Originally: COMUNICATION PRÉSENTÉE PAR ROSNY DESROCHES À LA CONFÉRENCE DES BAILLEURS DES 19 ET 20 JUILLET 2004


COMUNICATION PRÉSENTÉE PAR ROSNY DESROCHES À LA CONFÉRENCE DES BAILLEURS DES 19 ET 20 JUILLET 2004


Je voudrais aborder la question de la gouvernance et du dialogue national dans la perspective de la société civile, qui représente un point de vue complémentaire par rapport à celui du gouvernement.


D’entrée de jeu, il y a lieu de rappeler que la gouvernance est distincte de la gestion et que les deux principaux éléments constitutifs de la gouvernance sont l’orientation et le contrôle.


Par exemple le conseil d’Administration d’une enterprise ou d’une administration ou d’une association assure la gouvernance de l’entité alors que la direction en assure la gestion. C’est en effet le Conseil qui à partir des indications de l’Assemblée des members ou des actionnaires définit les orientations, les politiques, les programmes d’action de l’association ou de l’entreprise. C’est aussi le Conseil qui évalue périodiquement les performances des gestionnaires, reçoit leurs rapport et les sanctionne. Qui dit gouvernance, dit orientation et contrôle.


Face à deux exigences: orientation et contrôle, on peut dire que le système politique haitien souffre d’un grave déficit. Au cours de ces dernières années, les orientations socio-économiques étaient peu claires et surtout ne correspondaient ni aux besoins de développement du pays, ni aux demandes sociales majoritaires de la population. Aussi devons-nous profiter de cette transition pour améliorer les mécanismes de communication, de concertation et de dialogue entre gouvernants et gouvernés , afin que les citoyens puissent se faire entendre et influencer les décisions et les actions gouvernementales. C’est pour ce moyen que les dirigeants pourront véritablement remplir leur fonction qui est d’accroître le bien-être général.


Pour atteindre un tel objectif, certaines dispositions sont nécessaires .


D’abord, il faut renforcer la société civile, consolider le tissu associatif du pays, augmenter le capital social, afin de créer  un climat de dialogue et d’échange entre les différents segments de la société. Dans ce sens, un excellent travail a déjà été amorcé par l’Initiative de la Société Civile (ISC), le Groupe des 184, la Fondation Nouvelle Haiti, le CLED, le Forum Citoyen, l’Initiative Citoyenne, pour ne citer que ceux-la. Ce travail de renforcement  de la société civile doit continuer. Il doit être renforcé, coordonné et harmonisé en vue d’éviter  des duplications et surtout pour créer cette accumulation de forces sociales, seul capable de soutenir un changement véritable. L’État doit venir en appui à ce mouvement par des moyens financiers, en facilitant le dialogue, l’accès à l’information ou en offrant des facilités logistiques.


Mais il est un domaine où l’État peut jouer un rôle particulièrement important, c’est celui de l’éducation civique. Le citoyen ne pourra participer pleinement à ce processus de dialogue, de concertation, pour arriver à formuler des propositions et à imprimer une orientation à l’action gouvernementale que dans la mesure où il est informé sur ses droits, ses devoirs, le fonctionnement des instances étatiques et qu’il ait une idée même sommaire des grands dossiers nationaux. Et ceci, à tous les niveaux des cadres supérieurs, des universitaires mais aussi au niveau des couches populaires, des sections communales les plus reculées.


Cette formation est possible. D’abord, le bénéficiaire est prêt. La scolarisation  et l’information de masse à travers la radio ont créé une soif, une grande motivation pour l’éducation civique. Pour avoir parcouru durant ces deux dernières années, dans le cadre de l’ISC, les 10 départements géographiques du pays, à faire de la formation civique, je peux témoigner. De nombreuses associations existent à travers le pays qui dans le passé se sont nvestis dans le social et le développement. Aujourd’hui, elles sont mûres pour investir le champ du civico-politique et apporter leur contribution dans les affaires de la cité.


Cette justification des masses, des zones défavorisées, marginalisées est indispensable si nous voulons que les réformes soient comprises et appuyées, si nous voulons éviter l’exploitation de l’ignorance par des démagogues au service des trafiquants de toutes sortes ou par des dinausores qui n’ont pas encore compris que le monde a changé et qu’il faut s’adapter. L’État a un rôle important à jouer dans ce domaine et des ressources substanbtielles du CCI doivent être allouées à cette activité.


Des citoyens informés, des associations « branchées » en contact permanent avec les problèmes du pays, et capables de proposer des orientations pertinentes aux gouvernants. Tout ceci est indispensable mais ce n’est pas suffisant. Il faut également des partis politiques qui soient à la hauteur des énormes défis à relever. Les partis politiques haitiens ont beaucoup de mérite : le mérite d’exister, le mérite d’avoir lutté avec courage, détermination et même héroisme contre les dictatures de droite comme de gauche.Mais on peut craindre qu’ils ne présentent de sérieuses déficiences, quand il s’agira de recontruire le pays, quand il s’agira de relever avec efficacité et célérité les défis de la désertification, de la pauvreté, de la globalisation, dans un monde deplus en plus compétitif. Cette transition que nous avons aujourd’hui ne réussira pas véritablement, même si elle parvient à la stabilisation macro-économique, à la relance de l’économie, à l’amélioration de la sécurité, à des élections honnêtes et crédibles, la transition ne réussira pas véritablement dis-je, si ces élections ne permettent l’émergence d’une équipe d’hommes ou de femmes jouissant de la confiance du peuple, orientés vers la modernité, conscients des défis de l’heure, possédant une bonne connaissance des dossiers, rôdés au travail d’équipe, rompus aux pratiques démocratiques de dialogue de concertation, de tolérance, de compromis et d’alternance.


