By: HPN – 03/31/2004


L’industriel André Apaid a reçu HPN dans son bureau sur la route de l’aéroport international, dans une atmosphère détendue. Le combat pour renverser Aristide terminé, le groupe des 184 de la société civile aborde le point B de son agenda.
Propriétaire notamment de manufacture textile, qui embauche 3900 ouvriers, le leader du groupe des 184, le visage rayonnant de sourire, a accueilli les journalistes dans son bureau au Parc industriel, débarrassé cette fois de l’éternelle casquette bleue, fétiche de l’opposant au régime d’Aristide.
HPN – Maintenant qu’Aristide est parti, comment vous voyez l’avenir d’Haïti dans les six prochains mois ?
A.A – Je crois que le peuple haïtien aura droit à une atmosphère plus sécuritaire grâce aux efforts conjugués de la police nationale soutenue par les forces multinationales. Je ne me fais pas d’illusions, il y aura toujours des difficultés économiques mais je crois que le peuple haïtien commencera à bénéficier d’ici-là des privilèges d’une relance économique.
Il va de soi que les tensions liées aux légitimes revendications sociales ne pourront, malheureusement, pas disparaître du jour au lendemain. J’espère que d’ici six mois, le conseil électoral disposera d’un calendrier électoral fin prêt.
HPN – Plutôt optimiste ?
A.A – Pour l’heure, il vaut mieux être vigilant plutôt qu’optimiste.
HPN – C’est-à-dire ?
A.A – Le départ d’Aristide n’était qu’une étape dans notre combat pour un changement social qui passe nécessairement par un changement de l’Etat. La société civile se réserve le droit de rester une force de pression pour favoriser le développement socio-économique du pays.
HPN – Qu’est-ce que Haïti peut espérer de la coopération internationale ?
A.A – Haïti a un produit intérieur brut peu enviable équivalent à environ 500 millions de dollars à quoi il faut ajouter près d’un milliard de dollars provenant de la diaspora haïtienne. En regard de nos maigres ressources économiques, un programme de développement national doit nécessairement bénéficier du support financier international.
Dans un tel contexte il faut compter avec tous nos donateurs y compris les pays de la Caricom qui ont offert leur appui au développement du pays. A ce sujet, je crois que le gouvernement doit trouver le moyen idéal pour renouer les relations avec nos voisins de la Caraïbe.
HPN – Comment remettre la diaspora en confiance et faciliter dans le pays les vacances régulières de nos ressortissants vivant à l’étranger ?
A.A – Il est impérieux, et j’insiste sur ce point, de ramener la sécurité dans tout le pays : condition indispensable à la relance de l’économie y compris de l’industrie touristique.
HPN – Article No. 20040331092708
By: HPN – 03/30/2004



Le gouvernement Raffarin III, composé de 43 ministres, ministres délégués et secrétaires d’Etat, a été annoncé mercredi 31 mars peu après 19 heures. Malgré le désaveu cinglant infligé par les électeurs au gouvernement sortant lors des élections régionales, le chef de l’Etat avait reconduit mardi le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, dans ses fonctions.

Mais le chef du gouvernement est désormais encadré par trois poids lourds : Nicolas Sarkozy, “ministre d’Etat”, conforté dans son statut de numéro deux du gouvernement, va s’installer dans un grand ministère des finances, Dominique de Villepin, fidèle de Jacques Chirac et possible contrepoids au nouvel hôte de Bercy, rejoint l’intérieur, et François Fillon, ministre de l’éducation nationale, apparaît comme le numéro trois du gouvernement.


La plupart des ministres et secrétaires d’Etat issus de la société civile, qui étaient la marque de Jean-Pierre Raffarin dans le gouvernement sortant – Francis Mer, Luc Ferry, Noëlle Lenoir, Jean-Jacques Aillagon, Dominique Versini – sont écartés de la nouvelle équipe, constituée pour l’essentiel de “professionnels” de la politique. Seuls restent Claudie Haigneré, qui passe de la recherche aux affaires européennes, Jean-François Lamour, qui récupère la jeunesse et la vie associative, en plus des sports, et Tokia Saïfi, qui reste secrétaire d’Etat au développement durable.


Alors qu’on s’attendait à une équipe resserrée, ce gouvernement compte en fait cinq membres de plus que l’équipe précédente, qui comptait 38 ministres et secrétaires d’Etat autour de Jean-Pierre Raffarin. Les femmes n’y sont plus que 10, au lieu de 11, et l’UDF n’est représentée que par Gilles de Robien, qui reste ministre de l’équipement, des transports, perd le logement mais gagne l’aménagement du territoire.


Véritable premier ministre bis, le nouveau locataire de Bercy est flanqué par un de ses proches au poste de ministre de l’industrie, Patrick Devedjian, à la place de Nicole Fontaine, et par Dominique Bussereau, ami de Jean-Pierre Raffarin, qui remplace donc Alain Lambert. Il sera également épaulé par Christian Jacob, promu ministre délégué aux PME, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation, et par François Loos, qui reste ministre délégué au commerce extérieur.


Parmi les promus figurent également Jean-Louis Borloo, à qui échoit un grand ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, Philippe Douste-Blazy, jusqu’ici secrétaire général de l’UMP, hérite d’un ministère de la santé et de la protection sociale, poste sensible dans la perspective de la réforme de l’assurance-maladie. Il remplace à la santé Jean-François Mattei, victime de la gestion calamiteuse de la crise de la canicule d’août 2003.


Ce sera à Philippe Douste-Blazy et à Jean-Louis Borloo de mettre en musique l’orientation sociale que le premier ministre a promis de mettre en ?uvre après la débâcle de la droite aux régionales.


Renaud Dutreil obtient le ministère de la fonction publique et de la réforme de l’Etat à la place de Jean-Paul Delevoye, qui disparaît de l’organigramme.


Place Beauvau, Dominique de Villepin, qui connaît son baptême du feu en politique intérieure, est épaulé par Jean-François Copé, désormais ministre délégué à l’intérieur mais qui reste porte-parole du gouvernement.


Dominique de Villepin est remplacé aux affaires étrangères par le commissaire européen Michel Barnier (qui devrait lui-même être remplacé à Bruxelles par Jacques Barrot, actuel président du groupe UMP à l’Assemblée nationale), tandis que Michèle Alliot-Marie reste à la défense, Dominique Perben à la justice, Hervé Gaymard à l’agriculture, Nicole Ameline à la parité et l’égalité professionnelle (mais en tant que ministre et non comme secrétaire d’Etat) ou Hubert Falco, aux personnes âgées. L’ex-ministre de l’enseignement scolaire, Xavier Darcos, devient pour sa part ministre de la coopération.


Parmi les victimes de l’hécatombe des ministres sortants figure la ministre de l’écologie Roselyne Bachelot qui est remplacée par l’ancien secrétaire général du RPR, Serge Lepeltier.


En revanche, outre Michel Barnier, font leur entrée dans ce gouvernement Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l’UMP, qui remplace Jean-Jacques Aillagon à la culture et à la communication, et une flopée de parlementaires, comme Marie-Josée Roig (famille et enfance), Henri Cuq (relations avec le Parlement), François d’Aubert (recherche), Nelly Olin (lutte contre la précarité et l’exclusion), Xavier Bertrand (secrétaire d’Etat à l’assurance-maladie) ou Marc Philippe Daubresse (logement).


Avec Reuters et AFP



Le président haïtien déchu Jean-Bertrand Aristide a déposé plainte contre X avec constitution de partie civile à Paris, notamment pour enlèvement. Cette plainte pour “menaces, menaces de mort, enlèvement et séquestration” a été déposée mardi 30 mars par son avocat, Me Gilbert Collard.


Elle évoque l’ambassadeur de France en Haïti Thierry Burkard, l’ambassadeur des Etats-Unis James Foley, l’écrivain français Régis Debray et la s?ur du ministre français des affaires étrangères Dominique de Villepin, Véronique Albanel.


M. Debray est cité dans cette plainte, car un comité de réflexion et de propositions sur les relations franco-haïtiennes, qu’il présidait, s’était rendu à deux reprises à l’automne 2003 en Haïti. L’écrivain a effectué en mars une nouvelle mission “d’information et de réflexion” d’une semaine en Haïti.


Selon Me Collard, qui a rédigé la plainte pour le compte de l’ancien président, ces quatre personnes se seraient rendues coupables d’intimidations à l’encontre de M. Aristide dans le but de le pousser à quitter Haïti. L’avocat a déclaré avoir “reçu mandat de M. Aristide et de l’avocat américain qui s’occupe de ses intérêts, Me Ira Kurzban, pour déposer plainte contre toute personne qui se serait rendue responsable de l’enlèvement”.


Singnalant que plusieurs témoignages, des films et des photographies devraient être joints au dossier, Me Collard a précisé que “la France, qui a soutenu cet enlèvement, s’en est rendue complice”. Parallèlement, les avocats américains de M. Aristide conduisent une procédure similaire aux Etats-Unis, a ajouté l’avocat.


Pour le ministère français des affaires étrangères, il y a bien eu une “démission formelle” d’Aristide. Mais pour Me Collard, sa démission, “la nuit, entre les mains de militaires en armes”, n’était pas constitutionnelle.


Jean-Bertrand Aristide se trouve actuellement en Jamaïque, où il est arrivé le 15 mars. M. Aristide avait quitté Haïti le 29 février sous la pression d’une insurrection armée et, selon lui, des Etats-Unis et de la France. Il avait tout d’abord gagné la République centrafricaine, d’où il avait affirmé qu’il restait président d’Haïti et qu’il avait été enlevé par les forces américaines, ce que Washington avait démenti. L’ancien chef d’Etat se dit “victime d’un coup d’Etat” et affirme être toujours “le président élu” d’Haïti.


Avec AFP et Reuters

30 mars 04


La Convergence Démocratique appelle le gouvernement Latortue à mettre les structures en place afin de réaliser des élections générales cette année.
Dans une déclaration à Radio Métropole, l?un des dirigeants de l?ancienne coalition de l?Opposition au régime Lavalas, Serge Gilles, soutient qu?il est important d?organiser ces joutes. M. Gilles poursuit que l?histoire a prouvé que les transitions longues n?ont pas souvent réussi. Dans le même temps, Serge Gilles annonce que la Convergence a fait choix de Rosemond Pradel comme son représentant au prochain conseil électoral de consensus.


Pour sa part, la coordination des partis non alignés a jeté son dévolu sur Rosny Durand. Contrairement à la Convergence, ce regroupement doute de la possibilité de tenir des élections générales cette année.


Au niveau de la population de la capitale, la démarche de la Convergence Démocratique est mal accueillie. Elle est qualifiée d?insensée et hors contexte par des habitants de Port-au-Prince. Ils font remarquer que le pays se trouve confronté à d?énormes difficultés, entre autres, l?insécurité qui bat son plein. Ils expliquent que l?atmosphère n?est pas encore propice à la réalisation des élections. Ces port-au-princiens s?en prennent particulièrement aux dirigeants de la Convergence Démocratique qui, selon eux, n?ont pas les pieds sur terre.


Pour d?autres habitants de la capitale : « parler d?élections veut aussi dire faire campagne électorale ». Ils estiment que l?électorat n?est pas trop disponible et disposé pour le moment à entendre de tels discours des leaders politiques.


Ils ne sont pas nombreux les citadins à supporter l?idée de la tenue d?élections cette année. Pour cette catégorie, le scrutin peut se faire si et seulement si la communauté internationale le désire.


C’est une piste d’atterrissage impeccablement goudronnée, tout juste achevée 1 200 mètres de long,sans tour de contrôle ni éclairage, entre les bananiers, avec un accès direct à la route qui dessert les plages environnantes. « Les travaux s’étaient accélérés ces derniers mois, mais les trafiquants de drogue n’ont pas eu le temps de s’en servir », raconte Mgr Guy Poulard, l’évêque de Jacmel. Cette petite ville de 50 000 habitants, au sud de Haïti, était devenue l’une des plaques tournantes des « ripoux » de la cocaïne, sous le règne de Jean-Bertrand Aristide. «Aristide a bouffé les richesses de Jacmel comme un morceau de canne à sucre, les dents devant », explique un habitant. Le président déchu, qui s’est enrichi de 800 millions de dollars en quelques années, risque aujourd’hui de se retrouver derrière les barreaux, tant il est cerné par des témoignages qui le présentent comme l’unique parrain de ce « business » dangereux. C’est lui qui aurait transformé son pays en plaque tournante du commerce de la drogue, entre la Colombie et les Etats-Unis. Selon les statistiques de la Drug Enforcement Agency (DEA), un cinquième de la poudre blanche consommée aux Etats-Unis, en provenance des cartels colombiens, transitait par Haïti. Ce trafic soudain s’est interrompu depuis qu’Aristide a fui son pays, il y a un mois. « S’il y a un point positif dans la crise en Haïti, c’est que l’incertitude et le chaos actuels rendent le pays moins attractif pour les cartels colombiens », explique à Port-au-Prince un spécialiste de la guerre contre la drogue, qui requiert l’anonymat. Au large de Jacmel, deux patrouilleurs américains surveillent désormais les côtes septentrionales de l’île et bloquent les livraisons. A terre, les 2 500 marines et leurs collègues légionnaires français font régner l’ordre jusqu’à Cap-Haïtien, la grande ville du Nord du pays, d’où la drogue repartait vers les Etats-Unis.


La chasse aux trafiquants est maintenant ouverte. Lundi, c’est un gros gibier qui a comparu devant un juge de Miami, menottes aux mains. Oriel Jean, le chef de la sécurité de Jean-Bertrand Aristide au palais de la présidence de la République entre 2001 et 2003, a été incarcéré sans possibilité de verser de caution.


Appréhendé le 12 mars à l’aéroport de Toronto, au Canada, où il tentait de trouver refuge, il a été livré aux Etats-Unis vendredi dernier. Oriel Jean a été l’un des collaborateurs les plus proches d’Aristide pendant une douzaine d’années. Il contrôlait particulièrement l’aéroport de Port-au-Prince, où il prélevait 10% sur la drogue qui y transitait. Son avocat au Canada, Guidy Mamann, affirme qu’Oriel Jean fait actuellement l’objet d’un interrogatoire impitoyable et que le but de la DEA est de faire « tomber » Aristide. Oriel Jean ne serait pas le premier à « donner » son ancien patron. Ainsi de Beaudoin Ketant, condamné le 25 février dernier à 27 années de prison seulement (les gros trafiquants aux Etats-Unis prennent couramment des siècles de prison, pour éviter les remises en liberté anticipées).


Aristide, en 2003, n’avait pas pu résister aux pressions des Américains : 0il avait dû expulser Ketant vers Miami (en compagnie d’un certain « Eddy One »). Ketant, lors de son procès, fut condamné à payer une amende de 30 millions de dollars. Surtout, il déclara que Jean-Bertrand Aristide contrôlait 85% du trafic de la cocaïne en Haïti ! « Le témoignage de Ketant a été rendu public par les Américains. C’était là le signe très fort qu’Aristide était lâché par Washington. A ce moment, nous étions sûrs qu’Aristide allait perdre le pouvoir », explique un diplomate européen à Port-au-Prince. Depuis que George Bush père a lancé une véritable guerre contre les cartels colombiens en 1988, les Etats-Unis n’ont jamais plaisanté avec les chefs d’Etat qui facilitaient ce trafic. En 1988, Fidel Castro et son frère Raul ont dû sacrifier des collaborateurs très proches, au cours de l’infâme «procès Ochoa », pour se disculper, auprès de la Maison-Blanche, d’avoir transformé Cuba en base de livraison de la cocaïne. En 1989, c’est Noriega, à Panama, qui tombait sous la même accusation. «Aristide n’échappera pas à son sort, d’autant qu’il agite des chefs d’Etat des Caraïbes, auxquels il est lié par des intérêts financiers, explique un diplomate occidental. Les Etats-Unis ont davantage de moyens de pression sur les pays de la Caraïbe que Sainte-Lucie, Saint-Vincent ou la Jamaïque n’en ont sur l’Amérique, par exemple… » Jean-Bertrand Aristide, réinstallé au pouvoir à Port-au-Prince par les Américains en 1994, après en avoir été chassé en 1991, a-t-il été renvoyé d’Haïti toujours par les Américains pour avoir transformé son île en paradis des trafiquants ? C’est en tout cas l’une des explications de sa déchéance.


Dès décembre 2003, par la voix de M. Foley, leur ambassadeur en Haïti, les Etats-Unis demandaient à Jean-Bertrand Aristide des explications sur plus de 300 millions de dollars déposés sur des comptes bancaires américains. Et réclamaient plus fort que jamais des expulsions, dont celle d’Oriel Jean. Cinq jours avant le départ musclé d’Aristide, M. Hawkings, le patron régional de la DEA, arrivait à Port-au-Prince. La DEA, selon des sources diplomatiques occidentales, aurait participé manu militari à l’expulsion musclée hors d’Haïti du curé défroqué devenu dictateur mafieux. La drogue était au cœur d’une mainmise sur les ressources du pays, organisé par le pouvoir de l’ancien « prophète des bidonville s ». La police, forte alors de 3 000 à 4 000 hommes (il n’en reste plus qu’un millier), avait remplacé l’armée pour effectuer ce racket généralisé. « Ce sont les policiers du palais présidentiel qui faisaient le travail. Pour la plupart, ils n’avaient pas d’autre activité », confie l’historien Laënnec Hurbon. Jacmel offre un reflet fidèle d’Haïti sous le joug d’Aristide. A deux heures de route de Port-au-Prince, la petite ville provinciale offre une officine de change qui s’appelle «Fils de Dieu», lecentre de formation « La femme vertueuse », la quincaillerie « La main forte de l’Eternel », et l’on va faire ses courses au « Jehovah Multistore » en empruntant un « arrache-poils », un bus sans toit.


Mais les sectes protestantes et l’Eglise catholique ne sont pas les seules ici à se livrer une concurrence féroce. Quatre banques ont établi dans la rue principale des succursales luxueuses. En lisière de l’océan, les villas de dix pièces poussent comme des champignons. Le prix des terrains explose (10 000 dollars américains les 500 mètres carrés). Des réussites surprenantes : comment ce « bœuf charris » un manœuvre) a-t-il pu soudainement s’acheter soudain ce gros camion rutilant? Comment le sénateur Immacula Bazile, surpris un matin à l’embouchure de la rivière La Grenouillère les bras chargés de sacs de poudre blanche, a-t-il pu s’offrir si rapidement une villa de 300 000 dollars? Quel étaient ses liens avec un autre sénateur local, Faurel Celestin, qui lui-même travaillait avec Johnny Batroni, qui contrôlait toute la zone, de Bel-Anse et Grand-Gosier ? Qui étaient les « patrons » haïtiens, colombiens ou américains de ces « passeurs » ? « Ils venaient en convoi de Port-au-Prince, avec des voitures non immatriculées de la police, et repartaient aussi vite », se souvient le directeur d’une école locale. « Une personne honnête n’avait pas sa place dans l’administration mise en place par Aristide », explique Jacques Derival, qui enseigne ici l’histoire. « Il est certain que des tonnes de drogue ont été larguées à Jacmel et à Marigot et que tous les directeurs d’administration publique, les délégués départementaux, les directeurs de la police, les douaniers, les inspecteurs, les commissaires, tous ceux qui occupaient des postes clés à Jacmel ont trempé dans ce commerce. Le commissariat était tenu par une bande de voyous », ajoute M. Derival. Nos interlocuteurs à Jacmel confirment que, quatre années durant, la cité a vécu un affreux remake de Main basse sur la ville, parce que « la drogue gangrenait le pays », explique un prêtre. Les 137 communes d’Haïti sont maintenant dans le même état d’abandon que Jacmel puisque « l’Etat voyou » d’Aristide s’est évaporé en quelques jours, la plupart des anciens « responsables » préférant désormais «prendre le maquis », c’est-à-dire changer de domicile tous les soirs. Le départ d’Aristide, qui a délesté les Haïtiens de leurs richesses, ne les soulage pas pour autant. A qui faire encore confiance ? Où sont cachés les grands voleurs de l’ancien régime, les Nahoum Marcellus, « député » de Cap-Haïtien ? Les Dang Toussaint, éphémère directeur de la police en 1995, ancien chef de la sécurité d’Aristide ? Le commissaire Chilly, qui régnait près de Port-Salut ? Ou Roc Exeus, « député » de Bombardo, dans le Nord ? Même le «libérateur » Guy Philippe, un ancien commissaire de Cap-Haïtien, était en juin 2001 recherché par les Américains pour trafic de drogue… Partout, donc, on se méfie : traditionnellement, l’Etat n’a jamais incarné rien de bon pour la masse des Haïtiens (les autorités, disent-ils, « coupé tête, bouffé caille »,« elles coupent les têtes et brûlent les mains »). En Haïti, les dirigeants n’ont jamais recherché le pouvoir que pour s’enrichir. Jamais pour le partager.


Aristide participe de cette funeste tradition en l’ayant poussé jusqu’aux limites de la criminalité. Il laisse derrière lui un Etat sinistré, sauvage, un pays dans lequel personne ne peut revendiquer la moindre autorité morale, surtout pas la police. Comment ressusciter l’espérance générale sans que l’ancien dictateur devenu chef de bande soit un jour prochain jugé pour ses crimes et ses rapines?


Jean-Bertrand Aristide est donc de retour dans les Caraïbes ! Après une escapade de deux semaines à Bangui, capitale de la Centrafrique, l’ancien président d’Haïti a posé ses valises, le 15 mars, dans une résidence bourgeoise mise à sa disposition par le gouvernement jamaïcain à Lydford, une localité située à 110 kilomètres de Kingston. Selon les autorités, Aristide ne devrait pas y passer plus de dix semaines, le temps de se reposer et de revoir ses deux filles, Christine, 7 ans, et Michaelle, 5 ans, qui se trouvaient, jusque-là, aux États-Unis.


Aristide et son épouse, Mildred, ont effectué le trajet Bangui-Kingston à bord d?un petit-porteur, en compagnie d?Ira Kurzban, l?avocat américain du couple, de Sharon Hay-Webster, une parlementaire envoyée spécialement par le Premier ministre jamaïcain, de Percival Patterson, dont le pays assure actuellement la présidence de la Caricom, la Communauté des Caraïbes. Mais aussi de Maxine Waters, représentante démocrate de Californie et membre influente du Black Caucus, qui regroupe les élus noirs du Congrès, sans oublier l?activiste africain-américain Randall Robinson, fondateur de TransAfrica, un groupe de pression bien connu dans la capitale fédérale américaine.

La présence de l?ancien président à moins de 200 kilomètres des côtes d?Haïti, où il dispose encore de milliers de partisans, surtout dans les couches populaires, n?est pas du goût de tout le monde. Washington, qui fait face à une vive polémique intérieure et internationale sur les circonstances exactes de la chute d?Aristide, n?apprécie guère ce qu?il considère comme un « pied de nez » de la Caricom, une organisation regroupant douze îles et archipels des Caraïbes et trois États d?Amérique du Sud farouchement attachés à leur indépendance dans une zone considérée comme sous influence américaine.

Redoutant que cette arrivée impromptue d?Aristide ne ravive la tension dans son pays, Washington a invité les autorités jamaïcaines à donner à ce séjour un caractère « temporaire et privé ». « Une visite pour des raisons familiales ne nous pose pas de problème. Et tant que tout le monde restera engagé dans une vision d?avenir pour Haïti, tout ira bien », a indiqué le porte-parole du département d?État, Richard Boucher, histoire de bien montrer que, pour les États-Unis, Aristide appartient désormais au passé.

Devant ce qu?il considère comme « un geste inamical de la part de la Jamaïque », le Premier ministre haïtien, Gérard Latortue, a, pour sa part, rappelé son ambassadeur à Kingston et menacé de boycotter le prochain sommet extraordinaire de la Caricom, qui doit se tenir les 25 et 26 mars dans l?archipel de Saint-Kitts et Nevis. Les nouvelles autorités haïtiennes apprécient d?autant moins la réapparition d?Aristide dans la région que ce dernier ne fait nullement mystère de ses intentions : « Je suis persuadé, souligne-t-il ainsi dans un entretien au Washington Post, que beaucoup d?Haïtiens qui sont pauvres, souffrants ou qui sont obligés de se cacher pensent qu?il vaut mieux que je sois proche physiquement qu?éloigné. »

De son nouveau pays d?accueil, il entend donc continuer d?écouter la complainte des « sans-voix » de Cité Soleil et de Belair, deux quartiers populaires de Port-au-Prince, en attendant ? Haïti est coutumier des retournements spectaculaires ? une éventuelle évolution de la situation en sa faveur. Pourquoi pas après la présidentielle américaine de fin 2004.

En ramenant le président déchu à une demi-heure d?avion de son pays, la Caricom (mais aussi, d?une certaine manière, le président vénézuélien Hugo Chávez, qui se propose d?accueillir chez lui Aristide) prend sa revanche sur le « grizzly » américain. Cette organisation régionale, dont le dynamisme est inversement proportionnel à la taille (lilliputienne) de la plupart de ses membres, n?a guère apprécié, en effet, d?avoir été mise sur la touche par les États-Unis, le Canada, la France et le Chili, qui, après avoir déployé sur le terrain une force multinationale de 2 600 soldats, « parrainent » aujourd?hui le processus de transition politique à Port-au-Prince.

En février dernier, alors que ce tiers d?île de 8 millions d?habitants adossé à la République dominicaine était en proie à la violence, la Caricom et l?Organisation des États américains avaient proposé aux protagonistes un compromis de sortie de crise : maintien d?Aristide dans ses fonctions jusqu?à la fin de son mandat (2006), nomination d?un Premier ministre issu de l?opposition, formation d?un gouvernement d?union nationale chargé d?organiser des législatives et, à terme échu, le scrutin présidentiel.

Acculé par une rébellion armée qui volait d?une victoire à l?autre, le chef de l?État avait saisi la balle au bond, mais son opposition, échaudée par les multiples promesses sans lendemain d?Aristide et encouragée discrètement par les Occidentaux, avait rejeté tout accord politique. L?ancien prêtre salésien, élu pour la première fois en décembre 1990, renversé par l?armée l?année d?après, exilé à Caracas, puis à Washington, rétabli dans son fauteuil par l?administration Clinton d?octobre 1994 à février 1996, réélu à la tête de son pays à la fin de 2000, après une parenthèse de quatre ans (la Constitution interdit deux mandats consécutifs), avait dû se résoudre à quitter Port-au-Prince le 29 février dernier, dans des circonstances pour le moins confuses, pour? Bangui.

Aujourd?hui encore, Aristide persiste à mettre son départ précipité d?Haïti sur le compte d?un « enlèvement » orchestré par Washington et Paris, ce que les deux capitales démentent. Les Américains assurent qu?il est parti de son plein gré, après avoir signé une lettre de démission en bonne et due forme. « On m?a fait croire que je devais me rendre à une conférence de presse, mais je me suis retrouvé à l?aéroport. Ils m?ont drogué, et ils en ont profité pour me faire signer n?importe quoi, avant de me pousser dans un avion américain. Nous avons passé vingt heures à bord pour rallier Bangui », aurait ainsi confié, selon une bonne source, l?ancien curé de l?église Saint-Jean-Bosco au président de la Commission de l?Union africaine, Alpha Oumar Konaré, le 9 mars dernier.

Dans le secret d?une dépendance du palais présidentiel de Bangui, où il se trouvait, il aurait également expliqué que les Américains l?auraient subrepticement privé des agents [fournis par une société californienne] chargés de sa sécurité personnelle. Dix-neuf d?entre eux lui auraient ainsi avoué que « des responsables américains » leur auraient intimé l?ordre, à la veille de sa chute, de quitter « immédiatement » Haïti. Il a ajouté que vingt-cinq autres gardes du corps américains, appelés pour renforcer sa sécurité, alors que les rebelles s?approchaient de la capitale, n?ont pas reçu l?autorisation de quitter les Etats-Unis. Aristide et son épouse, qui est juriste et citoyenne des États-Unis, envisagent de déposer une plainte devant les tribunaux américains.

Dans le pays même, la tension est toujours persistante, et pro- et anti-Aristide sont prêts à en découdre. Ancien fonctionnaire de l?Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), à Vienne, le Premier ministre, Gérard Latortue, 69 ans, a formé, le 17 mars, un cabinet restreint de dix-neuf membres (13 ministres et 6 secrétaires d?État), dont trois femmes, au sein duquel ne figure aucun partisan du président déchu. Parmi les personnalités les plus connues, on peut citer l?ancien général Hérard Abraham, 63 ans, nommé à la tête d?un grand ministère de l?Intérieur et de la Sécurité, Yvon Siméon, 66 ans, ancien professeur d?économie à l?Université de Libreville, au Gabon, nouveau chef de la diplomatie haïtienne, tandis que le ministère de l?Économie et des Finances revient à Henri Bazin,70 ans, qui a fait l?essentiel de sa carrière à l?ONU. Un gouvernement de technocrates sexagénaires que ni la Caricom ni le Venezuela du président Chávez ne reconnaissent?


Francis Kpatindé



Le tout nouveau ministre haïtien des Affaires étrangères n’est pas un inconnu pour les lecteurs de Jeune Afrique/l’intelligent. Nous l’avons reçu dans nos locaux le 13 février dernier, au plus fort de la (brève) guerre civile haïtienne pour un entretien dont l’essentiel a été publié dans notre livraison du 22 au 28 février (J.A.I. n° 2250). Économiste de formation, Yvon Siméon, 66 ans, est sans doute le plus « africain » des membres du nouveau gouvernement formé le 17 mars par le Premier ministre Gérard Latortue. Il a vécu dans de nombreux pays d’Afrique centrale, notamment au Gabon, où il a contribué à la création de l’Université de Libreville, mais aussi dans ce qui s’appelait alors le Zaïre et au Cameroun. Taille moyenne, énergique, le verbe haut et châtié, Yvon Siméon a également exercé dans la diplomatie de son pays. Il a ainsi représenté Haïti auprès de l’Union européenne et du royaume de Belgique. Proche d’Aristide au début des années 1990, il s’en était vite éloigné, au point de devenir l’un des opposants les plus irréductibles à son régime. Il y a encore quelques semaines, il était responsable pour l’Europe de la Convergence démocratique haïtienne, un des mouvements de l’opposition républicaine.


