Originally: LES ORPHELINS DU MOUVEMENT DEMOCRATIQUE

 (Note: We hope to post a cleaner version shortly.)


Qui se souvient encore de l?énorme manifestation du 7 décembre 1986 ? C?était pour réclamer du CNG (Conseil National de Gouvernement) d?oj Gourgues était parti en claquant la porte, le 25 février 1986 la libération d?un instituteur de Cité Soleil, Charlot Jacquelin.. Un seul cri jaillissait de la foule « Ban nou Chalo Jaklen ! Ban nou l jan nou te pran l ! On parlait de 700,000 personnes. Nous vimes un vieillard qui n?avait jamais manifesté de sa vie, ne serait-ce que ses opinions, descendre dans la rue avec sa canne pour se mLler B ce fleuve. Quelles surprises dans la vie ! L?autre jour, le bébé que Aristide avait baptisé est venu au bureau. Il s?appelle -devinez ?- Charlot Jacquelin jr. Il voudrait organiser une messe et une exposition pour rappeler le souvenir de son pPre, le disparu jamais reparu.


Qui l?eut dit ? Vingt ans aprPs, l?âge de Jacquelin fils, le fleuve s?est changé en marécage. Les enfants du mouvement démocratique, les survivants d?une longue bataille qui les a blanchis, se retrouvent maintenant, prudents et silencieux, émiettés en 91 groupes et 95 aspirants B la présidence. Si Jean-Claude Duvalier, pourquoi pas moi ? Si Aristide, pourquoi pas moi ! La république est riche : elle achPte des ballons bleu et rouge pour 19,000 dollars US, des drapeaux bleu et rouge pour 25,000 dollars US et des petits déjeuners pour 114.000 billets verts. Jamais la soupe de giraumon du 1er janvier n?avait cofté si cher. Il faut bien le dire, c?était le 200e anniversaire de la conquLte de notre liberté. Mais nos libertés sont toujours pour demain et ce jour-lB, dans les ruelles de Delmas, on pouvait difficilement penser B cette soupe de giraumon.


Qui l?eut cru ? Au gré des manifestations du GNB, une expérience d?unité nationale se créait sous les pierres et autres projectiles du Champ de mars, le 28 juin 1999, .dans la poussiPre de Verti es, le 17 novembre 2001, et devant le Rex, le 14 octobre 2003, dans une exigence. comme en 1946, de toutes les libert . Or, ces libert , malgr tant de sacrifices, malgr tant de morts, ne peuvent jusqu’ maintenant s panouir. Nous voyons revenir sur le terrain, des noms qui faisaient trembler, et des coupables jamais sanctionn . On dit qu ls sont m e re s la table des meilleures ambassades et participent d tranges c onies de « r onciliation ». Jean Dominique et Brignol Lindor se retournent dans leur tombe. Mais les h itiers du mouvement d ocratique, ces partis, ces groupes, ces militants, les survivants d ne bataille qui a erg en plein air ces 25 derni es ann s, se sont iett , «  Yo gaye ». Le bloc sorti du Congr de Mouvements d ocratiques de Thor, chez les Sal iens, a d pendant quatre ann s subir les al s de gouvernements militaires, plus provisoires les uns que les autres. Ils se pr entent maintenant en ordre dispers aux ections, risquant d tre balay dans la confusion cr e par tant de candidats, alors que cette R ublique nouvelle, qui doit na re, gu ie de corruption et de d inquance, devrait normalement re confi leurs soins, eux qui se sont battus, pendant des d ades, pour son iphanie.


Ayant milité dPs mon arrivée en 1986 pour que le déroulement des élections soit affranchi de toute mainmise du Département de l nt ieur et de toute intervention intempestive des militaires et de l x utif, je n?ai cessé depuis lors de diffuser l?idée d?une institution investie de la pleine autorité sur les questions électorales. Le concept d?un « pouvoir électoral » est une grande innovation qui a fait son chemin dans toute l?Amérique Latine et qui a aidé ces pays B se libérer de la hantise des fraudes et des pressions souterraines ou ouvertes de ceux qui détiennent ou l?argent ou la force. En ce domaine, l?exemple de la République Dominicaine et celui du Mexique ont redonné du courage B ceux qui dans notre pays travaillent dans le mLme sens mLme si les vingt derniPres années n?ont apporté jusqu?ici que l?échec. 


En effet, les dix conseils électoraux qui se sont succédés depuis 1987 n nt pu obliger les puissants B respecter les résultats du scrutin, et, en fait, jamais les citoyens de ce pays n?ont pu obtenir d?avoir un compte exact de leurs votes. Jusqu’B maintenant existe un contentieux sur le sort qui doit Ltre fait aux votes blancs. Le dernier président du CEP, un octogénaire, Léon Manus, a préféré démissionner et partir pour l?exil depuis l?an 2000, refusant de signer des résultats fantaisistes concoctés aprPs les élections du 21 mai 2000. Les partis politiques, le pays lui-mLme, semblent avoir oublié ce citoyen qui est en fait un héros et qui mérite de savoir que nous admirons tous son courage.