Dans deux (20 ans, ce ne sera pas possible de réaliser un miracle.Mais beaucoup peut être réalisé dans ce sens. Les formations politiques ont déjà amorcé leur processus de modernisation en se regroupant par sensibilité. Mais un travail énorme reste à faire en matière d’écoute de la population, de traduction de leurs besoins, de leurs aspirations, en termes de programme et de politiques publiques. La société civile, elle aussi, doit se mettre au travail pour entamer un dialogue serré avec les partis politiques. Car, après tout, les partis représentent le bras politique de la société civile. Il faudra discuter d’agenda. Les citoyens devront mettre  des ressources humaines et financières à la disposition des partis politiques pour qu’ils puissent accomplir leur mission qui est de promouvoir les intérêts et les aspirations de leurs adhérents. L’État lui aussi a un rôle capital à jouer dans ce sens. Nous avons une chance historique aujourd’hui, c’est d’avoir au pouvoir une équipe qui ne cherche pas à se succéder à elle-même. Traditionnelement, des ggouvernements au pouvoir ne rêvent que destruction et anéantissement pour les partis politiques. Aujourd’hui les sentiments et les attitudes ne sauraient être les mêmes. Il appartient au Gouvernement, conformément au vœu de la Constitution d’apporter un appui financier substantiel aux partis politiques, à partir de critères transparents, justes et bien définis, pour les aider à se moderniser.


Des valeurs adéquates doivent être prévues à cette fin pour le CCI.


Voilà donc pour le volet « Orientation ».


Qu’en est-il du volet « Contrôle » ? Ici nous n’allons pas nous étendre aussi longtemps. Car les différents acteurs qui sont préposés à l’orientaion sont aussi ceux qui devront assurer le contrôle.


Les Citoyens, la Société Civile organisée, devront faire le suivi de leurs propositions. Ici, il signaler un secteur particulièrement important  de la Société Civile à savoir la Presse. Elle représente les oreilles, les yeux de la Société. C’est à travers la Presse que la société peut exercer sa vigilance. À travers la Presse, elle peut aussi dénoncer et protester s’il le afut. La Société civile doit poursuivre sa structuration afin de mieux exercer cette fonction de contrôle.


Les Partis Politiques également doivent participer à cet effort de vigilance qui trouvera sa forme légale et institutionnelle au niveau du Parlement. Sans la vigilance de la société civile, des Partis, les Parlementaires risquent de s’endormir et de s’évertuer pluôt à rechercher des avantages matériels auprès de l’Exécutif ou de se livrer entre eux à une bataille partisanne sans grandeur et surtout sans aucun lien avec le bien public.


L’une des institutions sur laquelle une attention particulière doit être attirée c’est la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif dont le rôle doit être précisé, les moyens renforcés et l’autorité restaurée.


L’établissement d’un Pouvoir Judiciaire indépendant de l’Exécutif aura aussi un effet dissuasif sur les membres de l’Exécutif, toutes les fois qu’une tentative de corruption se présentera.


Au fond s’il y a une tâche à laquelle nous devrions tous collaborer, Présidence, Gouvernement, Partis Politiques , Société Civile, c’est la mise en place d’un véritable système de contrôle au niveau des affaires de la nation. Ceci doit être l’un des objectifs du CCI et des ressources adéquates doivent être allouées à cet objectif.


Orientation des décisions, Contrôle de l’Action
Qu’en est-il du dialogue national dans tout cela ?
Vous l’avez certainement remarqué, le Dialogue National traverse en filigrane ces deux dimensions. Sans dialogue national, on ne pourra avoir une orientation claire des affaires de l’État, mais plutôt blocage, un pas en avant deux pas en arrière. Sans dialogue national, le pays continuera à régresser, il n’y aura pas de progrès, la vie politique continuera d’être une guerre sans merci, une guerre meurtrière où le gagnant prend tout et où le pays sort perdant.


Il faudra un dialogue entre le riche et le pauvre pour déterminer les droits de l’un et de l’autre et trouver les moyens de créer des richesses tout en réduisant la pauvreté. Il faudra un dialogue national entre les régions pour développer une vision commune de l’espace haitien. Il faudra un dialogue national au sein de la classe politique pour fixer les règles du jeu politique et éradiquer la violence de nos pratiques politiques. Et dans le cadre de ce dialogue politique, il est urgent d’accélérer les échanges avec Fanmi Lavalas afin d’une part, d’aider les modérés, les éléments plus modernes de cette formation politique à affirmer leur leadership pour dépersonnaliser l’organisation et en faire un parti démocratique ; afin d’autre part, de marginaliser et de neutraliser les éléments archaiques violents de ce mouvement par une application rigoureuse des lois du pays et des principes républicains.


Pour finir, je dirais que la promotion d’une bonne gouvernance politique en Haiti, d’une gouvernance démocratique, ce n’est pas seulement l’affaire d’un Gouvernement, de quelques experts et technocrates avec l’appui de l’International, c’est aussi l’affaire de chaque Haitien et de chaque Haitienne, c’est l’affaire de la Société Civile et des Partis Politiques.


Cet axe de Gouvernance politique, ce n’est pas seulement une affaire de 172 millions de dollars à dépenser ou à absorber en deux (2) ans, c’est une entreprise de longue haleine qui mobilisera des valeurs non-monétaires telles que la Participation, l’Intégrité et la Recherche du bien Commun.
Merci !


Rosny Desroches