Originally: Haiti – élections: l?Impasse totale

Par Nancy Roc*


L?annonce « officielle »  de la tenue des prochaines élections en Haïti a donné lieu jeudi à un véritable ballet de réunions planifiées puis annulées et à un flux de déclarations contradictoires. Le Conseil Electoral Provisoire (CEP) est incertain d?organiser réellement des élections législatives et présidentielles en Haïti avant la fin de l?année. Lors d?une conférence de presse ce 15 novembre, le président du CEP, Max Mathurin, n?a pu confirmer la tenue du premier tour du scrutin durant le mois de décembre, comme annoncé par le Premier ministre, Gérard Latortue il y a un mois.


Mr Mathurin a admis que divers problèmes techniques n?ont pas encore été solutionnés. Il reste, entre autres, à finaliser la liste des candidats au sénat et à la députation. Autre paramètre important : la livraison et la distribution des cartes électorales est toujours compromise. Selon Max Mathurin, « le CEP n?a aucune influence sur la compagnie de fabrication et toute démarche en ce sens doit passer par l?OEA, signataire du contrat ».


Ainsi, après des mois de tergiversations, l?institution électorale ne cache plus son incertitude, affiche son incompétence et admet qu?elle a très peu de contrôle sur des leviers essentiels dans l?avancement du processus électoral.
De son côté, le Premier ministre Latortue persiste et signe et déclare en primeur ce 17 novembre à la chaîne américaine CNN que les élections auront lieu les 27 décembre et 31 janvier prochains. Le CEP se tait et les partis politiques ne savent plus à quel Saint se vouer. Ce 17 novembre dans la soirée, une réunion les convoquant au Palais présidentiel a avorté. Selon des informations officieuses, les observateurs ? notamment Canadiens- ne pourront être sur le terrain pendant la période annoncée par le Premier ministre et le CEP se verrait dans l?obligation de repousser les élections pour la cinquième fois consécutive. Denis Coderre, chargé du dossier haïtien, a déclaré ce matin dans une interview que ces rumeurs étaient infondées : « le Canada est un chef de file dans ce processus d?accompagnement (?) La récréation est finie et nous souhaitons des élections dans le respect de la Constitution et des juridictions de chacun ».
Pour divers analystes politiques, ce marasme électoral ne fait que confirmer le doute sur l?aboutissement du processus électoral haïtien et un CEP mis « sous tutelle » locale- avec l?intervention directe du gouvernement de la République dans les affaires internes d?une institution indépendante- et internationale. Au niveau local, les déclarations intempestives du Premier ministre concernant la tenue du scrutin ont été dénoncées par les membres du CEP. D?autre part, l?annonce faite par le président du CEP ce 15 novembre a été précédée de la démission du Comité d?appui à l?institution électorale. La formation de ce Comité était une initiative gouvernementale pour accompagner le CEP dans un processus de plus en plus fragilisé. Dans un communiqué daté du 4 novembre, les membres de ce comité  justifiaient leur démission « par l?absence d?appui politique nécessaire à la réalisation de sa mission. »
 
Quant à l?implication de la communauté internationale dans le processus électoral, elle a constitué une des plus grandes failles dans le déroulement du processus. Pour le Directeur Exécutif du Centre Oecuménique des Droits de l?Homme, M. Jean Claude Bajeux, « l?inscription des électeurs ayant été confiée  à l?OEA  qui devait s?appuyer sur la Mission de l?ONU en Haïti (MINUSTAH), le CEP- qui est pourtant la seule autorité en matière électorale- s?est trouvée dépouillée de tout moyen d?intervention et d?organisation en ce domaine », a-t-il précisé par téléphone ce 17 novembre.


Suite à la journée de tension de jeudi au Palais National, le leader de l?Alyans Demokratik, Evans Paul, n?a pas caché ses inquiétudes en relevant « un grave problème de cohésion entre le gouvernement, le CEP et la communauté internationale ». De son côté, Me Osner Févry, de la Coalition nationale des partis politiques non-alignés du centre démocratique (CONACED) a estimé avoir eu jeudi soir « la confirmation des grandes incertitudes qui entourent le processus électoral ». Et pour cause, certains analystes prévoient déjà le report du premier tour ce lundi 21 novembre alors que le Premier ministre a promis d?annoncer, de concert avec le CEP, la date du second tour. Même des candidats ne cachent plus leur pessimisme : « Il n?y aura pas d?élections, le désastre est là et il faut des responsables », a lancé le candidat du GREH, l?ex colonel Himmler Rébu dans une interview accordée ce dimanche 20 novembre.


Des élections pour quoi faire ?


