Réflexions personnelles de l?ancien président constitutionnel le professeur Leslie F. Manigat sur les événements de la conjoncture politique récente
Dire la vérité, c?est rendre service à tous, mais ce n?est pas toujours apprécié par chacun, cependant le Christ a bien dit que la vérité fait de vous un homme libre.
Le RDNP a expliqué dans son communiqué d?hier avoir gardé le silence volontairement tous ces temps derniers pour ne pas être accusé de contrarier une sortie de crise permettant le départ du pouvoir d?Aristide alors sans conteste le mal absolu. A nos yeux, il fallait avant tout, dans cette passe délicate et difficile pour la nation, assurer la paix (contre l?insécurité), le pain (contre la faim), l?union (par et pour la solidarité) et le retour de l?espoir (contre la peur). Ce silence patriotique du RDNP ainsi motivé ne signifiait point un acquiescement à la procédure imposée pour arriver à cette fin, une formule simili-constitutionnelle qui, une fois le président provisoire désigné, en la personne du président de la Cour de Cassation, fait place à une solution extra-constitutionnelle bancale source de toutes les incohérences d?un régime bâtard. Mais avalisé en haut lieu international et comportant ce passage dit obligé par un comité triparti improvisé et outrageusement partial ( 1 OPL dur Paul Denis, 1 aristidien pro-OPL Leslie Voltaire aujourd?hui interdit de départ, et 1 étranger du système des Nations Unies ! ) d?où est sorti un comité des sept (et non des 9 attendus et annoncés) qui a donné le Premier ministre et le cabinet ministériel. A en juger par les prescrits constitutionnels, le Premier ministre devait avoir une résidence de cinq ans et avoir reçu décharge des fonctions antérieures occupées comme comptable des deniers publics, sous peine d?inéligibilité La ficelle du comité tripartite et du comité des sept était grosse et la construction artificielle, mais le pays qui n?est pas à une galéjade près, a laissé faire ce viol de la conscience nationale comme un fait accompli initié par les calculs partisans de magouilleurs habiles connus. Cependant, le choix d?un Premier ministre de renom et de quelques quatre ou cinq de ses collaborateurs de valeur du cabinet ministériel l?a aidé à avaler les trois couleuvres de l?improvisation farfelue, de la partialité indécente et de l?illégalité flagrante. Soit ! N?allons pas nous appesantir sur les lenteurs du démarrage alors que les urgences sont partout, de l?électricité à l?insécurité dans un contexte de faim atroce, elles sont regrettables mais excusables vu l?état dans lequel les arrivants ont trouvé le pays. On a avancé à pas de tortue, mais en certains domaines, comme les premières sanctions symboliques contre certains auteurs des méfaits lavalassiens notoires, le rythme du bras justicier semble s?accélérer même hors de procédures légales. On a aussi enregistré les premiers faux-pas, évitables mais pardonnables vu l?inexpérience et l?inextricabilité du terrain. On a vécu les tensions et contradictions génératrices déjà de palinodies et de dissensions internes, mais la politique traditionnelle est connue pour ses coups fourrés et son art de « piéger » tel ou tel partenaire et aime dévorer ses enfants si on n?y pas prend pas garde, d?où une délicatesse des mises à l?écart précoces et des prises de positions impulsives. Cependant le temps des améliorations était venu, porteur des changements, réformes et assainissements espérés de la nouvelle équipe investie de la confiance d?un pays en attente, qui se disait « Bonne Année » en plein premier mars, comme à la messe arrive le moment d?émotion quand les fidèles se donnent la main ou s?embrassent en se souhaitant la paix dans un sourire fraternel. Satan avait cessé de conduire le bal.
