Originally: Dissuasion, persuasion, manipulation
Lavalas fait encore parler de lui. Les nouvelles les plus percutantes nous viennent de l’extérieur, notamment de la République voisine.
On apprenait, en effet, le week-end écoulé la nouvelle – démentie mardi – de l’arrestation des sieurs René Civil et Paul Raymond à Santo Domingo. Ces deux chefs d’OP, l’un du Bel-Air et l’autre de Saint-Jean Bosco, s’étaient rendus tristement célèbres par la violence de leurs propos et les menaces proférées à l’endroit des membres de l’opposition sous Aristide II. Ils avaient ainsi sévi impunément plusieurs années durant. Ils seraient soupçonnés d’être partie prenante de « l’opération Bagdad ».
Par contre, l’interpellation – sous des motifs divers, allant de conspiration au trafic de stupéfiants – de plusieurs autres ténors du régime déchu, dont Clifford Larose, ex-directeur de l’Administration pénitentiaire nationale, est bien réelle. Le vice-consul haïtien à Santo Domingo, M. Harry Joseph, y va de révélations sensationnelles – non encore vérifiées – sur un vaste complot impliquant plus d’une centaine de personnes et devant aboutir à la réinstallation de J. B. Aristide au pouvoir autour du 28 février. Ce qui correspondrait au premier anniversaire de sa chute.
Dans la foulée, la nouvelle est tombée qu’une liste de 29 noms de personnalités lavalassiennes, dont J. B. Aristide et l’ex-premier ministre Yvon Neptune, a été transmise par le ministre de la Justice aux autorités judiciaires en vue de l’ouverture d’une enquête pour fins de corruption. Le Miami Herald, relayé par Radio Métropole (24 janvier), tire son information d’une entrevue avec le ministre Bernard Gousse. Le quotidien de la Floride souligne que « cette liste des 29 a été préparée par des enquêteurs haïtiens qui travaillent en étroite collaboration avec leurs homologues américains sur la corruption qui régnait sous le régime lavalas ».
D’un autre côté, les activistes du Bel-Air ont recommencé à bouger. Leurs actions destructrices, le dimanche 23 janvier, ont coûté la vie à deux habitants du quartier de Poste Marchand où trois maisons ont été incendiées.
Pour compléter le tableau de cette chronique lavalassienne, il faut signaler que quelques jours auparavant, on a fait état d’une rencontre à Pretoria entre J. B. Aristide, le président sud-africain Thabo M’Beki et le président de l’Union Africaine, M. Alpha Oumar Konaré. Ce dernier a parlé d’Haïti comme d’« un pays africain en dehors de l’Afrique » et, à ce titre, objet de la sollicitude de tous les pays africains. Est-ce à cela qu’on doit la diffusion d’une dépêche de l’agence Reuters, reprise par le correspondant de RFI, Jean-Michel Caroit, puis vigoureusement démentie par le gouvernement, selon laquelle celui-ci a envoyé un émissaire en Afrique du Sud ?
Jointe à cette dernière information, la rencontre des présidents en Afrique du Sud entretient de la confusion et fait penser à de la manipulation, sinon à une offensive de certains secteurs de la communauté internationale de resituer Aristide dans le jeu politique sous couvert de réconciliation nationale. En même temps, «l’opération Bagdad», si elle a faibli, n’est pas anéantie. On reconnaît là les méthodes aristidiennes.
Il n’en reste pas moins que la question haïtienne se joue sur d’autres plans, avec des acteurs autrement offensifs optant pour la dissuasion et la persuasion. Ce n’est pas pour rien, remarque la presse dominicaine, que les autorités du pays voisin sont intervenues contre les lavalassiens tout juste après la rencontre à Santo Domingo entre le représentant du secrétaire général de l’ONU, Juan Gabriel Valdès, et le président Leónel Fernandez. Et il n’y a pas de raison d’ignorer la détermination de l’ONU dont le Conseil de sécurité vient d’annoncer que la MINUSTAH devra rester en Haïti « aussi longtemps que nécessaire », pas plus que celle des puissances moyennes (Brésil, Argentine, Chili) œuvrant sur le terrain sous mandat de l’ONU.
Seulement voilà : ces dernières font montre d’originalité dans leur intervention. Mais pour tout ce monde, l’objectif est le même : une normalisation durable garantie par une classe politique responsable. Valdès l’a bien compris qui utilise toutes les tribunes de l’intérieur et de l’extérieur pour presser les bailleurs de fonds d’honorer leurs engagements et les forces politiques haïtiennes d’engager le dialogue national. Avec à l’horizon, des élections réussies.