Après cette opération, un groupe de militaires démobilisés basés au Cap-Haïtien concluait un accord avec le gouvernement selon lequel il percevrait une indemnité ; ceux qui étaient aptes seraient intégrés à la police nationale et le reste intégré dans des postes disponibles dans les services publics.  Ce groupe a pris logement à l?Ecole de la Magistrature, siège provisoire de la commission chargée des affaires des militaires démobilisés.

 

D? un autre côté, des hommes comme Ti Will, Ti Kenley, Robinson Thomas alias la bannière et Emmanuel (Dread) Wilmé semaient le trouble aux Gonaïves, à Petit-Goâve et à Cité Soleil.  Les trois derniers ont connu le même sort que Ravix et Sonnen alors que le premier continue de bénéficier de la situation d?impunité qui prévaut dans le pays.

 

 

3. Impunité

 

Cette année, quelques feuilletons à succès exposent au grand jour les faiblesses du système judiciaire haïtien, caractérisé par la dépendance, la corruption et l?incompétence.

 

Le premier feuilleton concerne les dossiers de Jean L. Dominique, de Brignol Lindor et des enfants de Viola Robert qui jaunissent depuis plus de trois ans dans les placards du Palais de Justice de Port-au-Prince.

 

Le deuxième feuilleton concerne le dossier du massacre de la Scierie à Saint-Marc.  Plusieurs personnes sont détenues depuis plus d?un an pour leur implication présumée dans ce massacre.  Mais le nom d?un seul des détenus retient l?attention de la communauté internationale qui a utilisé des pressions, des menaces et des stratagèmes pour obtenir sa libération au mépris des lois de ce pays.  Il s?agit de l?ancien Premier Ministre Yvon Neptune, maintenant détenu dans une villa louée spécialement par le gouvernement haïtien dans un des quartiers les plus huppés de la capitale.

 

Des délégations étrangères de toutes sortes réclamaient sa libération sans condition.  Par exemple, le Magistrat français, responsable du dossier Haïti au Haut Commissariat des Nations-Unies pour les Droits Humains à Genève, et le chef de la MINUSTAH ont participé aux montages visant sa libération ainsi que son transfert  vers la République dominicaine.

 

Un bulletin médical émanant d?un médecin affecté à l?hôpital militaire de la MINUSTAH annonçait sa mort imminente.  Une contre évaluation des conditions de la santé du détenu, effectuée par une équipe de médecins haïtiens, révélait que le détenu était en bonne santé.  Enfin, l?Ambassadeur américain James B. Foley et certains parlementaires américains se sont arrogés le droit de réclamer la révocation du Ministre de la Justice :  Bernard Gousse.  Lâché par la Présidence et soutenu du bout des lèvres par la Primature, ce dernier a dû remettre sa démission.

 

Peu de temps après, le cabinet d?instruction de Saint-Marc rendait son ordonnance de renvoi au tribunal criminel d?une trentaine de personnes inculpées, dont  l?ancien Premier Ministre Yvon Neptune, l?ancien Ministre de la Justice Calixte Delatour et l?ancienne Directrice Générale de la PNH, Madame Jocelyne Pierre.  Le nouveau Ministre de la Justice qui avait promis sa libération ne pouvait que se soumettre à l?ordonnance de la courageuse juge d?instruction Cluny Pierre Jules.  Le dossier traîne encore.  Probablement, certaines parmi les personnes inculpées ont dû faire appel de l?ordonnance à la Cour d?Appel des Gonaïves.

 

Le troisième feuilleton est celui du Révérend Père Gérard Jean Juste, présent en soutane à l?église où allaient se dérouler les funérailles du journaliste et poète Jacques Roche.  Il est interpellé  par la Police qui le defère au Parquet.  Ce dernier envoie le dossier au cabinet d?instruction du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince.  Depuis, il est détenu en attente de l?ordonnance du juge d?instruction.  Ce dernier a légalement 90 jours pour instruire et rendre cette ordonnance.  Mais le dossier lui a été transmis juste avant les vacances judiciaires de l?été.  Depuis l?ouverture de l?année judiciaire en octobre dernier, les chambres éprouvent des difficultés à se réunir régulièrement au Palais de Justice de Port-au-Prince.  Quand ce ne sont pas les juges de siège, ce sont les commissaires du gouvernement qui sont absents.