Francis Kpatindé


 


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23 février 2004


Yvon Siméon



Responsable pour l’Europe de la Convergence démocratique haïtienne (opposition)

Ancien professeur à l’université de Libreville (Gabon) et ex-représentant d’Haïti, notamment auprès de l’Union européenne et du royaume de Belgique, cet économiste aujourd’hui installé en France revient sur la crise dans son pays.



Jeune Afrique/l’intelligent : Haïti bascule dans la guerre civile, peu après avoir commémoré le bicentenaire de son indépendance…


Yvon Siméon : La tragédie actuelle tient pour beaucoup à la personnalité d’Aristide, à ses méthodes de gouvernement et à la nature




même de son régime. Voilà un homme qui se défie du suffrage universel, pourchasse ses adversaires, concentre entre ses mains la totalité des prérogatives constitutionnelles. Pis : lorsque, par extraordinaire, des élections se tiennent, Aristide s’empresse d’en inverser les résultats. Ce fut le cas lors des législatives de mai 2000. Les observateurs internationaux ont protesté. Ils lui ont même suggéré d’organiser un second tour de scrutin. Mais, au lieu de saisir cette occasion, il a préféré proclamer immédiatement la victoire de ses partisans. Dans la foulée, en novembre 2000, il s’est fait réélire à la magistrature suprême, avec la complicité d’une commission électorale à sa dévotion, au terme d’une consultation boycottée par l’opposition.


J.A.I. : Depuis les législatives, l’opposition refuse toute discussion avec le pouvoir…

Y.S. : Peut-on négocier avec un homme dont l’unique ambition est de rester au pouvoir ? Aristide n’a nulle envie de trouver un compromis avec nous. Il veut conserver son fauteuil et continuer de s’enrichir, avec le concours des cabinets de conseil en communication américains.

J.A.I. : Parmi ses soutiens étrangers, il y a le Black Caucus, qui regroupe les élus noirs du Congrès américain…

Y.S. : Savez-vous comment on appelle les membres du Black Caucus en Haïti ? Les « Blacks coquins ». Ils sont acquis à Aristide et sont grassement rémunérés pour cela. Certains d’entre eux ont même proposé leurs services à quelques leaders de l’opposition, qui ont, bien entendu, décliné l’offre. Comment des parlementaires d’un pays démocratique peuvent-ils soutenir un homme impliqué dans des assassinats politiques et le trafic de drogue ?

J.A.I. : Avez-vous des preuves de ces allégations ?

Y.S. : Ce ne sont pas des allégations, mais des faits avérés et connus des Haïtiens, des ambassadeurs étrangers accrédités à Port-au-Prince et de l’ONU. Des navires colombiens mouillent à longueur d’année sur nos côtes pour charger de la cocaïne en direction, notamment, de l’Amérique du Nord. Les témoignages ne manquent pas. Par ailleurs, Haïti est, à ma connaissance, le seul pays au monde où des criminels vont à la télévision à visage découvert pour annoncer qu’ils vont assassiner quelqu’un, mettent leur menace à exécution, puis reviennent sur le plateau, une fois leur forfait accompli, pour en informer la nation. Cela s’est passé une bonne dizaine de fois ces dernières années.

J.A.I. : La classe politique haïtienne, toutes tendances confondues, n’est-elle pas responsable du chaos actuel ?

Y.S. : Aristide n’est pas l’unique responsable de nos malheurs. Ceux d’entre nous – c’est mon cas – qui l’ont soutenu à ses débuts doivent faire leur mea-culpa.

J.A.I. : Aristide est resté populaire au sein de certaines couches très modestes…

Y.S. : C’est ce que prétendent les agences qui s’occupent de son image à l’étranger. En réalité, ses sorties publiques sont préparées longtemps à l’avance. Il réquisitionne les cars, met à demeure les fonctionnaires d’y participer sous peine de sanctions, distribue de l’argent à tire-larigot. Chaque manifestant reçoit ainsi 50 gourdes [0,91 euro], une petite fortune dans un pays comme Haïti.

J.A.I. : Que pensez-vous de ceux qui ont choisi de renverser Aristide par les armes ?

Y.S. : L’opposition est composite, mais nous sommes pour la plupart des non-violents. Pour autant, nous ne combattrons pas ceux qui ont pris les armes contre Aristide. Il n’y a pas que des voyous au sein de la rébellion, il y a également ceux qui en ont marre de la répression et de l’état lamentable dans lequel se trouve notre pays.

J.A.I. : Vous ne dénoncez donc pas le recours à la lutte armée ?

Y.S. : Non ! Mieux, on la comprend. Il ne faut pas oublier que la plupart des garçons qui composent le Front de résistance révolutionnaire de l’Artibonite étaient, il n’y a pas longtemps encore, des nervis d’Aristide. Ce sont des compatriotes qui, le moment venu, devront rendre des comptes à la justice s’ils se sont rendus coupables d’actes répréhensibles.

J.A.I. : Que veut au juste l’opposition ?

Y.S. : Rétablir l’État, mettre en place des institutions démocratiques et modernes, organiser des élections pluralistes et transparentes. Tout cela passe, bien entendu, par le départ d’Aristide.


Propos recueillis par Francis Kpatindé



Haïti, le devoir de solidarité
PAR DOMINIQUE DE VILLEPIN *
[17 mars 2004]
Une fois encore dans sa longue histoire, Haïti connaît l’épreuve. La France veut agir à ses côtés car Haïti, qui est aux portes de nos départements d’outre-mer, qui partage notre langue et nous est lié par une histoire commune, a besoin de notre aide et de notre soutien. Ce pays est riche de talents et de promesses, mais il demeure depuis trop longtemps une terre de sous-développement et de misère. Face à cette crise, nous avons un devoir de solidarité. Et c’est la raison pour laquelle la France se mobilise.
A quoi avons-nous assisté ces derniers mois en Haïti ? D’abord, les autorités politiques ont remis en cause, dans l’exercice de leur pouvoir, la plupart des libertés démocratiques. L’assemblée législative qui achevait son mandat le 12 janvier 2004 n’a pas été renouvelée. Dans le même temps, les responsables haïtiens, au lieu de créer les conditions de sécurité nécessaires à l’organisation d’élections, armaient leurs partisans pour faire régner la terreur. Le pouvoir judiciaire était mis sous tutelle, la police nationale empêchée de mener sa mission.
Ce constat, nous n’avons pas été les seuls à le faire. Dans son rapport sur la situation en Haïti, le secrétaire général de l’OEA, Cesar Gaviria, notait l’absence de suivi par le gouvernement des mesures proposées par la communauté internationale pour assurer la sécurité du processus politique et électoral. Au même moment, à l’issue d’une mission pour le compte de la Commission des droits de l’homme, le magistrat français Louis Joinet constatait qu’en Haïti «l’état d’impunité se substitue toujours plus à l’Etat de droit».
Comment s’étonner alors que ces méthodes aient conduit au blocage de tout dialogue politique ? Le pays entier s’est trouvé, depuis le début de cette année, en proie au chaos, aux pillages, à la désolation. L’escalade de la violence menaçait d’échapper à tout contrôle. L’ensemble de la communauté internationale était concerné. Il était de son devoir de mettre le président Aristide face à ses responsabilités.
C’est bien cet objectif qui a inspiré l’action de la France. Notre pays s’est voulu fidèle à une double exigence : s’en tenir à la légalité internationale, affirmée notamment dans la charte des Nations unies et dans celle de l’Organisation des Etats américains, et prendre en compte la réalité d’un engrenage qui conduisait à la guerre civile. Face au chaos, nous avons appelé au dialogue entre toutes les parties haïtiennes, avant de proposer, devant la menace d’une crise humanitaire, l’envoi d’une force de paix internationale. Devant l’impasse, nous avons demandé aux autorités de Haïti de tirer les conséquences de la situation qu’elles avaient elles-mêmes créée. Cet appel n’a pas été vain : M. Aristide a annoncé sa démission le 29 février et, conformément à la Constitution du pays, le président de la Cour de cassation a été désigné et investi comme président intérimaire. Le droit était ainsi respecté et la voie ouverte pour une transition réellement démocratique.
Aujourd’hui, nous devons soutenir le processus politique qui s’est mis en place. Conformément au plan proposé par la Caricom, un comité de sages a désigné un nouveau premier ministre, M. Gérard Latortue ; cette nomination a été accueillie avec satisfaction dans l’ensemble du pays. La communauté internationale doit maintenant conforter le gouvernement d’union nationale en voie de se constituer. C’est tout le sens de la résolution 1529 adoptée, le jour du départ de l’ancien président Aristide, par le Conseil de sécurité des Nations unies. Cette décision engage tous les membres de la communauté internationale à contribuer au retour à la paix en Haïti. En particulier, les pays qui accueillent M. Aristide doivent veiller au strict respect du devoir de réserve par l’ancien président haïtien.
Nous devons aller plus loin pour éviter que ne se répètent les erreurs du passé qui ont tant coûté à Haïti. Aujourd’hui, les Nations unies doivent agir avec une vision à long terme de l’avenir de la République haïtienne. Ce n’est qu’en prenant en compte les problèmes de fond de ce pays que nous pourrons asseoir un développement économique et social durable et doter Haïti d’un système politique solide et accepté par tous.
Aidons le peuple haïtien à retrouver le chemin de la confiance. Il faudra du temps, de la patience et, surtout, du respect pour permettre l’émergence d’une vie politique apaisée et tolérante. A cette fin, nous devons encourager les forces politiques haïtiennes à se mettre d’accord sur un calendrier électoral crédible prenant en compte la situation sur le terrain et la nécessité d’une vraie réconciliation.
Dès à présent, la communauté internationale doit soutenir le processus politique en matière de sécurité, de justice et de développement.
Le rétablissement de la sécurité est une priorité. Lui seul permettra le retour à une activité normale dans le pays. Le Conseil de sécurité a décidé, dans le cadre de la résolution 1529, l’envoi d’une force multinationale à titre intérimaire pour ramener la sécurité et l’ordre. Cette force achève son déploiement ; la France y participe à hauteur de près de 800 hommes. Cette première intervention fera place, d’ici à trois mois, à une force de stabilisation des Nations unies chargée de créer les conditions d’une sécurité durable. La France est prête à prendre sa part aussi dans cette future force, avec un double objectif : aider d’abord la police haïtienne à retrouver autorité et crédibilité à travers l’assistance technique et la fourniture d’équipements indispensables ; contribuer ensuite au désarmement des bandes armées. La force des Nations unies devra mener une action persévérante dans ce domaine, en appui aux autorités haïtiennes.
Le retour de la justice constitue la deuxième priorité pour l’avenir d’Haïti. Cela suppose de ne pas accepter l’impunité pour les responsables des exactions passées et leurs commanditaires. La surveillance rigoureuse du respect des droits de l’homme s’impose sans délai, en coordination avec la Commission des droits de l’homme de Genève qui doit ouvrir rapidement un bureau en Haïti. Parallèlement, la communauté internationale doit veiller à l’instauration d’une autorité judiciaire forte, compétente et indépendante. Une justice à nouveau crédible est indispensable pour rendre confiance au peuple haïtien.
Nous devons enfin relever le défi du développement économique et social à travers des programmes d’aide à long terme pour combattre la pauvreté et le sous-développement. Pour cela, il nous faut mobiliser tous les acteurs de la communauté internationale, des Etats aux bailleurs de fonds et aux institutions financières internationales, autour d’une stratégie cohérente et capable de prendre en compte l’ensemble des dimensions de la question haïtienne. Cela doit passer par une conférence internationale susceptible de rassembler toutes les bonnes volontés. Cela impliquera sans doute aussi la constitution d’un groupe de contact sur Haïti, composé des pays et organisations «amis», pour susciter l’effort à long terme indispensable au développement du pays.
Tels sont les défis que nous devons relever si nous voulons aider Haïti à sortir de la crise. La France, pour sa part, y est prête avec le souci de faire prévaloir une double exigence de solidarité et de dialogue.
Aujourd’hui, en Haïti, une page a été tournée ; il nous faut à présent aider ce pays à écrire un nouveau chapitre de son histoire. Nous devons tous nous rassembler pour assurer le redressement du pays dans la paix, la démocratie et la stabilité. Les Haïtiens n’ont que trop souffert. L’heure est à la mobilisation, à la réconciliation, à la reconstruction. Nous avons ensemble le devoir de réussir.
* Ministre des Affaires étrangères


 


Par Jean-Pierre PERRIN



Jacmel envoyé spécial


as un seul cargo dans la magnifique rade de Jacmel. Punie par «papa Doc» Duvalier qui la trouvait trop frondeuse à son goût et voulut la ruiner, la ville a été privée de son port d’où, pendant des siècles, partait le café haïtien. On ne voit pas davantage de barcasses de pêcheurs. Et, depuis longtemps, on n’aperçoit plus de yachts sur un littoral pourtant dentelé par les criques, les havres et les mouillages. La navigation est jugée ici trop dangereuse. A cause de mystérieuses embarcations qui, régulièrement, frôlent le rivage : des hors-bord avec trois ou quatre moteurs développant au moins 150 chevaux. Ils ne surgissent que la nuit. Mais il arrive qu’au matin les villageois en retrouvent certains abandonnés sur la grève. Si le littoral nord d’Haïti a été une terre à pirates, avec leur célèbre repaire de l’île de la Tortue, celui du sud, entre Jacmel et la petite ville de Marigot, est devenu la côte des narcotrafiquants. Pour une première bonne raison : Jacmel est situé en face du port de Barranquilla, en Colombie. A un millier de kilomètres de là.



500 kilos de «blanche» par mois


Depuis une dizaine d’années, une large partie du trafic de cocaïne à destination des Etats-Unis passe par Haïti. Au moins 15 %, selon les estimations officielles. La République dominicaine voisine, pourtant plus vaste et riche en infrastructures, ne compte que pour 5 %. Cela fait d’Haïti la première plaque tournante de la région. Fin février, lors de son procès à Miami, le «baron» haïtien Jacques-Baudoin Kettant reconnaissait que son réseau acheminait 500 kilos de «blanche» par mois sur le territoire américain. Se demander comment un pays aussi petit a pu devenir une plaque tournante aussi importante, c’est poser la question des complicités au sommet de l’Etat. Pourtant, le nom de Jean-Bertrand Aristide n’est apparu que récemment. Etrangement, les Etats-Unis, qui disposaient de solides preuves contre lui, dont celles accumulées par la vingtaine d’agents de la DEA (département américain de lutte contre la drogue) travaillant à Port-au-Prince, se taisaient. La défiance à son égard n’est apparue ouvertement que lors de la dernière conférence de lutte antidrogue pour l’Amérique du Sud et les Caraïbes qui s’est tenue du 20 au 24 octobre 2003 à Salvador de Bahia (Brésil). Haïti avait été le seul Etat de cette zone à n’être pas invité.


Petite ville d’environ 40 000 âmes, aux étranges maisons coloniales piquées sur de minces et hauts piliers de fonte, Jacmel ne ressemble en rien à un repaire de gangsters. La cité vit encore tournée vers son passé, dans «le charme des après-midi sans fin» dont parle l’écrivain canado-haïtien Dany Laferrière (1). Avec trois fois rien : un peu de commerce, d’agriculture, quelques services de l’Etat et une vingtaine de collèges et lycées privés, dont l’extraordinaire centre Alcibiade-Pommayrac, qui, dans l’état d’abandon absolu de l’éducation, avec des élèves de toutes classes sociales et tout en étant quasiment gratuit, réussit à approcher 100 % de réussite au bac français. Dans cette cité paisible, pas de trafiquants colombiens en vue. Même pas de seconds couteaux, ou alors fugitivement, à l’hôtel le Mirage, bouclé certains soirs de livraison. Ici, les «parrains» sont les élus locaux : Célestin Fourrel, ex-président du Sénat, nommé par Aristide, les députés Wilmet Content et Immacula Bazile, dont la voiture officielle servait à des transports répréhensibles ­ son chauffeur est en prison. Tous ont disparu un peu avant la chute d’Aristide.


Depuis sa résidence qui donne sur la baie, l’évêque de la ville, Mgr Poupard, 62 ans, n’est pas mécontent de leur départ. Adversaire résolu du dictateur défroqué, il a dû faire face aux coups montés de ses partisans. Sur les murs de la ville, des inscriptions rageuses, peintes lors des derniers événements, lui imputent les pires infamies. «La dernière grande livraison de drogue, se souvient-il, s’est produite il y a quelques mois à Lavaneau, un quartier de l’autre côté de la Grande Rivière de Jacmel. Des bateaux l’avaient amenée à proximité du rivage. Mais comme le cours d’eau était en crue, les policiers chargés de récupérer la cocaïne n’ont pas pu le franchir avec leurs voitures. Quand ils y sont parvenus, la population s’en était déjà emparée et ils ont dû bastonner les gens pour la récupérer.»



Pas de tour de contrôle


Jusqu’à la chute d’Aristide, le 29 février, le trafic à Jacmel était en plein essor. En témoigne la construction, presque achevée, d’un aéroport à la sortie de la ville, distante seulement d’une heure et demie de Port-au-Prince par la route. Pas de tour de contrôle prévue. Ni de téléphone. Mais la piste est longue de… 1 200 mètres. Et a dû coûter une jolie fortune. Car la drogue n’arrive pas que par bateaux. Des avionnettes sont aussi utilisées, de même que pour sa réexportation aux Etats-Unis. D’où des atterrissages remarqués sur certaines routes nationales, notamment la n° 1 et la n° 9. Pour dissuader les Haïtiens de les emprunter la nuit, les trafiquants ont fait courir la rumeur qu’elles étaient hantées par les zombies (fantômes d’un mort dans la croyance populaire). «On les fermait même à la circulation le temps que l’avion se pose et redécolle. Parfois, comme à Léogâne (à une trentaine de kilomètres de la capitale, ndlr), on voyait des voitures officielles venir chercher la drogue», raconte Lyonel Trouillot, un des grands écrivains haïtiens et membre du Collectif Non ­ les intellectuels hostiles à Aristide. D’où la question de la responsabilité directe de l’ex-Président dans le trafic. «De hauts responsables de la lutte antidrogue américains m’ont confié : “On ne va pas te dire qu’on est remontés jusqu’à Aristide mais on est close enough (assez près, ndlr).” C’était déjà il y a quatre ans. Le gouvernement Clinton a toléré ce trafic bien que sa destination finale soit les Etats-Unis», répond-il.


En fait, les Etats-Unis n’ont pas fermé les yeux sur les activités de celui qu’ils avaient réinstallé au pouvoir en 1994, chassant les militaires qui l’avaient renversé. «Grâce à leur système d’observation, les services américains savaient même le numéro des plaques d’immatriculation des voitures qui venaient chercher la cocaïne», résume un expert occidental détaché à Port-au-Prince. Aussi multiplient-ils les pressions sur le pouvoir. D’où quelques arrestations. «En 2003, une quarantaine, mais seulement des petits passeurs qui sont relâchés lors de l’amnistie de fin d’année, et 45 kilos de cocaïne saisis, une paille à l’échelle du trafic», ajoute-t-il. Les Etats-Unis ont fini par se fâcher. Ils ont infiltré la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) haïtienne et y disposent d’un homme, Rudi Therassan. Ils veulent surtout faire tomber Jacques-Baudoin Kettant et son frère Hector, les deux plus gros bonnets haïtiens, liés aux cartels colombiens de Medellin et de Norte del Valle. Le 13 février 2003, la BRI, sans l’aval d’Aristide, monte une opération contre Hector qui sera tué. En juin, Jacques-Baudouin tombe dans un piège qui le conduit droit dans une prison américaine. Il lui a été tendu par… Aristide lui-même, qui a cédé aux pressions américaines. Le Président est pourtant l’ami de Kettant et ce dernier est le parrain d’une des filles de l’«ex-prêtre des bidonvilles». Il sera arrêté au palais national et aussitôt transféré en Floride. Puis, le 16 octobre 2003, en parfaite violation des lois internationales, des agents de la DEA arrêtent, à l’hôtel Rancho de Port-au-Prince, un autre «parrain», Elieaubert Jasmin, dit Ed-One, qu’ils emmènent sur-le-champ à Guantanamo, puis à Miami. Craignant pour sa vie, Rudi Therassan s’est réfugié aux Etats-Unis.



Les paravents du Président


Pour échapper à une condamnation à quarante ans de prison, Jacques-Baudouin Kettant collabore avec la justice américaine. Il balance tant et plus qu’il n’écopera que de vingt-sept ans de prison. Lors du procès, il met directement en cause Aristide, assurant lui avoir versé des millions de dollars : «Soit on le payait, soit on mourrait.» Désormais, les Américains sont arrivés jusqu’au président haïtien. Tout au moins, à ses paravents : Gladys Lauture, son égérie et sa financière, Jean-Claude Jean-Baptiste, secrétaire d’Etat aux Affaires sociales, en fait son éminence grise. L’un et l’autre ont actuellement disparu. «Aristide n’est pas un vrai trafiquant mais il avait besoin de beaucoup d’argent pour se maintenir au pouvoir. Alors, il acceptait des versements mensuels des gros barons pour fermer les yeux sur leurs trafics. Quand la dictature a commencé, en 2000, l’aide internationale a chuté. Il lui fallait le fric de la drogue pour la remplacer. Cela a constitué le trésor de guerre de Lavalas (le parti qui soutient Aristide, ndlr), lui permettant de financer les centaines de gangs de chimères et de contrôler à travers eux la population», explique le même expert occidental.


Comme dans une vulgaire bataille de gangs, le coup décisif lui sera asséné par un autre trafiquant, l’ex-commissaire de police Guy Philippe, chef de l’armée du Nord, dont la rébellion, à la mi-février, a précipité la chute du dictateur. Selon le même spécialiste, Philippe a fait partie du gang des Equatoriens ­ il a fait ses études à l’académie de police de Quito de 1994 à 1996. «Lui, c’était un vrai trafiquant de came. C’était aussi un proche de l’ex-Président, et il le disait : “Mon patron, c’est Aristide.” Mais, fin 2001, le Président l’a brusquement accusé de trahison.» Confirmation de l’écrivain Lyonel Trouillot : «Guy Philippe est un mondain. Tout le monde sait que ses beaux vêtements ont été achetés avec l’argent de la drogue. Mais il n’a pas une mauvaise image. Il a été chassé par les chimères qui ne le trouvaient pas assez répressif. Aujourd’hui, les Haïtiens iraient jusqu’à cotiser pour lui s’il a besoin d’armer ses hommes.» Si l’ex-commissaire représente à ce jour l’espoir des Haïtiens, lui entend bien jouer aussi un rôle politique de premier plan. Mais les Américains, qui l’ont obligé à désarmer, ne veulent plus entendre parler d’un trafiquant de drogue, fût-il repenti, comme futur chef de l’Etat. Cela n’empêche pas l’ex-flic d’être déjà en campagne dans la perspective de prochaines élections. A Jacmel, il a reçu un accueil triomphal. A Haïti, un trafiquant va-t-il en remplacer un autre ?


(1) Le Charme des après-midi sans fin, éditions le Serpent à plumes, 1998.

Mardi, 23 mars 2004 10:42
 
L?Union Européenne annonce une pleine coopération avec le gouvernement Latortue


L?Union Européenne (UE) exprime sa volonté d?exercer une coopération étroite avec les nouvelles autorités haïtiennes . L?UE estime qu?il est nécessaire de faire la paix pour le progrès et la promotion de la démocratie.


La déclaration des Quinze s?inscrit dans la lignée des positions de solidarité exprimée par l?international face au gouvernement Alexandre/Latortue. La présidence de l?UE applaudit la formation de ce gouvernement qui remplace l?administration lavalas et exprime l?espoir qu?enfin ce processus de démocratisation et de construction d?un Etat de droit fera des progrès substantiels pour qu?Haïti sorte de l?impasse politique des dernières années et retrouve la stabilité politique tant souhaitée.


Dans cette déclaration, l?Union Européenne se dit prête à donner son appui au gouvernement et à participer à la construction d?un Etat de droit. Elle se dit disposée à contribuer à soulager la détresse du peuple haïtien par une aide humanitaire rapide et appropriée aux circonstances , étant donné que les conditions socio-économiques en Haïti se sont nettement détériorées, a-t-elle constaté.


Visiblement attentive à ce qui se fait en Haïti, l?UE note des points réjouissants dans la déclaration du premier ministre notamment l?importance de la réconciliation nationale et de sa volonté de gérer un gouvernement d?unité nationale. Selon l?organisation, la réconciliation et la coopération de tous les haïtiens sont des conditions préalables à un développement durable du pays et une amélioration du niveau de vie de tous les citoyens.


A côté de la réjouissance, l?UE se dit aussi inquiète face à la persistance de la dégradation de la sécurité en Haïti. En ce sens, elle invite tous les haïtiens à s?abstenir de toute forme de comportement violent. Dans le même temps, l?UE applaudit la décision prise par le Conseil de Sécurité des Nations Unies d?envoyer une force multinationale intérimaire et du coup encourage tous les efforts internationaux visant à sécuriser et à stabiliser le pays.


La présidence de l?UE a rendu hommage aux efforts considérables déployés , selon elle, par l

 


Le sénateur Dany Toussaint démissionne pour faciliter la transition. Ses collègues contestés s?accrochent à leurs postes


Le sénateur de l?Ouest , dissident Lavalas , Dany Toussaint , a présenté sa démission en vue ,dit-il, de faciliter la « transition politique et démocratique ». Dans sa lettre en date du 19 mars 2004 adressée au président contesté du Grand Corps , Yvon Feuillé, M. Toussaint indique que la situation actuelle requiert un « sens de l?Etat ».


Dans cette correspondance, Dany Toussaint, s?en est pris à ses pairs qui n?avaient jamais mis en garde l?ex-président Aristide contre les dérives du régime Lavalas. M. Toussaint s?est offusqué du fait que les tenants du pouvoir aristidien ont vu en lui l?homme à abattre pour ses dénonciations des violents pratiques lavalassiennes.


Cependant , les élus contestés du 21 mai et du 26 novembre 2000 entendent rester en poste pour « exercer leur mandat ». Toutefois , la tâche leur paraît ardue. Même en dehors de cette démission de Dany Toussaint, il serait difficile de parler d?exercice de pouvoir de contrôle de la chambre haute compte tenu de multiples considérations.


D?abord, avec 15 membres sur 27, le Grand Corps, sans la Chambre des Députés, n?aurait aucune marge de man?uvre par rapport à l?Exécutif et au Législatif. Le rôle des sénateurs lavalas se limiterait à des consultations auprès de certaines institutions, des visites à l?étranger, des séances de ratification d?ambassadeurs, voilà tout. Des travaux qui apporteraient peu de résultats pour le pays comparativement à ce que le fonctionnement de ce corps coûte à la nation en terme de débours généralement.


Ensuite, par rapport à la situation actuelle du pays, le maintien du Sénat poserait un problème de duplication en raison de l?existence du Conseil des Sages qui est investi lui aussi d?un pouvoir de contrôle. A l?heure actuelle, le maintien du Conseil des Sages, fruit d?un consensus national et international, semble prédominer de par sa constitution, sa configuration.


Un autre aspect de la question, la 47ème législature et le Sénat faisaient parti de la crise qui a duré plus de trois ans sous Aristide. Les contestations ont commencé à la suite des élections du 21 mai 2000.


A la lumière de tous ces éléments, le pays se retrouve maintenant à un carrefour où un choix doit être fait sur le devenir des occupants actuels du Sénat de la République. En attendant, quelque soit l?issue, Dany Toussaint plie bagage, il ne veut plus faire partie de ce parlement qui n? a été à ses yeux rien qu?une caisse de résonnance sous Jean Bertrand Aristide.


Des sénateurs contestés Lavalas continuent de défendre leurs postes malgré le départ pour l?exil de l?ancien président Jean Bertrand Aristide. Dans des déclarations faites à la presse, certains sénateurs contestés Lavalas critiquent le Conseil des Sages qui est appelé par la Commission Tripartite à exercer le contrôle du Pouvoir Exécutif.


La démission du sénateur contesté de l?Ouest complique davantage la situation pour ces membres du Grand Corps au moment où des secteurs appellent à l?adoption d?une décision politique sur ce dossier.


L?ancien sénateur du Sud-Est ,Prince Pierre Sonçon , salue la décision de Dany Toussaint . Le dissident Lavalas demande aux élus contestés encore en poste de se retirer pour faciliter la transition.


La Convergence Démocratique souhaite q?une décision politique soit prise au plus vite pour résoudre le problème posé par la présence des quatorze (14) sénateurs contestés au niveau du Législatif Haitien . La principale coalition de l?ex-Opposition fait remarquer que ces élus issus d?élections contestés ont été à l?origine de la grave crise qui a affecté le pays depuis mai 2000 jusqu?au départ de Jean Bertrand Aristide, le 29 février 2004. 


 


 Existen algunos que están tan equivocados en cuanto a los recientes acontecimientos ocurridos en Haití que no ayudan al pueblo haitiano.  Tienen el deber moral de observar los hechos y la realidad más allá de Aristide. El pueblo haitiano necesita tener gobernabilidad, una vida, que termine su miseria y la opresión. Han sufrido suficiente a lo largo de 29 años de una férrea dictadura bajo Duvalier, sangrientas dictaduras militares y la década perdida del violento desgobierno de Aristide. El pueblo haitiano ha sufrido bastante. El engaño fue mayor porque en 1990 vieron en el padre Jean Bertrand Aristide no a un político sino a un profeta. Los ?expertos? extranjeros sobre Haití han estado en la palestra presentando sus opiniones sobre la renuncia de Aristide el 29 de febrero, en audiencias en Washington y en los medios de comunicación. Tildan a Haití de ?Estado fracasado? y de ?Estado de narcotraficantes?, y buscan satanizar a Aristide o excusarle sus pecados. A menudo olvidan al pueblo haitiano.


