Originally: DECLARATION DE L’INITIATIVE CITOYENNE A LA NATION A L’OCCASION DU 17 NOVEMBRE 2004

17 Novembre 2002, à l’appel de l’Initiative Citoyenne (IC), des dizaines
de milliers d’Haïtiens et d’Haïtiennes réalisèrent la marche historique
de l’espoir et de l’unité pour dire leur ras-le-bol et exprimer leur
rejet d’un régime totalitaire et dictatorial caractérisé par le
népotisme, le clientélisme, la corruption, la gabegie administrative,
l’exclusion, le narcotrafic, le kidnapping, les assassinats politiques,
le terrorisme d’Etat, l’impunité, l’injustice, la médiocrité, la cherté
de la vie et la négation des droits des citoyens…



Le 29 Février 2004, après 15 mois de mobilisation citoyenne, de
dépassement de soi, d’abnégation, de sacrifice, de prises de positions
courageuses et patriotiques nous avons pu obtenir la démission du
dictateur Jean Bertrand Aristide, cet événement a représenté un nouveau
moment d’espoir et d’unité. L’arrivée au pouvoir d’une équipe qui se
voulait  technocratique n’a pas su jusqu’à présent sept (7) mois plus
tard se démarquer de manière nette de mœurs politiciennes d’un autre âge
pour engager résolument le pays vers un avenir de mieux être et surtout
de démocratie. 



Dans la foulée de l’après-29 février 2004, certains développements
retiennent notre attention :



1-     La signature entre le gouvernement, les partis politiques et les
organisations de la société civile d’un accord  de consensus qui devait
réglementer le déroulement de la transition sur une base périodique de
consultation et de consensus.



2-       La formation d’un CEP devant nous conduire en 2005 à des
élections enfin honnêtes et sincères.



3-     Le Forum de l’IC les 11 et 12 Juin 2004,  sorte de mini dialogue
national réunissant les acteurs clés impliqués dans la réussite de
l’actuelle transition (le gouvernement, la société civile, les partis
politiques, la communauté internationale, les acteurs locaux). A l’issu
de ce forum, les acteurs présents ont adopté et paraphé sept (7)
résolutions, à savoir : la formation d’un Observatoire permanent de la
transition ; des actions en justice afin de sanctionner les actes
criminels y compris ceux liés à la déliquescence étatique et à la
délinquance financière ; l’élargissement du Conseil des sages en Conseil
d’Etat. Rappelons pour mémoire que ces résolutions ont été par la suite
présentées et remises au Premier ministre qui les a acceptées au nom du
gouvernement. Rappelons aussi que ce Forum avait clairement  insisté sur
le fait que la  transition ne pouvait être réussie sans la participation
de tous les secteurs qui ont contribué à l’émergence du nouvel ordre
politique.



4-     Les nombreux séjours à l’étranger du Premier ministre et d’autres
membres du cabinet ont entraîné un certain dégel dans les relations
entre Haïti et la communauté internationale.



5-     De nombreuses promesses ont été faites par le gouvernement,  dont
la construction d’une autoroute à quatre voies vers  Gonaïves et la mise
en chantier rapide du pays.



6-     La  présentation aux  bailleurs de fonds internationaux du CCI
dont l’adoption devait  déboucher sur des décaissements et des prêts
d’environ 1, 500,0000 $.



Or, aujourd’hui après quelque huit mois de transition, la réalité que
nous vivons est toute autre et même très inquiétante à bien des égards :



1-     Le CEP qui devrait nous conduire aux élections tant souhaitées
demeure un foyer de tensions, de querelles et de divisions
interminables.



2-     La communauté internationale qui devait nous venir en aide par
des prêts, des dons et des investissements divers nous fait languir sous
des prétextes bureaucratiques en partie fondés mais somme toute
traditionnels et peu défendables, compte tenu  de notre situation de
crise extrême et multiforme.



3-     La lenteur, le laxisme et les hésitations  du gouvernement
haïtien  à adopter des mesures énergiques qui auraient pu éviter au pays
l’accumulation de problèmes et difficultés de plus en plus
inextricables, comme par exemple le problème des “militaires
démobilisés“ et celui des FAD’H.