Ce onziPme CEP nous a surpris d?abord par sa splendide ignorance des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution. On aurait pu croire que le voyage B Mexico et la visite du Président de la Junte électorale du pays voisin leur auraient ouvert les yeux. Dix huit mois aprPs le choix de cette équipe, composé de citoyens et de citoyennes ayant d?imposantes qualifications, elle n?a réussi, ni B se constituer comme un corps d?Etat, ni B imposer son autorité. Elle n?a pas démontré un grand savoir-faire dans l?organisation technique des élections, ni gagné en prestige et en autorité. Quelques semaines avant les élections, le CEP ne dispose pas d ne machine administrative capable de r oudre les multiples probl es de la pr aration des ections, Comme pour le systPme de justice, les porte-parole s?enferment dans la langue de bois, dans la paralysie, dans des bavardages creux et intempestifs.


Dix-huit mois aprPs l?installation du CEP, les cartes d?identification électorale n?ont pas encore été distribuées et les explications sont plus embarrassées les unes que les autres.. On comprend bien que les citoyens de ce pays commencent B connaître une certaine anxiété puisque l n avait promis tout votant potentiel une carte d dentit digitalis , gratuite.. Pendant ce temps, l es armes sont toujours entre les mains de terroristes Cit Soleil, Martissant. au Limb et aux Gonaives, par exemple. Oui, on nous avait promis monts et merveilles et nous attendons toujours, quelques semaine de la fin de l nn , le superbe cadeau que pr arait ce CEP pour le peuple ha ien, cette carte digitalis qui devait fixer l tat-civil de 4,500.000 citoyens et qui pourrait re utilis pour toute circonstance, de la naissance la mort. .


Allait-on donc en finir avec les multiples identit des contribuables et avec la confusion traditionnelle des nom et pr om ? Allait-on enfin avoir des listes ectorales capables de servir rapidement toute ection d r  ? Allait-on finir par avoir les r ultats le soir m e du vote, comme cela a eu lieu l n dernier en pays voisin o le nom du nouveau pr ident ait confirm d huit heures du soir, le jour m e du scrutin. Miracle des communications par satellites, c les et ondes hertziennes. Miracle des additions effectu s sans faute par les ordinateurs. Miracle de sources d nergie ectrique produite par des photocellules solaires. La transition, c tait cela : placer la population enti e, devant l bjectivit des verdicts ectroniques, saut qualitatif hors du mar age de l rcha me, entr joyeuse et fracassante, carte digitalis en mains, dans la modernit . La r olution par une carte d dentit ectorale gratuite et bard de cl ectroniques prot eant les donn s identitaires de nos votants est, sous nos yeux, en train d tre rat . Rien ne sert de se taire, les mines embarrass s et les mensonges accumul ces jours derniers ont r ce secret de polichinelle.


Ce qui est grave, dans cette situation, c st que le CEP a lui-m e produit une loi ou il abandonnait son autorit sur la chose ectorale au profit d ne firme dont nous ne savons pas le nom et au profit d dministrations externes qui n nt, l alement, aucun droit l al de produire et de distribuer une seule carte ectorale. Le CEP est la seule autorit en mati e ectorale. C st la seule institution charg d rganiser les ections.


L chec de la Minustah en mati e de s urit se r ercute maintenant sur l rganisation technique des ections, puisque l nscription des votants ait la responsabilit de l EA et de la machine onusienne sans qu ucune explication ne soit donn sur les raisons de cette incapacit de l EA de fournir les cartes temps. Or, un immense travail reste faire au plan technique. Voici ce qu n dit Robert Benodin :




« L?élection, et particuliPrement l?élection libre honnLte et crédible, étant incontestablement le passage obligé, le seul et unique moyen, pour franchir en vérité ce seuil, fait face aujourd?hui B des problPmes de gestion qui exigent de sérieuses interventions techniques :


-réviser les contrats de fabrication des documents électoraux,


évaluer la capacité d?exécution des fabricants,


-re-planifier le processus électoral,


-identifier les bureaux de vote,


-corriger l?inscription,


-désigner avec précision un bureau de vote pour chaque électeur,


-vérifier la qualité de la confection des cartes électorales, des bulletins de vote et des urnes,


-assurer la distribution précise des documents électoraux,


-assurer la sécurité de la collection des urnes et de leurs procPs verbaux,


-assurer la protection du transport des urnes sur tout leur parcours du bureau de vote jusqu’B celui du CEP,


-développer un processus de traitement et d?apurement des résultats électoraux etc. »


C st pourquoi, on ne peut que rester sourds toutes les objurgations concernant une date fatidique qui serait le 7 f rier. Plus important que tout, il faut que ces ections soient correctement organis s. Et elles ne peuvent l tre que si toutes les cartes sont distribu s aux ecteurs et pour cela, il faut d bord que tous les bureaux de vote (BV) soient localis et identifi . En m e temps il faut que l dministration des 148 BEC et des 11 BED soit pr e, bien uip , recevoir 3 millions d lecteurs, le jour des ections. Ceci est plus important encore que les r ultats eux-m es, car ce que ce pays attend, c st d voir la certitude que ses votes vont re r uli ement et scrupuleusement compt , pour la premi e fois de notre histoire. Le « como » est plus important que le « quid ».


Qu ttendent donc les partis politiques pour exiger des explications sur la raison r lle de ce retard impardonnable de l EA fournir les cartes, identifier les bureaux de vote et former le personnel administratif du CEP ? Qu ttendent les partis politiques pour demander une enqu e sur les ections du 21 mai 2000 et l dentification des coupables ?


Jean-Claude Bajeux


4 novembre 2005