Originally: Sortir de l’impasse
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EDITORIAL
Sortir de l’impasse
Suzy Castor
A ce carrefour du bicentenaire de l’indépendance, les pères et mères de la patrie, perplexes contemplent, sans doute, la folle descente de notre société vers sa désagrégation. Deux cent ans après la conquête de la liberté, celle-ci se retrouve à une croisée du temps historique. Le blocage de sa dynamique politique est l’expression de la profondeur de la crise qui secoue ses fondements.
Les acteurs, avec des agendas différents, se déploient sur la scène politique, à partir du triangle pouvoir Lavalas-opposition politique/affirmation citoyenne-communauté internationale. Les deux premiers s’affrontent dans une lutte dure, prolongée et disproportionnée, dont les enjeux souvent ne sont pas perçus par la population. Les petits dictateurs, aux rêves de grandeur taillés à leur petitesse, veulent se construire un royaume pérenne, en recourant aux mécanismes traditionnels du despotisme avec, naturellement, les ingrédients satrapiques du terroir. L’opposition tente la contention de l’avalanche qui se voudrait d’emporter les acquis démocratiques de l986 et les rêves de changement d’une population qui réclame ses droits à la liberté et au bien-être. Dans un panorama international de plus en plus sombre, ” les pays amis ” se sentent empêtrés face à une réalité tellement complexe. Ils sont aussi frustrés dans leurs desseins d’une Haïti “plus rangée et plus normale”.
En fait, aucun de ces acteurs ne semble posséder, pour le moment, les instruments pour imposer sa volonté et établir son hégémonie, en toute légitimité.
La crise politique, se prolongeant sur un fond économique et social explosif, est porteuse de dangereuses convulsions. La plus grande partie de la population, tenaillée par la misère, se débat dans la pauvreté et même dans la misère extrême ; aussi bien le simple citoyen que les couches de plus en plus larges -hier encore indifférentes ou enfermées dans un cocon faussement protecteur- se sentent menacés face au déferlement de cette immense vague qui veut les emporter.
Se précise le danger de perdre ce qui nous reste encore des acquis durement conquis. Plus que jamais s’impose la sortie de l’impasse. Notre citoyenneté et notre propre nationalité sont en jeu.
Il est bon de rappeler que les périodes de recul et de recul absolu sont présents au cours de l’histoire des peuples et des nations. Dans une telle conjoncture, le dénouement de la crise est ouvert à toutes les possibilités : de la plus néfaste à la plus porteuse d’espoirs. Beaucoup pensent ou disent “rien ne peut se faire parce qu’il n’y a pas d’alternative”. Lecture erronée ou désespérée de notre réalité, mais qui montre comment il est indispensable de s’armer de courage pour arriver à rompre ce cercle infernal de l’ “Haïti barbare”.
La puissance de choc des frustrations, du désenchantement ou du décalage excessif entre ce que nous pensons et ce que nous vivons, devra se transformer en un ferment créateur. Seulement ainsi peut-on, dans la pluralité et la diversité des intérêts, arriver, quand même, à construire notre Etat-nation. La recherche d’une identité collective ne peut s’ériger, à l’aube de ce nouveau millénaire, ni sur le totalitarisme, ni sur la pauvreté extrême, ni sur des visions mesquines et à courte vue, ni sans sacrifice.
Sortir de l’impasse est l’affaire de tous les citoyens. Personne ne le fera à notre place. Chacun doit travailler explicitement pour en finir avec ces maux qui nous rongent, ressusciter l’espoir cassé et accélérer le processus de l’avènement d’une démocratie réelle.