 

Le quatrième feuilleton est la somme d?informations fournies dans les rapports d?enquêtes menées aussi bien par une Commission d?Enquête Administrative, appointée par le gouvernement et par l?Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) sur les dépenses effectuées par le pouvoir Lavalas de février 2001 à février 2004.  Ces deux rapports attendent les arrêts de débet de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCA) pour permettre la mise en examen des personnes incriminées par le cabinet d?instruction.

 

Le cinquième  feuilleton est celui du candidat à la Présidence Dumarsais Mécène Siméus.  Sa candidature ayant été rejetee par le CEP, il exerçait un pourvoi en Cassation contre la décision du CEP, lui reprochant d?avoir effectué de fausses déclarations.  La Cour faisait droit à son pourvoi et rejetait la décision du CEP. 

 

Cependant, la Cour évoquait, malencontreusement, dans ses motifs une loi adoptée en 2002 sur les privilèges accordés aux haïtiens naturalisés et à leurs descendants.  N?était-ce cette mention, l?arrêt de la Cour est en tous points conforme à l?orthodoxie de traitement des dossiers en Cassation.

 

Par contre, le CEP dans sa maladresse introduisait une requête civile en Cassation, réclamant la rétractation de la précédente décision.  Une Section de la Cour déclarait l?instance irrecevable.  Ce nouvel arrêt de la Cour de Cassation est interprété par l?Avocat de Siméus comme une décision remettant en scelle ce candidat.

 

Paniqué, le Pouvoir Exécutif renvoie les Juges de la Cour signataires de ce dernier Arrêt en leur demandant de faire valoir leur droit  à la retraite.  Il aurait dû procéder par étape : d?abord, remplacer le Vice-président Georges Henry, décédé une semaine auparavant ; ensuite, négocier avec les concernés leur départ à la retraite.  Mais la voie choisie par le Pouvoir Exécutif confirme la mise en coupe réglée de la justice.  Une fois de plus, le principe de l?indépendance et de la séparation des pouvoirs, prévu dans la Constitution, est violé par ceux-la mêmes chargés de sa mise en application. 

 

Il ne faudra pas s?étonner si le successeur de Me Boniface Alexandre lui inflige le même sort que ses collègues.  Dans son discours d?investiture, le nouveau locataire du Palais National le remerciera et en profitera pour lui demander de faire valoir son droit à la retraite.  Et le tour sera joué ! 

 

Le sixième feuilleton est la remise à la justice américaine de 4 présumés kidnappeurs haïtiens.  Cette action, tout en renforçant la compétence universelle que veulent se donner les tribunaux américains, affaiblit la justice haïtienne qui n?est pas en mesure de leur garantir le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable.  La preuve : deux d?entre eux sont sur le point d?être condamnés à la prison à vie par un tribunal fédéral à Washington D.C. Par contre, ceux détenus en Haïti depuis plusieurs mois attendent encore d?être jugés.

 

Le grand perdant dans cette tragi-comédie est la justice et à travers elle la liberté individuelle.  Aujourd?hui, 3670 détenus croupissent en prison dans 21 centres de détention sous le contrôle de la Direction de l?Administration Pénitentiaire (DAP).  De ce total, seulement 417 sont condamnés.  3253 sont en situation de détention préventive prolongée.  Parmi eux, 2920 hommes, 212 femmes et 121 mineurs.  Ces derniers devaient se trouver dans des centres de rééducation, conformément aux lois haïtiennes et aux conventions ratifiées par Haïti. 

 

Rappelons que cette année encore le Pénitencier National a été vidé de son contenu, suite à l?évasion spectaculaire de plus d?une centaine de détenus le 19 février 2005.  Aucune enquête n?a révélé les complices secrets des évadés.

