Originally: La mère du journaliste assassiné Jacques Roche nie tout lien de parenté avec le père Gérard Jean-Juste

Deux jours après les funérailles exceptionnelles de Jacques Roche, auxquelles plusieurs milliers de personnes avaient assisté, la mère du journaliste martyr, Madame Victor Roche, a asséné samedi un coup dévastateur au prêtre Lavalas (le parti d?Aristide) Gérard Jean Juste, arrêté jeudi, en affirmant, sur les ondes de radio Kiskeya, n?avoir aucun lien de parenté avec lui contrairement à ses prétentions.

Mercredi, lors de sa comparution au cabinet d?instruction de Port-au-Prince, pour son implication présumée dans des activités terroristes, le père Jean Juste avait soutenu être, par alliance, de la même famille que le journaliste et poète Jacques Roche, sauvagement assassiné. Le remuant curé de l?église Sainte-Claire à Petite Place Cazeau (nord de la capitale) s?était même souvenu, grâce à une mémoire d?éléphant, avoir été dans son enfance, délivré une fois par la mère du disparu alors qu?il était dit-il, roué de coups par des citadins qui étaient fous de jalousie, parce que lui, le petit paysan, montait à bicyclette, tout content qu?il était d?avoir reçu de son père, un vélo flambant neuf, dans la localité de Cavaillon (Sud d?Haïti).

Madame Roche a indiqué n?avoir jamais été témoin d?un tel incident. Native du Cap-Haïtien (Nord), elle a également démenti avoir mis les pieds une seule fois de sa vie à Cavaillon, commune d?où était originaire son mari, feu Victor Roche. Allant jusqu?au bout de son désaveu, la veuve affirme n?être pas en mesure de prononcer le nom du dirigeant Lavalas ; elle ne souhaite d?ailleurs pas connaître “ce personnage dont la présence aux funérailles n?augurait rien de bon”. Très âgée, la mère de Jacques, qui s?exprimait d?une voix agacée, confie ne garder de son fils que le souvenir de sa captivité jusqu?à sa mise à mort en pleine rue. Elle a aussi évoqué la période de grossesse ayant précédé la naissance du confrère et les terribles privations matérielles qu?elle avait dû endurer pour élever, dans la dignité, ses quatre enfants.

Interrogée sur ce qu?elle aimerait que la justice fasse du cas emblématique de Jacques Roche, la vieille maman a répondu, résignée “Je n?en sais rien. Je prie uniquement, je suis une chrétienne. Il appartient seulement à Dieu de me rendre justice”.

Considéré comme le principal leader des partisans radicaux d?Aristide en Haïti, le père Jean Juste qui occupe le devant de la scène depuis l?abdication de son chef, le 29 février 2004, a été appréhendé jeudi en marge des funérailles du journaliste martyr, auxquelles il s?apprêtait à participer, en soutane, à l?église Saint Pierre de Pétion-Ville (banlieue est de la capitale). Il a été accusé d?incitation à la violence, d?apologie du kidnapping et de détention illégale d?armes appartenant à la Police nationale d?Haïti (PNH). Il a été également dénoncé par la clameur publique pour sa responsabilité présumée dans l?assassinat de Roche. Une foule en colère avait pris à partie le prêtre Lavalas qui, flanqué de son avocat américain William Quigley, avait été contraint de se réfugier au presbytère de l?église pour être en suite, conduit, sous la protection des soldats onusiens, au commissariat de Pétion-ville. Jean Juste passait samedi son premier week-end derrière les barreaux, après avoir été déféré vendredi après-midi au parquet de Port-au-Prince et transféré au Pénitencier national, principale prison civile du pays. Il avait, en novembre 2004, bénéficié d?une libération provisoire, à l?issue d?une première incarcération pour son implication présumée dans la campagne de terreur baptisée “opération Bagdad”, lancée par les partisans armés de Jean-Bertrand Aristide, le 30 septembre 2004.

La sentencieuse déclaration de la veuve de Victor Roche, pourrait constituer une nouvelle épine aux pieds de Gérard Jean Juste et de son parti tant sur le plan éthique, politique que juridique. Si elle a soulevé des protestations dans les rangs des partisans d?Aristide, l?arrestation du prêtre n?a, en revanche, donné lieu à aucune réaction officielle de l?église catholique apostolique romaine d?Haïti.

Les membres de la famille Roche, rentrés pour la plupart spécialement pour les obsèques, devraient regagner les Etats-Unis dans les prochains jours, après avoir procédé samedi à Pétion-Ville, à la vente des trois CDs de textes poétiques de Jacques, réunis sous le titre “le vent de liberté”.

Jacques Roche, 43 ans, fougueux journaliste culturel, commentateur sportif et animateur d?émissions sociopolitiques, avait été kidnappé le 10 juillet par des bandits armés, séquestré pendant près de cinq jours, torturé vraisemblablement avec du liquide brûlant et des instruments contondants, puis abattu de plusieurs balles le 14 juillet dans le dangereux quartier de Delmas 4 (nord de la capitale), contrôlé par les bandes armées liées à l?ancien dictateur. Son exécution cruelle -malgré le versement d?une rançon de 10.000 dollars- a provoqué l?indignation générale en Haïti et poussé le sympathique confrère vers une célébrité posthume dont il se serait bien passé.