Si certains acteurs politiques pensent encore que la tenue d?élections demeure un passage obligé pour mettre fin à la transition politique, d?autres demeurent très sceptiques quant au résultat des élections dans l?impasse actuelle. C?est la préoccupation exprimée par Mme Maryse K. Pénette, présidente de l?Association des Industries d?Haïti, qui s?exprimait à titre personnel : « dans l?état de désorganisation qui caractérise la politique haïtienne aujourd?hui, la tenue même des élections risque d?ouvrir une nouvelle crise notamment à travers la contestation des résultats, et l?impossibilité de former un nouveau gouvernement. Comment imaginer un fonctionnement normal pour ce dernier lorsque les institutions sont non fonctionnelles et que la corruption a envahi tous couloirs de l?administration publique ? Allons-nous voter pour légitimer une nouvelle équipe qui entrera dans le moule mis en place par ses prédécesseurs? », a-t-elle questionné lors d?un entretien téléphonique.
Et de fait, nombre d?Haïtiens se demandent  comment des élections pourront résoudre leur quotidien ponctué de kidnappings, de vols, viols effectués par des gangs armés se réclamant du régime du président déchu Jean-Bertrand Aristide. La menace du retour au pouvoir de René Préval, considéré comme le frère jumeau politique de ce dernier, n?a fait qu?augmenter la crainte du secteur démocratique. Suite à la déclaration de candidature de Préval et à une démonstration violente de ses partisans le 3 novembre dernier, le plus grand regroupement des sociaux démocrates du pays, la Fusion, a appelé les démocrates socialistes à soutenir une candidature unique pour barrer la route à l’ancien président, considéré comme « un danger pour la démocratie ». L?inaction de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d?Haïti est toujours vivement critiquée. Onze mois après son arrivée, son contingent n?est pas arrivé à arrêter la violence et les zones de non droits sont toujours considérées comme explosives.
En attendant, le peuple haïtien croupit dans sa misère et ne montre aucun enthousiasme à aller aux urnes. Parmi 32 candidats aux présidentielles, ne soulevant aucun enthousiasme, qui pourra le sortir de sa douleur et de sa peur ? Quelque soit le prochain gouvernement il ne disposera que d?un budget annuel estimé à $US 800 millions, soit $US 300 millions alloués à l?État et $US 500 millions d?aide internationale. Pour 8 millions d?habitants, ce gouvernement ne disposera donc que de 100 dollars américains par habitant par an. On est loin, très loin de pouvoir vaincre la pauvreté, légitimement ou pas, et il sera difficile de faire miroiter au peuple haïtien des promesses électorales vouées d?emblée à l?échec.
Nancy Roc est journaliste indépendante depuis 20 ans en Haïti. Forcée à l?exil suite à des menaces de mort et de kidnappings, elle vit aujourd?hui à Montréal.

Originally: Procès contre l’ex-Président Aristide et ses Acolytes

La République d’Haiti (Haïti) et les Télécommunications d?Haiti S.A.M. (TELECO) ont introduit hier une action civile par devant la Cour de Justice du District Méridional de la Floride aux Etats-Unis d?Amérique. Le procès a pour but de rendre compte des torts causés et de récupérer l’argent volé au Peuple et au Gouvernement d?Haïti par l’ex-président d?Haïti, Jean-Bertrand Aristide (« Aristide »), et par les autres agissant avec lui, y compris son ex-Ministre de l’Economie et des Finances, Faubert Gustave.  La TELECO est une compagnie de télécommunications appartenant au Gouvernement d?Haïti et est administrée en tant que monopole d?Etat.
Le Premier Ministre d?Haïti, Gérard Latortue a déclaré que :”Ce procès tourne une nouvelle page de l?histoire de la République d?Haïti. Plus jamais les dirigeants politiques ne pourront violer la Loi et rester impunis. Notre Nation est régie par la Loi, et tout citoyen, même le Président de la République, doit rendre compte de ses actes. Notre gouvernement ne saurait tourner la tête lorsqu?il est établi que des dirigeants gouvernementaux ont abusé de la confiance placée en eux par le Peuple Haïtien. Nous exercerons vigoureusement tous les recours du Droit contre Aristide et contre tous ceux qui ont agi avec lui.  Nous présenterons nos accusations et les prouverons par devant la Cour de Justice, et nous remédierons à ces violations?.
La République d?Haïti allègue dans son procès par devant la Justice Américaine qu’Aristide et ses acolytes ont violé le U.S.FEDERAL ANTI-RACKETERING ACT, RICO, ainsi que les lois contre le blanchiment d?argent :
(1) en pillant des millions de dollars du Trésor Publique Haitien et envoyant de ces fonds détournés vers les Etats-Unis ;
(2) en volant de dizaines de millions de dollars des revenus de la TELECO en conspiration avec des compagnies de téléphone des Etats-Unis et du Canada, les conduisant à déposer des fonds dans des comptes bancaires en paradis fiscaux en échange pour les services de la TELECO ;
(3) en fournissant des sauf-conduits à des trafiquants de produits narcotiques et en facilitant par Haïti le passage de la drogue de l?Amérique du Sud vers les Etats-Unis en échange de pots de vins.