 

 

4. Incohérence

 

Le gouvernement, le CEP, la classe politique, la société civile  et la communauté internationale pratiquent l?incohérence comme un art.  Ils n?ont fait montre d?aucun  scrupule pour harmoniser leur discours avec les actes qu?ils posent au quotidien.

 

Premier exemple, la décentralisation.  Tous s?accordent à reconnaître que la structuration du pouvoir doit commencer dans les collectivités territoriales, c?est-à- dire la Section Communale, la Commune et le Département.  Par contre, aucun d?eux n?a contesté le fait que le CEP ait décidé d?organiser les élections locales après les présidentielles et les législatives.  De cette manière, le parti qui aurait remporté les élections à ces deux niveaux risque de dominer les élections locales.  Or, ces élections sont déterminantes pour la formation du Conseil Electoral Permanent, de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif et la nomination des juges à tous les niveaux.

 

C?est l?occasion de questionner la mission du Conseil des Sages.  Cette entité s?est laissée réduite par l?accord du 4 avril 2004 au rôle d?une boîte à contestation.  Tantôt un conseiller menace de démissionner si on ne l?élargit pas pour en faire un Conseil d?Etat.  Tantôt elle démissionne du Comité d?Appui au CEP pour manque d?attention de la part du gouvernement.  Tantôt un autre camarade menace de démissionner si on ne réintègre pas des juges de la Cour de Cassation mis à la retraite.  Toute critique toujours superbement ignorée par l?Exécutif.

 

Autre exemple d?incohérence est offert par la classe politique.   En 1987, la gauche haïtienne s?était regroupée pour promouvoir la candidature de Me Gérard Gourgue à la Présidence.  En 2001, pour faire pendant à l?investiture d?Aristide pour un second mandat présidentiel, la Convergence Démocratique avait fait choix du même personnage comme président symbolique.

 

Fin 2003 et début 2004, ils ont fait front commun pour combattre Aristide.  Mais l?objectif une fois atteint, chaque propriétaire de partis politiques s?est empressé de se porter candidat à la présidence.  Conséquence, tout le GNB était un exercice futile pour retourner au statu quo ante.  Autant dire que chaque peuple a le gouvernement qu?il mérite.

 

Enfin, en 2005, le gouvernement a entrepris deux remaniements ministériels qui,  loin de favoriser la cohésion au sein de l?équipe dirigeante, mettaient plutôt à nu les rivalités existantes entre la Présidence et la Primature.  Cette année, le Président Boniface Alexandre a participé à deux réunions de Chefs d?Etat de la région, l?une à Panama et l?autre en Argentine où s?était tenue la Conférence des Amériques avec la présence des 34 Chefs d?Etat de la région.

 

Nombreux étaient également les dignitaires qui ont visité le pays en 2005.  Ce sont : le Premier Ministre du Canada, celui du Québec, la Secrétaire d?Etat Américain, le Président de la République Dominicaine et le Secrétaire Général de l?OEA.  La visite du Président Leonel Fernandez Reyna à Port-au-Prince, le 12 décembre 2005  a donné lieu à des manifestations violentes de la part des étudiants haïtiens protestant contre les mauvais traitements infligés aux compatriotes haïtiens vivant en terre voisine. 

 

 

B.     ECONOMIQUE


 

Sur le plan économique, le bilan est mitigé.  Le gouvernement a poursuivi les efforts d?assainissement des finances publiques.  Il a révisé le Décret sur l?Impôt sur le Revenu, maintenu les grands équilibres macro économiques et renouvelle sa volonté de lutter contre la corruption à la satisfaction des Institutions Financières Internationales.  Pour la deuxième année consécutive, le budget de l?année fiscale 2005-2006 est adopté avant le 1er octobre 2005. 

 

Cependant, ces efforts ne se sont pas traduits sous forme d?amélioration des conditions de vie de la population.  Haïti continue de battre les records de mauvais classement.  Le pays se retrouve au 153e rang par rapport à son indice sur le développement humain, établi chaque année par le PNUD.  L?ONG allemande Transparency International le classe parmi les 4 pays les plus corrompus du monde dans son rapport sur la perception de la corruption dans le monde.