4-     Le maintien des mêmes pratiques de gouvernance  axées sur le
clientélisme, l’amateurisme, l’improvisation, la centralisation et le
manque de transparence. Ainsi, par exemple, jusqu’à date aucune réforme
sérieuse n’a été entreprise dans le mode de révocation et de recrutement
des employés du secteur public. Au niveau du ministère de  la Justice,
aucun juge ou officier de justice n’a été remplacé, aucune mesure
durable n’a été prise pour contrecarrer les actes des terroristes ou
malfaiteurs de tous ordres opérant sur le territoire national. Au
ministère de l’Intérieur, les nominations se font sur la base de
clientélisme et d’allégeance individuelle ou d’appartenance de groupe,
au point qu’on a pu nommer, entre autres cas, un ancien coordonnateur
local et propagandiste Lavalas au poste de Vice- délégué de l’Acul du
Nord et celui de Limbé, tout aussi “célèbre“ pour ses actes
d’agression contre de paisibles citoyens de cette ville. Le Gouvernement
n’a pas pris les mesures pour éliminer de l’administration publique le
personnel cadre hérité du régime antérieur. D’où un blocage des réformes
attendues.



5-     L’indécision du gouvernement, le fait de ne pas avoir explicité
sa mission et ses objectifs de façon nette et claire sont, de l’avis de
plusieurs secteurs, des facteurs qui contribuent à la recrudescence du
terrorisme, du kidnapping et de l’insécurité, notamment à Port- au-
Prince.



Face à ces constats, lourds de conséquences pour notre avenir à court
moyen terme, l’IC,  au nom des milliers de manifestants du 17 Novembre
2002, de la jeunesse, des partis politiques, des syndicalistes, des
ouvriers, du secteur des affaires, de tous ceux et celles  qui ont fait
le sacrifice de leur vie et de leurs biens pour dire non à la dictature,
demande avec force et fermeté au gouvernement de transition :



1-     La cessation de toutes ces pratiques délétères au sein de
l’administration publique, dont notamment le clientélisme et le
népotisme. L’esprit de la loi sur la fonction publique est clair et sans
équivoque : l’entrée dans la fonction publique se fait sur une base
méritoire et de compétence avérée.



2-   Le renvoi  sans délai dilatoire des principaux belligérants qui
nuisent au bon fonctionnement de l’institution électorale.



3-     Une réforme en profondeur du cabinet ministériel et le
remplacement des ministres non performants par des hommes et des femmes
capables techniquement mais susceptibles d’être guidés en tout premier
lieu par le souci de l’intérêt national et non par des intérêts
sectoriels ou individuels.



4-     Une définition claire et précise du rôle de la MINUSTAH et de ses
rapports avec l’Etat haïtien et les institutions nationales que celui-ci
a pour mandat d’encadrer et d’orienter selon les paramètres établis par
la Constitution.



5-     L’arrêt d’éventuelles négociations en cours entre le gouvernement
et les terroristes et leurs commanditaires afin de ne pas donner de
primes d’impunité aux criminels qui ont délibérément causé tant de deuil
au sein de la population en général et au sein de la PNH en particulier.



L’échec  éventuel du gouvernement de transition ne saurait être l’échec
de la transition comme telle. L’IC renouvelle et réaffirme sa profonde
conviction que «  le miracle haïtien est encore possible, mais il faut
que nous y croyions“. Il faut que cette transition finisse avec ces
transitions qui n’en finissent jamais. C’est un pari à gagner.



Pour la nouvelle Haïti de l’après-29 février 2004.



INITIATIVE CITOYENNE, Cap-Haïtien, le 10 novembre 2004.



Saul Gauthier                           Coordonnateur



Fred E Denis                           Directeur exécutif



Manel Régis Louis                   Directeur des réseaux



Jean Garry Denis                     Directeur de planification et de
développement stratégique



Dr. Charles Manigat                Conseiller



Dr. Cary Hector                      Conseiller