Originally: CONSENSUS DE TRANSITION POLITIQUE

CONSENSUS DE TRANSITION POLITIQUE
Les parties signataires,



Pénétrées de la nécessité de réconcilier et de reconstruire la nation dans la justice et l?équité, après la démission de M. Jean Bertrand ARISTIDE de la présidence de la République, le 29 février 2004, et son remplacement, selon le v?u de l?article 149 de la Constitution, par le Président de la Cour de Cassation, Me Boniface ALEXANDRE,



Prenant en compte le soutien apporté par la communauté internationale au peuple haïtien dans cette période difficile de son histoire,



Ayant à l?esprit  les résolutions permanentes de l?Organisation des Etats Américains sur la dernière crise haïtienne, la résolution « Alternative de transition » adoptée le 31 décembre 2003 par la Plate-Forme démocratique de la société civile et des partis politiques de l?opposition et le plan de sortie de crise de la CARICOM,



Prenant note de la formation du Conseil tripartite, du Conseil des Sages et de la nomination du Premier Ministre, Monsieur Gérard LATORTUE, et des membres de son Gouvernement,



Alarmées par la détérioration de la situation socio-économique du pays, par le climat d?insécurité et le démantèlement de la plupart des institutions de l?Etat ;



Imbues de l?urgence d?organiser la période de transition qui doit aboutir à l?investiture d?un Président élu au suffrage universel direct, grâce à des élections crédibles, honnêtes et transparentes,



Conscientes que la transition doit être inclusive et faire triompher la justice sur la vengeance, la haine et l?arbitraire,  



Convaincues de la nécessité d?un engagement politique consensuel, adoptent le présent consensus pour organiser la transition politique :



A.- Mission du Gouvernement de Transition


1.- Le Gouvernement de transition s?engage à :



a.   garantir la sécurité de la population, procéder au démantèlement des bandes  armées et réorganiser la Police Nationale d?Haïti ;



b.   lancer un programme d?urgence économique et sociale tendant à revitaliser le secteur des affaires et à soulager la population ;



c.   prendre les dispositions pour la tenue des prochaines élections ;



d.   adopter des mesures urgentes pour combattre l?impunité sous toutes ses formes et amorcer la réforme judiciaire ;



e.   mettre sur pied une première commission pour, d?une part, enquêter sur la gestion du régime Lavalas et, d?autre part, évaluer le travail réalisé par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif à ce propos ;



f.   mettre sur pied une deuxième commission pour, d?une part, enquêter sur les cas de disparitions, d?enlèvements, d?assassinats, de viols, d?exécutions sommaires et de violations quelconques des droits humains et de la propriété privée, enregistrés au cours de ces dernières années et, d?autre part, évaluer le travail réalisé, à ce propos, par l?Office de la Protection du Citoyen ;



g.   mettre sur pied une troisième commission sur les Forces armées d?Haïti qui doit, d?une part, se pencher en toute urgence sur la question du fonds de pension des anciens militaires et, d?autre part, faire des recommandations au prochain gouvernement sur l?opportunité d?une réorganisation de l?institution militaire ;



h.   assainir l?Administration publique, lutter contre la corruption et le gaspillage des fonds et biens de l?Etat et mettre en ?uvre, de concert avec le Conseil des Sages, des mécanismes de gestion transparente des

affaires de l?Etat ;



i.   accompagner les victimes de la débâcle des coopératives dans leur quête de justice et de réparation ;



j.   aider les victimes des forfaits des partisans du régime Lavalas, notamment celles des événements ayant eu lieu autour du 29 février 2004, à obtenir justice et réparation ;



k.   prendre des mesures d?encadrement en faveur des jeunes, particulièrement des étudiants ;



l.   travailler à l?intégration à part entière des anciens insurgés dans la vie nationale ;



m.   mettre en ?uvre une diplomatie orientée vers le progrès économique et social du peuple haïtien ;  



n.   créer les conditions propices à l?approfondissement des réflexions sur la tenue d?une conférence nationale et sur un nouveau contrat social ;



o.   amorcer un réel processus de décentralisation et de développement local qui laisse une large part à la participation citoyenne, favorise le transfert des compétences et des ressources vers les collectivités locales et optimise la coopération décentralisée, tout en s?assurant de la mise en place de mécanismes de contrôle appropriés de la gestion locale ;



p.   travailler au renforcement institutionnel des partis politiques et des organisations de la société civile sur la base de critères convenus ;



q.   respecter les engagements internationaux de la République d?Haïti ;



r.   engager des discussions avec les Nations Unies sur le statut de la force multinationale en Haïti et la mission de paix qui doit succéder à cette force, et mettre sur pied avec l?appui de la communauté internationale un programme de renforcement et de professionnalisation de la Police Nationale d?Haïti.



B. Restrictions librement acceptées par certains hauts responsables



2.- Toute personne qui occupe pendant la transition le poste de Premier Ministre, de Ministre, de Secrétaire d?Etat, de membre du Conseil Electoral, du Conseil des Sages, des Commissions Communales et de CASEC, renonce volontairement à se présenter aux prochaines élections. Les membres du Gouvernement de transition et ceux du Conseil Electoral ne pourrons pas faire partie du premier cabinet ministériel qui sera mis en place après les prochaines élections ni occuper, pendant les deux années suivant ces dernières, les postes de chefs de missions diplomatiques ou consulaires.



