Originally: Actualités Politiques : Grandes Lignes

August 24, 2004.


Actualités Politiques : Grandes Lignes


La communauté internationale est en train d’intervenir de plusieurs façons dans le drame post-lavalas : Sur le plan psychologique, pour stimuler la solidarité nationale, exploitant la passion collective du football, sur le plan socioéconomique, pour réduire la misère, stimulant une relance de l’économie, sur le plan du confort social, pour réduire l’insécurité, en participant aux activités policières et assumant les responsabilités du désarmement, et enfin sur le plan politique, pour franchir le seuil de la Démocratie, insistant sur la tenue d’élections libres honnêtes et crédibles, aussitôt que possible.


Le gouvernement provisoire a fait un effort considérable pour inciter la communauté internationale, à s’engager à nouveau, malgré l’échec lavalasien, à reprendre immédiatement les programmes d’aide étrangère. Il lui reste maintenant à gérer les calendriers de décaissement, s’engager fermement et en vérité dans le programme de désarmement, et après avoir satisfait les exigences des policiers, réclamer d’eux, une réduction proportionnelle de l’insécurité. L’Honduras a réduit sensiblement son problème d’insécurité en un an.


Le gouvernement n’a pas compris la valeur symbolique de cette assise criminelle, pour démontrer qu’il y a vraiment une volonté politique d’opérer une réforme de l’institution judiciaire. Le procès du capitaine Jackson Joanis et du sergent Louis Jodel Chamblain accusés d’avoir assassiné Antoine Izméry, aurait du être préparé comme un modèle, pour établir la différence. Ce qui étonne plus d’un, c’est le fait que ce qui caractérise le technocrate, la recherche presque instinctive de la précision et de la qualité et l’effort constant de perfectionnement, ne se retrouvent nulle part, ni dans la préparation, ni dans l’exécution de ce nouveau procès.


Même avant d’entamer le nouveau procès, on est sidéré par une erreur catastrophique. Le ministre de la justice, au moment où Chamblain se constituait prisonnier, a fait la remarque publique, qu’une mesure de clémence sera considérée, en sa faveur pour ses contributions au mouvement insurrectionnel. Or ce mouvement insurrectionnel a contribué précisément au renversement du gouvernement sous lequel Chamblain avait été condamné in absentia. Cette remarque gratuite a affecté automatiquement la crédibilité, l’honnêteté et surtout l’impartialité des autorités judiciaires dans ce nouveau procès.


De plus, à la Croix des Bouquets, quelques jours avant que Chamblain se soit volontairement constitué prisonnier, le juge qui avait prononcé le jugement contre lui dans l’affaire Izméry, a été tabassé. Ceux qui ont commis ce crime, n’ont jamais été appréhendés. Ce qui constitue un risque exceptionnel pour toutes dépositions de témoins et particulièrement des témoins à charge. De fait, l’avocat de la défense, ainsi que le ministère public, n’ont pas pu trouver de témoins pour les dépositions. Après le passage à tabac de ce juge qui avait condamné Chamblain, qui oserait déposer contre lui ? De plus les dossiers concernant le crime dont il est accusé, ne contenant aucune preuve tangible, établissant l’imputabilité des accusés, les chances d’acquittement étaient absolument certaines. Ce qui explique la décision du capitaine Jackson Joanis de rejoindre Louis Jodel Chamblain, à la dernière minute, pour se constituer prisonnier, et bénéficier de ces circonstances.


La précipitation avec laquelle leurs cas ont été revus, entraînant des failles de procédures, mettant en doute l’intégrité du processus, fait que ce procès ait l’apparence d’une liquidation à la va vite. Ce qui rend cette apparence plus vraisemblable, c’est la coïncidence de deux faits : l’absence totale de témoins à charge et à décharge, et l’utilisation exclusive des dossiers mal préparés et incomplets du premier procès, qui ne contiennent aucune preuve tangible, contre les accusés. Cette coïncidence a écourté à la fois les interventions du ministère public et celles de l’avocat de la défense. Et a eu pour conséquence une réduction de la procédure à son strict minimum. Après les conclusions de la défense, le jury a été invité à délibérer immédiatement pour arriver à un verdict. Mais sur quels arguments, ces jurés vont-ils délibérer ? La délibération du jury, par voie de conséquence, a été réduite aussi au minimum. Le verdict, devant être rendu public, selon la loi, dans les 24 heures, a été prononcé à très bref délai.


