Les laboratoires pharmaceutiques n’en finissent plus de tenter de rattraper leur bévue de 1997. Cette année-là, ils avaient mobilisé des bataillons d’avocats contre une loi sud-africaine qui octroyait au ministère de la santé tout pouvoir pour fabriquer ou importer des médicaments génériques. Considérant que cette loi allait au-delà des besoins nationaux sur le sida et ouvrait la porte à un risque d’exportations parallèles de médicaments à bas prix sur les marchés américains et européens, les multinationales avaient porté plainte contre le gouvernement sud-africain en 2001. Ce geste avait été interprété comme un manque de c?ur caractérisé. Quelques mois plus tard, les entreprises retiraient leur plainte.


Aujourd’hui, elles tentent de rectifier le tir. Comme l’a reconnu le président de Novartis, Daniel Vasella, “il n’est pas impossible que la liberté d’exercice de notre métier dans les pays développés finisse par dépendre de l’attitude que nous aurons eue face aux problèmes des pays du tiers-monde”.


Les laboratoires rappellent qu’ils ont toujours inscrit dans leurs budgets des programmes de solidarité ou de “philanthropie”, avec les populations démunies de la planète. Concernant le sida, les grands fabricants d’antirétroviraux (Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, GlaxoSmithKline, Merck, Hoffman-Laroche, Abbott) participent aux grands programmes des Nations unies ou de l’Organisation mondiale de la santé.


“Ce n’est pas notre métier de nous substituer aux autorités locales pour distribuer des médicaments aux populations concernées, dit le patron d’un grand groupe pharmaceutique européen qui ne souhaite pas être nommé. Mais si des acteurs dont le sérieux est reconnu (des ONG, des organisations internationales…) agissent sur la durée, il est bien normal que nous y participions.”


QUESTION DES TARIFS ESSENTIELLE


Pfizer, qui ne produit pas d’antirétroviraux, a fait don, dans une quinzaine de pays d’Afrique, mais aussi au Cambodge et à Haïti, de près de 3 millions de doses de Diflucan, un antifongique, pour aider les femmes atteintes du sida à ne pas souffrir de maladies sexuelles secondaires.


Pour une pandémie comme le sida, les choses sont complexes. Selon le docteur Robert Sebbag, attaché des hôpitaux de Paris, “le médicament tout seul est inutile. Il faut former le patient à une prise régulière, former du personnel médical pour suivre le patient et détecter une éventuelle mutation du virus… Bref, tout un environnement que les laboratoires ne sont pas forcément en mesure de fournir tout seuls”.


La question des tarifs est essentielle. Lorsqu’il s’agit de délivrer des médicaments dans le cadre de grands programmes internationaux, les antirétroviraux sont accordés avec des rabais qui peuvent aller jusqu’à 90 % du prix de marché. Des prix auxquels ont aussi accès les entreprises qui financent la prise en charge de leurs salariés.


Le suisse Roche Pharma s’est ainsi engagé à ne déposer aucun brevet pour ses antirétroviraux dans les pays africains touchés par le sida. Et il ne fait plus aucune différence de prix entre un acheteur privé ou public de médicaments antisida en Afrique. Une attitude adoptée par tous les autres laboratoires, à l’exception d’Abbott qui a augmenté de 400 % le prix de ses antirétroviraux.


Yves Mamou