On voulait en finir avec la politique traditionnelle des coups fourrés, du favoritisme, des tergiversations hypocrites, des exclusives et des magouilles de patripoches impénitents. Donc on s?attendait à voir les choses se faire désormais dans la transparence d?un nouveau régime (mais dans quelle mesure l?était-il ? ) Se substituant à l?ancien honni et répudié, dans la victoire d?une justice impartiale sur le favoritisme du maintien de l?impunité sélective, contraire à toute possibilité de réconciliation pourtant nécessaire, et dans l?équité de la balance politique égale pour garantir dès le début l?impartialité des compétitions à venir, sinon quelles élections va-t-on nous donner ? . . L?après Aristide ne devait pas s?éterniser si longtemps à se matérialiser pour montrer au pays que l?avant-aristidien n?était plus toujours audacieusement persistant. La moralité publique, dans la politique et dans les affaires, ne devait plus s?exprimer dans les mots et gestes trompeurs des temps aristidiens mais dans les nouvelles réalités exigeantes. Le business sale ne devait plus aussi facilement rencontrer la politique sale comme avant. Privilégier le business sain pour rencontrer la politique saine en faveur des entreprises et du développement durable. Le tandem Alexandre-Latortue au timon des affaires pour le renouveau, ne semblait pas réaliser la profondeur, mine de rien, de l?aspiration au changement qu?une nation, toujours apeurée, nourrissait en y croyant à peine, blasée par tant de déconvenues antérieures qui expliquent sa morosité actuelle. On voulait tourner le dos à cette manipulation malsaine du pouvoir qui veut que les mêmes types d?hommes, ajoutés d?un petit peloton d?hommes nouveaux au visage moitié de modernisateurs et d?avenir prometteur et moitié de traditionalistes habitués à la reproduction récidiviste de maux chroniques, s?adonnent aux mêmes transactions troubles et aux magouilles productrices de pots de vin illicites, et que plus cela change, plus c?est la même chose. Certains espoirs, sinon tous, étaient permis. On ne devait plus rater les chemins du futur. Grands étaient les défis, grands les enjeux.
Certes, il ne faut pas encore déchanter, Dieu merci. 40 jours, ce n?est pas 40 mois, et encore moins 40 ans ! Mais il faut crier gare, tant qu’il en est encore temps. C?est le grand service à rendre au pays. Il y a un redressement de la barque qui est urgentement requis par ceux qui, comme nous, placent toujours leur confiance lucide dans les hommes nouveaux qui nous gouvernent au nom de l?adage qui croit en la perfectibilité des êtres humains. Je voudrais pour commencer, retenir ici quatre problèmes politiques sur lesquels les hommes provisoirement au pouvoir devraient remettre une copie corrigée à la première épreuve blanche des premiers quarante jours ? quarante jours, c?est peu pour déjà critiquer, c?est à peine le temps d?un jeûne, ce n?est pas quarante mois, encore moins quarante ans – :
1) la question de la composition du Conseil Electoral,
2) le problème des dissensions et contradictions au sein du nouveau pouvoir et de la perception de deux poids et deux mesures dans la gestion des affaires publiques toujours imbibée de népotisme et de partisannerie à nettoyer,
3) la question du « Consensus de transition » et de l?exclusion politique du dit consensus d?un secteur important de la vie politique haitienne actuelle évoluant en un poker menteur, et
4) le problème de la durée du maintien de l ?occupation militaire et de la tutelle étrangères qui meurtrissent le c?ur dessalinien des patriotes.
.- la question de la composition du Conseil Electoral Provisoire ou CEP. Le Premier ministre fait diligence avec le Conseil d?Etat improvisé pour réunir le Conseil Electoral complété par les soins des partis politiques, en raison de deux membres qui restaient encore à choisir, semble-t-il, l?un émanant de la Convergence Démocratique et l?autre d?une coalition de partis dits non-convergents. Il est singulier que telle composition avait été choisie par Aristide lui-même au moment où il était question d?un partage du pouvoir entre lui maintenu président et la Convergence Démocratique appelée à partager le pouvoir avec lui au niveau de la primature, et à organiser les élections législatives alors prévues. Rien n?était-il donc pas arrivé sur l?échiquier politique pour modifier ce statu quo de cette composition du Conseil Electoral ? Même en gardant des hommes dont on dit le choix individuel valable, n?y avait-t-il pas lieu de tenir compte qu?il y a eu le départ d?Aristide qui devrait enregistrer les changements subséquents d?un NOUVEAU REGIME ? Le Conseil tel qu?aménagé par Aristide est-il resté représentatif après le départ d?Aristide ? Il ne s?agit pas de retrancher le siège du parti lavalas alors au pouvoir et dont les malversations et crimes venaient aujourd?hui d?être sanctionnés par le verdict populaire, mais de modifier sinon d?élargir numériquement la composition du CEP pour assurer une représentativité plus actualisée. Par exemple, on y a mis l?Eglise catholique, l?Eglise anglicane, et les Protestants, soit ! Et le vodou, religion populaire ? N?a-t-il pas droit à un siège aussi ? Il ne s?agit pas de créer un stratagème à la manière traditionnelle haitienne, en lui offrant un siège au Conseil d?Etat. Qu?est-ce que le Conseil d?Etat ? Quels sont ses pouvoirs et attributions ? Un siège au Conseil Electoral, organisme constitutionnel à statut, prérogatives et fonctions comme nouveau pouvoir indépendant et autonome est toute autre chose qu?un siège au Conseil d?Etat dont on ne sait pas encore s?il peut éviter d?être croupion. Il faut reprendre la question de la composition du Conseil Electoral en s?aidant des exemples latino-américains et caraïbéens avec les fonctions et attributions de ceux-ci comme matière pour inspiration. Ici encore, l?après Aristide n?est pas encore passé dans les réalités du pays. N?y aurait-il toujours pas eu le départ forcé d?Aristide ?