3.- Le fait par une personne concernée par le paragraphe précédent de garder l?un des postes susmentionnés, huit jours après la publication du présent consensus ou d?accepter l?un de ces postes après cette date, est interprété comme une acceptation tacite et volontaire de ces restrictions.

 

C. Durée de la transition


4.-    La transition politique prendra fin avec l?installation du Président issu des prochaines élections. La détermination des dates et l?organisation de ces compétitions sont de la compétence du Conseil Electoral Provisoire.  En tout état de cause, les élections pour tous les postes doivent se terminer au cours de l?année 2005.



D.- Conseil Electoral Provisoire


5.- Les neuf (9) membres du Conseil Electoral Provisoire seront désignés comme il est prévu dans le projet d?accord initial # 9, corroboré par la résolution 822 de l?Organisation des Etats Américains.



6.- Le Gouvernement demandera aux institutions qui avaient désigné leurs représentants de confirmer leur choix et aux autres qui n?ont pas encore communiqué les noms de leurs représentants de le faire dans le meilleur des délais.

 

7.- Le Gouvernement rappellera aux institutions concernées les qualités d?honnêteté et d?intégrité que doivent avoir les personnes choisies pour être membres du Conseil Electoral Provisoire.



8.- Les élections auront lieu indistinctement pour tous les postes  électifs, depuis les CASECs jusqu?à la présidence de la République.



E.   Conseil des Sages


9.-    Le Conseil des Sages a été choisi par une Commission tripartite (Parti Fanmi Lavalas, Plate-Forme Démocratique de la Société Civile et des Partis Politiques et Communauté Internationale) dans le souci de rassurer les différents courants politiques et sociaux du pays.



10.-  Le Conseil des Sages est formé, initialement, de sept (7) membres issus des secteurs politiques et sociaux suivants :

?    Conseil de l?Université d?Etat d?Haïti

?    Convergence Démocratique

?    Eglise Episcopale

?    Eglise Catholique

?    Fanmi Lavalas

?    Organisations des Droits Humains

?    Secteur privé



11.-   Le Conseil a les attributions suivantes :

a)   participer au choix du Premier Ministre ;

b)  donner des avis sur la formation du cabinet ministériel ;

c)  observer l?action gouvernementale ;

d)  émettre des avis à l?intention du Premier Ministre et des membres du Gouvernement ;

e)   inviter des membres du Gouvernement et d?autres responsables d?institutions indépendantes à lui fournir des informations ;

f)   attirer l?attention du Président de la République sur des questions qui méritent une intervention au plus haut niveau de l?Etat.



12.-   Le Gouvernement consulte le Conseil sur toutes les questions importantes : projet de budget, d?accord et de décret. Dans ce cas, le Gouvernement fixe le délai dans lequel l?avis du Conseil sera émis. Le silence du Conseil est interprété comme un avis favorable. Le Gouvernement n?est pas lié par l?avis du Conseil.



13.-  Le Gouvernement garantit la sécurité des membres du Conseil et fournit à  celui-ci les informations et les moyens nécessaires à sa mission.



14.-  Le Conseil fixe lui-même son règlement intérieur et ses membres sont tenus à l?obligation de réserve.



15.-  L?élargissement du Conseil fera l?objet de consultations entre ses membres actuels et les forces politiques et sociales qui ont concouru à sa formation.



16.- Le mandat du Conseil prendra fin avec l?ouverture de la première session de la prochaine Législature



F.  Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) et Office de la Protection du Citoyen (OPC)

 

17.-  Le sort des Conseillers de la CSCCA et celui du Protecteur du Citoyen seront déterminés par les Commissions d?enquête prévues au paragraphe I alinéas e et f du présent consensus.



18.-  En ce qui concerne ces deux institutions indépendantes, les Commissions doivent établir si les Conseillers de la Cour et le Protecteur s?étaient élevés à la hauteur de leurs responsabilités  constitutionnelles et recommander telles mesures que de droit.



G.   Mairies et CASECs


19.-   Le Gouvernement de transition met en place des commissions pour gérer les intérêts des communes et des sections communales, jusqu?à l?installation des élus issus des prochaines élections.

 

20.-  Le choix des personnes devant faire partie de chaque commission se fera sur la base d?honnêteté, de compétence et de réputation, à partir de larges consultations entre les forces politiques et sociales de la communauté. Les membres ne représentent au sein des commissions aucun parti politique ni aucune association de la société civile.



H.  Dispositions Spéciales


21.-  En cas de vacance de la Présidence de la République au cours de la transition, pour quelque cause que ce soit, il sera fait application de l?article 149 de la Constitution.



22.-  En cas de vacance à la tête du Gouvernement, le Conseil des Sages, après avoir consulté les forces politiques et sociales du pays, propose deux candidats au Président de la République qui choisit parmi eux le nouveau Premier Ministre.



23.-  Si un membre du Gouvernement ou le Cabinet en entier ne termine pas la transition, le Premier Ministre le remplace de concert avec le Président de la République et en consultation avec le Conseil des Sages.



24.-  Les parties impliquées dans ce processus de transition se réunissent, à l?invitation du Gouvernement, une fois par mois, pour évaluer les progrès réalisés dans la mise en ?uvre du présent consensus



Fait au Palais National à Port-au-Prince, le 4 avril 2004



Signatures