Originally: Lettre ouverte à NANCY ROC de Rolphe Papillon
Lettre ouverte à NANCY ROC de Rolphe PapillonAvez-vous déjà remercié Guy PHILIPPE?
Je vous écoute régulièrement, je reconnais le bien fondé de votre
émission, j’apprécie aussi votre audace. Aujourd’hui, permettez-moi
Madame, de soumettre à votre attention les réalités suivantes: “Celui
qui ignore son passé est condamné à le revivre”. Hier Charlemagne
PERALTE, aujourd’hui Guy PHILIPPE : il y a toujours eu à travers
notre histoire une certaine presse internationale tentée de faire
passer pour des voyous ceux qui ont donné leur vie pour notre pays.
Aujourd’hui, pire encore, nous aidons ces mensonges à faire leur
chemin. Quand, par exemple, le journal français “Libération” divague,
se trompe, s’excuse même, vous ne prenez pas la peine, à ma
connaissance, de rectifier les mensonges sur celui que le peuple
considère déjà comme son nouveau héros. Au contraire, vous enfoncez
le clou chaque fois davantage, comme pour vous convaincre vous-même.
Répéter les mensonges des médias de l’occupant est une forme de
collaboration.
Dans la bataille ouverte au lendemain des élections de l’An 2000,
partis politiques, société civile, presse et communauté
internationale se sont tour à tour essoufflés à dénoncer, protester
énergiquement, vilipender… sans faire reculer le dictateur d’un
pouce, sans ébranler l’appui que lui apportaient certains secteurs
internationaux. L’apparition de Guy PHILLIPE à Gonaïves début février
a tout fait basculer en moins d’un mois. Comment peut-on tenter de
nier aujourd’hui sa capitale contribution dans la lutte contre
l’arbitraire et le crime ?Ce que nous devons absolument retenir des leçons de Guy PHILIPPE,
c’est que nous ne devons compter que sur nos propres forces pour nous
en sortir. Avez-vous déjà vu un pays se développer grâce à l’aide
humanitaire?
Il a montré au monde entier qu’il existe encore des haïtiens prêts à
se donner pour leur pays, il a démontré que notre bravoure légendaire
n’appartient pas qu’au passé. Ce que le peuple admire en lui c’est de
lui avoir redonné sa fierté, l’avoir remis sur les chemins de
l’espoir. Si Guy PHILIPPE entame une carrière politique aujourd’hui,
c’est sans doute pour ne pas devoir reprendre les armes dans quelques
années contre un nouveau dictateur. Il y a des gens qui n’aiment pas
faire les choses à moitié.
Guy PHILIPPE, et nous autres journalistes, chacun à sa façon, nous
sommes battus pour libérer notre pays d’une nouvelle dictature. Je
salue son génie militaire autant que je salue parfois votre courage
derrière le micro. Vous ne pouviez vous exposer aux balles des
chimères, Guy PHILIPPE, lui, l’a fait. C’est à ce prix qu’il est
devenu un héros.Vous rappelez sans cesse à vos auditeurs que l’ex “armée cannibale”
était au service d’Arisitide comme s’il s’agissait d’un péché
inexpiable. Moi, je rappelle à vos auditeurs que vous aussi vous
étiez au service d’Aristide. Je vous laisse le soin de leur préciser
à quel titre. La vérité, Madame, c’est que nous, citoyens haïtiens,
avons tous une part de responsabilité dans la situation actuelle du
pays. Ne serait-ce que pour notre intolérance par rapport à ceux qui,
dès 1990, sonnaient l’alarme face au danger que représentait Jean
Bertrand ARISTIDE pour l’avenir de notre démocratie.
Si Guy PHILIPPE, fort de sa popularité, ou encore de par sa noblesse
d’âme, ne juge pas nécessaire d’exiger de vous un droit de réponse,
moi, je suis trop terre à terre pour ne pas céder à la tentation de
vous remettre les idées en place en vous demandant tout simplement :
Madame, avez-vous déjà remercié Guy PHILIPPE ?
Dans le dossier des anciens militaires, vous semblez n’avoir retenu
que les pages les plus sombres de l’histoire de l’Armée d’Haïti.
Madame, l’amnésie volontaire est probablement l’un des pires défauts
d’un journaliste. Notre pays connaît une crise de valeurs morales,
notre classe politique est pourrie, notre Eglise est pourrie, nos
écoles sont pourries et dans cet amas d’institutions pourries, vous
estimez que notre armée aurait dû rester saine. Avez-vous déjà
entendu un Américain s’interroger sur la nécessité de son armée à
cause des exactions commises en Irak ou, au Vietnam ?
Vous semblez également associer l’armée à la répression. Là, je suis
tenté de vous dire que notre toute nouvelle force de police, en moins
de temps, a fait mieux.