Como si su sufrimiento no fuera suficiente, el pueblo haitiano ahora se ha convertido en una pelota de fútbol dentro de la carrera presidencial estadounidense. El senador John Kerry, el candidato demócrata, le dijo al periódico The New York Times, cuando hacía campaña en Houston, que, si hubiese sido el presidente, habría estado preparado para enviar tropas  ?inmediatamente? para salvar la presidencia de Aristide. Se ha señalado que, el mismo día, los pistoleros del partido Lavalas de Aristide le dispararon a más de 25 manifestantes pacíficos, con algunas víctimas mortales. El presidente George Bush no envió tropas para mantener a Aristide en el poder. El secretario de Estado Colin L. Powell dijo que ?francamente no hay entusiasmo? dentro de la administración de Bush en cuanto a enviar tropas o fuerzas policiales para sofocar la violencia?.


De acuerdo


Los miembros de la comisión ejecutiva de los miembros afroamericanos en el Congreso y algunos demócratas están de acuerdo con la versión de Aristide  de que fue ?secuestrado? y acusan a Washington de apoyar un ?cambio de régimen?, diciendo que de hecho fue un golpe de Estado. No toman en cuenta la carnicería que causaron los pistoleros de Lavalas, los asesinatos de haitianos inocentes y tratan de mantener a Aristide vigente como buen tema político y controversial mientras dure la temporada de elecciones.


Obviamente encantados ante la muestra de apoyo, Aristide se ha convertido en el preferido de la poco crítica Comunidad Caribeña (Caricom) y en particular del primer ministro jamaiquino, PJ. Patterson, presidente de ese organismo, quien encabeza el movimiento para beatificar a Aristide y disfruta de la oportunidad de darle una ?galleta sin manos? al presidente Bush. Orlando Marville, un respetado ex diplomático de Barbados, quien encabezó el equipo de observadores electorales de la OEA durante las disputadas elecciones parlamentarias en Haití en 2000 (la OEA concluyó que esas elecciones no fueron ?serias ni justas?), en su escrito en el diario de Barbados ?Nation?, el 14 de marzo, declara: ?Es necesario olvidar a Aristide, aunque esté en Jamaica. Él fue electo (en el 2000) en circunstancias que no habrían sido aceptables en ningún otro lugar dentro de la comunidad de Caricom y él ha polarizado al país, tirado a la calle bandas de asesinos y ha amasado una gran fortuna y empobrecido al pueblo. No es probable que represente una fuerza positiva en el futuro de Haití?.


¿Quién fue?


¿Quién derrocó a Aristide?  Estados Unidos y Francia se llevan gran parte del crédito. Aristide 


acusa a los grandes poderes. Sus cabilderos en Estados Unidos propagaron esa especie. El crédito de la salida de Aristide debe dársele a los valientes jóvenes estudiantes haitianos, algunos de los cuales murieron en marchas pacíficas de protesta. No era posible destituirlo ni llamar a un  referendo porque no había parlamento; la alternativa era marchas de protesta y miles marcharon diariamente cayendo víctimas de los secuaces de Aristide, los ?chimieres?. En Puerto Príncipe y otros pueblos y ciudades en Haití, la gente se tiró a las calles protestando pacíficamente. Aristide mismo no le hizo caso a los manifestantes que pedían su renuncia, llamándolos ?tizuits? -una pequeña minoría. Estos eran en realidad una gran mayoría y lograron paralizar el país.


Fue Aristide


En el análisis final, Aristide causó su propio derrocamiento. El pequeño cura, quien en unos años pasó de vivir en un cuarto de la escuela salesiana a una villa de altas verjas con 10 habitaciones, en los suburbios de Tabarre, logró el estatus social de burgués, precisamente la clase que él dice odiar. Junto a este cambio de morada vino un mandato arrogante, autocrático y desacertado y una dependencia de un ejército de matones. Sus odiados ?macoutes? eran conocidos como ?chimieres?.  Un joven jefe de una de las bandas de Aristide señaló en Cité Soleil: ?Somos los hijos de los ?macoutes?.


Las masivas protestas escenificadas en la capital fueron únicas. Fueron una muestra de que los haitianos de todas las clases sociales eran capaces de unirse y protestar juntos y con disciplina. Ricos y pobres, hombres, mujeres y hasta minusválidos en sillas de ruedas, caminaron durante millas, hombro con hombro, protestando contra el arbitrario mandato de Aristide y pidiendo su renuncia.


A principios de diciembre del 2003, el partido Lavalas de Aristide enfrentó a la universidad. Fue entonces cuando los estudiantes universitarios y los de las secundarias provenientes de las clases pobres y media encabezaron las protestas. Aristide estaba derrotado. Sus secuaces se hicieron más agresivos y la Policía lanzaba gases lacrimógenos contra los manifestantes. Los ?chimieres? mataron o hirieron a los estudiantes pero las protestas siguieron siendo no violentas.


?Extraordinario, verdaderamente extraordinario?, dijo un rico empresario que participaba en las marchas. Para febrero, las protestas habían paralizado el país. Entonces entró en escena la chusma. Rebeldes de mala conducta que se lucieron frente a la televisión norteamericana, francesa y británica.


Los rebeldes


El puñado de ?rebeldes? que cruzó hacia Haití desde RD perjudicó la imagen de los manifestantes no violentos. Sin embargo, esos rebeldes no eran la verdadera oposición. Eran oportunistas. Aprovecharon la creciente anarquía por toda la nación para asaltar ciudades y pueblos. La gente pobre, harta del acoso diario de los matones y ?chimieres? de Aristide, les dio la bienvenida. No podían saber del récord que tenían los rebeldes de violaciones contra los derechos humanos o su involucramiento en el tráfico de drogas.

Mucha ficción ha surgido alrededor de los ?rebeldes?.  Un encabezado en el New York Times declara: ?Los veteranos de pasadas oleadas de asesinatos están dirigiendo a los nuevos rebeldes haitianos?.


Los rebeldes eran parte de un grupo relativamente pequeño cuando emergió y eran expertos en saltar la frontera. Los mitos aumentaron tan pronto estos se adentraron violentamente en Haití. Los cabilderos de Aristide insisten en que estaban apoyados por la CIA o entrenados en RD por las fuerzas especiales del Ejército norteamericano. ?Los ?rebeldes? se ríen de eso. Alardean de que ellos podrían darle entrenamiento a las fuerzas especiales y enseñarles una que otra cosa. Los rebeldes compraron gran parte del equipo en RD. Muchos portaban rifles antiguos marca Springfield, de la Primera Guerra Mundial. Estos rifles pueden matar a un oficial de la policía 


haitiana (que está equipado con pistolas calibre 38) desde una gran distancia.


Los rebeldes habían estado atacando los puestos policiales y los pueblos en Haití durante meses y construyeron un depósito de armas en el centro del país. No eran más de una docena cuando comenzaron y su líder político, Paul Arcelin, veterano de la campaña del general Leon Cantave al otro lado de la frontera en 1964, conocían a los que podrían cruzarlos desde el lado dominicano de la frontera. En Haití se les unió un antiguo camarada a quien Aristide había sacado sin darle una pensión por los años de servicio cuando éste disolvió el Ejército.


Llegó la hora


Los rebeldes vieron su oportunidad el día en que el ejército caníbal de Aristide se le puso en contra y tomaron Gonaives. Este alzamiento en Gonaives contra Aristide fue tan exitoso que lograron cortar toda la comunicación al norte del país.


Los rebeldes utilizaron una guerra de guerrilla psicológica que hizo que los ?chimieres? y la policía huyeran de Hinche y de otros pueblos en el altiplano central. Cabo Haitiano era, en sus propias palabras ?un maíz?. El pueblo cayó apenas sin combates.


La noche del 28 de febrero, a las 11 de la noche, se regó la noticia en la capital de que Aristide había empacado sus maletas y estaba presto a huir. Aristide nunca admitiría que estaba huyendo. Esto destruiría su fama de líder. ¿No había dicho que moriría en palacio? Cuando sus partidarios en Cité Soleil supieron que él había huido, dijeron inmediatamente, ?lo secuestraron?.  Aristide no es un gobernante valiente. Vivía con miedo de que lo asesinaran; tenía un contrato multimillonario con una compañía de seguridad norteamericana para que lo protegieran. Se fue de Haití por miedo.


Seguridad garantizada


Kenn Kurtz, principal ejecutivo la Fundación Steele, que proveía la seguridad de Aristide desde 1998, le dijo al periódico San Francisco Chronicle el 12 de marzo del 2004: ?Nuestro trabajo era proteger al presidente de ser asesinado, secuestrado y avergonzado. Eso hicimos?. Los reportes de que los operativos de Steele en Haití le dijeron a Aristide que no iban a poder garantizar su seguridad conforme las fuerzas rebeldes se acercaban a la capital el 29 de febrero, obligando a Aristide a huir en un avión que lo esperaba, ?son totalmente contrarios a lo que pasó en realidad?, dijo Kurtz. ?De hecho ?continuó- Steele estaba preparado para defender el palacio presidencial de los ataques si Aristide hubiese decidido quedarse, como le dijo a los guardaespaldas.  ?Aristide decidió al último minuto dirigirse hacia el aeropuerto, probablemente porque quería evitar un derramamiento de sangre conforme avanzaban los rebeldes?, dijo.


Kurtz agregó que era ?falso? que EE.UU. secuestrara a Aristide o que Steele influenciara su decisión de partir. Kurtz dijo que los guardaespaldas lo acompañaron al aeropuerto y fueron con él en el avión que salió de Haití. La imagen de tv mostrando al victorioso ?ejército caníbal? en Gonaives resultó desconcertante. Su líder, Amyot (Cubain) Metayer había sido asesinado brutalmente y las fotos de su cuerpo horriblemente mutilado enfurecieron a sus seguidores. La banda que él armó para aterrorizar a sus oponentes volvió para perseguirlo.


A los cabilderos de Aristide les encanta señalar la blanca tez del empresario haitiano Andre Apaid, quien tuvo el valor de denunciarlo durante las marchas de protestas debido a sus excelentes conocimientos del idioma inglés. Lo acusan de haber nacido en Norteamérica. La esposa de Aristide es norteamericana. Había miles de personas como Apaid, pero no podían hablar frente a las cámaras de tv norteamericanas. Los bien pagados cabilderos de Aristide pasan por alto las muchas peticiones que se han hecho para que Aristide renunciara, desde todos los niveles de la sociedad.


Cualquiera que viajara por Haití fue testigo de que la gente estaba harta de Aristide y de la  inseguridad. Sus ?chimeres? estaban especializados en drogas, robos de carros, secuestros, asaltos en las carreteras y todo tipo de bandidaje. Cuando Aristide descubrió que no podía intimidar a la prensa, sus partidarios en Lavalas obligaron a las estaciones de radio a salir del aire, mataron, hirieron y obligaron a tres docenas de periodistas a irse al exilio. También comenzó a comprar estaciones de radio y televisión. ¿Quién fue el autor intelectual de la estrella radial Jean Dominique?  No se terminó nunca una investigación sobre los asesinados durante el gobierno de Aristide.


 Pasó en el 96


 Un incidente me preocupó sobre Aristide cuando éste regresó al poder. Sucedió el 19 de enero de 1996, dos días después de que los miembros del ?ejército rojo? (l?armée rouge), una de las bandas originales suyas en Cité Soleil, atacaran una patrulla policial. Aristide fue a Cité Soleil junto a oficiales policiales para reconciliarlos con los atacantes. La oficial policial Marie-Christine Jeune, de 19 años, una de las primeras mujeres en graduarse de la nueva academia policial, rehusó darle la mano a los miembros de la banda. Exactamente dos meses después, el 19 de marzo, su cuerpo fue encontrado en el camino de Freres. La habían torturado y violado.


Antes y después de la salida de Aristide,  Lavalas atacó empresas e industrias de sus opositores. Solían forzar las puertas y verjas e invitaban a la gente a saquear y quemar esos lugares. Más de 400 millones de dólares en daños, pero lo peor es que su rastro de destrucción privó a los haitianos pobres de sus empleos. El desastre que Aristide dejó en Haití tomará años componer. El secretario general de la ONU, Kofi Annan dijo el 8 de marzo: ?No se trata de un año ni siquiera de 10 años. Tomará mucho más tiempo, 10 años o más, y debemos ser pacientes?. Es una ironía y Haití está lleno de ironías. Cuando las tropas estadounidenses llevaron a Aristide de nuevo al poder, éste disolvió las fuerzas armadas haitianas y exigió que las tropas estadounidenses desarmaran a las fuerzas que apoyaron el golpe. Estados Unidos gastó millones para preparar la nueva fuerza policial. Una vez más, las fuerzas estadounidenses están en Haití y su trabajo estas vez es desarmar el ejército de matones de Aristide. Y pensábamos que Papa Doc era maquiavélico.


DOSSIER


La Clave


Pasado


Jean Bertrand Aristide, un ex sacerdote salesiano, ganó los comicios de 1990. Fue derrocado por Raoul Cedras en 1991 y repuesto en el cargo cuando Estados Unidos envió 20,000 soldados a Haití en 1994. En 1995, Aristide eliminó el Ejército y estableció en su lugar una fuerza policial de 5,000 efectivos para lidiar con disturbios. Aristide nació en una zona rural de la población sureña de Port Salut. Su padre, un campesino, fue linchado cuando el actual mandatario era un bebé. A los 6 años de edad Aristide fue albergado por sacerdotes de la Orden Salesiana.


El Dato


Controversia


La partida de Aristide al exilio en la República Centroafricana el 29 de febrero ha estado rodeada de controversia: el gobierno interino haitiano y Estados Unidos aseguran que el ex mandatario se fue del país luego de renunciar, pero Aristide asegura que fue derrocado por un golpe de Estado orquestado por Estados Unidos y respaldado por Francia.


La Cita


Por su cuenta Adam Ereli, portavoz del Departamento de Estado.
“Aristide renunció, su carta de renuncia es reconocida, Caricom (la Comunidad del Caribe) ha indicado que está trabajando con el nuevo gobierno.


Panorama


Nada que temer Aristide aseguró la semana pasada en Kingston que “no hay nada que temer” por su presencia en Jamaica porque sólo busca la paz en la vecina Haití.  “Quiero la paz para Jamaica, para el Caribe y para todo el mundo, en todas partes. Quiero ser parte del proceso de promover la paz”, dijo Aristide en un comunicado difundido por su portavoz en Jamaica, Huntley Medley. Aristide almorzó el miércoles pasado en St. Ann con el primer ministro jamaiquino, Percival Patterson, a quien aseguró que nunca aprovecharía la hospitalidad que le otorgó esta isla caribeña “para hacer cualquier cosa política o que dañe el proceso de paz en mi amado país de Haití”.



Le nouveau premier ministre haïtien, Gérard Latortue, a formé un gouvernement de  treize membres, dont trois femmes, largement composé de technocrates souvent proches de l’ex-opposition au président déchu Jean-Bertrand Aristide, a annoncé mardi soir le ministre sans portefeuille Robert Ulysse.


Nommé à la tête du ministère de l’intérieur, des collectivités territoriales et de la sécurité nationale, Gérard Abraham, 63 ans, est un ancien chef de l’armée de 1988 à 1991, doté d’une personnalité modérée et connu pour son caractère légaliste.


Il avait permis par sa neutralité, en décembre 1990, l’élection de Jean-Bertrand Aristide à la présidence et s’était opposé, en janvier 1991, à une tentative de coup d’Etat de l’ancien chef des “tontons macoutes” (milice populaire de la dictature des Duvalier) Roger Lafontant contre le nouveau président élu.


Bernard Gousse, 45 ans, qui dirigera le ministère de la justice et de la sécurité publique, a hérité d’un portefeuille important en raison du problème de l’impunité qui est dénoncé comme un fléau permanent par la population. M. Gousse est un avocat et un professeur de droit formé en Haïti et en France. Il était doyen de la faculté de droit de l’université Kiskéya, une prestigieuse université privée de la capitale haïtienne.


Placé à la tête des affaires étrangères, des cultes et des Haïtiens vivant à l’étranger, Yvon Siméon, 66 ans, est un professeur et économiste spécialisé en relations internationales formé en Haïti et en France, qui a fait une grande partie de sa carrière en Afrique, notamment au Gabon, de 1968 à 1978.


Rentré en Haïti après la chute de la dictature (1986), il a été administrateur à la Banque nationale de crédit  en 1987  et 1988, puis chargé d’affaires à l’ambassade d’Haïti à Paris et à Bruxelles en 1989 avant de s’établir économiste-consultant à Paris en micro et macro-économie.


Le ministère-clé de l’économie et des finances échoit à Henri Bazin, 70 ans. C’est un économiste formé en Haïti et en France, spécialiste du tiers-monde, qui a fait une grande partie de sa carrière aux Nations unies à Genève, en Ethiopie et à New York.


Président de l’Association des économistes haïtiens, il a récemment publié un ouvrage prônant une modernisation du secteur privé haïtien, qui doit, selon lui, “assumer un certain nombre de responsabilités sociales”.


Avec AFP






PAR DOMINIQUE DE VILLEPIN * 


Une fois encore dans sa longue histoire, Haïti connaît l’épreuve. La France veut agir à ses côtés car Haïti, qui est aux portes de nos départements d’outre-mer, qui partage notre langue et nous est lié par une histoire commune, a besoin de notre aide et de notre soutien. Ce pays est riche de talents et de promesses, mais il demeure depuis trop longtemps une terre de sous-développement et de misère. Face à cette crise, nous avons un devoir de solidarité. Et c’est la raison pour laquelle la France se mobilise.


A quoi avons-nous assisté ces derniers mois en Haïti ? D’abord, les autorités politiques ont remis en cause, dans l’exercice de leur pouvoir, la plupart des libertés démocratiques. L’assemblée législative qui achevait son mandat le 12 janvier 2004 n’a pas été renouvelée. Dans le même temps, les responsables haïtiens, au lieu de créer les conditions de sécurité nécessaires à l’organisation d’élections, armaient leurs partisans pour faire régner la terreur. Le pouvoir judiciaire était mis sous tutelle, la police nationale empêchée de mener sa mission.

Ce constat, nous n’avons pas été les seuls à le faire. Dans son rapport sur la situation en Haïti, le secrétaire général de l’OEA, Cesar Gaviria, notait l’absence de suivi par le gouvernement des mesures proposées par la communauté internationale pour assurer la sécurité du processus politique et électoral. Au même moment, à l’issue d’une mission pour le compte de la Commission des droits de l’homme, le magistrat français Louis Joinet constatait qu’en Haïti «l’état d’impunité se substitue toujours plus à l’Etat de droit».

Comment s’étonner alors que ces méthodes aient conduit au blocage de tout dialogue politique ? Le pays entier s’est trouvé, depuis le début de cette année, en proie au chaos, aux pillages, à la désolation. L’escalade de la violence menaçait d’échapper à tout contrôle. L’ensemble de la communauté internationale était concerné. Il était de son devoir de mettre le président Aristide face à ses responsabilités.

C’est bien cet objectif qui a inspiré l’action de la France. Notre pays s’est voulu fidèle à une double exigence : s’en tenir à la légalité internationale, affirmée notamment dans la charte des Nations unies et dans celle de l’Organisation des Etats américains, et prendre en compte la réalité d’un engrenage qui conduisait à la guerre civile. Face au chaos, nous avons appelé au dialogue entre toutes les parties haïtiennes, avant de proposer, devant la menace d’une crise humanitaire, l’envoi d’une force de paix internationale. Devant l’impasse, nous avons demandé aux autorités de Haïti de tirer les conséquences de la situation qu’elles avaient elles-mêmes créée. Cet appel n’a pas été vain : M. Aristide a annoncé sa démission le 29 février et, conformément à la Constitution du pays, le président de la Cour de cassation a été désigné et investi comme président intérimaire. Le droit était ainsi respecté et la voie ouverte pour une transition réellement démocratique.

Aujourd’hui, nous devons soutenir le processus politique qui s’est mis en place. Conformément au plan proposé par la Caricom, un comité de sages a désigné un nouveau premier ministre, M. Gérard Latortue ; cette nomination a été accueillie avec satisfaction dans l’ensemble du pays. La communauté internationale doit maintenant conforter le gouvernement d’union nationale en voie de se constituer. C’est tout le sens de la résolution 1529 adoptée, le jour du départ de l’ancien président Aristide, par le Conseil de sécurité des Nations unies. Cette décision engage tous les membres de la communauté internationale à contribuer au retour à la paix en Haïti. En particulier, les pays qui accueillent M. Aristide doivent veiller au strict respect du devoir de réserve par l’ancien président haïtien.

Nous devons aller plus loin pour éviter que ne se répètent les erreurs du passé qui ont tant coûté à Haïti. Aujourd’hui, les Nations unies doivent agir avec une vision à long terme de l’avenir de la République haïtienne. Ce n’est qu’en prenant en compte les problèmes de fond de ce pays que nous pourrons asseoir un développement économique et social durable et doter Haïti d’un système politique solide et accepté par tous.

Aidons le peuple haïtien à retrouver le chemin de la confiance. Il faudra du temps, de la patience et, surtout, du respect pour permettre l’émergence d’une vie politique apaisée et tolérante. A cette fin, nous devons encourager les forces politiques haïtiennes à se mettre d’accord sur un calendrier électoral crédible prenant en compte la situation sur le terrain et la nécessité d’une vraie réconciliation.

Dès à présent, la communauté internationale doit soutenir le processus politique en matière de sécurité, de justice et de développement.

Le rétablissement de la sécurité est une priorité. Lui seul permettra le retour à une activité normale dans le pays. Le Conseil de sécurité a décidé, dans le cadre de la résolution 1529, l’envoi d’une force multinationale à titre intérimaire pour ramener la sécurité et l’ordre. Cette force achève son déploiement ; la France y participe à hauteur de près de 800 hommes. Cette première intervention fera place, d’ici à trois mois, à une force de stabilisation des Nations unies chargée de créer les conditions d’une sécurité durable. La France est prête à prendre sa part aussi dans cette future force, avec un double objectif : aider d’abord la police haïtienne à retrouver autorité et crédibilité à travers l’assistance technique et la fourniture d’équipements indispensables ; contribuer ensuite au désarmement des bandes armées. La force des Nations unies devra mener une action persévérante dans ce domaine, en appui aux autorités haïtiennes.

Le retour de la justice constitue la deuxième priorité pour l’avenir d’Haïti. Cela suppose de ne pas accepter l’impunité pour les responsables des exactions passées et leurs commanditaires. La surveillance rigoureuse du respect des droits de l’homme s’impose sans délai, en coordination avec la Commission des droits de l’homme de Genève qui doit ouvrir rapidement un bureau en Haïti. Parallèlement, la communauté internationale doit veiller à l’instauration d’une autorité judiciaire forte, compétente et indépendante. Une justice à nouveau crédible est indispensable pour rendre confiance au peuple haïtien.

Nous devons enfin relever le défi du développement économique et social à travers des programmes d’aide à long terme pour combattre la pauvreté et le sous-développement. Pour cela, il nous faut mobiliser tous les acteurs de la communauté internationale, des Etats aux bailleurs de fonds et aux institutions financières internationales, autour d’une stratégie cohérente et capable de prendre en compte l’ensemble des dimensions de la question haïtienne. Cela doit passer par une conférence internationale susceptible de rassembler toutes les bonnes volontés. Cela impliquera sans doute aussi la constitution d’un groupe de contact sur Haïti, composé des pays et organisations «amis», pour susciter l’effort à long terme indispensable au développement du pays.

Tels sont les défis que nous devons relever si nous voulons aider Haïti à sortir de la crise. La France, pour sa part, y est prête avec le souci de faire prévaloir une double exigence de solidarité et de dialogue.

Aujourd’hui, en Haïti, une page a été tournée ; il nous faut à présent aider ce pays à écrire un nouveau chapitre de son histoire. Nous devons tous nous rassembler pour assurer le redressement du pays dans la paix, la démocratie et la stabilité. Les Haïtiens n’ont que trop souffert. L’heure est à la mobilisation, à la réconciliation, à la reconstruction. Nous avons ensemble le devoir de réussir.

* Ministre des Affaires étrangères.


Originally: Le chef des insurgés a manipulé les autorités en place et la presse internationale.


Posté le: mardi 16 mars 2004 
( Le Figaro )—Jean-Bertrand Aristide a-t-il fui son pays, dans la nuit du 28 au 29 février, devant une troupe de 60 rebelles armés de 17 armes, qui menaçaient de prendre la capitale d’Haïti en bluffant complètement sur leurs forces réelles, aussi bien les journalistes que les diplomates de l’ambassade des Etats-Unis en poste à Port-au-Prince ?


C’est la version de Jean Robert Lalanne, le chef de « l’armée du Nord », qui nous a expliqué que l’opération de Guy Philippe avait été une « énorme manipulation » et « une grande imposture ».


En résumé, les diplomates américains auraient fait fuir Aristide, car ils pensaient sincèrement que le chef des rebelles Guy Philippe était à la tête de plusieurs milliers d’hommes, et d’un arsenal capable de mettre Port-au-Prince à feu et à sang. Pour éviter des affrontements meurtriers, ils auraient alors embarqué Aristide manu militari vers une destination d’exil – Bangui -, décidée au dernier moment, avec l’active complicité du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin.


« Les Américains se sont complètement fait avoir par Guy Philippe », affirme Jean-Robert Lalanne, en expliquant que le chef des rebelles est arrivé de la République dominicaine avec « un ou deux pistolets », et qu’il est entré dans la ville des Gonaïves sans armes et sans rencontrer la moindre résistance, puisque les policiers avaient alors déserté leurs postes devant les forces rebelles locales, commandées alors par un chef de gang sans envergure. Le même scénario s’est reproduit peu après au Cap haïtien, la seconde ville du pays.


C’est huit jours avant la chute d’Aristide que les diplomates américains à Port au Prince auraient établi un contact téléphonique avec Guy Philippe et se seraient fait convaincre par l’habile bluffeur qu’il disposait d’un millier d’hommes superbement armés par ici, de 2000 autres par là… Jusqu’à cet instant, les Américains avaient effectué les pires pressions sur l’opposition pour qu’elle travaille avec Aristide. Mais, soudain, il n’était plus temps de discuter : la menace sur Port-au-Prince était réelle… !


Les leçons de cette farce – qui se termine bien, puisque Haïti grâce au culot de Guy Philippe a été débarrassé de l’un des pires dictateurs de sa longue histoire – sont terribles aussi bien pour les Américains que pour les journalistes internationaux.


Pour les Américains, Haïti est une nouvelle démonstration de l’indigence de leurs renseignements, qui reposent trop exclusivement sur l’électronique high tech, et pas sur des hommes capables d’aller se renseigner en allant sur le terrain. Dans un pays du tiers-monde comme Haïti, les écoutes de la National Security Agency (NSA) n’ont guère d’intérêt…


Pour toute la presse internationale qui a repris les communiqués menaçants de Guy Philippe sans vérifications ni recul, faisant gronder la perspective d’un ouragan de feu imminent sur Port-au-Prince, la gifle n’est pas moins cuisante.


A la seule décharge des dindons de cette farce, 70 000 Haïtiens écoeurés par Aristide avaient défilé dans les rues du Cap, et presque autant à Port-au-Prince, cela avant la chute du dictateur, donnant le sentiment bien réel que le pouvoir, gangrené comme un fruit pourri, était à prendre d’une simple pichenette. C’est ce que Guy Philippe a très adroitement exploité. Mais, en entrant à Port-au-Prince, avec ses maigres forces, il a commis une énorme faute : il a soudain dessillé les yeux des Américains, révélant son indigente faiblesse. Le voici, tel le roi nu, obligé de courir les provinces de son pays, au jour le jour, pour tenter de se constituer, enfin, une troupe digne de ce nom…


Il n’est pas prêt de réussir. Car, même s’il mérite un titre de général pour son génie tacticien, Guy Philippe se retrouve cette fois devant 1 600 Marines, et une administration américaine qui ne lui pardonnera pas son audace de sitôt !
 
 



Haïti s’est doté mardi 9 mars d’un nouveau premier ministre, Gérard Latortue, dont la tâche s’annonce particulièrement ardue dans un climat persistant de tension, en dépit d’une présence accrue de troupes étrangères.


Agé de 69 ans, M.

Latortue est un avocat et économiste qui, après ses études en France et en Haïti, a effectué la majeure partie de sa carrière à l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi).


Son expérience de la politique haïtienne est en revanche très limitée. Il a occupé le poste de ministre des affaires étrangères sous la présidence de Leslie Manigat et a quitté Haïti lors du coup d’Etat militaire de 1988. Opposant d’Aristide, il a vécu en exil à Boca Raton, en Floride, où il travaillait comme consultant et animait deux fois par semaine une émission sur une chaîne de la diaspora haïtienne à Miami.


Sa nomination devrait être officialisée mercredi par le président par intérim Boniface Alexandre, qui a succédé à Jean-Bertrand Aristide, exilé en Centrafrique depuis le 1er mars.


LA FORCE INTERNATIONALE


M. Latortue a été choisi par le Comité des sages, un organisme récemment créé de sept membres représentatifs de la diversité de la société haïtienne. C’est le “résultat consensuel de longues délibérations”, a précisé l’un de de ses membres, Danièle Magloire. M. Latortue “est un homme de grande conviction, très mûr”, a estimé un autre membre, Paul-Emile Simon.


“Je suis très heureux de voir la confiance placée en moi par le Comité des sages”, a réagi Gérard Latortue. “Je voudrais rassembler tous les Haïtiens et Haïtiennes quelles que soient leur origine sociale, leur idéologie ou leur orientation politique en cette année du bicentenaire de notre indépendance.” Le nouveau premier ministre doit former un gouvernement d’ici à samedi, avec l’aide du Comité des sages.


Sa nomination intervient alors que la force internationale a encore accru sa présence dans le pays avec l’arrivée, mardi, de 194 nouveaux militaires chiliens, qui sont désormais 328 aux côtés de 1 600 Américains, 600 Français et une centaine de Canadiens.