Il y a le problème des dissensions et contradictions au sein du nouveau pouvoir et de la perception de deux poids et de deux mesures dans la gestion des affaires publiques encore imbibées de népotisme et de partisannerie. Le citoyen a besoin de clarté dans la direction des affaires de l?Etat et une règle, la même, doit être valable pour tous. C?est ce qu?a promis l?équipe au pouvoir et il faut la prendre au mot. Se peut-il alors qu?il s?agisse de simples flottements des débuts ? Mais que penser, si c?est garanti vrai, quand un Premier ministre prestigieux inflige publiquement, en plein conseil de cabinet, à un ministre important, un démenti direct sur la parole donnée par celui-ci en fonction de son « autorité morale », et s?en vient ensuite claironner ce démenti lui-même à la radio créant ainsi un problème au sujet de la solidarité ministérielle ? En dehors des personnes, que penser des prises de position sur la question de l?armée, par exemple, entre le Premier ministre et le ministre de l?intérieur, des collectivités territoriales et de la sécurité nationale ? On dit le public divisé sur la question du rétablissement de l?armée ? Est-ce vrai quand on le consulte sur la nécessité de forces d?ordre public et du bien commun pour assurer la paix civile et privée, la salubrité publique, la sécurité de l?État, la police des frontières, et la défense nationale ? Cependant, déjà à Miami et à Boca Raton les deux intéressés avaient convenu d?étudier le projet de rétablissement de l?armée à la charge du général Abraham même au cas, alors improbable, que celui-ci ne serait pas Premier ministre. Les deux hommes sont rentrés ensemble par le même avion pour symboliser l?entente intervenue entre deux « frères. Peu après ce retour spectaculaire conjoint, le général Abraham fit la première déclaration attendue sur le rétablissement de l?armée. Le Premier ministre commenta peu après, que le cas faisait problème car les formules étaient diverses ou même controversées et qu?il y avait par exemple le cas de Costa-Rica et patati patata. On comprit qu?il noyait le poisson. Mais après une autre déclaration du général Abraham sur les premiers travaux en cours pour le rétablissement des forces armées, le Premier ministre a été cette fois clair et péremptoire : Le rétablissement de l?armée n?était pas au programme de son gouvernement provisoire et que c?était une question qui compéterait aux instances gouvernementales définitives élues. On se perd en conjectures, d?autant plus que le Secrétaire d?Etat Powell, en visite de quelques heures à Port-au-Prince, a opiné tout naturellement que Haiti n?avait pas besoin d?armée pour le moment. CQFD. Toujours sur la question des dissensions et tiraillements internes, les initiés des camarillas en place allèguent l?existence d?une soi-disant guéguerre entre les cabinets du président et du Premier ministre. Je pense qu?il s?agit d?un simple ajustement encore à faire entre les deux, à l?exemple des deux chefs eux-mêmes d?accord sur la répartition harmonieuse de leurs prérogatives dans l?accommodement hiérarchique auquel ils sont arrivés en fait, par leurs tempéraments respectifs. Ainsi, dans les décisions de cet attelage en fonctionnement, les nominations aux grandes directions ont commencé par l?installation à l?ONA d?un médecin connu comme le No 2 du Kid (de K Plume) comme la presse l?a annoncé, et on sait que c?est le Premier ministre qui a procédé en personne et en fait à l?installation du Directeur de la DGI. On sait que les nominations des délégués et vice-délégués, des grandes directions et des postes municipaux et des CASECs est importante sur la qualité et l?orientation des élections qu?on nous prépare?. C?est là qu?on se fait « couillonner » selon une expression d?expert, dans la politique électorale traditionnelle?. Le drame est qu?on est resté dans la politique traditionnelle
