Originally: Affronter les difficultés de la transition

August 10, 2004


Tant que la transition n?est pas finie, ce ne sera pas fini. Dieu sait s?il n?y aura pas une transition après la transition.


 


Les quatre premiers mois ont vu le gouvernement intérimaire se démener pour trouver les appuis nécessaires du dedans et du dehors. On ne peut pas gouverner seulement avec le gouvernement. Il faut des points d?appui. La dynamique de l?éviction aristidienne a conduit à un arrimage entre les forces victorieuses et le gouvernement appelé à prendre la relève. Les partis de la Convergence, lesdits non alignés et le groupe des 184 avaient fini par trouver un modus operandi avec les institutions intérimaires (Exécutif provisoire et Conseil des Sages) via le Consensus de la transition. Sont restées en dehors d?autres partis politiques et organisations de la société civile, plus les ex-militaires dont on ne sait pas trop bien la nature des rapports avec les anciens rebelles devenus FRN. Voilà en condensé le profil du dispositif des forces politiques intérieures.


 


Sur le plan extérieur, il a été plus facile au nouveau régime de trouver l?appui nécessaire, politique et matériel, dans la logique même de l?intervention de la communauté internationale : élimination d?Aristide, débarquements militaires, arrangements d?urgence avec l?aval du Conseil de sécurité. Sous peine de se disqualifier sans appel, la C.I. était tenue d?assurer au pouvoir intérimaire qu?il a fortement contribué à mettre en place les moyens de faire face aux difficultés découlant  de ce bouleversement. Non seulement l?assistance policière et militaire était impérieuse, mais la contribution financière indispensable. Le gouvernement Latortue a bougé vite et bien, prenant appui sur les acteurs du consensus. La C.I. a fait étalage de bonne volonté et de générosité. Les résultats sont là. On peut souffler en attendant la mise en ?uvre des projets et l?application des mesures sociales et économiques d?urgence. Mais le répit sera de courte durée. Il n?attendra pas la fin de la période des vacances. Une solution d?apaisement a été trouvé au CEP, mais gare aux illusions. Le lecteur lira avec intérêt le commentaire de Robert Benodin reproduit dans cette édition (p. )


 


Les revendications pleuvent, assorties de menace sinon d?ultimatum. Elles annoncent de nouvelles difficultés, peut-être des crises dans la transition. Des Gonaïves nous parvient un cri d?alarme. La mise en garde du PDG de Gonaïves FM, M. Stevens Saint-Fleur, (Le Matin du 7-10 août) nous paraît assez sérieuse pour alerter tous les responsables, du gouvernement ou de tout autre partenaire dirigeant de la transition.  À l?impatience gonaïvienne il faut ajouter les demandes d?ajustement de revenus, de prises en considération des statuts des fonctionnaires; les réclamations des sociétaires des coopératives escroqués; l?agitation dans les milieux de l?enseignement ; la menace de grève des policiers. Bref, les questions sociales tendent à prendre le dessus dans les remous de la conjoncture. Mais elles ne font pas disparaître les difficultés d?ordre politique dont la plus  criante est  le défi des ex-militaires.


 


J?ai déjà soutenu dans cette colonne que les revendications des militaires spoliés sous le régime d?Aristide méritaient un examen attentif et une juste solution. J?ai eu à souligner cependant qu?en aucun cas la prétention d?ex-membres de l?armée d?Haïti d?exiger le rétablissement de l?institution sous prétexte que celle-ci est de création constitutionnelle ne saurait être prise en considération par les détenteurs de l?autorité de l?État. Si de tous les côtés de la vie publique, les gens devaient recourir aux armes pour l?application de normes constitutionnelles violées ou inappliquées, ce pays serait recouvert de poches de guérilla.


 


Nous sommes bien dans une situation a-constitutionnelle où citoyens, institutions et gouvernants doivent conjuguer leurs efforts pour la normalisation institutionnelle et démocratique en se guidant sur la Charte fondamentale, certes, mais aussi en tenant compte des exigences d?une conjoncture difficile et complexe. Celle-ci devrait interpeller tous les secteurs, non pas de manière informelle et inorganisée, mais de façon consciente et responsable. À commencer par ceux qui ont la charge de conduire l?opération. Ce disant, je fais écho aux propos du secrétaire général du RDNP qui, dans le discours d?ouverture de la septième convention de son parti le 6 août dernier,  fait un ardent plaidoyer pour l?inclusion de toutes les forces politiques dans l?élaboration des projets de la transition. Je ne sais pas si cela est possible, mais je suis convaincu que, dans l?état actuel des choses, c?est une voie sûre à emprunter pour affronter les difficultés. Ce serait aussi le chemin menant à l?exploration des questions essentielles que la transition place sous une vive lumière.