A Port-au-Prince, pour la deuxième fois en deux jours, des marines ont ouvert le feu, tuant lundi soir un chauffeur de taxi de 31 ans. L’armée américaine a mis en cause les “intentions hostiles” apparentes du conducteur, qui n’était pas armé. En signe de protestation, des habitants ont érigé des barricades de pneus enflammés.


Dans la même zone proche de l’aéroport, cible de multiples pillages depuis plusieurs jours, une personne a été tuée mardi par balle, a constaté un journaliste de l’AFP.


DÉMISSION “FORMELLE” OU FORCÉE ?


Dans un communiqué, l’Union africaine a estimé que le départ du pouvoir du président déchu Jean-Bertrand Aristide était “anticonstitutionnel”. Cela “constitue un dangereux précédent pour toute personne élue en bonne et due forme”, précise le texte.


M. Aristide “n’a pas été forcé à partir, il n’a pas été enlevé”, a rétorqué le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell. “Il était avec ses gens, ses gardes du corps, qui lui ont dit qu’il était temps de partir. Il a acquiescé, écrit sa lettre de démission et est parti.”


Il y a bien eu “démission formelle” d’Aristide et “sa lettre de démission a été actée”, a renchéri le ministère français des affaires étrangères, en réponse à Aristide, qui affirme être toujours le “président élu” de Haïti.


Pour le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, il n’y a pas eu de “coup d’Etat” en Haïti. Lors d’un discours devant le Parlement canadien, M. Annan a plaidé pour “un engagement à long terme” de la communauté internationale. Une première équipe de l’ONU était attendue mercredi en Haïti pour préparer la mission des casques bleus qui succéderont d’ici à juin à la coalition militaire ad hoc déployée aujourd’hui en Haïti.


L’avocat français de Jean-Bertrand Aristide a néanmoins indiqué mercredi matin qu’il allait porter plainte contre l’ambassadeur de France en Haïti pour enlèvement.


L’ONU a lancé un appel urgent pour réunir 35 millions de dollars pour ce pays de 8,3 millions d’habitants. “Pour éviter plus de souffrances, les donateurs doivent répondre rapidement”, souligne un communiqué. En raison de l’insécurité, les trois quarts du pays restent toutefois inaccessibles aux organisations humanitaires. “Il n’y a pas de signe de désastre humanitaire. Il y a suffisamment de nourriture dans le pays”, a de son côté estimé le secrétaire à la défense américain, Donald Rumsfeld.


Avec AFP et Reuters


PORT-AU-PRINCE (AFP) – Le nouveau Premier ministre haïtien Gérard Latortue, venant de Miami, est attendu vers 15H00 locales à Port-au-Prince où les soldats américains ont fait usage de leurs armes dans la nuit de mardi à mercredi.


Plusieurs fusillades ont éclaté entre des Marines américains et des tireurs inconnus à Port-au-Prince, notamment dans la zone de la résidence du Premier ministre.


“Il y a eu trois attaques cette nuit, et dans les trois cas les Marines ont répondu à des tirs”, a indiqué mercredi à l’AFP, le commandant Richard Crusan, (bien Crusan), porte-parole militaire américain.


Durant l’une de ces attaques, il y a peut-être eu deux tués, mais quand les Marines sont retournés sur le lieux, il n’y avait pas de corps, a-t-il précisé.


Les forces américaines ont aussi annoncé qu’elles commenceraient mercredi en collaboration avec la police haïtienne à confisquer les armes dans les rues de Port-au-Prince.


“Nous prendrons toutes les armes que nous trouverons dans la rue”, a affirmé mardi le Colonel Mark Gurungs des Marines.


“Nous désarmerons toute personne illégalement armée”, a-t-il dit en précisant que les Haïtiens ont toujours le droit de posséder une arme chez eux.


Mardi dans le grand bidonville de Cité-soleil des jeunes armés se disaient prêts à rencontrer les Marines pour échanger leurs armes contre des aides humanitaires.


Choisi mardi par un comité de sept sages, la nomination de Gérard Latortue, 69 ans, avocat et économiste, a été simplement entérinée par le président transitoire haïtien, Boniface Alexandre qui a succédé à Jean Bertrand Aristide parti en exil le 29 février. Le président doit encore signer l’arrêté de nomination après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.


Il doit former un gouvernement d’union nationale dont la composition est espérée avant la fin de la semaine, et conduire le pays jusqu’à des élections législatives.


“Nous nous donnons jusqu’au week-end pour former le gouvernement”, a déclaré mercredi à l’AFP Paul-Emile Simon, l’un des sept sages. Quant aux élections, il ne les voit pas avant “un an et demi à deux ans”.


“L’organisation des Etats Américains (OEA) a estimé qu’il faudra un minimum de 9 mois” pour les organiser, a fait remarquer un autre membre du comité des sages, Ariel Henry.


L’opposition a considéré le choix de Gérard Latortue comme “acceptable”. Micha Gaillard, l’un des leaders de la plate-forme démocratique a ajouté à l’AFP qu’il s’agissait de la personnalité la moins marquée” parmi les candidats possibles.


“Il a la capacité de monter une équipe cohérente qui travaillera ensemble”, a expliqué Ariel Henry, ajoutant qu’il “est capable de créer un dialogue national”.


“Je suis très heureux de voir la confiance placée en moi par le Comité des Sages”, avait déclaré Gérard Latortue, interrogé par l’AFP à Miami (Floride) où il se trouvait mardi. “Je voudrais rassembler tous les Haïtiens et Haïtiennes quelles que soient leur origine sociale, leur idéologie ou orientation politique en cette année du bicentenaire de notre indépendance”, a-t-il ajouté.


De leur côté, les Nations Unies ont envoyé une première mission pour étudier le déploiement de la force multinationale de stabilité qui remplacera la force multinationale intérimaire commandée par les Américains.


Du côté de Jean Bertrand Aristide son avocat français Me Gilbert Collard a fait savoir mercredi matin qu’il allait porter plainte dans les prochains jours contre l’ambassadeur de France à Port-au-Prince, pour enlèvement, et qu’une plainte similaire devrait être déposée aux Etats-Unis contre l’ambassadeur des Etats-Unis en Haïti.








L’accueil du président haïtien déchu en Afrique du Sud “est une hypothèse fortement envisagée”, a indiqué mercredi le ministre centrafricain délégué aux Affaires étrangères, à l’issue de la visite d’une délégation sud-africaine à Bangui.


Le chef de cette délégation, le vice-ministre sud-africain des Affaires étrangères Aziz Pahad, avait auparavant indiqué à l’issue d’une rencontre avec M. Aristide n’avoir pas évoqué de date pour sa venue éventuelle à Pretoria, précisant qu’il n’était “pas sûr” que son pays accueille le président haïtien déchu.


Les membres de la délégation sud-africaine “ont dit qu’ils allaient l’aider”, a de son côté indiqué à propos de M. Aristide une source proche de la présidence centrafricaine, sans plus de précision.




Impuissantes depuis une semaine à faire cesser les déclarations fracassantes de Jean-Bertrand Aristide, les autorités centrafricaines ont opté pour une nouvelle stratégie en autorisant finalement lundi le président haïtien déchu à rencontrer la presse.


Hébergé au sein de la présidence centrafricaine et interdit de visite, en particulier de journalistes, depuis son arrivée le 1er mars, M. Aristide n’en avait pas moins multiplié les interviews par téléphone ou les “conversations” avec des proches, ensuite soigneusement rendues publiques.


Deux rappels à l’ordre du gouvernement, lui intimant de “respecter l’obligation de réserve à laquelle il est tenu” et “les règles de l’hospitalité”, étant restés sans effet, Bangui a visiblement préféré changer de stratégie.

D’autant que si M. Aristide s’en étaient pris aux seuls Etats-Unis et à la France, accusés de l’avoir enlevé, son avocat américain avait mis directement Bangui en cause vendredi en affirmant que son client n’y était pas libre de ses mouvements.

Les autorités centrafricaines qui, selon des sources concordantes, ont accepté sans enthousiasme d’accueillir le président haïtien déchu et semblent avoir dû gérer seules le comportement de celui-ci, ont donc veillé ces deux derniers jours à ce que M. Aristide corrige le tir.

Ainsi dimanche, les journalistes, dont une trentaine de la presse internationale qui pressaient depuis plusieurs jours le gouvernement pour pouvoir rencontrer M. Aristide, se voyaient conviés à une “importante déclaration”.

En fait un bref message de ce dernier: deux phrases sur un bristol du format d’un carton d’invitation remis par son épouse, lues par le ministre centrafricain des Affaires étrangères, Charles Hervé Wénézoui et proclamant notamment qu’il était “très bien accueilli” par les autorités et le peuple centrafricain.

Lundi, au cours de sa première apparition publique depuis son arrivée, M. Aristide a pris soin de démentir plus directement encore les déclarations de son avocat.

“Je n’ai jamais été prisonnier à Bangui, je ne le suis pas”, a-t-il déclaré au cours d’un point de presse organisé par les autorités et en présence de trois ministres centrafricains.

Alors que Bangui n’avait pas dissimulé son embarras concernant les accusations contre des “amis de la Centrafrique”, M. Aristide a curieusement pu maintenir, en présence de responsables centrafricains, sa thèse de “l’enlèvement politique”. Mais cette fois sans accuser nommément les Etats-Unis ni la France d’en être à l’origine.

“Il y a eu enlèvement politique, je le redis. On nous a interdit dans l’avion de regarder par le hublot. Nous avons passé quatre heures en escale sans savoir où nous étions”, a-t-il affirmé lundi.

“La seule chose qui nous préoccupe, c’est qu’il ne puisse pas gêner nos amis qui l’ont aidé”, avait déclaré, dans la semaine, le porte-parole du gouvernement Parfait M’bay, en référence à Paris et Washington.

M. Aristide ne doit “pas nuire aux intérêts du peuple haïtien, ni remettre en cause la volonté des amis de la République centrafricaine qui veulent aider le peuple haïtien à retrouver la paix”, avait également souligné M. Wénézoui.

Mais lundi, l’intéressé a tenu à rappeler qu’il est le “président démocratiquement élu (d’Haïti) et (…) le demeure”, appelant en outre “à la résistance pacifique pour restaurer l’ordre constitutionnel haïtien” et mettant en cause les “assassins” et “criminels” utilisés “par une main invisible pour semer le deuil” en Haïti.

Comme pour prouver que ses relations avec les autorités centrafricaines sont désormais au beau fixe, M. Aristide a entamé sa conférence de presse de lundi en remerciant de leur accueil le gouvernement et le peuple de Centrafrique en langue nationale sango, qu’il a dit être en train d’apprendre.


Haïti était toujours aujourd’hui le théâtre de violences, en dépit d’une présence accrue de troupes étrangères, faisant au moins deux morts en moins de 24 heures à Port-au-Prince, alors que le pays devait se doter dans l’après-midi d’un nouveau Premier ministre.

Le général à la retraite Hérard Abraham, 63 ans, et le commerçant Smarck Michel, 67 ans, ancien Premier ministre d’Aristide (1994-1995) sont les deux personnalités les plus souvent citées pour prendre ce poste. Un nouveau gouvernement devrait de son côté être annoncé samedi.


Pour la deuxième fois en deux jours, les Marines ont ouvert le feu contre des Haïtiens. Après avoir tué dimanche un Haïtien qui les menaçaient, des militaires américains ont abattu lundi soir un chauffeur de taxi de 31 ans à un barrage près de la zone industrielle jouxtant l’aéroport de Port-au-Prince.

«Il y a eu un Haïtien tué et un blessé» dans cette affaire survenue vers 20h00 locales, selon le Pentagone, qui a parlé d’une voiture arrivée au barrage américain «à très vive allure».

Une radio privée, Radio Métropole, a affirmé que la victime, à l’identité inconnue, n’avait pas respecté un ordre de s’arrêter. Les militaires ont alors ouvert le feu, tuant le chauffeur et blessant un autre occupant de la voiture.

La voiture, sous l’impact des balles, s’est enflammée et sa carcasse brûlée était encore visible mardi matin, a constaté un journaliste de l’AFP.

En signe de protestation, des habitants ont érigé mardi pendant deux heures des barricades de pneus enflammés pour bloquer la circulation. Ces barricades ont ensuite été retirées par la police haïtienne.

Dans la même zone, cible de multiples pillages depuis plusieurs jours, une personne a été tuée par balle et une autre blessée lors de violences mardi matin, a constaté un journaliste de l’AFP. Des témoins ont dit que les tirs venaient de la police, mais cette information n’a pu être confirmée.

Les Etats-Unis ont déployé 1.100 militaires en Haïti, les Français 600, les Chiliens 328 et les Canadiens une centaine.

Dans un communiqué transmis mardi à l’AFP à Addis-Abeba (Ethiopie), l’Union africaine a estimé que le départ du pouvoir du président déchu d’Haïti Jean Bertrand Aristide était «anticonstitutionnel».

«La manière anticonstitutionnelle avec laquelle le président Aristide a été retiré du pouvoir constitue un dangereux précédent pour toute personne élue en bonne et due forme», précise le communiqué.

L’ex-président séjourne en Centrafrique depuis le 1er mars, au lendemain de son départ de Port-au-Prince, sous la pression conjuguée de la rue et de plusieurs pays, France et Etats-Unis en tête.

«Il n’a pas été forcé à partir, il n’a pas été enlevé», a rétorqué le secrétaire d’Etat américain Colin Powell. «Il était avec ses gens, ses gardes du corps, qui lui ont dit qu’il était temps de partir. Il a acquiescé, écrit sa lettre de démission, et est parti», a-t-il précisé.

Il y a bien eu «démission formelle» d’Aristide et «sa lettre de démission a été actée», a renchéri le ministère français des Affaires étrangères, en réponse à Aristide qui affirme être toujours le «président élu» de Haïti, qu’il souhaite regagner.

Lors d’un discours devant le Parlement canadien, le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan a plaidé pour «un engagement à long terme» de la communauté internationale en Haïti. «Seul un engagement à long terme permettra d’aider ce pays, et d’en assurer la stabilité et la prospérité», a-t-il dit.

«L’expérience en Haïti montre comment la pauvreté, l’instabilité et la violence se nourrissent entre elles, avec des répercussions sur la région», a ajouté le secrétaire général.

L’ONU a lancé un appel urgent mardi pour réunir 35 millions de dollars pour Haïti, un pays de huit millions d’habitants. «Pour éviter plus de souffrances, les donateurs doivent répondre rapidement», souligne un communiqué.


Le président de la Cour de cassation haïtienne, Boniface Alexandre, a été investi officiellement hier comme président provisoire de la République haïtienne, en remplacement de Jean-Bertrand Aristide, parti en exil le 29 février. Par ailleurs, les avocats français et américain de l’ex-président ont annoncé hier qu’ils allaient déposer plainte contre les autorités françaises et américaines pour «enlèvement».


Jean-Bertrand Aristide a officiellement rompu le silence. Le président haïtien déchu a, hier, pour la première fois, pris la parole en public depuis son exil en Centrafrique. Une façon avant tout de tuer la rumeur courant Bangui qui le disait «prison nier» dans un appartement du palais présidentiel.


«Je ne suis pas prisonnier», a d’ailleurs immédiatement insisté l’ancien prêtre. Pour le reste, celui qui se présente toujours comme le seul «président démocratiquement élu» d’Haïti a maintenu avoir été la victime d’un «enlèvement politique». «On nous a interdit dans l’avion de regarder par le hublot», a-t-il raconté. En conséquence, il estime «demeurer président» de l’île et appelle à une «restauration de l’ordre constitutionnel» et à «une résistance pacifique» à «l’occupation».

«Je ne peux pas expliquer que les mêmes assassins, les mêmes criminels qui ont été à l’origine de la mort de plus 5 000 personnes soient utilisés aujourd’hui par une main invisible pour semer le deuil dans mon pays», a affirmé Aristide, sans plus de précision cette fois. Ces derniers jours, l’ancien chef d’Etat avait multiplié les déclarations accusant la France et les Etats-Unis d’être à l’origine des troubles qui secouent Haïti et de son éviction du pouvoir le 29 février. Washington et Paris ont vivement nié.

La Centrafrique, dirigée par le général François Bozizé, lui-même au pouvoir après avoir renversé Ange-Félix Patassé, un président démocratiquement élu mais manifestement incapable, a fini par s’agacer des petites phrases distillées par son hôte. Vendredi, le ministre des Affaires étrangères centrafricain, Charles-Hervé Wénézoui, avait rappelé à l’ordre Aristide lui intimant «de ne pas nuire aux intérêts du peuple haïtien, ni de remettre en cause la volonté des amis de la RCA». Pour l’avocat français d’Aristide, Me Gilbert Collard, ce communiqué était une façon «de signifier une interdiction de communiquer et de sortir de sa résidence» à son client. Et d’ajouter : «Le président Aristide a été pris en charge par les militaires français dès son arrivée contre son gré sur le sol centrafricain.»

Hier, Jean-Bertrand Aristide ne s’est plus posé en reclus. Au contraire, il a «remercié ses amis» centrafricains, en sango, la langue nationale, pour l’avoir «très bien accueilli». Mais, il est resté flou quant à son avenir. De fait, Bangui n’est prévu pour être qu’une étape. «Là où je vais dépendra des circonstances, mais ce sera toujours avec la même exigence : le respect de l’ordre constitutionnel», a-t-il simplement déclaré. Pretoria sera sans doute la destination finale de l’ex-président, mais seulement après le 14 avril, date d’importantes élections en Afrique du Sud. En attendant cette échéance, Aristide continue d’entretenir la confusion. Dans un entretien diffusé hier sur RTL, le proscrit se disait ainsi certain que, «le moment venu», il «serait de nouveau en Haïti».





Port-au-Prince : de notre envoyé spécial François Hauter


Les paroles d’Aristide à Bangui trouvent un vaste écho à Port-au-Prince, et attisent la peur et l’angoisse de l’immense majorité des habitants des quartiers populaires de la capitale. Elles sont amplifiées par le vide politique que l’ancien dictateur a laissé dans son pays, après quatre années de répression sauvage.


«Aristide s’est acharné à faire le vide, et l’on ne mesure pas encore à l’étranger les immenses dégâts qu’il laisse derrière lui», explique Jean-Claude Bajeux, le directeur du Centre oecuménique des droits de l’homme (CEDH), et l’une des personnalités les plus respectées du pays. «Il a transformé en assassins ceux qui l’avaient soutenu dans le peuple (NDLR : les Chimères). Et ses opposants politiques ont été éliminés physiquement», ajoute-t-il.

Sur le plan politique, en effet, personne ne répond ici publiquement au prêtre défroqué qui s’estime victime d’un «enlèvement», mais dont le pouvoir était tellement corrompu qu’il est tombé, il y a huit jours, comme un fruit pourri, sous la simple menace de 150 opposants bien armés.

En attendant qu’un nouveau gouvernement de transition ne soit nommé (il durera 24 mois au maximum, et préparera des élections présidentielles et législatives), les personnalités pressenties pour le diriger ou y participer ne s’expriment pas. Tous préfèrent se taire, en espérant être de la partie. Le petit jeu des «mic-mac men» (l’expression est de l’écrivain Naipaul) a donc repris à Port-au-Prince, laissant le champ libre à toutes les rumeurs alarmistes. La plus persistante est que l’ex-dictateur a donné l’ordre à ses partisans d’abattre un soldat américain, «qu’on le ramène aux Etats-Unis dans un sac noir», comme le dit un voyou du bidonville de Cité-Soleil.

Dimanche en début d’après-midi, les tirs qui ont notamment coûté la vie à un journaliste espagnol – deux confrères américains ayant été également blessés lors de cette attaque surprise de fin de manifestation –, indiquent en tout cas que la chasse aux Blancs, qu’ils soient journalistes ou militaires, est ouverte chez les Chimères, et que le travail de «nettoyage» de ces poches de résistance est devenu une priorité pour la police haïtienne et les forces internationales.

Les réactions au massacre perpétré dimanche par les Chimères (il y a eu six morts et plus de trente blessés dans la foule) se sont focalisées à Port-au-Prince contre les forces américaines et françaises, qui assuraient principalement le service d’ordre de ce défilé anti-Aristide. Les habitants de Port-au-Prince se disent «désemparés» et, à l’instar de ce journaliste haïtien, ils s’interrogent : «A quoi servent-ils ? A défendre l’ambassade et le lycée français ? C’est lamentable !» Accusés de «passivité», les militaires étrangers se sont mollement défendus, n’expliquant pas suffisamment qu’une force de maintien de l’ordre ne pouvait rien contre des opérations de commandos, au milieu d’une foule. Il semble que les militaires occidentaux n’aient pas encore pris la mesure d’une triste spécificité locale : en Haïti, c’est toujours la faute de «l’autre», surtout s’il est un Blanc. «Il y a un vrai problème de la prise des responsabilités dans ce pays, explique un prêtre présent depuis vingt ans dans le pays, il y a toujours ici d’un côté les chefs et ceux qui obéissent.»

Hier matin, à Cité-Soleil, les partisans d’Aristide défilaient à nouveau, démontrant ainsi qu’ils se sentaient solides et invulnérables. Huit jours après le départ du dictateur, les 2 500 hommes de la force internationale n’ont pas encore réussi à démontrer que son régime de terreur était éliminé. Aristide, loin en Afrique, règne encore sur les esprits.


PORT-AU-PRINCE (AFP) – Haïti était toujours mardi le théâtre de violences, en dépit d’une présence accrue de troupes étrangères, faisant au moins deux morts en moins de 24 heures à Port-au-Prince, alors que le pays devait se doter dans l’après-midi d’un nouveau Premier ministre.


Le général à la retraite Hérard Abraham, 63 ans, et le commerçant Smarck Michel, 67 ans, ancien Premier ministre d’Aristide (1994-1995), sont les deux personnalités les plus souvent citées pour prendre ce poste. Un nouveau gouvernement devrait être formé samedi.

Pour la deuxième fois en deux jours, les Marines ont ouvert le feu contre des Haïtiens. Après avoir tué dimanche un Haïtien qui les menaçait, des militaires américains ont abattu lundi soir un chauffeur de taxi de 31 ans à un barrage près de la zone industrielle jouxtant l’aéroport de Port-au-Prince.

“Il y a eu un Haïtien tué et un blessé” dans cette affaire survenue vers 20h00 locales, selon le Pentagone, qui a parlé d’une voiture arrivée au barrage “à très vive allure”.

La voiture, sous l’impact des balles, s’est enflammée et sa carcasse brûlée était encore visible mardi matin, a constaté un journaliste de l’AFP. En signe de protestation, des habitants ont érigé mardi des barricades de pneus enflammés pour bloquer la circulation.

Dans la même zone, cible de multiples pillages depuis plusieurs jours, une personne a été tuée par balle et une autre blessée lors de violences mardi matin, a constaté un journaliste de l’AFP. Des témoins ont dit que les tirs venaient de la police, mais cette information n’a pu être confirmée.

Les Etats-Unis ont déployé 1.600 militaires en Haïti, les Français 600, les Chiliens 328 et les Canadiens une centaine.

Dans un communiqué, l’Union africaine a estimé que le départ du pouvoir du président déchu d’Haïti Jean Bertrand Aristide était “anticonstitutionnel”. “La manière anticonstitutionnelle avec laquelle le président Aristide a été retiré du pouvoir constitue un dangereux précédent pour toute personne élue en bonne et due forme”, précise le texte.

L’ex-président séjourne en Centrafrique depuis le 1er mars, au lendemain de son départ de Port-au-Prince, sous la pression conjuguée de la rue et de plusieurs pays, France, Etats-Unis et Canada notamment.

“Il n’a pas été forcé à partir, il n’a pas été enlevé”, a rétorqué le secrétaire d’Etat américain Colin Powell. “Il était avec ses gens, ses gardes du corps, qui lui ont dit qu’il était temps de partir. Il a acquiescé, écrit sa lettre de démission, et est parti”, a-t-il précisé.

Il y a bien eu “démission formelle” d’Aristide et “sa lettre de démission a été actée”, a renchéri le ministère français des Affaires étrangères, en réponse à Aristide qui affirme être toujours le “président élu” de Haïti.

Pour le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, il n’y a pas eu de “coup d’Etat” en Haïti.

Un avocat américain d’Aristide, Ira Kurzban, a demandé au ministre américain de la Justice John Ashcroft d’enquêter sur l'”enlèvement” de son client, et réclamé des poursuites judiciaires contre ses auteurs.





© AFP
Jean-Bertrand Aristide (G) et Alpha Oumar Konare, mardi à Bangui
© AFP Desirey Minkoh
Lors d’un discours devant le Parlement canadien, Kofi Annan a plaidé pour “un engagement à long terme” de la communauté internationale en Haïti. Une première équipe de l’ONU est attendue mercredi en Haïti pour préparer la mission des Casques bleus qui succéderont d’ici juin à la coalition militaire ad’hoc déployée aujourd’hui en Haïti.

L’ONU a lancé un appel urgent mardi pour réunir 35 millions de dollars pour ce pays de 8,3 millions d’habitants. “Pour éviter plus de souffrances, les donateurs doivent répondre rapidement”, souligne un communiqué. En raison de l’insécurité, les 3/4 du pays restent toutefois inaccessibles aux organisations humanitaires.

“Il n’y a pas de signe de désastre humanitaire. Il y a suffisamment de nourriture dans le pays”, a estimé à Washington le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld, en se bornant à admettre la possibilité “de problèmes de distribution”.



Au moins six personnes ont été tuées par balles, dont un journaliste espagnol, et plus de 26 autres blessées dimanche à Port-au-Prince, dont certaines grièvement, lors de la dispersion d’une manifestation de l’opposition au président déchu Jean-Bertrand Aristide, selon des sources médicales et des témoignages.



Après ces nouvelles violences, Guy Philippe, le chef des insurgés haïtiens qui ont contribué à la chute d’Aristide, parti précipitamment le 29 février en Centrafrique, s’est dit prêt à reprendre les armes. Il a déclaré à la radio privée Radio Vision 2000 qu’il serait “très bientôt dans l’obligation de donner l’ordre à ses troupes de reprendre les armes qu’elles avaient déposées”.


La protection des militaires américains et français, qui a permis aux quelque 10 000 manifestants de l’opposition de traverser la capitale haïtienne pendant quatre heures sans incidents, s’est révélée totalement inopérante pour empêcher l’irruption de tirs lors de la dislocation de la manifestation sur le champ-de-mars, face au palais présidentiel.


Les coups de feu, attribués aux “chimères”, les groupes de civils armés par le président déchu, ont éclaté aussi bien de l’intérieur de la foule sur l’esplanade, que de l’extérieur, en provenance de la zone du cinéma Capitole, selon des témoins.


Un groupe de huit journalistes, qui avaient quitté la manifestation pour filmer un corps, a été pris dans des échanges de coups de feu entre assaillants et policiers.


Un photographe américain du Sun Sentinel a d’abord été blessé à l’épaule par une balle, raconte Peter Andrew Bosch, photographe du Miami Herald, qui faisait partie du groupe.


“Nous nous sommes mis à l’abri dans une maison pour lui donner les premiers soins, mais deux autres sont sortis et ont été pris sous le feu des tireurs qui s’étaient postés sur un toit.” Un journaliste espagnol, Ricardo Ortega, a été grièvement blessé ainsi qu’un photographe, poursuit-il. Le journaliste, qui travaillait pour la chaîne de télévision Antena 3, est décédé plus tard à l’hôpital du Canapé vert.


INACTION


La police nationale d’Haïti  et la force militaire américano-française ont été mises en accusation après ces attaques. Outre Guy Philippe, qui a accusé les forces étrangères de ne pas prendre ses “responsabilités”, des membres de l’opposition se sont élevés contre “l’inaction” de cette force face aux attaques des “chimères”.


Pour Micha Gaillard, responsable socialiste de l’opposition, “une manifestation pour fêter la libération d’Haïti du despotisme s’est terminée en catastrophe sanglante”. “La population manifestait pacifiquement en ayant confiance en la police haïtienne et dans la force de sécurité internationale. Malheureusement elles n’ont pas agi”, a-t-il déploré.


Des déclarations faites sur des radios privées haïtiennes depuis l’hôpital du Canapé vert par un responsable militaire français, le colonel Daniel Leplatois, commandant en second du dispositif français en Haïti, selon qui “dans toute manifestation, il y a des dérapages”, ont suscité un tollé à Port-au-Prince.


De nombreuses protestations d’auditeurs ont suivi, certains réclamant des “excuses” face à ce qu’ils considérent comme un “massacre” et non un “dérapage”. Le nouveau directeur général de la police, Léonce Charles, qui a rendu visite aux blessés à l’hôpital du Canapé vert, très ému, a assuré que “la police ne restera pas les bras croisés”.


Quelque 2 500 militaires américains, français, canadiens et chiliens ont été envoyés en Haïti pour stabiliser la situation en attendant l’envoi d’une force multinationale sous l’égide de l’ONU. Samedi, de nouveaux pillages accompagnés de règlements de comptes s’étaient produits dans la banlieue sud-ouest de Port-au-Prince.


Avec AFP



Port-au-Prince de notre envoyé spécial


Une manifestation organisée pour célébrer le départ de Jean-Bertrand Aristide a tourné au bain de sang, à Port-au-Prince, lorsqu’un groupe de “chimères”, les partisans armés de l’ancien président haïtien, a ouvert le feu sur la foule. Au moins six personnes, dont un journaliste espagnol, ont été tuées et plus d’une trentaine blessées, dimanche 7  mars, lors des scènes de panique qui ont accompagné la fusillade sur le Champ-de-Mars, près du palais présidentiel.


Parti peu après 9  heures du matin de la place Saint-Pierre, dans la banlieue résidentielle de Pétionville, le cortège n’a cessé de grossir tout au long du parcours vers le centre de la capitale. Des marines, à bord de Humvees, des gendarmes français et des policiers haïtiens assuraient la protection des manifestants, qui réclamaient l’arrestation et le jugement de l’ancien président Aristide, réfugié depuis une semaine en République centrafricaine, et de son premier ministre Yvon Neptune, qui est toujours à son poste. Sur la longue avenue de Delmas, la manifestation prenait des airs de carnaval.