3) La question du « Consensus de transition » et de la tentative d?exclusion politique y attachée, à partir de la construction de la « plate-forme démocratique » à laquelle l?initiative d?Andy Apaid a initialement exclu le RDNP et son leader politique. L?affaire vaut d?être narrée. Dès que l?initiative intéressante, et multiforme d?Andy Apaid, vite qualifiée publiquement par nous de positive, a commencé à agiter l?idée d?un contrat social rassembleur, la personnalisation outrancière du leadership a fait comprendre qu?il y avait des arrières pensées dans cet assemblage exemplaire à mettre à l?actif du groupe dit des 184. Il est significatif que ce brassage d?idées, d?hommes et d?affaires ait été accompagné, par exemple au sein de l?Initiative de la Société civile, par un matraquage hostile aux partis politiques Aux amis qui lui disaient d?approcher les partis, Apaid répondait qu?il lui fallait attendre et à moi, il lui arriva de dire au téléphone : « Map vin sou ou ». Quand finalement, il se décida à présenter son contrat social aux partis, il inaugura la série avec la Convergence Démocratique au local de l?OPL. Il nous annonça peu après, qu?il avait en tête de nous venir visiter tout de suite après. Je me souviens avoir averti le parti de se tenir prêt pour la réunion conjointe annoncée. Jamais, jusqu?à cette date, Apaid n?a organisé cette rencontre avec nous, alors que la presse nous informait sur ses démarches auprès d?autres partis et même certaines personnalités-vedettes d?un moment comme Prince Sonson Pierre à l?occasion de la signature d?un livre de celui-ci. Apaid a omis le RDNP dans sa tournée de présentation du projet de contrat social aux partis. Quand plus tard, l?initiative du même Apaid grand maître d??uvre, a mis ensemble « la plate-forme démocratique », l?annonce de cet assemblage général à la radio Kiskeya nous fit découvrir à notre stupéfaction que le RDNP n?avait été ni invité, ni même informé de cette entreprise où nous seuls manquions à l?appel général. Ma réaction spontanée fut immédiatement d?appeler Liliane Pierre-Paul qui me fit la gentillesse de me passer l?antenne pour une déclaration de protestation et d?indignation contre cette tentative d?exclusion et de m?interroger sur le début prématuré du déclenchement du jeu des éliminatoires. La réaction téléphonique d?Apaid, le lendemain, fut de me demander s?il pouvait ajouter le nom du RDNP et le mien à la liste que Madame Marlène Simon allait lire dans les 20 minutes d?après. Je lui répondis que j?ignorais toujours le contenu d?une déclaration entendue à une radio en émission d?informations sur l?actualité et que je ne pouvais, en 20 minutes, consulter les miens pour une décision collective. Il m?a dit pour toute excuse ou explication, qu?il se produisait parfois des « manquements » (texto). Toutefois, à défaut de pouvoir mettre le nom du RDNP au bas d?un texte et sur une liste déjà toute faite sans nous, je pouvais cependant l?autoriser, une fois le document lu par Marlène Simon avec toutes les signatures, à ajouter un addendum du genre: « Le RDNP, consulté sur ce document, déclare en approuver l?esprit de la teneur et y apporter une adhésion de principe ». Cet addendum, à ma connaissance, n?a pas été mentionné le moins du monde. C?est le même procédé qui a été utilisé de nouveau, pour la préparation du « Consensus de transition » qui fait couler tant d?encre aujourd?hui.
La candeur proverbiale du RDNP nous amène à afficher nos couleurs : nous ne sommes pas dupes, mais nous ne sommes pas hostiles pour autant.