Aristide fut élu président d?Haïti pour une période de cinq années allant de février 1991 à février 1996. En septembre 1991, il fut conduit en exil par un coup d?état militaire, mené par les Généraux Raoul Cédras et Philippe Biamby. En septembre 1994, une force militaire des U.S.A. répondant à une résolution de l?O.N.U., envahit Haïti pour évincer le régime militaire et reconduire Aristide à la présidence d?Haïti. Sous peu, Aristide revint en Haïti pour achever son premier mandat qui finit en février 1996. De février 1996 à février 2001, son proche collaborateur et ancien Premier Ministre, René Préval (“Préval”), assuma la présidence d?Haïti. En outre dès 1996 et pendant le mandat de Préval comme président, Aristide continua de fonctionner comme Président « de facto » d?Haïti à travers Préval, Lafanmi Lavalas et d’autres.
La plainte allègue que comme président d?Haïti, et dans une certaine mesure même pendant le règne de Préval, Aristide contrôla pratiquement tous les principaux actifs du gouvernement d?Haïti. A cette fin, depuis 2001 et même plus tôt, et jusqu’à février 2004, Aristide a, avec l’aide et la coopération de fonctionnaires publics et d’autres membres du gouvernement triés sur le volet par lui-même, utilisé sa puissance pour mener une campagne de pillage du trésor public et du Peuple Haïtien, en instruisant à plusieurs reprises des organismes gouvernementaux d?augmenter faussement des dépenses légitimes de deniers publics, puis à convertir ces fonds, entièrement ou partiellement, en détournement de fonds pour lui et/ou ses défenseurs, sa famille, ses amis et autres complices. Ces fonds détournés ont été fréquemment blanchis par des compagnies factices, établies à cette fin par Aristide et ses complices, tant en Haïti qu?aux Etats-Unis d?Amérique.   Au total, Aristide et ses complices volèrent des dizaines de millions de dollars du Trésor Public et en transférèrent une grande partie vers les Etats-Unis d?Amérique.
Au cours de la même période de temps, Aristide, toujours avec l’aide des fonctionnaires de gouvernement qu?il avait nommés à cette fin et d’autres, eut à détourner à son profit ainsi qu?au profit de ses complices, des revenus appartenant légitimement à la TELECO.  Pour accomplir son forfait, Aristide installa ses complices dans des postes de gestion au sein de la TELECO, puis Aristide et ses  complices engagèrent la TELECO dans des accords avec certaines compagnies de Télécommunication américaines et canadiennes, leur accordant des prix substantiellement réduits pour les services fournis par la TELECO, en échange de pots de vin et de faveurs qui diminuèrent pour eux les taux de la TELECO. Or les revenus de la TELECO constituaient la principale source de monnaie devises étrangères pour Haïti, le pays le plus pauvre de l?hémisphère occidentale.  Résultant de ce montage, Haïti et la TELECO ne percevaient qu?une faible partie des revenus redevables à la TELECO.


 


Parallèlement, en échange de faveurs et de pots de vin, Aristide et ses complices fournirent un passage sûr pour des transbordements de drogues illégales vers les U.S.A. et firent nommer des trafiquants de drogue à des postes importants des services de sécurité du Gouvernement Haïtien, d?où ils purent garantir la sûreté de leurs opérations et de leurs narcotrafics.  
Les arrangements frauduleux orchestrés par Aristide contre le Peuple et le Gouvernement d?Haïti étaient à bien des égards conduits et reliés aux Etats-Unis d?Amérique.  Aristide et ses complices installèrent des sociétés « écran » et s?en servir comme « par-avant » aux intérêts du Groupe Aristide. Aristide et ses complices transférèrent des fonds publics volés à travers ces compagnies « factices » mais aussi à travers des compagnies légitimes, utilisant entre autres des comptes de banques de  compagnies américaines en Haïti, et faisant largement usage du système bancaire des USA pour s?assister dans le blanchiment d?argent et de fonds publics. De plus, Aristide et ses complices demandèrent et obtinrent des pots de vin substantiels de compagnies de télécommunications américaines, et ceux-ci leur furent transférés à partir de comptes domiciliés dans des banques américaines, en profitant  aussi du narcotrafic vers et avec les Etats-Unis d?Amérique  
La République d?Haïti et la TELECO sont à la recherche d?un redressement de ces torts  sous forme de triple indemnisation pour ces dommages qui leur ont été causés en violation de la Loi, de dommages compensatoires et punitifs pour conversion, fraude et infraction du devoir fiduciaire, de soulagement équitable sous forme d?un redressement comptable, et de l?imposition d?un fiduciaire constructif  et de l?enregistrement d?une injonction contre Aristide et les autres accusés.


 


   
Jean-Junior Joseph, directeur 
Bureau de Presse et de la Communication du Premier Ministre