“Nous sommes là pour dire non au retour d’Aristide et pour dire aux “chimères” que les rues ne leur appartiennent pas”, expliquait la militante féministe Yolène Mengual. “Nous voulons que justice soit faite”, disait le sociologue Laënnec Hurbon. Aux côtés des leaders de la société civile et de l’opposition démocratique, une foule mélangée de plusieurs dizaines de milliers de personnes semblait reprendre confiance après des mois de violente répression.


“Aristide est parti mais son gouvernement Lavalas est toujours en place”, déplorait l’ancien sénateur Paul Denis, représentant l’opposition au comité tripartite qui a engagé le processus de transition politique. Juché sur un 4  x  4, vêtu d’un tee-shirt blanc portant l’inscription “l’union fait la force”, Guy Philippe, le chef du Front du Nord qui a mené l’insurrection armée contre le président Aristide, se faisait acclamer par la foule et signait des autographes.


Arrivés sur le Champ-de-Mars, face au palais présidentiel, les manifestants ont fait un bûcher de grandes pancartes à la gloire de Jean-Bertrand Aristide arrachées sur l’avenue de Delmas. Brutalement, vers 14  h  45, les premiers coups de feu ont claqué, venus de la zone de Poste-Marchand, qui sépare le Champ-de-Mars du quartier populaire de Bel-Air. Touché à la tête, un manifestant s’est effondré. Un vent de panique dispersait la foule, qui n’était alors protégée par aucune force internationale.


HÔPITAUX DÉBORDÉS


Les tirs ont duré plus d’une quinzaine de minutes. Criant aux manifestants de se coucher, trois marines postés à l’intérieur de l’enceinte du palais présidentiel ont riposté en direction des assaillants.


Ricardo Ortega, de la chaîne de télévision espagnole Antena  3, a reçu deux balles à la poitrine et au ventre alors qu’il tentait, avec d’autres photographes, de filmer un manifestant tué. Il est mort peu après son arrivée à l’hôpital du Canapé-Vert, où des dizaines de blessés, dont plusieurs grièvement touchés, ont été transportés. Un photographe américain du Sun Sentinel figure parmi les blessés.


Débordés, les hôpitaux lançaient des appels aux médecins sur les radios locales. “Je ne comprends pas pourquoi les Américains et les Français ne nous ont pas protégés à la hauteur de Bel-Air. Tout le monde sait que c’est une zone dangereuse où opère la bande de “chimères Tichif””, se plaignait une femme au bord de la crise d’hystérie, face à la salle des urgences du Canapé-Vert.


“TRAQUER LES GANGS”


Arrivé avec des gendarmes français pour sécuriser l’hôpital, le colonel Daniel Leplatois tentait de répondre aux interpellations des journalistes haïtiens. “Nous avons une mission de soutien de la police haïtienne”, expliquait-il, qualifiant maladroitement la fusillade de “dérapage”. L’air sombre, le nouveau directeur de la police haïtienne, Léonce Charles, dénonçait “un massacre” et promettait que la police prendrait des mesures pour assurer la sécurité de la population.


Interrogé par la station de radio Vision 2000, Guy Philippe annonçait qu’il était prêt à reprendre les armes pour protéger la population et exigeait le désarmement des “chimères” et l’arrestation du premier ministre Yvon Neptune, responsable selon lui de la sanglante attaque.


“Ces très graves événements se sont produits à la face de la communauté internationale. Nous demandons au commandement des forces internationales de prendre très rapidement des mesures pour traquer les gangs de chimères et mettre en œuvre un programme sérieux de désarmement”, réclamait le pasteur Edouard Paultre, de la Fédération protestante, une personnalité respectée de la société civile.


Jean-Michel Caroit



John Kerry aurait soutenu M.  Aristide



Le sénateur John Kerry, favori des démocrates dans la course à la Maison Blanche, aurait envoyé des troupes américaines en Haïti en soutien au président Jean-Bertrand Aristide, contrairement à ce qu’a décidé de faire le président George Bush. “J’aurais été prêt à envoyer des troupes immédiatement, un point c’est tout”, a déclaré le sénateur au quotidien New York Times du dimanche 7  mars.


“Aristide n’était pas un cadeau et il a fait beaucoup d’erreurs”, a reconnu M.  Kerry, mais il estime que Washington “avait des accords tacites dans la région sur le droit d’un régime démocratique à demander de l’aide. Et nous avons enfreint tout cela”.


“Je crois que c’est un terrible message à envoyer à la région, à des démocraties, et c’est faire preuve de myopie”, a-t-il ajouté. – (AFP.)



Le président haïtien déchu, Jean-Bertrand Aristide, a affirmé aujourd’hui être toujours «le président élu» d’Haïti, avant d’appeler à la «résistance pacifique pour restaurer l’ordre constitutionnel», au cours de sa première apparition publique depuis son arrivée le 1er mars à Bangui.

M. Aristide, qui était calme et paraissait détendu, a également maintenu avoir été victime d’un «enlèvement politique», niant en revanche être «prisonnier à Bangui».


«Je suis le président démocratiquement élu et je le demeure, et c’est au nom de ceux qui m’ont élu que je plaide pour la restauration de l’ordre constitutionnel», a-t-il déclaré à la presse, réunie au ministère des Affaires étrangères.

«Nous faisons appel à une résistance pacifique pour restaurer l’ordre constitutionnel haïtien», a-t-il poursuivi, en présence de responsables centrafricains.

«Je ne peux pas expliquer aujourd’hui que les mêmes assassins, les mêmes criminels qui ont été à l’origine de la mort de plus de 5.000 personnes en Haïti soient utilisés aujourd’hui par une main invisible pour semer le deuil dans mon pays», a-t-il également déclaré, sans plus de précision, avant de maintenir avoir été enlevé de Port-au-Prince.

«Il y a eu enlèvement politique, je le redis. On nous a interdit dans l’avion de regarder par le hublot. Nous avons passé quatre heures en escale sans savoir où nous étions», a-t-il poursuivi lors de ce point de presse auquel les journalistes à Bangui ont été conviés à la dernière minute.

«Je n’ai jamais été prisonnier à Bangui, je ne le suis pas», a-t-il assuré, en présence notamment de son épouse Mildred, du ministre centrafricain des Affaires étrangères, Charles Hervé Wénézoui, de son ministre délégué, Guy Moskit, et de leur collègue de la Communication et porte-parole du gouvernement, Parfait M’bay.

Depuis son arrivée en Centrafrique, M. Aristide a multiplié, directement ou par l’intermédiaire de proches, les déclarations selon lesquelles il a été enlevé par les Etats-Unis et la France et se sent prisonnier à Bangui, suscitant l’exaspération des autorités centrafricaines.

Dimanche, M. Aristide s’était soudain déclaré très «bien accueilli» à Bangui, dans un bref message apporté par son épouse et lu à la presse par le ministre centrafricain des Affaires étrangères.

«Très chers journalistes, le moment opportun j’aurai à m’entretenir avec vous et à vous saluer. Je suis très bien accueilli par le président (François) Bozizé, le gouvernement, mes frères et soeurs de la République centrafricaine. Merci très sincèrement», avait lu Charles Hervé Wénézoui, en présence de Mme Aristide.

M. Aristide n’était en revanche pas apparu, et son épouse n’avait pas été autorisée à répondre aux questions des journalistes.

Le président haïtien déchu, dont le séjour en Centrafrique est prévu pour n’être qu’une étape, est resté flou sur sa prochaine destination.

«Là où je vais dépendra des circonstances, mais ce sera toujours avec la même exigence: le respect de l’ordre constitutionnel» haïtien, a-t-il déclaré.

L’Afrique du Sud est pressentie pour l’accueillir, mais des élections générales le 14 avril dans ce pays pourraient prolonger son séjour centrafricain au moins jusqu’à cette date, a récemment indiqué un diplomate africain à Bangui.

M. Aristide, qui s’est exprimé pendant une trentaine de minutes, a, au début de son allocution remercié les autorités et le peuple de Centrafrique en langue nationale sango, qu’il a dit être en train d’apprendre.


 




Retour sur la dépêche
Plusieurs centaines d’Haïtiens pillaient lundi matin une zone industrielle près de l’aéroport de Port-au-Prince, alors que le président déchu, Jean-Bertrand Aristide, a affirmé être toujours “le président élu”, avant d’appeler à la “résistance pacifique pour restaurer l’ordre constitutionnel”, au cours d’une apparition publique à Bangui.
© AFP Thony Belizaire


PORT-AU-PRINCE (AFP) – Plusieurs centaines d’Haïtiens pillaient lundi matin une zone industrielle près de l’aéroport de Port-au-Prince, alors que le président déchu, Jean-Bertrand Aristide, a affirmé être toujours “le président élu”, avant d’appeler à la “résistance pacifique pour restaurer l’ordre constitutionnel”, au cours d’une apparition publique à Bangui.

“Je suis le président démocratiquement élu et je le demeure, et c’est au nom de ceux qui m’ont élu que je plaide pour la restauration de l’ordre constitutionnel”, a-t-il déclaré à la presse, réunie au ministère des Affaires étrangères centrafricain.

“Nous faisons appel à une résistance pacifique pour restaurer l’ordre constitutionnel haïtien”, a-t-il poursuivi, en présence de responsables centrafricains.

Dimanche, au moins six personnes ont été tuées par balles, dont un journaliste espagnol, et plus de 26 autres blessées à Port-au-Prince, dont certaines grièvement, lors de la dispersion d’une manifestation de l’opposition à Jean Bertrand Aristide.

Après ces nouvelles violences, Guy Philippe, le chef des insurgés haïtiens qui ont contribué à la chute d’Aristide, parti précipitamment le 29 février en Centrafrique, s’est dit prêt à reprendre les armes.

Il a déclaré à la radio privée Radio Vision 2000 qu’il serait “très bientôt dans l’obligation de donner l’ordre à ses troupes de reprendre les armes qu’elles avaient déposées”. La protection des militaires américains et français qui a permis aux quelque 10.000 manifestants de l’opposition de traverser la capitale haïtienne pendant quatre heures sans incidents s’est révélée totalement inopérante pour empêcher l’éruption de tirs lors de la dislocation de la manifestation sur le champ de mars, face au palais présidentiel.

Les coups de feu, attribués aux chimères, les groupes de civils armés par le président déchu, ont éclaté aussi bien de l’intérieur de la foule sur l’esplanade, que de l’extérieur, en provenance de la zone du cinéma Capitole, selon des témoins. Un groupe de huit journalistes, qui avait quitté la manifestation pour filmer un corps, a été pris dans des échanges de coups de feu entre assaillants et policiers.

Un photographe américain du Sun Sentinel a d’abord été blessé à l’épaule par une balle, raconte Peter Andrew Bosch, photographe du Miami Herald qui faisait partie du groupe. “Nous nous sommes mis à l’abri dans une maison pour lui donner les premiers soins, mais deux autres sont sortis et ont été pris sous le feu des tireurs qui s’étaient postés sur un toit”. Un journaliste espagnol, Ricardo Ortega, a été grièvement blessé ainsi qu’un photographe, poursuit-il.





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Un manifestant tué dimanche
© AFP Yuri Cortez
Le journaliste, qui travaillait pour la chaîne de télévision Antena 3, est décédé plus tard à l’hôpital du Canapé vert. Selon Vision 2000, un des morts est un jeune manifestant, Josephat Luckner. La police nationale d’Haïti (PNH) et la force militaire américano-française ont été mises en accusation après ces attaques. Outre Guy Philippe, qui a accusé les forces étrangères de ne pas prendre ses “responsabilités”, des membres de l’opposition se sont élevés contre “l’inaction” de cette force face aux attaques des chimères.

Pour Micha Gaillard, responsable socialiste de l’opposition, “une manifestation pour fêter la libération d’Haïti du despotisme s’est terminée en catastrophe sanglante”. “La population manifestait pacifiquement en ayant confiance en la police haïtienne et dans la force de sécurité internationale, malheureusement elles n’ont pas agi”, a-t-il déploré.





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Militaires américains et français dimanche à Haïti
© AFP Yuri Cortez
Des déclarations faites sur des radios privées haïtiennes depuis l’hôpital du Canapé Vert par un responsable militaire français, le colonel Daniel Leplatois, commandant en second du dispositif français en Haïti, selon qui “dans toute manifestation, il y a des dérapages”, ont suscité un tollé à Port-au-Prince. De nombreuses protestations d’auditeurs ont suivi, certains réclamant des “excuses” face à ce qu’ils considérent comme un “massacre” et non un dérapage.

Le nouveau directeur général de la police Léonce Charles, qui a rendu visite aux blessés à l’hôpital du Canapé Vert, très ému, a assuré que “la police ne restera pas les bras croisés”. Quelque 2.500 militaires américains, français, canadiens et chiliens ont été envoyés en Haïti pour stabiliser la situation en attendant l’envoi d’une force multinationale sous l’égide de l’ONU. Samedi, de nouveaux pillages accompagnés de règlements de compte s’étaient produits dans la banlieue sud-ouest de Port-au-Prince.




La France a appelé aujourd’hui au «désarmement immédiat» des milices en Haïti, après les violences qui ont fait six morts lors de la dispersion d’une manifestation dimanche à Port-au-Prince.


«La France condamne avec la plus grande vigueur les actes criminels perpétrés hier à Port-au-Prince, par des bandes armées non encore identifiées», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hervé Ladsous.

«La France en appelle au désarmement immédiat des éléments incontrôlés», a ajouté le porte-parole, reprenant une déclaration du ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin vendredi.

La France a envoyé près de 800 hommes en Haïti, dans le cadre d’une «force multinationale intérimaire» chargée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 28 février «de contribuer à la restauration de la loi et l’ordre aux côtés de la police nationale haïtienne».

M. Ladsous a rappelé que cette force opérait «dans des conditions dont chacun sait combien elles sont difficiles».

La protection des militaires américains et français a permis à quelque 10.000 manifestants de l’opposition au président déchu Jean Bertrand Aristide de traverser la capitale haïtienne pendant quatre heures sans incidents dimanche.

Elle s’est révélée totalement inopérante pour empêcher l’éruption de tirs attribués aux «chimères», les groupes de civils armés par le président déchu, lors de la dislocation de la manifestation face au palais présidentiel.

Au moins six personnes ont été tuées par balles, dont un journaliste espagnol, et plus de 26 autres blessées dans cette fusillade.








ean Bertrand Aristide a été victime «d’un enlèvement politique», mais il n’est «pas prisonnier» en République centrafricaine: c’est de qu’a déclaré le président haïtien déchu, lundi à Bangui, lors de sa première apparition publique depuis son départ de Port-au-Prince, le 29 février. «Je suis le président élu et je reste le président élu», a-t-il ajouté, avant de lancer un appel à «une résistance pacifique» au peuple haïtien. «Je pèse mes mots, à une résistance pacifique» a-t-il insisté. Cette intervention intervient au lendemain des incidents qui ont marqué une manifestation anti-Aristide à Port-au-Prince, où au moins six personnes ont été abattus «par des bandes armées non encore identifiées (lundi)», selon le ministère des Affaires étrangères français (lire l’article).


Aristide a donc une nouvelle fois accrédité la thèse du «rapt international» fomenté par les Etats-Unis, une version vigoureusement démentie par Washington et sur laquelle le président haïtien avait entretenu un certain flou depuis son départ. «On nous a interdit dans l’avion de regarder par le hublot. Nous avons passé quatre heures en escale sans savoir où nous étions», a déclaré Aristide. Qui a estimé que cet «enlèvement politique a malheureusement ouvert la voie à une occupation». Quant aux rebelles qui accumulaient les succès militaires et ne se trouvaient qu’à une cinquantaine de kilomètres de Port-au-Prince au moment où Aristide a quitté Haïti, ils sont l’instrument d’une puissance occulte. «Je ne peux pas expliquer aujourd’hui que les mêmes assassins, les mêmes criminels qui ont été à l’origine de la mort de plus de 5.000 personnes (victimes du coup d’Etat militaire de 1991 mené entre autres par le père d’un des actuels rebelles, ndlr) en Haïti soient utilisés aujourd’hui par une main invisible pour semer le deuil dans mon pays.»


Plus tôt dans la journée, lors d’un entretien diffusé sur RTL, le président déchu avait aussi exhorté «le peuple haïtien» à «résister» et «continuer sa résistance pacifique pour faire face à cette occupation inacceptable, suite de cet enlèvement politique qui est aussi inacceptable»: «Je réfléchis, j’écris, j’apprends le sangho (l’une des langues parlée en Centrafrique), je reçois les autorités officielles. On est branché sur notre pays. On essaie de voir comment on (mène) la résistance. Parce que la résistance, ce n’est pas l’affaire d’un individu. C’est l’affaire de ceux et celles qui croient dans les valeurs que nous défendons tous. C’est une communion de pensée et d’action (sur place) au-delà de la distance.»
















Port-au-Prince: tirs meurtriers contre des manifestants
Au moins six personnes ont été tuées hier après un défilé anti-Aristide.
Par Jean-Pierre PERRIN








Port-au-Prince envoyé spécial


a manifestation des anti-Aristide s’était bien passée. La fin a été beaucoup plus violente : cinq manifestants et un cameraman espagnol de la chaîne Antena 3 ont été tués ; deux autres journalistes, dont un Américain, ont été blessés ainsi qu’une cinquantaine de personnes alors que des partisans d’Aristide prenaient pour cible la foule qui se dispersait, hier après-midi.


Rien ne laissait présager une telle issue. Quelques heures plus tôt, une grosse dame noire s’époumone en créole, «Viv’Amérik», à l’adresse des soldats lourdement armés qui roulent au pas dans des camions et véhicules blindés. Certes, les GI tiennent un carrefour un peu plus loin, mais les fantassins américains qu’elle croit acclamer sont un escadron de… gendarmes mobiles français. Ils précèdent la manifestation des opposants au régime d’Aristide et l’encadrent, avec une préoccupation dominante : l’empêcher de croiser un autre défilé, celui des partisans du président déchu, qui, eux aussi, ont annoncé qu’ils descendaient dans la rue.


«Crimes et génocide». Pour cette première manifestation anti-Aristide depuis son renversement, les opposants ont réuni hier matin une foule estimée à plus de 10 000 personnes dans la capitale. Même si certains manifestants sont venus avec des cordes, pour signifier qu’ils exigent l’arrestation de l’actuel Premier ministre, Yvon Neptune, l’ambiance est joyeuse. Certaines Eglises évangélistes, ravies de la chute du dictateur, distribuent des tee-shirts. Derrière les gendarmes français et les policiers haïtiens, les étudiants avancent en criant des slogans : «Si Aristide était là, Etat tirerait sur nous», ou «Aristide doit être jugé, les chimères doivent aller à l’école». Des banderoles vont plus loin, accusant l’ex-président de «crimes et génocide». Des pancartes demandent aussi l’arrestation des chefs des chimères, comme Paul Raymond, le principal financier des gangs, ou «Two Pistols», qui régnait sur la ville des Cayes.


Au milieu du cortège, Guy Philippe, le commandant des rebelles qui ont contribué à la chute du président Jean Bertrand Aristide, est acclamé. Il est en campagne : «J’espère que la communauté internationale laissera les Haïtiens choisir leurs leaders», dit-il. Une façon de critiquer les Américains qui, en l’obligeant à déposer les armes, l’ont exclu du processus en cours.


Mécontentement. «Nous sommes à la fois contents et pas contents de cette manifestation, déclare Hervé Saintilus, l’un des leaders de la contestation étudiante. Contents, car pour la première fois, nous pouvons défiler sans risque d’être attaqués. Pas contents, parce que nos bourreaux sont toujours là […] Il faut passer les menottes à Yvon Neptune», ajoute- t-il. Les étudiants n’apprécient pas non plus la présence française et américaine, qui se traduit par un survol de la manifestation par des hélicoptères. «Viv’la liberté, aba occupation», chante une partie du cortège. «La police haïtienne est là : c’est elle qui nous donne la sécurité. Ces soldats étrangers prennent l’importance d’une force d’occupation. Nous n’en avons pas besoin», insiste Saintilus. Mais pour le commandant Xavier Pons, porte-parole des forces françaises, si la manifestation s’est bien passée, c’est parce qu’elle était «canalisée». Jusqu’à un certain point.


Hier soir, alors que les hôpitaux où étaient amenés les blessés, semblaient débordés, Guy Philippe, le chef des insurgés haïtiens a affirmé qu’il serait «très bientôt dans l’obligation de donner l’ordre à ses troupes de reprendre les armes qu’elles avaient déposées». Avant de demander l’arrestation d’Yvon Neptune, Premier ministre, qu’il a accusé d’avoir «planifié toutes les violences» de dimanche.


«Les Américains ont accepté de prendre le commandement de cette force» aujourd’hui déployée en Haïti, et qui représente les «éléments avancés» de la future force de stabilisation de l’ONU devant être créée dans quelques mois en Haïti, a déclaré l’officier français.


Jusqu’à présent, les troupes déployées en Haïti, américaines, françaises, canadiennes et chiliennes, dépendaient uniquement de leur commandement national.

La force de stabilisation de l’ONU prendra la relève de ces éléments avancés «dans deux, trois ou quatre mois», a précisé le général Clément-Bollet, qui a rencontré à l’aéroport de Port-au-Prince le commandant des unités américaines, le général Tom Hill, qui relève du Commandement américain pour la région sud, implanté à Tampa (Floride).

Le Brésil, qui a promis de déployer 1.100 Casques bleus en Haïti, devrait alors succéder aux Américains comme commandant de la force de l’ONU.

«La coordination est étroite» avec les Américains, a d’autre part souligné le général français. Il a précisé qu’aujourd’hui «600 militaires» français étaient déployés en Haïti, dont des gendarmes et des légionnaires.

«Notre mission a été élargie à l’appui et au soutien à la police haïtienne», a-t-il précisé.

Jusqu’à présent, les militaires français n’étaient chargés que de la protection de l’ambassade de France. «Mais nous ne faisons pas le travail de la police», a fait valoir le général Clément-Bollet.

Après «l’urgence» dûe à la crise en Haïti, les militaires français se sont tournés vers une «mission d’appui» et faciliteront par la suite le travail des organisations humanitaires«, a-t-il ajouté.

«Les règles d’engagement des forces françaises», c’est-à-dire l’ouverture du feu, reposent sur la «légitime défense, élargie aux personnes dont nous sommes chargés d’assurer la sécurité», a dit l’officier. Elles s’appliquent »lorsqu’il y a une menace d’intrusion sur les sites stratégiques dont nous avons la garde».

Les Français doivent en particulier protéger les sites d’approvisionnement en pétrole et carburant en Haïti, a ajouté l’officier.

«Si nos hommes sont témoins d’exactions sur des personnes physiques, ils sont tenus d’intervenir», a enfin déclaré le patron des forces françaises en Haïti.

La force ad’hoc déployée en Haïti comprenait vendredi 1.200 militaires américains, 600 français, 134 chiliens et une centaine de soldats canadiens.

La future force de stabilisation de l’ONU qui prendra la suite devrait compter quelque 5.000 hommes.


 


Port-au-Prince : de nos envoyés spéciaux Pascale Mariani et Roméo Langlois


La communauté internationale a commencé à se mobiliser pour apporter une aide humanitaire à Haïti, cinq jours après le départ de Jean-Bertrand Aristide. Alors que les insurgés de Guy Philippe se sont dits prêts à déposer les armes, ce qui ne veut pas dire qu’ils vont s’en débarrasser, des marines et des militaires français patrouillaient hier avec des policiers haïtiens dans les rues de Port-au-Prince où l’insécurité continue de prévaloir. Le Brésil a annoncé hier qu’il enverra 1 100 soldats d’ici deux à trois mois pour participer à la force multinationale de paix de l’ONU. Pour l’heure, depuis son exil centrafricain, Aristide a accusé la France de «complicité d’enlèvement» et a promis de rentrer en Haïti. Les États-Unis ont rejeté l’idée d’une enquête sur les conditions controversées du départ de l’ex-président.


Un bref entretien avec un colonel américain aura suffi pour calmer les ardeurs messianiques du commandant rebelle Guy Philippe. «Vu qu’il y a des troupes étrangères pour garantir la sécurité (…), nous avons jugé bon pour le peuple haïtien de déposer les armes», a annoncé mercredi, de mauvaise grâce, le chef de l’insolite coalition qui a acculé le président Jean-Bertrand Aristide à la démission. «C’est fini», a-t-il reconnu.

La veille encore, Guy Philippe, ivre de son triomphe, paradait dans les rues de Port-au-Prince sur le toit d’un 4×4 au-dessus d’une foule idolâtre. Une fois de plus dans l’histoire haïtienne, un jeune chef de guerre serrait des mains, signait des autographes. Tous ses lieutenants étaient de la fête, surarmés, rayonnants. Ceux des Gonaïves notamment, la ville d’où est partie l’insurrection le 5 février. Anciens «Chimères» (partisans armés par Aristide), ceux-là avaient les premiers mordus la main de leur maître. A leurs côtés, Louis-Jodel Chamblain, l’ancien paramilitaire du général putschiste Raoul Cedras convaincu d’assassinats et de tortures, se voyait lui aussi acclamé en «libérateur» par des ménagères exaltées.

A la tête de ses mercenaires, porté par une foule en liesse, Guy Philippe avait annoncé ce jour-là qu’il garderait son arsenal pour rétablir l’ordre dans un pays encore en proie au chaos. Il menaçait de marcher sur la Primature, siège du gouvernement. De capturer Yvon Neptune, le premier ministre encore en fonction du président déchu. De le traduire en justice. «C’est une bonne idée», s’écriaient au coeur du cortège des hommes munis d’une corde «pour ligoter Neptune». Mais la villa du ministre était gardée par des marines américains. Et le défilé vengeur changeait de direction.

La douche froide a été administrée par Washington. Guy Philippe «ne contrôle rien d’autre qu’une bande de racailles», assénait le même jour le sous-secrétaire d’Etat américain Roger Noriega. «Soupçonnés de narcotrafic», eût-il pu ajouter. Le lendemain, mercredi, sermonné par le colonel Mark Gurganus, le chef rebelle a annoncé le désarmement imminent de ses hommes. Un officier proche des Etats-Unis a été désigné directeur général par intérim de la police d’Haïti. Les insurgés ont évacué l’ancien quartier général de l’armée qu’ils venaient d’investir. Des tanks américains stationnent aujourd’hui sur les pelouses du palais présidentiel. Et dans les rues de la capitale, les marines et les premiers soldats français commencent à patrouiller aux côtés de la police haïtienne.

Déjà, vendredi dernier, alors que Guy Philippe, aux portes de Port-au-Prince, menaçait d’attaquer la ville, un coup de téléphone de l’ambassade américaine en Haïti l’avait fait renoncer à son projet. Un notable haïtien ayant servi d’intermédiaire le certifie. Le soir même, Guy Philippe annonçait qu’il s’en tiendrait à un blocus de la capitale. Dimanche, sous les pressions de Washington, Aristide démissionnait.

Si les Etats-Unis dictent aujourd’hui ouvertement les règles du jeu, de nombreux observateurs soupçonnent l’Oncle Sam d’avoir tiré les ficelles de l’insurrection bien avant le départ du président déchu. Selon un historien haïtien qui tient à garder l’anonymat, «le départ d’Aristide représente une revanche des militaires conservateurs du Pentagone sur les politiques du Parti démocrate». Selon lui, les insurgés n’auraient pu conquérir la moitié du pays et menacer la capitale sans l’accord des secteurs américains «qui opèrent dans l’ombre». Il rappelle que le coup d’Etat militaire contre Aristide en 1991 avait reçu la bénédiction de l’Administration républicaine de George Bush père. Et qu’aux accusations de la CIA, qui avait publiquement dénoncé Aristide comme un paranoïaque et un lunatique, le président démocrate Bill Clinton avait rétorqué : «Mes tripes me disent que c’est un bon petit prêtre.» En 1994, Clinton déployait 20 000 marines et réinstallait Aristide au pouvoir. Les investisseurs démocrates auraient largement bénéficié des privatisations engagées par Aristide, notamment dans le secteur des télécommunications.

Il est aussi de notoriété publique que le Fraph, la milice au nom de laquelle Louis-Jodel Chamblain exécutait les basses oeuvres de la junte militaire (1991-1994), bénéficiait des bonnes grâces de la CIA. Et quand le 14 février, les hommes de Chamblain se ralliaient aux premiers rebelles des Gonaïves, un diplomate en poste à Port-au-Prince décelait dans cette alliance contre nature entre le paramilitaire d’extrême droite et les anciens nervis d’Aristide «la main occulte des services de renseignement américains». Proche du Pentagone, l’armée dominicaine est également pointée du doigt. Véritable Etat dans l’Etat au sein de la République voisine, elle n’a jamais pardonné à Aristide la dissolution en 1995 de l’armée haïtienne. Or depuis leur exil en République dominicaine, Guy Philippe et Chamblain ont plusieurs fois passé la frontière sans être inquiétés, avec des camions chargés d’hommes et d’armes.

Pour l’heure, malgré l’entremise des troupes étrangères et la dernière volte-face de Guy Philippe, la pacification du pays s’annonce malaisée. L’esprit de vengeance hante les secteurs les plus radicaux de cette société divisée. En marge des troupes rebelles, des milices privées hostiles aux militants Lavalas (du nom du parti d’Aristide) se sont formées à Port-au-Prince. Ainsi, un jeune blanc bodybuildé rencontré dans un quartier résidentiel présage-t-il que «la guerre ne fait que commencer». Il arbore une tenue de combat et un fusil M4 flambant neuf, payé 4 000 dollars au marché noir. Et semble résolu à «protéger (sa) famille et (ses) biens» contre les «Chimères» et autres pilleurs, qui ont assassiné un de ses proches. Selon ce fils de bonne famille issu d’une caste de riches industriels haïtiens, «il y aura encore beaucoup de morts».