Une précision qui vaut son pesant d?or : Le dit « Consensus de transition » a été adopté le dimanche 4 avril dernier « par tous les partis politiques » (sic) à quelques heures de l?arrivée de Colin Powell, donc le soir du dimanche 4 avril. Le RDNP n?a été ni informé, ni consulté ni invité, et c?est le Premier ministre qui a fait la convocation et a présidé aux débats. Ironie du calendrier, c?est ce jour-là qu?il est sorti directement de cette réunion au palais national, pour me faire ensuite la première visite de courtoisie depuis sa nomination comme Premier ministre intervenue alors qu?il était encore à Bocca Raton. Je répète pour l?information et l?édification de tout un chacun que le RDNP n?a pas été informé, ni consulté ni avisé ni invité à prendre part à l?élaboration et à l?adoption du Consensus. Et pourtant, le RDNP est un grand parti connu comme tel avec ses 25 ans d?existence et légalement reconnu au Ministère de la Justice où il est enregistré depuis plus de 18 ans, avec pignon sur rue. J?ai vu et entendu la presse nationale et internationale annoncer la participation de « tous les partis politiques ». C?est clair que nous ne pouvons pas laisser passer cette man?uvre grossière prétendant nous exclure du Consensus en faisant accroire que tous les partis politiques l?ont signé. Je dois à la vérité de dire que, depuis l?annonce du choix du Premier ministre le 10 mars jusqu?à ce dimanche 4 avril, je n?ai eu aucun entretien ni contact direct avec mon ami personnel Gérard Latortue qui fut mon ministre des Affaires Etrangères en 1988. Nous étions et sommes toujours de bons amis personnels, mais il a raison de dire que nous n?avons pas été des amis politiques en ce sens qu?il n?était pas membre ni n?a jamais été membre du RDNP dont il cultivait cependant l?amitié des cadres assidûment. Il a cru ne pas avoir à me faire un petit coup de fil ni donné signe de vie jusqu?il eût fini de former son cabinet. J?ai lu dans la presse que plusieurs partis politiques ont été consultés par lui et se sont vu offrir des positions lorsqu?il était encore question de former un cabinet d?union nationale, Lavalas compris. Le RDNP n?a jamais été l?objet à aucun moment de consultation quelconque et je peux même dire que ni l?ancien Premier ministre Martial Célestin, ni aucun membre RDNP du cabinet de 1988 ses anciens collègues n?ont alors reçu de lui un coup de fil ni signe quelconque. C?était sa décision d?abstention de tout contact que nous avons comprise et respectée, un cas de psychologie politique. Consultée par Madame Marie-Lucie Bonhomme au sujet de son nom alors cité dans le public, Madame Mirlande Hyppolite Manigat a dit clairement qu?elle n?avait été contactée à aucun moment et, ajoutait-elle, elle n?était pas intéressée. Pendant que nous nous sommes tus, la rumeur publique nous voyait au pouvoir et nous réclamait des faveurs à la traditionnelle alors que de tous les partis, nous étions le moins proche du pouvoir. Bien que la consigne fût finalement un cabinet sans les partis politiques, il s?en trouve deux ou trois dans le ministère et pas au titre du RDNP mais de la convergence démocratique, de l?OPL et d?un proche du Panpra entr?autres. A propos du « Consensus de Transition », il est significatif que présenté comme liant « tous les partis politiques », nous avons entendu ou lu pourtant des protestations de partis et de personnalités critiquant les procédés et coups fourrés des uns et des autres, comme les critiques de Tunep Delpé, Dunois Eric Cantave, Himmler Rébu, Reynold Georges, Osner Févry et Eddy Volel en tandem, l?ancien sénateur Madistin, le publiciste Claude Michel, le porte-parole de ADEBA, l?ex commandant Guy Philippe, etc., qui représentent divers courants politiques dans le pays. Sans compter les voix de la diaspora éparpillées dans l?internet et les radios haïtiennes de l?extérieur qui ne se reconnaissent pas dans le libellé bric a brac du Consensus. Le « consensus » n?est pas du tout consensuel et il faudrait le reprendre pour reconsidération. Nous aurons à y revenir quand nous aurons à faire l?analyse détaillée et scrupuleuse d?un texte dont les seuls éclaircissements à lui demander font problème. Par exemple, sur la date des élections et donc