 

Cette année, l?économie haïtienne a renoué avec un taux de croissance positif de son Produit Intérieur Brut (PIB).  Mais cette croissance de 1.5% est insuffisante par rapport au taux de croissance de la population, estimée à 2.5%.  De plus, cette économie est sévèrement affectée par des chocs aussi bien internes qu?externes.

 

Sur le plan interne, l?instabilité socio-politique qui sévit dans le pays depuis deux décennies décourage toute velléité d?investissements à des fins de production et de création de richesse.  Des investisseurs tant nationaux qu?internationaux choisissent des cieux plus cléments pour faire fructifier leurs affaires.  En outre, l?insécurité et les désastres naturels ont assené le coup de grâce à une économie déjà mal en point.  Nombreux sont les commerçants et industriels qui ont dû fermer leurs entreprises pour fuir le pays.  Le commerce informel a lui aussi payé son tribut de feu et de sang.  En effet, des incendies d?origine suspecte ont réduit à néant des efforts consentis par des hommes et femmes bravant chaque jour le danger dans des zones à risque.

 

 La situation décrite précédemment est aggravée par la hausse vertigineuse du prix du pétrole sur le marché international.  En effet, l?augmentation du prix du carburant a eu des effets pervers sur l?économie.  Aucun secteur n?a été épargné.  D?abord, celui du  transport a été obligé d?ajuster ses tarifs à la hausse.  Du jour au lendemain, les prix des courses sur les principaux circuits ont presque doublé.  Il en a été de même des coûts de transport de l?eau, du sable, du fer et du ciment.  En conséquence, les prix des produits de première nécessité ainsi que ceux des matériaux de construction ont crû considérablement.

 

Le pays ne produit pas suffisamment de biens et de services pour satisfaire la demande domestique.  Presque tous les biens de consommation courante sont importés de l?étranger.  Parallèlement, les exportations haïtiennes n?arrivent pas à contrebalancer ses importations ni en volume ni en valeur.  En conséquence, la balance commerciale d?Haïti est déficitaire par rapport à tous ses partenaires commerciaux.  Plus près de nous, le pays représente un déversoir pour les produits en provenance de la République Dominicaine.    Il en importe même le citron, la noix de coco et la banane. 

 

De plus, pour compenser les défaillances de l?EDH, la plupart des ménages, des entreprises, voire des institutions publiques, se sont arrangées pour produire leur propre énergie électrique.  Le plus souvent, ils recourent à l?achat de génératrices et d?inverters.   Ces dépenses jointes à celles de carburant grèvent davantage leurs coûts de production.  Au bout de la chaîne, cette facture est répercutée sur le consommateur haïtien qui paie la note salée.  Ce qui ne manque d?éroder son faible revenu. 

 

Alors, Haïti a besoin de plus en plus de dollars pour financer ses dépenses.  En principe, ces dollars  proviennent des exportations, du tourisme, des paiements de transfert et de l?aide publique au développement.  Comme on l?a vu, les revenus tirés de l?exportation sont faibles !  Ceux tirés du tourisme sont presque insignifiants.  Les transferts effectués par les Haïtiens vivant à l?étranger représentent l?oxygène qui maintient l?économie nationale en hibernation.  La demande de devises dépasse l?offre. Il en résulte une plus forte dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain. 

 

En juillet 2004, la communauté internationale dans son ensemble s?était engagée à financer les projets contenus dans le Cadre de Coopération Intérimaire  (CCI), élaboré conjointement avec le gouvernement de transition pour une durée de deux ans.  Ces engagements étaient chiffrés à plus d?un milliard de dollars américains pour la période.  Si les promesses étaient respectées et les décaissements de fonds effectués, Haïti devait être transformée en un vaste chantier.  Des infrastructures de toutes sortes devraient être soit construites soit réhabilitées.   Rien n?y fut.  Les fruits ne traduisent pas les promesses des fleurs.  Encore une fois, les dirigeants haïtiens se font rouler par la communauté internationale qui a préféré les promener de Montréal à Bruxelles, en passant par Ottawa et Cayenne.  En 2005, le chômage affecte plus de 60% de la population économique active du pays.  Il est ironique de constater que la Police Nationale d?Haïti a été la plus grande créatrice d?emplois dans le pays.