De leur côté, les «Chimères» Lavalas sont toujours actives. Mercredi, de violents affrontements entre ces séides d’Aristide et les rebelles ont éclaté dans un quartier déprimé du centre de Port-au-Prince. «Nous venons de nous approvisionner en armes et munitions. Moi-même, je me suis acheté un FAL (un fusil d’assaut belge) à 2000 dollars. Je dois revenir sur mon investissement», explique Guillaume, chef d’un gang de Cité Soleil, le principal bidonville de la capitale contrôlé par les «Chimères». Au moment où est tombée la nouvelle de la dernière volte-face de Guy Philippe, il s’apprêtait à lancer un ultimatum aux rebelles : «Ils doivent quitter Port-au-Prince, qui est notre territoire. Quand Guy Philippe était commissaire de police dans notre secteur, il a fait assassiner nos cousins et nos frères. On a une dent contre lui. Sans parler de Chamblain et ses hommes. On les connaît, ils ont mitraillé et brûlé nos maisons pendant le coup d’Etat militaire.» Las des guerres fratricides, Guillaume se dit cependant prêt à déposer les armes. A condition que l’Etat lui accorde un dédommagement, un emploi, des écoles pour son quartier. Et que les rebelles et tous les autres gangs de la ville rendent également leur arsenal. La complexe équation est loin d’être résolue.


François Hauter


Le renvoi improvisé samedi dernier de Jean-Bertrand Aristide par les troupes américaines a créé les conditions d?une impasse politique à Port-au-Prince. Les Etats-Unis et la France se retrouvent au milieu d?un imbroglio très haïtien, où les faubourgs miséreux de la capitale grondent de colère, réclamant Aristide, et où son parti Lavalas (« le torrent », en créole) bloque le processus de nomination d?un nouveau premier ministre. Haïti, sans tête, reste un chaudron : la peur des uns le dispute au désarroi des autres. A l?aéroport de Port-au-Prince, où l?activité militaire reste nonchalante sous la garde des militaires canadiens, un douanier se lamente : « Non ce n?est pas fini, vraiment pas fini ! »


Hier matin, dans le quartier de Cité Soleil, un bidonville de 600 000 habitants au nord de la capitale, les Chimères (les bandes armées par Aristide pour faire régner son ordre de terreur) défilaient pour manifester à la fois leur présence et leur importance. Et l?on patientait en vain pour la nomination d?un nouveau chef de l?exécutif, attendue en principe dans la journée. C?est que le processus imaginé par Washington, Paris et Ottawa pour remettre Haïti sur les voies de la démocratie tourne au vinaigre. « C?est la m… totale », résumait un peu crûment un diplomate occidental.


La situation dérape sur deux fronts. Le plus visible est celui des quartiers populaires « extrêmement chauds », comme le constate un prêtre qui les connaît bien. « Le départ d?Aristide reste très questionné, remarque cet observateur, et le mouvement Lavalas, ce n?est pas fini pour tous ces gens. » Un animateur d?ONG le confirme : « Les habitants de ces bidonvilles ont besoin d?un chef, les gosses demandent : « Quand Aristide reviendra-t-il ? » A Cité Soleil, la population est à 100 % derrière Aristide. Quant aux Chimères, ils manifestent pour dire qu?ils existent encore, qu?il faut compter avec eux. Ils veulent bien désarmer. Mais leurs armes sont leur seul capital. Il n?y a personne pour discuter leur reddition. »


Cité Soleil n?est pas le seul quartier dangereux de la ville. Même si les hélicoptères américains et français tournent la nuit sur la ville, tous feux éteints pour impressionner la population, même si des patrouilles de marines commencent à s?aventurer dans les bidonvilles en rasant les barricades, l?inquiétude est à son comble. A Nan Ravine, à Fort Mercredi, à Nan Fon, ces bastions des Chimères, les pillages se poursuivent. « Face à cette violence, on est momifiés, on est comme des zombies », dit une journaliste haïtienne.


Les destructions dans le bas de la ville, principalement opérées le week-end dernier juste au moment du départ forcé d?Aristide, sont impressionnantes, et la rue en porte les cicatrices bien visibles. « Des familles de la bourgeoisie locale ont tout perdu, constate un diplomate européen, et les dégâts se chiffrent entre 300 et 500 millions de dollars, ce qui est considérable pour Haïti. » Un fonctionnaire de police résume le dilemme actuel des occupants américains et français : « Qui gère les problèmes énormes du moment ? C?est confus. On ne sait pas trop qui commande. »


C?est là l?autre problématique de ce bourbier. Les amis du président déchu, toujours au pouvoir, du moins théoriquement, ne veulent pas composer avec l?opposition, malgré les pressions américaines et françaises. Le processus de transition du pouvoir est assez flou pour leur en laisser la latitude. Il consiste dans une première étape, qui aurait déjà dû être réglée cette semaine, à ce qu?un « comité tripartite » désigne une « commission des sages » de sept membres, cette dernière commission désignant à son tour un nouveau premier ministre.


Le « comité tripartite » est composé d?un représentant du gouvernement actuel (Leslie Voltaire, ancien ministre des Haïtiens de l?étranger), d?un autre de l?opposition (l?ex-sénateur Paul Denis), et d?un diplomate malien, pour la communauté internationale. Dans ce petit jeu, le premier ministre sortant, Yvon Neptune, joue le pourrissement de la situation, en faisant systématiquement récuser par Leslie Voltaire les listes proposées par l?opposition. Micha Gaillard, le porte-parole de cette opposition, expliquait hier : « Leslie Voltaire affirme que ces personnalités ne sont pas suffisamment « sages », car elles ont toutes été contre le parti Lavalas. » Et d?ajouter : « Yvon Neptune veut gagner du temps pour faire disparaître les preuves des malversations de son gouvernement dans l?administration publique. Et nous, nous ne pouvons pas le dire clairement à la population, pour ne pas entraver le processus actuel. » Américains et Français se retrouvent véritablement encalminés dans cette affaire qui ressemble à une farce. Au fur et à mesure que tous les détails sur le départ forcé d?Aristide commencent à être connus, il s?avère que cette « démission » du chef de l?Etat haïtien a été fort mal improvisée par Washington. Ainsi, Aristide, dans la nuit de samedi à dimanche dernier, a même attendu une heure durant, à l?aéroport de Port-au-Prince, l?avion qui devait l?emmener vers un exil improvisé. Le secrétaire d?Etat américain, Colin Powell, aurait dans cette situation téléphoné à son homologue, Dominique de Villepin, et la destination de Bangui aurait alors été trouvée par le Français. Ce coup d?Etat qui ne veut pas dire son nom, aujourd?hui éventé, met déjà les Américains et les Français dans une position défensive en Haïti.


C?est d?ailleurs l?impression que donnent les deux puissances occupantes ici. Les Américains utilisent leurs troupes pour encercler le palais présidentiel, lieu symbolique du pouvoir, et isoler dans sa primature le premier ministre Yvon Neptune, qui refuse de convoquer son gouvernement, car, dit-il, « le président n?a pas été sorti du pays légalement ». Les militaires français gardent l?ambassade, la résidence de l?ambassadeur, le lycée français, et assurent, à sa demande, la protection de Leslie Voltaire qui bloque la négociation avec l?opposition…


Comment sortir de ce guêpier sans provoquer la colère des déçus d?Aristide ? L?ex-chef de l?Etat a été stupidement transformé en victime par ceux qui l?ont expulsé d?Haïti manu militari, et ses amis nombreux dans le pays comptent bien maintenant exploiter cette faille, quoi qu?il en coûte à leur malheureux pays.


 


Port-au-prince de notre envoyé spécial


La France se défend de toute “complicité” avec Washington, après avoir célébré la “coopération franco-américaine”récit Selon plusieurs indices, Aristide souhaitait résister mais n’en a pas eu les moyens.


Démission volontaire face à une situation intenable ou “coup d’Etat moderne” fomenté par les Etats-Unis, avec “la complicité de la France”, comme l’affirme Jean-Bertrand Aristide depuis son exil centre-africain ? La controverse internationale sur les circonstances exactes du départ du président haïtien n’est pas près de s’arrêter.



Plusieurs milliers de ses partisans ont manifesté, vendredi 5 mars au centre de Port-au-Prince, pour exiger son retour. Venus des bidonvilles de Cité-Soleil, de La Saline et de Bel Air, ils scandaient : “Qu’on le veuille ou non, il faut qu’il revienne”. “Bush terroriste”, criait aussi la foule devant l’ambassade des Etats-Unis protégée par les marines.


Les versions de plusieurs protagonistes et témoins du départ, dont certains proches collaborateurs de l’ancien président, confirment qu’il a pris la décision à la suite de fortes pressions internationales. “Si ce soir, c’est ma démission qui peut empêcher un bain de sang, j’accepte de partir avec l’espoir qu’il y aura la vie et non la mort”, écrit-il dans la lettre qu’il a signée juste avant de quitter Haïti, le dimanche 29 février à l’aube. Outre la progression des rebelles du Front du Nord, commandés par Guy Philippe, l’élément décisif a sans doute été le retrait de la compagnie américaine Steele Foundation, chargée de sa garde rapprochée.


“L’affaire a probablement été réglée par un coup de téléphone de Washington à San Francisco -où se trouve le siège de Steele-, suppute un diplomate. Il y a quelques semaines, le président Aristide avait demandé des renforts à la Steele, qui lui avaient été refusés. L’ambassadeur des Etats-Unis, James Foley, avait dit au responsable de cette garde prétorienne de 25 vétérans des forces spéciales américaines que les marines ne viendraient pas à leur secours s’ils étaient débordés par les rebelles.


CARGAISON D’ARMES


Plusieurs indices indiquent que M. Aristide souhaitait résister mais n’en a pas eu les moyens. Une cargaison d’armes commandée en Afrique du Sud est arrivée trop tard, après son départ. Durant la semaine qui a précédé sa chute, les “chimères”, les bandes armées de partisans du président, ont semé la terreur à Port-au-Prince, tandis qu’il appelait la communauté internationale à intervenir devant les caméras de CNN.


Le président haïtien espérait que l’intervention de forces internationales désarmerait ses opposants et lui permettrait de rester au pouvoir, conformément au plan présenté par la Communauté des pays des Caraïbes (Caricom). Mais il était déjà trop tard. Trois jours après que la France eut demandé la démission de M. Aristide, les Etats-Unis lui imputèrent à leur tour la responsabilité de la crise. Son sort était désormais scellé.


Samedi 28 février, à 19 h 30, l’ambassadeur Foley arrive à la Villa d’accueil, siège des bureaux du premier ministre Yvon Neptune. Fait inhabituel, un marine l’accompagne jusqu’à la porte de M. Neptune. L’entretien dure plus d’une heure. Le chef du gouvernement en ressort l’air très préoccupé. A ses collaborateurs, qui sont à la recherche d’essence, il lâche que “l’affaire est très grave”. Un peu plus de deux heures plus tard, à 23 heures, il reçoit un appel de Jean-Bertrand Aristide lui demandant de le rejoindre d’urgence à sa résidence de Tabarre, dans la banlieue de Port-au-Prince.


Dans un salon, il y retrouve le ministre des finances, Gustave Faubert, la directrice de la Fondation Aristide, Mirlande Lubérice, et quelques autres proches. Durant plusieurs heures, ils ne verront pas le président et son épouse Mildred, qui sont à l’étage en train de préparer leurs affaires et d’appeler leurs amis lobbyistes aux Etats-Unis. Lorsque M. Aristide apparaît enfin, vers 3 heures du matin dimanche, il leur annonce que tout est fini et qu’un avion l’attend.


Peu après 4 heures, Luis Moreno, le numéro deux de l’ambassade des Etats-Unis, arrive avec six agents spéciaux du service de protection diplomatique. M. Moreno connaît bien Haïti, où il a été en poste il y a dix ans, lorsque les troupes américaines ont ramené M. Aristide au palais présidentiel, et les dossiers de la drogue, dont on dit qu’ils ont été utilisés pour faire pression sur le président haïtien, mis en cause par Beaudoin Jacques Kétant, un gros bonnet sous les verrous à Miami.


Haïti est devenue une plaque tournante du narcotrafic. Les rumeurs impliquent des autorités locales à tous les niveaux. La fortune accumulée par M. Aristide restant inexpliquée, les supputations vont bon train. Comme pour le général Manuel Noriega au Panama, les Américains détiendraient-ils des éléments compromettants ?


“Lorsque nous sommes arrivés, les bagages étaient prêts. J’ai dit “Vous savez pourquoi nous sommes ici”. Aristide a répondu “Oui, bien sûr””, a raconté Luis Moreno à deux journalistes du Chicago Tribune et du Washington Post. Le diplomate a demandé à M. Aristide si sa lettre de démission était prête. “Vous avez ma parole”, a-t-il répondu. Le couple présidentiel a pris place à bord d’un gros 4×4 de l’ambassade tandis que Luis Moreno et les agents s’engouffraient dans un autre. Il fait encore nuit lorsqu’ils arrivent sur le tarmac de l’aéroport, proche de la résidence présidentielle.


Informé de la prochaine arrivée de l’avion affrété par le gouvernement américain, M. Moreno se dirige vers le véhicule où se trouve le président Aristide. Il lui remet sa lettre de démission, rédigée en créole. “Je lui ai serré la main et il est parti.” L’avion blanc a décollé vers 6 h 15. M. Aristide ne connaissait pas sa destination. D’après l’un de ses collaborateurs, on lui avait dit que ce serait l’Afrique du Sud. Selon le diplomate américain, les échanges ont été courtois. “Il n’y a eu ni menace, ni pression physique d’aucune sorte. Il ne s’agit certainement pas d’un coup.”


“Dans la nuit du 28 au 29, j’ai très bien dormi”, se rappelle l’ambassadeur de France Thierry Burkard. Il affirme qu’il n’a eu connaissance du départ de Jean-Bertrand Aristide que vers 6 heures du matin, par un appel du responsable de la Croix-Rouge lui annonçant l’annulation d’un convoi.


Jean-Michel Caroit


Par Jean-Pierre PERRIN, envoyé spécial


Port-au-Prince


ne carcasse de voiture incendiée barre la rue Montalais. Les «chimères» ­ bandes armées au service d’Aristide ­ l’ont poussée là, au coeur de Port-au-Prince, pour bien montrer qu’ils sont chez eux. «Pour que personne n’entre. Seulement les gens du quartier», indique Jean Dardy, joueur de samba au chômage. Depuis la barricade, on aperçoit le palais national, défendu par des chars américains.


«A nouveau occupé». Commence ici le quartier de Bel-Air et cette part ingouvernée de la capitale où l’on trouve les plus fervents partisans de l’ex-Président Aristide. «Tous les jeunes sont aristidiens. On est vraiment triste que les Américains et les Français l’aient forcé à partir. Sans lui, on est foutu», ajoute le musicien. «La vie, poursuit son copain Isaac Brutus, c’était pas de la rigolade, mais on vivait quand même. Maintenant, on est dans la merde. Le coup d’Etat contre Aristide, c’est un coup d’Etat contre l’éducation, la santé, l’espérance. Cela faisait deux cents ans qu’on était libre et maintenant, on est à nouveau occupé.» Qu’importe si le Président déchu n’a quasiment rien fait pour ces rues déshéritées, il représentait l’espoir d’une vie meilleure.


«C’est le seul président qui voulait faire quelque chose pour les masses. A travers lui se cristallisaient toutes les revendications», dit Jean Dardy. Et l’espoir aussi d’une revanche sociale, notamment sur la bourgeoisie mulâtre, haïe dans ce quartier. «Les bourgeois ne sont pas Haïtiens. Si vous êtes sang-mêlé avec des blacks, vous êtes black, c’est tout. Mais ces métis souffrent de blancomanie», insiste Isaac Brutus, lui aussi au chômage, comme presque toute la population du secteur. «Ce sont les bourgeois qui ont voulu le départ d’Aristide. Ils étaient fâchés parce qu’il avait fait augmenter le salaire journalier des ouvriers de 25 à 200 gourdes (1)», ajoute-t-il. Il note aussi que si l’électricité et l’eau ont été rétablis dans les quartiers des classes aisées, elles sont toujours absentes ­ à présent depuis quinze jours ­ à Bel-Air.


Ici, malgré le départ forcé de «Titid» (le surnom d’Aristide), ce sont toujours les militants de Lavalas (le mouvement présidentiel, «l’avalanche», en créole) et bien sûr, les chimères qui font la loi. «Lavalas est encore dans tous les coeurs. Mais leurs gens ont peur. Il n’y a pas de sécurité», déclare Gregor, un jeune plasticien, également au chômage. Quant aux chimères, ils seraient «boisés» (cachés). En fait, plusieurs d’entre eux écoutent la conversation mais les jeunes les plus éduqués ne les laissent pas s’exprimer. On les reconnaît à leur bonnet de laine ou bandana et à des dégaines de dealers latinos. Sans doute ne savent-ils pas encore que leurs chefs, dont Paul Raymond, un haut responsable des télécommunications haïtiennes et l’un des financiers «chimériques», ont pris la fuite. Au total, 29 «gros» chimères, selon des sources diplomatiques et de l’opposition, sont partis mercredi par avion, pour une destination inconnue. Certains avec beaucoup de sang sur les mains.


Défilés pacifiques. Brusquement, chants et musique envahissent la rue. Les slogans aussi : «Aristide ou la mort», «Aristide, c’est le roi». Et surtout : «Aristide dédoublé» (même en exil, il est toujours en Haïti, ndlr). Chirac et Bush sont conspués. Ils sont plusieurs milliers de manifestants à se rendre en dansant et en brandissant la photo du Président déchu. «Il y aura des défilés pacifiques tous les jours jusqu’à ce qu’il revienne», assurent les manifestants.


(1) 100 gourdes = 2 euros


La Ligue centrafricaine des droits de l’Homme (LCDH) a réclamé jeudi le départ “sans délai” du président haïtien déchu Jean-Bertrand Aristide, hébergé depuis lundi à Bangui, refusant que le pays soit un “dépotoir pour un ancien despote”.


La Ligue “exige que le tyran hébergé au Palais de la Renaissance (présidence centrafricaine, ndlr) quitte sans délai le territoire centrafricain”, indique un communiqué transmis à l’AFP à Libreville.


La LDCH “refuse que la RCA (Républiq




ue centrafricaine) soit un dépotoir pour un ancien despote rejeté par les autres pays d’Amérique, d’Europe et d’Afrique”.


“En cédant aux pressions extérieures, les autorités centrafricaines prennent la responsabilité de la fragilisation du processus de transition, la présence de ce criminel en RCA étant source de vives tensions, critiques et polémiques”, dénonce le texte.

La LCDH, soulignant les “graves violations de droits de l’Homme” perpétrées par le régime de M. Aristide, exprime “sa solidarité envers le peuple haïtien dans sa lutte contre la dictature et pour la restauration d’un Etat de droit”.

M. Aristide est arrivé lundi à Bangui pour un séjour censé n’être qu’une étape sur le chemin de l’exil, après avoir quitté la veille, sous la pression de la rue et de la communauté internationale, le pouvoir et son pays en proie à des troubles depuis trois semaines.

Il devrait toutefois rester en Centrafrique au moins jusqu’au 14 avril, en raison d’échéances électorales en Afrique du Sud, pays pressenti pour l’accueillir ensuite, a indiqué une source diplomatique africaine à Bangui.

Selon des sources politiques africaines ayant requis l’anonymat, les pays candidats à l’accueil de l’ancien président d’Haïti ne se bousculaient pas à son départ dimanche de Port-au-Prince.

Diverses pressions et contreparties financières ont pu achever de convaincre la Centrafrique, asphyxiée économiquement par 25 ans de crises politico-militaires à répétition, et extrêmement dépendante de l’aide internationale.



«Si le nouveau président a besoin de nous, ce sera avec plaisir. Sinon, je retournerai à Pestel, ma ville natale, le berceau de ma famille», déclarait Guy Philippe il y a encore une dizaine de jours. Visiblement agacés par la parade triomphale dans Port-au-Prince, il y a deux jours, du chef autoproclamé des insurgés à la tête d’une véritable petite armée, les Etats-Unis ont rappelé Guy Philippe à ces promesses d’avant le départ d’Aristide.



Au terme de deux jours d’un bras de fer avec Washington, l’ex-commissaire de police a annoncé dans la soirée qu’il déposait les armes. Il avait été reçu le matin même par un colonel des marines, qui lui avait répété le message lancé par la Maison Blanche la veille, demandant aux insurgés de rentrer chez eux. Depuis le début de la crise, les Etats-Unis n’ont jamais caché leur peu de sympathie pour un homme qu’ils soupçonnent d’être lié aux narco-trafiquants et à qui ils ont toujours dit ne réserver aucun rôle dans le processus de normalisation du pays.


Le président haïtien par intérim, Boniface Alexandre, a encore enfoncé le clou en nommant au poste de directeur de la police nationale Léonce Charles, un homme réputé proche des Américains. Un nouveau désaveu pour Guy Philippe qui ambitionait de contrôler les services de sécurité en Haïti.


Au cours de sa déclaration, en créole, l’ex-commissaire de police a indiqué que la communauté internationale lui avait garanti que la sécurité des haïtiens «serait assurée». «Nous avons aussi reçu l’assurance que la démocratie sera mise en oeuvre à Haïti, a-t-il dit. C’est fini».


De nouvelles troupes étrangères sont arrivées hier en Haïti, où les Chimères de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide continuent de semer la terreur dans certains quartiers de Port-au-Prince. Les affrontements entre Chimères et policiers ont fait trois morts, selon des témoins. Le Premier ministre Yvon Neptune décrété hier l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire.


Une nouvelle unité de gendarmes mobiles français est arrivée dans la matinée à Port-au-Prince, et environ 110 militaires du 3e régiment étranger d’infanterie basé à Cayenne (Guyane) devaient arriver dans la foulée. Au total, 800 soldats français ont été mobilisés, dont 600 sont déjà déployés sur le terrain. L’aéroport de Port-au-Prince a été rouvert hier aux vols civils et un premier avion chargé d’aide alimentaire et médicale a pu y atterrir.


Sur le plan politique, plusieurs entités de la société civile ont désigné leurs représentants à un futur Conseil d’une dizaine de sages, dont la création est prévue par le plan international de règlement de la crise en Haïti. Une fois formé, ce Conseil, représentant la diversité de la société haïtienne, devrait désigner un nouveau premier ministre, bénéficiant de la confiance de la population, ouvrant la voie à des élections parlementaires.


«Si le nouveau président a besoin de nous, ce sera avec plaisir. Sinon, je retournerai à Pestel, ma ville natale, le berceau de ma famille», déclarait Guy Philippe il y a encore une dizaine de jours. Visiblement agacés par la parade triomphale dans Port-au-Prince, il y a deux jours, du chef autoproclamé des insurgés à la tête d’une véritable petite armée, les Etats-Unis ont rappelé Guy Philippe à ces promesses d’avant le départ d’Aristide.



Au terme de deux jours d’un bras de fer avec Washington, l’ex-commissaire de police a annoncé dans la soirée qu’il déposait les armes. Il avait été reçu le matin même par un colonel des marines, qui lui avait répété le message lancé par la Maison Blanche la veille, demandant aux insurgés de rentrer chez eux. Depuis le début de la crise, les Etats-Unis n’ont jamais caché leur peu de sympathie pour un homme qu’ils soupçonnent d’être lié aux narco-trafiquants et à qui ils ont toujours dit ne réserver aucun rôle dans le processus de normalisation du pays.


Le président haïtien par intérim, Boniface Alexandre, a encore enfoncé le clou en nommant au poste de directeur de la police nationale Léonce Charles, un homme réputé proche des Américains. Un nouveau désaveu pour Guy Philippe qui ambitionait de contrôler les services de sécurité en Haïti.


Au cours de sa déclaration, en créole, l’ex-commissaire de police a indiqué que la communauté internationale lui avait garanti que la sécurité des haïtiens «serait assurée». «Nous avons aussi reçu l’assurance que la démocratie sera mise en oeuvre à Haïti, a-t-il dit. C’est fini».


De nouvelles troupes étrangères sont arrivées hier en Haïti, où les Chimères de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide continuent de semer la terreur dans certains quartiers de Port-au-Prince. Les affrontements entre Chimères et policiers ont fait trois morts, selon des témoins. Le Premier ministre Yvon Neptune décrété hier l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire.


Une nouvelle unité de gendarmes mobiles français est arrivée dans la matinée à Port-au-Prince, et environ 110 militaires du 3e régiment étranger d’infanterie basé à Cayenne (Guyane) devaient arriver dans la foulée. Au total, 800 soldats français ont été mobilisés, dont 600 sont déjà déployés sur le terrain. L’aéroport de Port-au-Prince a été rouvert hier aux vols civils et un premier avion chargé d’aide alimentaire et médicale a pu y atterrir.


Sur le plan politique, plusieurs entités de la société civile ont désigné leurs représentants à un futur Conseil d’une dizaine de sages, dont la création est prévue par le plan international de règlement de la crise en Haïti. Une fois formé, ce Conseil, représentant la diversité de la société haïtienne, devrait désigner un nouveau premier ministre, bénéficiant de la confiance de la population, ouvrant la voie à des élections parlementaires.




Le Cap: Caroline Dumay


Jean-Bertrand Aristide va-t-il venir se réfugier en Afrique du Sud ? L’évolution du discours des autorités de Pretoria sur la question laisse à penser que de sérieuses négociations sont en cours. D’autant que les rapports entre le président sud-africain Thabo Mbeki et son homologue déchu rendent un exil sud-africain fort possible.


Les premières informations émanant du protocole d’Etat de la République centrafricaine selon lesquelles Pretoria pourrait être la destination finale du président haïtien en fuite se sont répandues comme une traînée de poudre dans l’ex-pays de l’apartheid. Les autorités ont pourtant mis un certain temps à confirmer la nouvelle. Alors qu’ils affirmaient dimanche qu’ils n’étaient «au courant de rien», les responsables du ministère des Affaires étrangères ont finalement convenu qu’ils étaient «en discussion avec d’autres pays» pour trouver une solution au sort du responsable haïtien. «Sur le principe, nous n’aurions pas de problème» pour accueillir Aristide, a déclaré lundi le vice-ministre des Affaires étrangères, Aziz Pahad, en ajoutant qu’il leur faudrait quand même «consulter sur la question les acteurs régionaux, Communauté des pays de la Caraïbe et Organisation des Etats américains, ainsi que d’autres acteurs clés comme la France ou les Etats-Unis».

Le président sud-africain préfère pour l’instant garder le silence. Thabo Mbeki avait été sous le feu de vives critiques nationales et internationales au moment des fêtes du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti le 1er janvier dernier. Son aide financière aux cérémonies de commémoration (près d’un million et demi de dollars) avait été interprétée comme un soutien à un régime honni. Thabo Mbeki était d’ailleurs le seul chef d’Etat à s’être déplacé pour la circonstance. Ses collaborateurs ont ensuite souvent tenté de jouer les médiateurs entre pouvoir et opposition en Haïti. Si une demande d’asile est accordée, l’opposition sud-africaine promet une sérieuse levée de boucliers. «Mbeki semble disposé à dissiper l’immense bonne volonté qui entourait l’Afrique du Sud dans le monde en raison de ses liens d’étrange amitié avec les Mugabe, les Saddam Hussein ou les Aristide de ce monde», déclarait Douglas Gibson, le porte-parole de l’Alliance démocratique (DA) de Tony Leon.

Pendant que la polémique secoue la classe politique sud-africaine, la presse locale s’en donne à coeur joie. Un journal afrikaner révélait samedi qu’un contingent d’armes était en route pour Haïti. Un Boeing 747 de l’armée sud-africaine devait y acheminer 150 mitraillettes, 200 grenades lacrymogènes, 200 gilets pare-balles et un lot de plusieurs types de munitions. Personne, au sein du ministère de la Défense, n’a tenu à faire de commentaire sur cette information.




Un Haïtien, soupçonné d’assassinats multiples pour le parti de l’ex-président Aristide, a été lapidé puis brûlé vivant par des habitants armés de Petit Goave, à quelque 50 km au sud de Port-au-Prince, mercredi.
Le Premier ministre haïtien, Yvon Neptune, a imposé mercredi l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire haïtien, «pour rétablir le calme et éviter les débordements» (lire l’article). S’adressant pour la première fois à la nation, le président par intérim, Boniface Alexandre, a appelé de son côté les Haïtiens à s’unir. «Je suis le président de tous les Haïtiens», a-t-il dit dans un discours à la radio. «J’appelle tous les Haïtiens à se rassembler pour promouvoir la paix.»
Les insurgés haïtiens de l’ex-commissaire Guy Philippe, contraints par les Etats-Unis, ont accepté mercredi de déposer les armes où des renforts militaires étrangers continuaient d’arriver. Un premier avion d’aide humanitaire, un DC-8 affrété par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), a atterri mercredi avec à son bord 30 tonnes de médicaments, d’eau potable, d’installations sanitaires et d’équipements obstétricaux.


 


















A Haïti, les rebelles prêts à désarmer, pas les chimères
Malgré la présence de soldats français et américains, les pillages continuent à Port-au-Prince. L’état d’urgence a été décrété.
Par Jean-Pierre PERRIN



«Guy Philippe n’a de contrôle sur rien, à part une bande de gens en haillons.» Roger Noriega, secrétaire d’Etat adjoint
 









Arrivée triomphale de Guy Philippe lundi à Port-au-Prince. Le chef des insurgés haïtiens a annoncé mercredi que les rebelles sous ses ordres avaient décidé de poser les armes.
©  REUTERS. Photo prise le 1er mars 2003.
Port-au-Prince envoyé spécial


haque jour voit le Palais national davantage investi par l’armée américaine. Quelques hommes lundi, quelques véhicules mardi et, hier, des GI et des civils armés partout, dans tous les coins, jusque sur les toits de l’imposant édifice blanc, tandis qu’une dizaine d’engins blindés labourent à présent l’impeccable pelouse émeraude. De l’autre côté de l’enceinte, la foule, plusieurs centaines de personnes, n’est pas du tout contente. «Les soldats américains sont au palais mais les problèmes ne sont pas là. Les problèmes sont dans la rue. Pourquoi ils ne viennent pas dans la rue ? Pourquoi ils ne désarment pas les chimères ?» réagit Olibrius Belonet, un étudiant en sciences sociales. Autour de lui, la foule, essentiellement des hommes, approuve, bruyamment. «La population demande l’aide des Américains mais ils ne font rien pour l’aider. Et les soldats français, qu’est-ce qu’ils font ? Rien, non plus. Ils laissent les chimères continuer de nous terroriser», renchérit Mathieu Lubnet, un ancien responsable de la douane haïtienne, révoqué et emprisonné par Jean-Bertrand Aristide.