la durée du mandat des autorités provisoires en place. Le président Alexandre avait référé dans les premiers temps au délai constitutionnel de 3 mois, impossible à respecter. Le Premier ministre fait état de 2 ans. Le représentant de l?OPL Paul Denis signataire du Consensus veut 9 mois, et une source internationale a fait état publiquement de 18 mois. Et le consensus est déjà signé. Or voici qu?en principe, c?est le futur CEP qui aura à fixer les dates des élections en consultation avec les partis?. Et surtout, aucun parti ni organisation avisés ne sauraient souscrire à des engagements ni à des interdictions qui seraient inconstitutionnels ou attentatoires aux droits fondamentaux du citoyen, sans nullité de droit de tels engagements ou interdictions. Aussi est-il clair que le RDNP, tout en souscrivant à l?esprit apparemment généreux du Consensus, réserve-t-il tous ses droits en ce qui concerne l?application du dit consensus jusqu?à ce qu?il se fasse une évaluation critique en vue de sa révision ou de son enrichissement par les modifications qui seyent a un tel document quand il est fait dans un esprit de sérieux, d?équité et de correction, sans exclusives ni dupes. Le RDNP est dans la compétition électorale et va postuler à tous les niveaux, des CASECs et ASECs aux municipales, et des législatives aux présidentielles. C?est pourquoi nous avons intérêt à ce que le processus soit limpide et correct, sans qu?on tente dès le début, d?essayer de « bay oun gol ak main.
4). Le problème de la durée du maintien de l?occupation militaire étrangère et de la tutelle onusienne appelée à lui succéder, qui meurtrit le c?ur dessalinien des patriotes en cette année du bicentenaire de notre indépendance nationale.
Rappelez-vous une certaine conférence à Ottawa dont le maître d??uvre était un ministre canadien du nom de Paradis, qui avait réuni notamment deux hauts fonctionnaires de Département d?Etat américain, le ministre français de la Coopération, le ministre des affaires Etrangères d?une république centraméricaine le Salvador et des hauts fonctionnaires canadiens. Qu?y avait-on discuté ? De la tutelle à placer sur Haiti. La protestation des patriotes haïtiens avait lors fait mettre le projet en sourdine. Les conditions internes et externes aménagées pour le départ d?Aristide ont permis de le réaliser sans que les Haïtiens n?y vissent que du feu. Alors que trois facteurs ont produit par leur accumulation, le départ forcé d?Aristide, à savoir :
a) La poussée de la conscientisation anti-aristidienne initiée par les partis politiques et relayée par le groupe des 184 pour culminer aux marches et démonstrations de masse et de rues, étudiants en tête avec les 184 sur le pavé, montrant l?impopularité croissante du régime au roi nu,
b) Le passage à la phase insurrectionnelle « lidérisée » par les militaires rebelles de Guy Philippe qui ont soustrait la majeure partie du territoire national au contrôle aristidien et organisé une marche triomphale sur Port-au-Prince qui devenait décisive pour emporter Aristide quand l?injonction américaine l?a stoppée c) L?intervention américaine qui a produit le « finish » en forçant le pouvoir à se démettre sous la pression du pays. L?observateur impartial reconnaît la participation de ces trois facteurs dans la production du phénomène « départ forcé d?Aristide » et attribue à chacun des trois le mérite de sa contribution à avoir concouru à ce résultat. Des sophistes officiels, haïtiens et étrangers ont essayé de faire accroire que la présence des troupes étrangères sur le territoire national ne serait pas une « occupation ». Malheureusement pour eux, non seulement c?en est une par toutes les définitions du cas, mais le plus important quotidien américain The New York Times, appelant un chat un chat, a étalé le mot dans un éditorial fameux « Shameful Show ». Il reste au patriote haitien le recours, modeste pour le moment, de demander à l?occupant américano-français et au tuteur onusien annoncé, la durée et les modalités de cette occupation-tutelle car si certains collabos s?apprêtent déjà à vouloir être Borno avant Dartiguenave, les patriotes rêvent déjà de la fin d?une anomalie négatrice du droit des peuples à disposer d?eux-mêmes.
L.F.M.