Sachez que les militaires ou policiers étrangers ne sont pas plus
vertueux que les nôtres. Ce qui les empêche de déconner, c’est la
force des institutions de leur pays. Ce sont ces garde-fous que nous
autres, en tant que société civile, sommes tenus d’imposer à nos
gouvernants. Quand une armée frappe, il y a malheureusement souvent
une main civile cachée quelque part. Nos Généraux dépendent de nos
Ministres de l’intérieur, de nos Premiers Ministres et de nos
Présidents. Arrêtons l’hypocrisie. Posons les bonnes questions pour
trouver les bonnes réponses.
Nous nous demandons si oui ou non il nous faut une armée en Haïti,
mais nous trouvons normal d’importer une armée étrangère pour assurer
la sécurité de la République. Nous avons déjà remplacé le poulet
national par le poulet de Miami, le riz national par le riz de Miami
et aujourd’hui pourquoi pas l’armée ? Connaissez-vous une meilleure
définition de l’antipatriotisme ?
Alors que l’insécurité augmente, alors que les agences privées de
sécurité prospèrent, alors que la population haïtienne dit ne faire
confiance qu’aux Forces Armées d’Haïti pour rétablir l’ordre, nous
autres intellectuels nous proclamons le contraire, peu importe la
volonté populaire. En fait, ce que nous n’osons pas avouer, mendiants
que nous sommes devenus, c’est que nous nous alignons sur la position
du blanc. Il ne souhaite pas le retour de cette armée qu’il avait lui-
même déstabilisée en l’humiliant en 1994. Et ce, sous le regard
complice de nos faux nationalistes qui ne juraient jusque là que par
Charlemagne PERALTE.
Le débat sur le désarmement des militaires haïtiens est un faux
débat. Ces armes que nous disons aujourd’hui “illégales”, hier encore
étaient notre seul espoir de libérer le pays de l’oppression. La
démocratie se mesure à la force des institutions que vous et moi,
citoyens haïtiens, nous sommes appelés à créer et à contrôler. Elle
ne se mesure pas à la présence ou non d’armes sur le territoire. Les
Etats-Unis d’Amérique seraient alors le pays le plus arbitraire au
monde. Eux, ils peuvent utiliser des armes pour aller défendre la
démocratie au Koweit, en Irak, et…je ne sais plus où il y a du
pétrole; mais nos militaires doivent être désarmés car ils sont
incapables de défendre des valeurs nobles avec leurs armes (même
s’ils viennent de le prouver). Là est le fond de la question du
désarmement de nos militaires. Toute ma vie, Madame, rien ne me
révoltera plus que l’arrogance des “grands” et la lâcheté
des “petits”.
S’il y a encore quelque chose qui m’agace et cela, je ne peux vous en
imputer la faute, c’est que dans tout ce tapage médiatique sur les
Forces Armées d’Haïti, je n’ai pas entendu un seul ancien haut gradé
prendre publiquement la défense de l’institution en crise. Et en
cela, je salue le courage du sergent Jean BAPTISTE qui, lui au moins,
pose les bonnes questions même si nos gouvernants ne semblent pas à
la hauteur d’apporter les bonnes réponses.
Si je devais aujourd’hui donner mon avis sur la nécessité d’une
armée, après débat, peut-être voterais-je contre, mais pas dans des
conditions humiliantes pour une institution qui nous a quand même
conduits à l’indépendance. Vous semblez oublier, Madame, que ces
hommes que nous appelons “anciens militaires”, ont donné les plus
belles années de leur vie au service de notre Haïti. La jeunesse
observe, attentive, comment nous remercions ceux qui se sont mis au
service de la patrie. C’est pourquoi j’insiste, Madame : avez-vous
déjà remercié Guy PHILIPPE ?
Dans le contexte de la lutte contre la dictature, si les oreilles
critiques du pays nous permettaient quelques écarts, nous
pardonnaient volontiers nos graves fautes déontologiques, pour les
besoins de la cause, aujourd’hui le “voye monte” risque de
compromettre la noblesse de notre métier. Ne soyez pas étonnée que
certains de vos plus fidèles auditeurs ne vous écoutent plus que
d’une oreille.
Dans cet ensemble de questions que vous soulevez sur Guy PHILIPPE, il
en manque quelques unes qui me paraissent pourtant fondamentales : de
quoi vivent aujourd’hui ces hommes qui nous ont libéré hier? La
République s’est-elle montrée reconnaissante envers nos libérateurs?
Et vous, Madame, avez-vous déjà remercié Guy PHILIPPE?Rolphe PAPILLON
Licencié en Communications
106.3 ImagineFM, Corail, Grand’Anse