Pillages. C’est vrai que ni les marsouins français ni les GI ne sont visibles dans les rues. Dès lors, si le centre-ville et certains secteurs aisés de la capitale échappent désormais au contrôle des gangs de jeunes longtemps à la solde du Président déchu, ces derniers continuent de tenir sous leur coupe nombre de quartiers, notamment les plus populaires : Cité-Soleil, Petit Bois, Bel Air… «Dans mon quartier, j’ai entendu des rafales toute la nuit», raconte Alexis Jérémie, un chauffeur de taxi. Même dans le port, toujours en partie sous le contrôle de chimères, les pillages de conteneurs ont continué dans la nuit de mardi à mercredi. Les marines ont dû venir faire une démonstration de force, en s’y présentant avec des… missiles sol-sol. «Avec la concentration de population qui existe à Port-au-Prince, gare aux dégâts collatéraux», commente un fonctionnaire international.


Trois jours après le départ d’Aristide, les hôpitaux de Port-au-Prince, y compris l’Hôpital général, ne sont toujours pas protégés. D’où la peur des malades de se faire enlever ou assassiner s’ils y passent la nuit. C’est le cas à Canapé-Vert, l’un des meilleurs établissements de la ville, qui, depuis peu, a retrouvé un chirurgien pour opérer. «Alors les gens préfèrent rester chez eux plutôt que de venir se faire soigner», commente un membre du Comité international de la Croix-Rouge.


Espoir. Face à la démission de la communauté internationale, qui a fait partir Aristide mais n’a rien prévu pour maintenir l’ordre, les Haïtiens se tournent vers Guy Philippe et son Front de résistance nationale, qui compterait à présent quelque 350 hommes dans la capitale. Autour du Palais national, il représente l’espoir de la foule qui prononce son nom presque avec vénération. «Oui, nous l’aimons. Comme on aime Jacques Chirac», déclare un étudiant.


Après son entrée triomphale dans Port-au-Prince, lundi, l’ex-commissaire de police n’a guère donné l’exemple de la réconciliation. Mardi après-midi, ses hommes se sont livrés au «déchoucage» (attaques contre des biens ou des personnes) du musée de l’Indépendance, devenu son quartier général. Les insurgés ont jeté par-dessus le balcon à la fois des peintures de l’art naïf haïtien et les objets ­ statues, cercueils, chaises rituelles, bustes, croix et tableaux ­ exposés dans les salles consacrées au vaudou. La foule les a piétinées en criant «Alléluia», avant d’en faire un gigantesque feu de joie. Le vandalisme a commencé juste après le départ de Guy Philippe, qui s’était fait acclamer par les mêmes manifestants.


Désarmement. En dépit de l’insécurité, les Etats-Unis viennent d’engager un bras de fer avec les insurgés pour les obliger à déposer les armes. Comme les «chimères», «les rebelles doivent se démobiliser et rentrer chez eux», a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Richard Boucher. Washington est favorable à des discussions avec l’opposition démocratique haïtienne, mais pas avec «les rebelles, les groupes armés, les voyous, les restes de l’ancienne armée, les anciens escadrons de la mort». Le secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires américaines, Roger Noriega, a été encore plus dur. Guy Philippe «n’a de contrôle sur rien, mis à part une bande de gens en haillons». Mais le chef des rebelles n’a pas l’air de vouloir fléchir : «Nous ne déposerons pas les armes tant qu’il y aura des chimères, il faut protéger le peuple haïtien. Seul le peuple peut nous demander ce qu’il veut.» Finalement, Guy Philippe a annoncé, hier soir, avoir déposé les armes. Et le Premier ministre haïtien Yvon Neptune a imposé l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire haïtien, «pour rétablir le calme et éviter les débordements».

Vous avez fait un rapport sur Haïti pour la Commission des droits de 
l’homme de l’ONU. Quel est votre bilan ?
 
Haïti est “somalisé”, l’Etat s’est effondré. On ne peut pas rétablir 
l’Etat de droit du jour au lendemain, car cela suppose un appareil de police 
et une justice qui fonctionnent. Il faut soutenir les acteurs du futur, 
c’est-à-dire les magistrats, les policiers, les fonctionnaires. Ils ont 
été complètement laminés, marginalisés ou exilés. Il faut leur redonner 
force et courage.
 
Une des sources importantes de la dégradation du pays était le règne de 
l’impunité. Entre les amnisties, les grâces et les réductions de peine, 
Aristide a fait libérer plusieurs centaines de personnes qui avaient 
été arrêtées pour violation des droits de l’homme. Les magistrats qui ont 
essayé de faire leur travail ont été découragés. En Haïti, un juge qui fait 
inculper un policier risque très sérieusement sa vie. Presque tous ceux 
qui ont essayé de faire appliquer la loi ont été révoqués oralement par le 
président. Nous avons constaté des évasions massives des prisons. Près 
de 600 détenus ont réussi à s’évader du pénitencier national, et personne 
n’a demandé que le directeur général des prisons démissionne.
 
Que recommandez-vous ?
 
Une des recommandations est la création d’un bureau du haut-commissaire 
des droits de l’homme à Port-au-Prince. Il faut vraiment soutenir ce que 
j’appelle les acteurs du futur. Il faut créer une banque de données des 
disparitions et des exécutions sommaires, car nous sommes dans le noir 
le plus profond à ce sujet.
 
Le plus important, c’est le poste de “protecteur du citoyen”, dont le 
travail ressemblera à celui du médiateur de la République en France. Il 
faut mettre une forte personnalité à ce poste, une personne respectée et 
dynamique qui puisse s’imposer.
 
Faut-il juger M. Aristide ?
 
Une justice sommaire serait la pire des choses pour l’avenir du pays. A 
mon avis, le jugement d’Aristide n’est pas la priorité. Dans un premier 
temps, il faut rétablir la sécurité pour que les institutions puissent se 
mettre en place. En ce qui concerne la justice, la priorité est le droit de 
savoir pourquoi et comment les exactions ont pu arriver. J’aimerais connaître 
comment étaient financées les “chimères”.
 
Les ONG ont fait des rapports très détaillés avec des noms, des lieux 
et même des photos. Il faut créer des commissions de vérité et de 
conciliation, car la réconciliation suppose le pardon et la repentance.
On n’en est pas là. En Haïti, un opposant est d’abord un ennemi et non pas un 
adversaire.
 
Mon espoir le plus cher serait que la classe politique évolue, accepte 
le processus de transition et fasse des concessions. Quant à la justice 
internationale, un procès serait très coûteux et très long. Il faut, 
pour l’instant, laisser passer un peu de temps et juger Aristide en Haïti.
 
Propos recueillis par Afsané Bassir Pour.
 
 

 

Les autorités centrafricaines, qui accueillent Jean-Bertrand Aristide à Bangui depuis le 1er mars, ont intimé au président haïtien déchu d’observer un devoir de réserve, après qu’il eut affirmé à la presse avoir été enlevé, a indiqué mardi une source officielle à Bangui.


 


“J’ai conduit personnellement la délégation ministérielle qui l’a rencontré pour lui demander de respecter ses obligations”, a déclaré le ministre centrafricain des Affaires étrangères, Charles Hervé Wénézoui.


 


“Nous avons reçu mission des plus hautes autorités de l’Etat de transmettre au président Aristide que la République centrafricaine (RCA) l’a accueilli en vertu de son hospitalité légendaire et qu’il se devait de respecter les règles de cette hospitalité”, a-t-il précisé.


“Nous pensons que le président Aristide, qui nous a laissé de bonnes impressions à son arrivée, fera montre de sagesse”, a-t-il conclu.


 


M. Aristide avait affirmé à la chaîne de télévision américaine CNN avoir été victime “d’un coup d’Etat” et “d’un enlèvement moderne” en étant poussé par les Etats-Unis à quitter de façon précipitée le 29 février le pouvoir et son pays.


 


Ces déclarations et celles de proches indiquant à la presse qu’il avait dit se sentir prisonnier à Bangui avaient suscité l’irritation et l’embarras du gouvernement centrafricain.


 


M. Aristide est autorisé à utiliser son téléphone, “mais pas pour nuire aux intérêts du peuple haïtien, ni pour remettre en cause la volonté des amis de la RCA qui veulent aider le peuple haïtien à retrouver la paix”, a également indiqué le ministre.


 


Le porte-parole du gouvernement centrafricain, Parfait M’bay, a de son côté souligné que “si l’ex-président Aristide veut rester encore un moment en Centrafrique, c’est un pays qui a des amis, qui l’ont aidé à quitter Haïti pour venir jusqu’ici”.


 


“Il doit être reconnaissant vis-à-vis de ces pays”, a-t-il souligné en référence aux Etats-Unis et à la France.


 


Les gendarmes centrafricains en faction devant le Palais de la Renaissance (présidence centrafricaine) à Bangui ont ordre de ne pas laisser passer les journalistes, a constaté le correspondant de l’AFP.


 


“Les consignes sont claires, les journalistes ne sont pas autorisés à rencontrer l’ancien président, qui ne reçoit pas depuis qu’il est là et qui n’est pas sorti de son appartement”, a confié à l’AFP un des gendarmes chargés de la protection de la villa où est hébergé Jean-Bertrand Aristide, située à l’intérieur de l’enceinte de la présidence.


 


 


 


Aristide a-t-il été militairement forcé ou non à s’exiler vers la République centrafricaine avec sa famille ? La question n’a, selon Robert Fatton, professeur d’origine haïtienne à l’université de Virginie, guère d’importance : «Il était lâché par les Français, par les Américains, les rebelles étaient aux portes de Port-au-Prince : il n’avait pas d’autre choix pour sauver sa vie que de faire ce qu’on lui disait de faire. Il n’est pas parti de son plein gré, mais il n’a pas non plus été menotté.» Ce départ ambigu ne peut qu’alimenter la controverse. Aristide parle de «coup d’Etat», mais il a visiblement coopéré : «On m’a dit que pour éviter le bain de sang il valait mieux que je parte», a-t-il déclaré sur CNN lundi. A Associated Press, qui lui demandait le même jour s’il était parti de son plein gré, il a répondu : «Non, on m’a forcé. Des agents m’ont dit que, si je ne partais pas, on commencerait à tirer et à tuer.» Quels agents ? «Des Américains. Des soldats blancs… Ils sont venus la nuit, ils étaient trop nombreux pour pouvoir les compter…»


Courtoisie. Selon la thèse officielle, Aristide est parti de son plein gré, pour assurer sa sécurité. Il n’y aurait eu aucune menace, aucune contrainte physique, et même beaucoup de «courtoisie». L’ONU a décidé de ne pas se scandaliser du départ d’Aristide. «Nous n’avons pas de problème. Il a démissionné», a tranché la porte-parole Marie Heuze, hier.


Lundi, le révérend et militant noir Jesse Jackson a tenu une conférence de presse à Atlanta, pour dénoncer le «coup d’Etat». Les Noirs américains ont toujours été attentifs à la politique vis-à-vis d’Haïti, pays fondé il y a deux siècles à la suite d’une révolte d’esclaves, et première République noire de l’histoire. Jackson et ses collègues réclament une commission d’enquête pour déterminer si les Etats-Unis ont participé au renversement d’un gouvernement démocratiquement élu. Le révérend laisse entendre que les Américains ont mené un double jeu, encourageant en sous-main la rébellion. Il a invité les journalistes à s’interroger sur la «provenance des armes et des uniformes» des rebelles… Robert Fatton doute qu’il y ait eu une intervention directe, mais selon lui l’administration Bush ne pouvait qu’être au courant des préparatifs. «Les rebelles ne peuvent pas s’être entraînés en République dominicaine, avoir reçu de nouveaux équipements et traversé la frontière sans que les Etats-Unis ne le sachent», estime-t-il.


Sécurité. Au Congrès, le «black caucus», qui réunit les élus noirs, a aussi protesté contre le renversement d’Aristide, et il compte soulever la question aujourd’hui, lors de la réunion de la commission des relations internationales. Une délégation s’est rendue lundi à l’ONU, à New York, pour s’entretenir avec Kofi Annan. L’un des représentants, Charles Rangel, a rencontré Aristide lundi. Selon lui, l’ex-président haïtien aurait signé une lettre de démission dictée au téléphone par l’ambassade américaine, qui lui aurait fait comprendre qu’à défaut «ils ne pourraient rien faire pour sa sécurité» (le style de la lettre, disent cependant les spécialistes d’Haïti, est très «aristidien»).


Quoi qu’il en soit, la controverse est devenue un des sujets de la campagne électorale. Dimanche à New York, John Kerry a attaqué la façon dont Bush affronte la situation : «Il est en retard, comme toujours. (…) Je n’aurais jamais laissé les choses dégénérer comme elles l’ont fait. Cette administration a renforcé les rebelles.» Le sénateur démocrate prend ainsi date : si la situation dégénère dans l’île, cela ne manquera pas de lui fournir un nouvel angle d’attaque contre le président américain.


 



 








 

 


 












Image vidéo prise lors de l’arrivée de Jean-Bertrand Aristide en République centrafricaine.
©  REUTERS. Image diffusée le 1er mars 2004.


Le gamin était un chimère ou un voleur des rues. Age : 15 ou 16 ans. Il a été tué pendant la nuit lors d’un règlement de comptes ou un pillage. Mais son corps gisait encore, hier en fin de matinée, sur le trottoir, occupé par un petit marché, à quelques pas des vendeuses d’agrumes, largement indifférentes. Personne pour s’occuper de l’adolescent. A peine un léger ralentissement des automobilistes curieux empruntant la rue John-Brown, redevenue hier assez animée. Même un convoi de policiers remontant l’artère ne s’est pas arrêté pour s’occuper du corps. Un peu plus bas, c’est le Palais national, où les véhicules de l’armée américaine campent désormais sur la pelouse immaculée face à une foule toujours nombreuse qui vient les regarder.


Lieu symbolique. A quelques dizaines de mètres de là, c’est le musée de l’Indépendance, nouveau quartier général des insurgés, qui ont pris, lundi, Port-au-Prince. On peut les voir à travers les grilles de l’enceinte confier leurs rangers à un cireur de chaussures, seul civil admis à entrer dans ce qui fut le quartier général de l’armée haïtienne (dissoute en 1995 par Aristide). Le Front de résistance national, ou Armée du Nord, comme on l’appelle aussi, s’est réapproprié un lieu des plus symboliques. Mais on ne voit pas ses soldats dans les rues de la ville, où, une fois la nuit tombée, on continue de piller et de tuer. D’autant plus, comme le dit un chauffeur de taxi, que «la chasse aux chimères a commencé».


Pour sa première conférence de presse, le «commandant général» du Front, l’ex-commissaire Guy Philippe, a choisi un hôtel discret de la Montagne-Noire, un quartier chic qui surplombe la capitale. Il est venu accompagné d’officiers de police pour bien montrer qu’il contrôle les forces de police haïtiennes, du moins «la plupart». Il fait plutôt profil bas, tenant à rassurer. Et à faire oublier qu’il est à la tête d’une coalition plutôt biscornue.


Bons rapports. A l’inévitable question sur le désarmement de son armée, il répond qu’il y aura d’abord des «discussions et des négociations». «Si le président de la République intérimaire me demande de déposer les armes, je le ferai. On doit respecter la Constitution», ajoute-t-il un peu plus tard. Il déclare aussi avoir «de très bons rapports avec l’opposition» civile et prône «la réconciliation avec les chimères et tout le peuple». Mais le populisme et l’ambiguïté percent dans ses propos. S’il affirme ne posséder «aucune ambition politique» et s’être rebellé «par obligation morale», il répond ensuite à un journaliste qui lui demande s’il a derrière lui des centaines ou des milliers de soldats : «Des millions. J’ai tout le peuple d’Haïti derrière moi.» Et il se tire par une pirouette d’une question sur l’aide militaire fournie par les Etats-Unis : «C’est pas vrai. C’est le peuple haïtien qu’ils ont aidé.»


L’opposition civile, elle, demeure sur ses gardes. On le serait à moins. Une partie des insurgés sont issus d’un gang armé qui a longtemps été l’allié d’Aristide et travaillait, sous le nom d’«Armée cannibale», à la répression des opposants. L’autre comprend d’anciens militaires putschistes qui furent «les bourreaux du peuple haïtien». Guy Philippe lui-même est suspecté par l’administration américaine d’avoir un passé de trafiquant de drogue. Ce qui fait dire à Michel Gaillard, un intellectuel qui est aussi le porte-parole de la Plate-forme démocratique, que Washington est derrière l’Armée du Nord. «Comment se fait-il que des centaines d’hommes armés aient pu traverser la frontière (entre Haïti et Saint-Domingue, ndlr) au vu et au su de l’armée dominicaine, qui est étroitement liée au Pentagone ?» D’où cette explication : «Les Américains ont pu mettre en place un mécanisme pour nous pousser dans les bras d’Aristide. C’est comme s’ils nous avaient dit : “Regardez, il y a un épouvantail, des gens mauvais. Et, entre des gens mauvais illégitimes et un homme lui aussi mauvais (Aristide, ndlr) mais légitime, associez-vous avec le second.” Mais Washington ne s’attendait pas à ce que l’Armée du Nord conquière aussi facilement tout le pays.»


Rencontre. Lundi, l’opposition civile et les insurgés se sont rencontrés. «Ça s’est très bien passé. Nous avons pris acte que l’Armée du Nord est libre, puissante et détient une grande cote de popularité. Nous ne ferons preuve d’aucun antagonisme à son encontre», déclare Michel Gaillard. Qui ajoute : «Et puis, quand on se noie, on ne demande pas à la main qui vous sauve qui elle est.»


 



 


Le chef militaire des insurgés haïtiens Guy Philippe a annoncé mercredi en fin de journée avoir déposé les armes. Cette décision intervient après une rencontre avec un colonel des marines américains qui lui a demandé de désarmer ses troupes, en lui faisant savoir qu’il devait abandonner toute ambition de contrôler Haïti. Pourtant mardi, les insurgés avaient affirmé leur refus de désarmer tant que les “chimères” pro-Aristide, toujours actives dans certains quartiers de Port-au-Prince, n’auraient pas déposé leurs armes. Il y aurait 350 membres des forces insurgées à Port-au-Prince. Des fusillades mercredi entre “chimères” et policiers haïtiens dans le sud-ouest et l’est de la capitale haïtienne ont fait au moins trois morts, selon des témoins.


Il semble que les pressions américaines sur les insurgés en Haïti ont fonctionné puisque mercredi 3 mars Guy Philippe, le chef des insurgés, a annoncé avoir déposé les armes. Guy Philippe, s’exprimant lors d’une conférence de presse en dehors de Port-au-Prince, a ajouté que les insurgés ne patrouilleraient plus dans les rues de la capitale.

“Nous avons décidé de poser nos armes”, a dit Philippe, qui, mardi, s’était proclamé chef de l’armée et de la police.


Au cours de sa déclaration en créole, Guy Philippe a indiqué que la communauté internationale lui avait dit que la sécurité des haïtiens “serait assurée”. “Nous avons aussi reçu la garantie que la démocratie sera mise en oeuvre à Haïti”, a-t-il dit.
Notre premier objectif a été atteint, c’est-à-dire le départ de Jean Bertrand Aristide du pouvoir”, a-t-il encore déclaré.
L’ex-commissaire Guy Philippe, “commandant en chef” du Front de résistance nationale, avait fait une entrée triomphale lundi à Port-au-Prince à la tête d’une petite force militaire bien armée.


Dans la journée de mercredi les Américains ont mis la pression sur Guy Philippe. Un colonel des marines a pour la première fois rencontré le chef militaire des insurgés pour lui signifier qu’il devait abandonner toute ambition de contrôler Haïti, où de nouvelles troupes étrangères continuent d’affluer. “Ce fut un message extrêmement franc”, selon une source diplomatique.


C’était la première fois qu’une telle rencontre était organisée entre les militaires américains et le commandant des insurgés, depuis le début, le 5 février, de leur insurrection en Haïti, qui a conduit le président Jean-Bertrand Aristide à démissionner et à fuir.


Les Etats-Unis attendaient que les insurgés tiennent leur promesse de désarmer dès le départ d’Aristide, a aussi fait savoir le colonel à Guy Philippe. S’ils ne le faisaient pas, ce serait une violation du code d’honneur militaire, avait ajouté l’officier des marines, selon la même source diplomatique. Il lui a été dit très clairement qu’il “serait tenu pour responsable de son engagement à déposer les armes comme il a dit qu’il le ferait et que s’il avait un quelconque honneur militaire, il devait le faire”. “Maintenant que leur ennemi est parti”, les insurgés “doivent tenir parole”, lui a-t-il été aussi dit.


Le colonel a répété à Guy Philippe les propos du département d’Etat mardi, selon lesquels les insurgés devaient rendre leurs armes, se séparer et rentrer chez eux. “Il y a en cours un processus ordonné et constitutionnel” et “les rebelles n’ont aucun rôle dans le processus politique” après le départ d’Aristide, avait souligné mardi le porte-parole du département d’Etat, Richard Boucher.


Les Etats-Unis peuvent donc s’estimer satisfaits de la décision de désarmer des insurgés. Pourtant mardi, les insurgés avaient affirmé leur refus de désarmer tant que les “chimères” pro-Aristide, toujours actives dans certains quartiers de Port-au-Prince, n’auraient pas déposé leurs armes. “Il faut que Guy Philippe soit nommé commandant en chef des forces armées haïtiennes”, avait souligné Winter Etienne, responsable politique du Front de résistance nationale. Les insurgés sont aujourd’hui 350 dans la capitale, avait-il précisé.


Des fusillades mercredi entre “chimères” et policiers haïtiens, dans le sud-ouest et l’est de Port-au-Prince, ont fait au moins trois morts, selon des témoins. De leur côté, les forces internationales entreprennent de désarmer les partisans d’Aristide dans Port-au-Prince.


DÉMONSTRATION DE FORCE


Avec en ligne de mire les insurgés, les militaires américains ont effectué une nouvelle démonstration de force, en positionnant sept blindés et deux Humvee dans l’enceinte du palais national, siège de la présidence, certains dotés de lance-missiles pointés vers la rue.


D’autres véhicules ont été déployés près des bureaux du premier ministre haïtien, Yvon Neptune, un proche d’Aristide, resté en Haïti et menacé d’arrestation par les insurgés mardi.


Une autre démonstration de force était prévue dans l’après-midi au palais national, avec une prise d’armes américano-française destinée aussi à montrer l’excellence des relations bilatérales. Une unité de gendarmes français est arrivée mercredi à l’aéroport de Port-au-Prince, portant à 250 le nombre de soldats et gendarmes français déjà déployés en Haïti. “Nous avons une mission de maintien de l’ordre”, a déclaré le capitaine français Thierry Gineste. Sans véhicule, les gendarmes ont été conduits au lycée français de la capitale.


Environ 110 militaires du 3e régiment étranger d’infanterie basé à Cayenne (Guyane) devaient arriver dans la foulée à Port-au-Prince. Au total, 800 soldats français ont été mobilisés pour Haïti, dont 600 sur le terrain et ils seront opérationnels jeudi, selon l’armée française.


134 officiers et soldats chiliens étaient attendus mercredi soir et ils seront renforcés prochainement par 180 fantassins et logisticiens. L’aéroport a été rouvert aux vols civils et un avion d’aide humanitaire y a atterri mercredi pour la première fois depuis plusieurs semaines.


Au plan politique, plusieurs entités de la société civile ont désigné leurs représentants à un futur conseil d’une dizaine de sages, dont la création est prévue par le plan international de réglement de la crise en Haïti. Une fois formé, ce conseil, représentant la diversité de la société haïtienne, devrait désigner un nouveau premier ministre, bénéficiant de la confiance de la population, ouvrant la voie à des élections parlementaires.


L’ex-président Aristide était toujours mercredi en République centrafricaine, où il a été prié d’observer un devoir de réserve, tandis que Pretoria semble de moins en moins enclin à lui accorder l’asile.


Avec AFP et Reuters



“Alea jacta est”, les dés sont jetés, disait-on en latin. Ils continuent de rouler, et parfois même gémissent, pourrait-on conclure en créole haïtien. Ainsi, il s’en est allé. Laissant derrière lui le feu qui ravage sans purifier, la force qui opprime sans protéger, le fer qui tranche sans amarrer, le chaos qui engloutit la liberté autant que l’espérance.


Aristide était-il un dictateur ou un apprenti sorcier ? Que valent les nuances lorsqu’elles se paient en centaines de vies humaines ? Et les massacres civils ne sont-ils pas une fâcheuse mais tenace habitude en ces contrées insolites, où les croyances animistes intoxiquent les religions révélées, où l’on se défroque comme d’autres se déchaussent, où le désordre escorte toujours le départ, volontaire ou contraint, du maître blanc ?


Et Haïti n’est-elle pas que caricature de cette propension des anciens opprimés, esclaves ou colonisés, à démontrer, comme l’assurait le grand Hegel, que “tout en eux n’est que sauvagerie” ? Ils n’ont pas d’âme, pensaient les prêtres européens d’alors. L’âme n’étant plus guère de mise, disons qu’ils n’ont ni civilité ni salut. Ils n’ont même plus besoin d’ennemis extérieurs, déguisés ou non en conquistadors, en évangélisateurs, en missions d’observation, en inspecteurs ou même en forces de pacification. Ils font tout tout seuls et dépriment tout le monde, ceux qui les méprisent autant que ceux qui les admirent.


Haïti ne se laisse apprivoiser que sur un ton grave, et s’il est décoré de cette dérision qui préserve et sauve du désespoir.


Je scrute et je décrypte Haïti depuis cette terre de Guyane où mes ancêtres historiques sont encore obstinément et physiquement autant que symboliquement présents : les Amérindiens réchappés du génocide des conquêtes coloniales, les Africains ayant conservé, par les Bushinengue, mémoire et modes de vie, les Européens qui ont sué la souffrance, les Asiatiques de la Chine et de l’Inde venus entrelacer leurs cultures lointaines, les Caribéens qui ont su reprendre possession de l’espace des Amériques.


Mais je l’embrasse aussi en nomade. Depuis le temps que je parcours la planète, chaque fois submergée du bonheur de me retrouver dans l’autre et d’éveiller l’autre en moi, je ne connais pas de joie comparable au contentement voluptueux que procure la traversée des frontières géoculturelles, l’enjambement des barrières linguistiques, philosophiques, oniriques. Et, dans cette communion laïque et païenne, Haïti m’a offert plus que je ne saurai jamais rendre.


Interrogeant l’histoire et l’actualité, que n’éprouve-t-on la nécessité morale, l’ardeur politique, l’injonction humaine, pas humanitaire, humaine, non en charité mais à pied d’égalité, d’exprimer notre solidarité et, osons-le, la vivacité de nos blessures communes.


Il reste encore à enseigner au monde, à l’Europe et à la France, la grandeur et la splendeur d’Haïti, sa gigantesque face lumineuse puisque sont déjà si bien connus ses turpitudes, sa fange et ses tourments. D’abord en rappelant aux experts en droits de l’homme qu’ils eurent bien peu d’égards envers les résistants de toutes les époques, de Jean Price-Mars à Jean Dominique.


Que leur voix n’émit même pas un souffle lorsque le Parlement fut démantelé. Qu’ils ne virent que faits divers ou statistiques dans les disparitions d’étudiants, ces alevins de l’intelligentsia et de l’élite mondiale. Que les haussements d’épaules désabusés qui accompagnent l’escalade hystérique de la violence et de sa mise en scène révèlent un préjugé ethnique et condamnent ceux qui luttent sur place, marronnent à l’intérieur, dans ce pays dont l’Europe a tendance à croire qu’il n’a produit que d’excellents écrivains en exil, des peintres dits naïfs et d’énigmatiques zombies.


Rappelons, de tout ce que nous avons sous la main, que la première Constitution d’Haïti faisait acte tangible de fraternité en accordant liberté et nationalité à toute personne foulant le sol de cette terre débarrassée de l’esclavage, non par la grâce d’un décret magnanime mais par une insurrection populaire victorieuse.


Haïti a apporté sa part au monde. A ses civilisations, à sa conscience, à sa mémoire. Elle a donné corps à la citoyenneté en faisant vivre une déclaration universelle des droits de l’homme qui avait oublié et les esclaves et les femmes. Elle a traduit en actes ce commandement du colonel Delgrès de Guadeloupe : “La résistance à l’oppression est un droit naturel.” Ils sont encore des milliers, lucides et résolus, arrimés à cette terre embrasée, des milliers de fils et de filles d’Haïti, à croire que l’éducation est le ferment de la liberté, à élever la voix du courage, de la dignité et de la générosité parfois candide, à puiser d’abord en eux-mêmes les forces et les semences de l’avenir. Décidément, ces enfants d’Haïti ne cessent de donner au monde des leçons de superbe au c?ur des événements les plus tragiques.