 

 

C.     SOCIAL


 

Sur le plan social le bilan est négatif.  La pauvreté, la peur, l?exode constituent le lot de la population haïtienne durant l?année 2005.

 

La pauvreté affecte une plus grande partie de la population haïtienne.  Les statistiques révèlent que 60% vivent avec moins d?un dollar américain par jour.  Les couches moyennes de la population vivent dans des conditions de plus en plus précaires.  Elles arrivent difficilement à satisfaire leurs besoins primaires.

 

 La situation des enfants est alarmante.  La malnutrition représente l?une des principales causes de la mortalité infantile.  Le nombre d?enfants en situation difficile, notamment les enfants de rue et les orphelins du SIDA, augmentent.   Au niveau des jeunes, les maladies sexuellement transmissibles continuent leurs ravages.

 

Une grande psychose de peur envahit les populations de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.  Les actes d?enlèvement et d?assassinat provoquent des déplacements de population de plus en plus fréquents.  Des quartiers entiers se vident.  A la tombée de la nuit, les rues de Port-au-Prince sont désertes.  Les habitants ne voyagent plus la nuit.  Il ne serait pas étonnant de constater une augmentation des cas de maladies cérébro et cardio-vasculaires, tant le traumatisme est grand.

 

En conséquence, la fuite des bras et des cerveaux s?est accentuée en 2005.  Les candidats à l?exode se recrutent dans toutes les couches de la population haïtienne.  Les plus défavorisées prennent la mer ou traversent la frontière pour se rendre en République Dominicaine, à la recherche d?un mieux-être.  Cette année, elles ont fait l?objet des pires traitements.  D?autres se sont arrangés pour se rendre illégalement  aux Antilles, en Amérique du Nord ou en Europe.  Les plus douées parmi les plus fortunées ont été attirées par le programme d?émigration au Canada.  Aujourd?hui, on estime à plusieurs milliers le nombre de cadres haïtiens qui ont emprunté cette voie au cours des cinq dernières années.

 

Enfin, l?environnement s?est dégradé à un rythme effarant.  Dans plusieurs régions du pays, les espaces cultivables s?amenuisent à mesure que les constructions anarchiques augmentent.  Ces constructions n?épargnent ni les flancs de montagnes ni les creux des ravins.  Au cours de la saison pluvieuse, des pluies torrentielles ont soustrait des vies humaines et animales ainsi que des biens dans plusieurs régions du pays.  De plus, l?insalubrité des rues accroît les risques d?épidémies dans plusieurs régions du pays.  Parmi les endemies majeures, la malaria a apporté son cortège de cadavres cette année.

 

 

CONCLUSION


 

A l?aube de l?année 2006, Haïti se trouve à la croisée des chemins.  Le chaos ne s?y est-il pas déjà installé ?  Ses manifestations sont l?insécurité, l?impunité, l?indiscipline et l?irresponsabilité.  Allons-nous vers la stabilisation avec plus d?un milliard de dollars dépensés pour l?entretien de la MINUSTAH et pour le processus électoral ? La stabilisation requiert des efforts et de la sincérité.  Ces manifestations sont la vision, la compétence, l?engagement et la responsabilité.

 

Le chaos est un état et la stabilisation un processus.  Aujourd?hui, Haïti représente une menace pour l?île Quisqueya, pour la Caraïbe et pour le Continent.  En dix ans, elle a subi deux interventions étrangères et trois occupations en moins d?un siècle.

 

Pour nous éviter une autre gifle, cessons de compter sur l?autre.  La MINSUSTAH et l?OEA considèrent finalement la tragédie haïtienne comme une affaire lucrative, aux yeux de plus en plus d?observateurs nationaux et étrangers.

 

Mais comment les haïtiens se voient-ils ?  Que se disent-ils ?  Que peuvent-ils faire ensemble ? Telle est la question.  Car, seuls ils ont intérêt à bâtir une Haïti prospère et fière.

 

 

 

                                                                            Michel SOUKAR

                                                                            Décembre 2005