Il y a dans ces circonstances, en plus des failles de procédure, au moins 3 éléments qui constituent des handicaps majeurs qui affectent la qualité et l’impartialité du nouveau procès Chamblain, Joanis. Ce sont :


L’usage des dossiers incomplets et mal préparés du premier procès,


La remarque du ministre de la justice avant l’ouverture du nouveau procès,


Et enfin le cas d’impunité concernant ceux qui ont tabassé le juge qui a prononcé le jugement contre Chamblain.


La question qu’on se pose, de bonne foi, au sujet du nouveau procès : Ne devrait-on pas refaire l’instruction du cas, au lieu de reprendre exclusivement les dossiers qui ont abouti au premier jugement, que l’on savait être incomplets, sans preuve tangible contre les accusés, mais truffés d’évidences circonstancielles ? En d’autres termes, sachant que l’on utilisait des dossiers qui reflètent au paroxysme l’incompétence et la corruption lavalasienne, mais de plus et surtout la déliquescence de l’institution judiciaire, sous ce régime, a-t-on délibérément choisi d’utiliser exclusivement ces dossiers au profit des accusés ? Si la réponse est : C’est ce que nous avons hérité comme dossiers et qu’a l’impossible nul n’est tenu. Rappelez-vous les leitmotive du discours inaugural du Premier ministre : « A l’impossible nous sommes tenus. »


C’est totalement inconcevable, pour qu’un ministre responsable du département de la justice puisse faire bénévolement de telle remarque. Même quand cette remarque serait purement politique pour atténuer le conflit créé par la contradiction entre l’image de Chamblain acclamé comme héros triomphant du mouvement insurrectionnel et celui, peu de jours après, du prisonnier incarcéré pour meurtre. Déclarer à l’avance qu’il bénéficiera d’une mesure de clémence après son jugement, met immédiatement en question l’impartialité des autorités judiciaires envers l’accusé. Pourquoi reprendre le procès pour le pardonner ensuite ? Cela reviendrait au même, si on le pardonnait par une mesure de clémence, sans procès. Ce n’est précisément pas ce qu’on a voulu accomplir. Le pardon n’efface pas la culpabilité, mais seulement la peine. Alors que l’acquittement efface tout !


Il est évident, que le cas d’impunité concernant ceux qui ont tabassé, à la Croix des Bouquets, le juge qui avait prononcé le jugement contre Chamblain, peu de jours avant qu’il se soit volontairement constitué prisonnier, constitue une mise en garde ou un message. Même si le gouvernement est totalement innocent de cet acte de violence, l’impunité lui est imputée. Le gouvernement a choisi de fermer les yeux, pour ne pas poursuivre des combattants de la liberté, qui ont commis cet acte. Les conséquences sont indéniables. L’effet recherché s’est matérialisé. C’est évident que le message a passé et a été compris. Certes, il n’y a pas eu de nouvelle instruction du cas, mais de fait, personne ne s’est présenté comme témoin à charge ou à décharge au cours du nouveau procès.


En effet, « Bâton qui batte chien blanc en, batte chien noir. » faisant usage exclusif des mêmes dossiers. Mais étions-nous en train de poursuivre la revanche ou la justice ?


C’est la recherche de la justice impartiale qui était l’enjeu ! C’est ce que vous n’avez pas compris. Et que vous avez raté. On aurait compris, si justice était rendue et qu’il serait trouvé coupable, qu’on fasse bénéficier à Chamblain une mesure de clémence qui ne serait pas ouvertement déclarée à l’avance. Car il faut surtout ménager les apparences d’abus, d’inconvenance et d’arrogance, quand on exerce le pouvoir et qu’on veut faire la différence.


Cette opportunité que vous avez perdue par crainte, inexpérience politique, et particulièrement par absence totale du sens du symbolisme politique, peut malheureusement hypothéquer les procès des autorités lavalassiennes, qui vont venir très certainement, tôt ou tard. Nous espérons, mais avec une inquiétude justifiée, que vous n’allez pas nous offrir le même spectacle, quand ce sera leur tour !