Le courage politique aujourd’hui, le courage moral ne consistent pas à se draper dans son indignation en se bouchant le nez, ni même à étaler déluge de bons sentiments. Les développements et les conclusions du rapport Debray ne suffisent pas. Leur condescendance est mal venue. Le courage et la justice exigent que soit pris acte des méfaits des règles hypocrites de la diplomatie qui, si longtemps, s’est agenouillée devant des souverainetés abusives et assassines. Que soient récusées les règles cyniques de la Realpolitik. Que les autorités françaises, parmi d’autres et peut-être avant d’autres, renoncent aux calculs et aux arrière-pensées, osent s’adresser au peuple haïtien, tout en protégeant ceux qui affrontent les abus des pouvoirs constitués ou usurpés.


Par le verbe, par le geste, par l’action, porter assistance et solidarité à ceux qui ont le courage de se battre sur place, se dressent et se redressent, et offrent une nouvelle fois au monde la preuve que l’être humain porte en lui une vaillance en granit que même le risque de la mort ne saurait érafler. Que la France et les Etats-Unis cessent de jouer aux échecs le sort d’Haïti. Il presse de sortir de l’ambivalence, de mettre fin aux atermoiements, de répudier la pusillanimité, de lever toutes ces ambiguïtés qui, depuis deux siècles, maltraitent une amitié ardente et contrariée. Au nom du peuple français.


Christiane Taubira est députée de Guyane.



Huit cents soldats français ont été mobilisés pour l’opération «Carbet» en Haïti, dont 600 sur le terrain, a-t-on appris aujourd’hui auprès de l’état-major des armées.


Ces troupes ont pour mission première de protéger les ressortissants français et «emprises officielles françaises», a-t-on précisé de même source.


Le colonel Christian Baptiste, conseiller en communication du chef d’état-major des armées, le général Henri Bentégeat, a indiqué que ces militaires «agissent sous le principe de la légitime défense élargie aux personnes momentanément sous leur protection».


De même, «s’ils sont directement témoins d’exactions mettant en danger des personnes, ils interviennent pour la sécurité en utilisant la forme adaptée à la situation», a-t-il poursuivi.

L’ensemble de ces effectifs sera opérationnel jeudi, a précisé le colonel Baptiste.


Dès mercredi, le contingent français a commencé, en liaison avec le contingent américain sur place, à «faciliter le travail des organisations internationales et ONG dans le cadre de la fourniture de l’aide humanitaire», a-t-il ajouté.


Dans un troisième temps, «au fur et à mesure de son déploiement, la force Carbet progressivement commencera à faciliter le travail de la police haïtienne à qui il revient de prendre les mesures pour ramener l’ordre public», a-t-il indiqué.


Les effectifs français comprennent une compagnie du 33ème Régiment d’infanterie de Marine (Rima) de Martinique (200 hommes environ), les postes de commandement avant et arrière, un escadron de 140 gendarmes mobiles, les équipages des bâtiments Ventôse et Champlain au large d’Haïti, ceux des avions et hélicoptères mobilisés ainsi que «les moyens spécialisés et les logisticiens», selon le colonel Baptiste.


A ceux-ci doivent s’ajouter les quelque 150 légionnaires du 3ème REI (Régiment étranger d’infanterie) basé à Kourou, qui doivent arriver jeudi, ainsi que d’autres logisticiens.


Port-au-Prince de notre envoyé spécial


Vingt-quatre heures après s’être autoproclamé “chef militaire” d’Haïti, Guy Philippe, le leader des rebelles, a déposé les armes. Mercredi 3 mars, lors d’une rencontre avec le colonel des marines Mark Gurganus, Guy Philippe a été soumis à une forte pression des Américains, dont le contingent, fort d’un millier de soldats, est de plus en plus visible à Port-au-Prince.


“Maintenant que Jean-Bertrand Aristide, qui était le principal obstacle à la démocratie, est parti, et étant donné la présence de troupes étrangères garantissant la sécurité de la population et le désarmement des “chimères” -bandes armées de l’ancien président-, nous avons décidé, pour le bien du peuple haïtien, de déposer les armes et de ne plus patrouiller dans les rues”, a déclaré Guy Philippe, dans un hôtel déserté par ses troupes. “Reste à savoir si les autres leaders du Nord sont d’accord”, se demandait un journaliste haïtien.


“Nous sommes terrorisés. Les bandes de “chimères” armées continuent de nous attaquer. La police et les forces internationales ne font toujours rien pour nous protéger”, se plaint Michèle Adrien, une résidente de la capitale. Les marines ont positionné plusieurs blindés autour du palais présidentiel et dans les jardins entourant les bureaux du premier ministre. Pas plus que les militaires français, ils n’ont tenté de rétablir l’ordre dans les quartiers dévastés. La France a mobilisé 800 soldats pour l’opération “Carbet” en Haïti.


ÉTAT D’URGENCE


Trois personnes ont été tuées lors d’un affrontement entre une unité de la police et un groupe de “chimères” à la Saline, l’un des quartiers les plus pauvres de Port-au-Prince. Des échanges de tirs ont provoqué des scènes de panique sur la place du Champ-de-Mars, lorsque plus d’un millier de partisans de l’ancien président, dont beaucoup étaient armés, sont descendus du quartier de Belair en direction du palais présidentiel. Le président intérimaire, Boniface Alexandre, a appelé tous les groupes, tant les rebelles que les partisans de M. Aristide, à déposer leurs armes. “Il faut guérir les plaies”, a-t-il dit, en promettant que “tous les Haïtiens et tous les partis joueront un rôle dans la reconstruction nationale”. Il a nommé un nouveau chef de la police, Léonce Charles, chef des garde-côtes, apprécié des Américains pour sa collaboration contre le narcotrafic et l’émigration clandestine. Yvon Neptune, premier ministre, nommé par M. Aristide, a proclamé l’état d’urgence.


“Je remettrai la démission de mon gouvernement lorsqu’un nouveau premier ministre sera désigné, conformément à la résolution 861 de l’Organisation des Etats américains”, a ajouté M. Neptune. “Le président Aristide a signé un document, dont j’ai une copie, expliquant les raisons pour lesquelles il a démissionné”, a-t-il précisé, alors que la controverse s’étend sur les circonstances du départ de l’ex-chef de l’Etat haïtien. La Communauté des Caraïbes (Caricom) demande une enquête internationale. Au Chili, l’opposition critique la décision du président Ricardo Lagos d’envoyer des troupes en Haïti.


Ministre des Haïtiens de l’étranger et de la culture, Leslie Voltaire a été désigné comme représentant de la Famille Lavalas, le parti présidentiel, au comité tripartite qui doit désigner un conseil des sages chargé de choisir le premier ministre. L’opposition a nommé l’ancien sénateur Paul Denis, tandis que la communauté internationale est représentée par le Malien Adama Guindo, coordonnateur du Programme des Nations unies pour le développement. “Je suis plutôt optimiste, nous a déclaré Andy Apaid, porte-parole de la société civile. Le processus de transition avance. Avec l’aide internationale, la police peut rétablir la sécurité. La communauté internationale a promis des fonds pour le désarmement des groupes armés.”


Jean-Michel Caroit


 


Saint-Domingue de notre correspondant


Au lendemain du départ du président haïtien Jean-Bertrand Aristide, l’opposition démocratique a rencontré les représentants de la communauté internationale pour tenter d’affiner le processus de transition. Après plusieurs jours de violences et de pillages, l’urgence est évidemment le rétablissement de la sécurité.


“Les Américains ne sont pas contents que Guy Philippe, le chef militaire des rebelles, soit arrivé à Port-au-Prince avant leurs forces”, confie l’un des participants à la réunion qui s’est tenue dans un hôtel de Pétionville, sur les hauteurs surplombant la capitale. Arrivés en treillis et en armes à bord de véhicules arborant des inscriptions “Front de libération, Forces armées d’Haïti”, les rebelles ont été accueillis en libérateurs alors que les premiers éléments, américains et français, de la force internationale commençaient tout juste à arriver. Préoccupé par l’extension des pillages, le président d’une association patronale, Maurice Lafortune, a demandé à Guy Philippe de “sécuriser le bord de mer”, une zone située au nord de la capitale, où de nombreux entrepôts ont été mis à sac.


La commission sécurité de la Plate-forme démocratique, qui regroupe les partis politiques et les organisations de la société civile, a rencontré lundi 1er  mars Guy Philippe afin “d’harmoniser les positions”. “La Plate-forme démocratique veut être le poteau mitan d’un processus de réconciliation incluant les partisans de Lavalas, les anciens militaires et les anciennes chimères qui se sont retournés contre Aristide”, souligne le dirigeant social-démocrate Micha Gaillard. “Nous devons faire violence à nos sentiments et accepter de négocier avec des personnages comme Louis-Jodel Chamblain. De près ou de loin, ils ont participé à la chute d’Aristide. Mais nous insistons pour qu’une commission vérité et justice soit mise en place, pour faire la lumière sur toutes les violations des droits de l’homme”, ajoute-t-il.


L’un des leaders de l’insurrection armée qui a précipité la chute de M.  Aristide, Louis-Jodel Chamblain était un responsable du Fraph, un escadron de la mort responsable de nombreux assassinats durant la dictature militaire (1991-1994). Accusé du meurtre d’Antoine Izméry, un commerçant proche d’Aristide, M.  Chamblain s’était réfugié en République dominicaine, d’où il a rejoint les forces rebelles dans le nord d’Haïti.


“Guy Philippe joue le jeu, répétant qu’il remettra ses armes aux nouvelles autorités. Jusqu’à présent, il est très conciliant”, affirme Micha Gaillard. Le secrétaire d’Etat américain Colin Powell s’est félicité de ces bonnes intentions. “Nous avons des moyens de parler aux dirigeants rebelles et je suis ravi de voir qu’ils disent, au moins jusqu’à présent, qu’ils veulent déposer leurs armes”, a-t-il dit à la chaîne de télévision CNN. Il a toutefois ajouté que les Etats-Unis ne souhaitaient pas que “certains individus”jouent un rôle politique en raison de leur passé.


L’autre sujet de négociations entre l’opposition et la communauté internationale porte sur la formation du gouvernement de transition et le choix du nouveau premier ministre. L’opposition ne cache pas ses réticences à l’égard du président par intérim, le magistrat Boniface Alexandre, qui a prêté serment devant les ambassadeurs de France et des Etats-Unis moins de six heures après le départ de M.  Aristide. Il a été choisi en sa condition de président de la Cour de cassation, comme le prévoit la Constitution. Les opposants auraient préféré un autre membre du haut tribunal, comme cela avait été le cas en 1990, lorsque la juge Ertha Pascal Trouillot avait remplacé le général Prosper Avril, peu après sa démission.


Le plan de sortie de crise accepté par l’opposition prévoit la formation d’un groupe tripartite représentant la communauté internationale, l’alliance opposition-société civile et le parti Lavalas de l’ancien président Aristide.


Ce groupe sera chargé de sélectionner un Conseil de neuf sages qui choisira le premier ministre sur une liste de trois ou quatre noms présentés par l’opposition. Les noms le plus souvent cités sont le commerçant Smarck Michel, qui fut brièvement premier ministre du président Aristide en 1994 avant de rompre avec lui, et l’ancien général Hérard Abraham, qui s’était gagné une réputation de démocrate à la fin des années 1980, avant de s’établir en Floride.


Jean-Michel Caroit



Le plan de la communauté internationale



Le plan international de sortie de crise crée un groupe de trois personnes représentant le parti Lavalas jusqu’alors au pouvoir, l’opposition démocratique et la communauté internationale, et qui sera chargé de nommer un conseil conforme à la diversité de la société haïtienne. Ce conseil devrait contribuer à la création d’un nouvel exécutif haïtien. Le plan prévoit la tenue d’élections parlementaires libres à une date rapprochée. Après le départ de M.  Aristide, un scrutin présidentiel pourrait être organisé dans le même temps ou à la suite.


Des garanties internationales pour assurer une application concrète du plan sont prévues, notamment une présence internationale en Haïti pour contribuer à la sécurité. Le plan prévoit que les forces de police, d’environ 4  000 hommes, seront réorganisées et entraînées sous le contrôle de l’ONU ou de l’Organisation des Etats américains (OEA). Un premier bilan de l’application du plan doit être dressé le 26  mars, à l’occasion d’une réunion ministérielle de la Communauté des pays des Caraïbes (Caricom) à Antigua.



? ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 03.03.04



Guy Philippe a aussi annoncé qu’il entamerait prochainement des discussions avec la présidence haïtienne sur le désarmement de ses forces, mais réclamé en échange l’assurance des autorités qu’elles pourraient garantir la sécurité d’Haïti.


L’activité reprenait progressivement mardi 2 mars à Port-au-Prince après une deuxième nuit de couvre-feu et plusieurs semaines de violences, tandis que des marines se déployaient dans la capitale haïtienne et que le chef militaire des insurgés, Guy Philippe, appelait les partisans pro-Aristide à déposer les armes.


Les militaires américains, armés notamment de missiles sol-sol, se sont insallés dans le port de Port-au-Prince, cible privilégié des pilleurs dimanche. La ville serait tenue par les “chimères”, les milices armées de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide.


Un petit détachement de marines est arrivé dans le port à bord de quatre véhicules Humvee, dont deux étaient équipés de mitrailleuses et deux de lance-missiles, et de trois 4X4 blindés, ont précisé les témoins. Aucun tir n’a été entendu lors de l’entrée dans le port des troupes américaines, qui font partie de l’avant-garde d’une force internationale de sécurité destinée à ramener le calme en Haïti.


Peu avant, le chef des marines, le colonel David Bergen, avait déclaré lors d’une conférence de presse que la priorité de ses troupes mardi était “d’examiner la zone portuaire et de voir ce qu’il faut faire pour y assurer la sécurité”. Il avait ajouté avoir demandé aux autorités haïtiennes de retirer les barricades qui bloquent les entrées du port, installées par les partisans armés de l’ex-président Aristide.


Les “chimères” avaient pris ces derniers jours le contrôle de cette zone, menaçant notamment les journalistes qui tentaient d’y entrer. Un responsable d’une compagnie de sécurité privée a indiqué que des “chimères” en armes avaient attaqué dans la nuit le supermarché d’une société franco-haïtienne, KDIS, et une succursale de la Capital Bank sur l’autoroute de Delmas, mais avaient été repoussées par les gardes de sécurité de ces sociétés.


“Nous n’allons pas faire usage de nos armes”, avait précisé le responsable américain à l’aéroport, devenue une base des marines et où du matériel militaire continuait d’être déchargé. Il a ajouté qu’en cas de nécessité, ses forces réagiraient “comme il convient”. “Les marines connaissent les règles d’un engagement, de même que les autres forces, et nous ferons face aux menaces en conséquence”, a-t-il dit, tout en précisant que ses hommes n’avaient pas pour objectif d’occuper de manière permanente le quartier du port.


Plus de 300 marines ont débarqué à Port-au-Prince depuis dimanche soir, en avant-garde avec les forces canadiennes et françaises – 350 militaires en cours de déploiement – d’une force multinationale mandatée par l’ONU à Haïti. Les forces américaines assurent la sécurité du palais national, siège de la présidence, l’ambassade des Etats-Unis et la résidence de l’ambassadeur américain, James Foley.


Le Chili a également annoncé lundi l’envoi dans ce pays sous 48 heures de 120 hommes, qui seront rejoints par une centaine d’autres, et le Brésil a annoncé à son tour mardi l’envoi d’effectifs “dans deux ou trois mois”.


ARISTIDE ACCUSE WASHINGTON D’UN “ENLÈVEMENT MODERNE”


L’ex-commissaire Guy Philippe, “commandant en chef” des forces armées du nord, a aussi lancé à la radio un appel en créole aux “chimères” toujours actifs dans certains quartiers de la capitale. “Aristide est parti définitivement, n’utilisez plus vos armes, déposez-les, elles vous seront rachetées”, a-t-il dit.


Il a également demandé à la police haïtienne “d’effectuer des patrouilles, de protéger la population”. Réagissant à l’appel du patronat qui lui avait demandé lundi de rétablir l’ordre à Port-au-Prince pour arrêter les pillages, il a indiqué que “nous ne pouvons rester sourds à cet appel, mais la police a décidé de prendre cela en charge”. “Nous n’avons pas d’autre chef que le peuple haïtien, si le peuple nous demande de faire un autre travail, nous le ferons et seul le peuple peut nous demander ce qu’il veut”, a-t-il souligné.


Guy Philippe a aussi annoncé qu’il entamerait prochainement des discussions avec la présidence haïtienne sur le désarmement de ses forces, mais réclamé en échange l’assurance des autorités qu’elles pourraient garantir la sécurité d’Haïti. En réagissant dimanche à l’annonce de la démission et de la fuite de Jean-Bertrand Aristide, M. Philippe avait déclaré qu’il ne souhaitait pas “prendre le pouvoir”.


Le départ précipité du président déchu a par ailleurs donné lieu à une polémique aux Etats-Unis. Jean-Bertrand Aristide a affirmé sur la chaîne de télévision américaine CNN avoir été la victime d’un “coup d’Etat” et d’un “enlèvement moderne” qui l’a forcé à l’exil, en mettant en cause directement les Américains, ce que Washington a contesté catégoriquement. La porte-parole de l’ONU à Genève, Marie Heuzé, a affirmé mardi qu’il était “très clair” que M. Aristide avait démissionné et n’avait pas été forcé à l’exil.


Une décision sur un asile en Afrique du Sud ou ailleurs, de Jean-Bertrand Aristide, parti en exil dimanche en Centrafrique, devrait “prendre un peu de temps” en raison des acteurs internationaux impliqués et des questions de sécurité, d’immunité à prendre en compte, a estimé mardi la présidence sud-africaine.


 Avec AFP et Reuters



Caracas de notre envoyée spéciale


“Je dois dire à ceux qui pourraient prétendre appliquer au Venezuela la formule de Haïti que le Venezuela n’est pas Haïti et qu’Aristide n’est pas Chavez, ni Chavez Aristide”, a déclaré le président Hugo Chavez, dimanche 29 février, après des affrontements qui ont fait cinq morts. Il s’adressait aux milliers de partisans venus lui apporter son soutien et manifester contre “l’impérialisme américain”. Très en verve, M. Chavez a menacé George Bush d’un embargo pétrolier.  Quatre jours de manifestations ont fait cinq morts. Le chef de l’Etat accuse George Bush et menace les Etats-Unis d’un embargo pétrolier.


“Aujourd’hui Aristide, demain Chavez”, entend-on crier au même moment dans les beaux quartiers de Caracas. Depuis la semaine dernière, l’opposition redouble d’efforts pour obtenir le départ de M. Chavez. Issus de la droite traditionnelle ou de la gauche déçue du “chavisme”, les détracteurs du chef de l’Etat lui reprochent de conduire le pays à la dictature politique et à la faillite économique.


La pétition de référendum révocatoire contre le président Chavez, conforme à la Constitution, n’a toujours pas obtenu de réponse de la part du Conseil national électoral (CNE), qui a repoussé lundi encore une fois sa décision. Le député de l’opposition Ernesto Alvarenga a appelé le CNE à convoquer sans délai le référendum, pour “éviter un bain de sang”. “Regardez ce qui s’est passé en Haïti, monsieur Chavez, regardez ce qui est arrivé à Aristide”, a lancé le député. Lundi, un des manifestants blessés par balle est mort à l’hôpital, portant ainsi le nombre de morts à cinq, depuis le début des troubles, vendredi, lors de l’inauguration du sommet du Groupe des 15.


L’est de la capitale prend des allures de ville insurgée. Après la grande manifestation de vendredi, l’aile radicale de l’opposition a donné consigne de bloquer les rues et les avenues. Des pneus et des sacs d’ordure brûlent. Des petits groupes d’émeutiers affrontent la gendarmerie à coup de pierres et parfois de tirs.


Selon ses instigateurs, le mot d’ordre “Prends ta rue” s’inscrit dans une véritable stratégie de résistance civile. A en croire les plus extrémistes, elle devrait permettre à terme de rallier les forces armées pour renverser le président Chavez. Pour le moment, ces barrages de rues affectent essentiellement les habitants des quartiers “antichavistes” eux-mêmes, victimes d’interminables embouteillages.


“L’Etat est prêt à appliquer les mesures nécessaires, dans le cadre de la Constitution et de la loi, pour vaincre les groupuscules violents et terroristes que l’opposition est devenue”, a continué le président vénézuélien dans son discours.


Triomphalement élu en 1998, puis réélu en 2000, M. Chavez a montré qu’il n’est pas du genre à se laisser impressionner. Après les gigantesques manifestations de l’opposition de l’année 2002 et la tentative de coup d’Etat d’avril de la même année, il a résisté à une grève de 62 jours qui a presque complètement paralysé l’activité pétrolière. L’ancien colonel putschiste se croit en droit de mépriser, voire d’insulter une opposition systématiquement qualifiée de fasciste et de putschiste.


“Chavez a évité l’écueil du dérapage anticonstitutionnel ou de la répression d’Etat”, note un défenseur des droits de l’homme, qui souligne la liberté d’expression qui règne au Venezuela. Les autres atouts du président sont un solide appui populaire, renforcé par la mise en place d’ambitieux programmes sociaux en matière de santé et d’éducation, et une opposition qui multiplie les fautes. C’est du moins l’avis du directeur de Datanalisis, Gil Yepes, qui ne cache pourtant pas son aversion pour le chef de l’Etat : “L’opposition n’a pas de leadership cohérent ni de projet de société clair à opposer à Chavez.” Le dernier sondage montre une légère hausse de la popularité du président, crédité de 40 % d’opinions favorables.


Hugo Chavez se sait fort et joue les provocations. “M. Bush doit savoir que, s’il lui venait à l’esprit l’idée folle d’imposer un embargo au Venezuela, ou pire de l’envahir, plus une goutte de pétrole du Venezuela ne lui arrivera”, a-t-il martelé.


Alors qu’il avait l’habitude de s’en prendre à des hauts fonctionnaires de Washington, désormais M. Chavez attaque le président américain lui-même, accusé d’avoir trempé dans le coup d’Etat déjoué en avril 2002.


Sur fond de baisse des stocks américains, ces menaces ont immédiatement fait bondir le cours du brut à New York, qui frôlait lundi soir les 37 dollars le baril, son plus haut niveau depuis le début de la guerre d’Irak. Dans la journée, l’ambassadeur du Venezuela à Washington, Bernardo Alvarez, avait confirmé que la “déstabilisation” de son pays aurait pour conséquence “une situation de crise sur le marché pétrolier”.


Huitième producteur mondial et cinquième exportateur de brut, le Venezuela – dont la production s’élève à 3,2 millions de barils par jour, selon les chiffres officiels – est l’un des trois premiers fournisseurs de pétrole des Etats-Unis. Le Venezuela y exporte quelque 1,5 million de barils par jour et il y détient une compagnie pétrolière – la Citgo, soit 8 raffineries et 13 000 points de vente.


Jusqu’à présent le gouvernement de Hugo Chavez a toujours promis d’assurer l’approvisionnement en pétrole de son voisin américain. Comme l’explique Felix Rodriguez, directeur de PDVSA, l’entreprise pétrolière d’Etat, “en matière de pétrole, le Venezuela a autant besoin des Etats-Unis que les Etats-Unis ont besoin du Venezuela”.


Marie Delcas


? ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 03.03.04


Les autorités centrafricaines se sont montrées embarrassées mardi par les déclarations du président haïtien déchu Jean Bertrand Aristide, assurant qu’il était libre de ses mouvements.


 


“Il est parti pour nous embarrasser. A peine 24 heures qu’il est là, et il crée des problèmes à la diplomatie centrafricaine”, a déploré le porte-parole du gouvernement Parfait M’bay, joint au téléphone par l’AFP depuis Libreville.


 


“Il est libre d’aller et venir”, a assuré M. M’bay, jugeant “regrettable” le comportement de M. Aristide, qui a affirmé lundi à la chaîne de télévision américaine CNN avoir été victime d’un “enlèvement moderne” orchestré par Washington.


 


Les allégations des proches de M. Aristide, selon lesquelles ce dernier se sent prisonnier à Bangui, sont des “propos irresponsables”, a-t-il estimé, les mettant sur le compte d’une “stratégie de communication relayée par (les) amis” du président déchu.


“Il est hébergé dans une villa réservée aux hôtes de marque au Palais de la renaissance (présidence centrafricaine, ndlr) et a un téléphone à sa disposition”, a précisé M. M’bay.


 


“Il se trouve dans une enceinte où travaille habituellement le chef de l’Etat et il y a des mesures de sécurité permanentes, mais rien de plus”, a poursuivi le porte-parole. “Il n’y a pas un garde devant sa maison ou devant sa chambre.”


 


Jean Bertrand Aristide est arrivé lundi matin à Bangui, après avoir quitté le pouvoir et Haïti la veille, sous la pression conjuguée de la rue et de la communauté internationale, alors que son pays était en proie à une insurrection armée depuis plus de trois semaines.


 


Selon les autorités centrafricaines, M. Aristide a été accueilli pour des raisons humanitaires à la demande du président gabonais, Omar Bongo Ondimba.


Malgré l’embarras apparent mardi, pas question pour Bangui de regretter cette décision.


 


Parfait M’bay voit dans l’arrivée de M. Aristide le “signe de la reconnaissance de la RCA (République centrafricaine) par la communauté internationale”. Communauté internationale dont la Centrafrique, minée par 25 ans de chaos politico-militaire ayant notamment vidé les caisses de l’Etat, a désespérément besoin.


 


“Sa présence est quand même une aubaine pour nous”, a également concédé M. M’bay, soulignant que les médias n’avaient pas autant parlé de la Centrafrique depuis le règne de l’ex-président Jean-Bedel Bokassa (1965-1979), devenu en 1977 l’empereur Bokassa 1er.


 


Gros demandeur d’aide internationale, Bangui aurait, en outre, eu mauvaise grâce à refuser le service que lui demandait la communauté internationale, a admis à demi-mot M. M’bay.


 


Car selon des sources politiques africaines ayant requis l’anonymat, les pays candidats à l’accueil de l’ancien président d’Haïti ne se bousculaient pas. Diverses pressions et des contreparties financières mises dans la balance ont pu achever de convaincre la Centrafrique, asphyxiée économiquement.


 


Ce pays est censé n’être qu’une étape, avant un exil dans un autre pays qui pourrait être l’Afrique du sud, selon Bangui.


 


Reste que M. Aristide rêvait sans doute d’un autre pays d’accueil que la Centrafrique, Etat exsangue aux infrastructures inexistantes et dont la capitale est en partie en ruines.


 


“Malgré nos difficultés financières, notre première préoccupation a été de tout mettre en oeuvre pour l’héberger dans les meilleures conditions”, a affirmé M. M’bay.


“Il appartiendra à l’ex-président Jean Bertrand Aristide de dire s’il veut rester en Centrafrique ou s’il souhaite se rendre en Afrique du sud. Ainsi, nous saurons quelle est la conduite à tenir”, a-t-il ajouté mardi, tout en disant “douter” que celui-ci désire s’établir durablement à Bangui.


En apparence, deux bonnes nouvelles sont parvenues d’Haïti. La première est le départ en exil du président Aristide, chef d’Etat corrompu, dont la démagogie n’avait d’égale que l’incompétence. A côté du pays qu’il laisse derrière lui, le Haïti des Duvalier apparaît rétrospectivement comme une petite Suisse des Caraïbes.


 


La seconde bonne nouvelle est le retour, sur le terrain, de la coopération diplomatique et militaire franco-américaine. La brouille l’année dernière des deux plus vieux alliés, occidentaux sur la question de l’Irak avait laissé à beaucoup de Français un goût amer. L’Amérique avait reproché à la France de l’avoir lâchée et, pire, de préférer un dictateur au vieil ami qui l’avait libérée en 1944. Dans les sondages, la population américaine se rangeait à l’avis des néoconservateurs, pour qui la France ne devait plus être considérée comme un allié fiable.


 


L’accusation était apparue particulièrement injuste. Car si, sur la forme, Paris manquait sans doute d’un peu de doigté, il avait, sur le fond, parfaitement raison. Le prétexte invoqué de la menace « imminente » des armes de destruction massive était simplement irrecevable. Présenté à la dernière minute, l’objectif du « changement de régime » était certes plus intéressant, mais encore méritait-il un examen très approfondi, ne serait-ce que pour savoir quel régime on voulait véritablement installer en Irak, et avec quels moyens. Se réjouir de ce que la France ne se soit pas associée à cette expédition coloniale anglo-américaine improvisée en Irak, marquée par une impréparation politique totale, est donc légitime.


 


L’affaire haïtienne est différente. Il y avait urgence à agir: cette République de 8 millions d’habitants, située à moins de 1 000 kilomètres des côtes de Floride, sombrait dans l’anarchie.


 


Mais que cette intervention militaire ait reçu la caution du Conseil de sécurité des Nations unies ne la rend pas moins risquée pour autant. Elle devra éviter de tomber dans tous les pièges connus de l’ingérence humanitaire, qu’on a pu expérimenter en Somalie ou au Rwanda, au Kosovo ou en Irak. Elle ne saurait se borner à mettre un cautère sur une jambe de bois.


 


Les soldats américains, canadiens et français sauront certainement, dans un premier temps, securiser les édifices publics de Port-au-Prince. Mais après? Le mal haïtien est beaucoup plus profond. C’est tout l’Etat qu’il s’agit de reconstruire dans ce pays, de loin le plus misérable de l’hémisphère Nord.


 


La vérité est aussi que, depuis le grand mouvement de décolonisation postérieur à la Seconde Guerre mondiale, les puissances occidentales ne savent plus comment administrer, ou même aider efficacement, des territoire étrangers à leur culture.


 


Ce n’est pas une raison pour ne rien faire, mais c’est une raison pour être prudent. Espérons qu’en Haïti Américains et Français sauront mettre en commun leurs qualités complémentaires. Pour apprendre ensemble.


Par Jean-Hebert ARMENGAUD Haïti

Elu triomphalement en 1990, Aristide a pris les mêmes travers que ses prédécesseurs.


«Titid présidan», clamait une immense foule devant le palais national à Port-au-Prince au lendemain du scrutin du 16 décembre 1990. Aristide, l’ex-«prêtre des bidonvilles», venait d’être élu président avec 67 % des voix. Haïti pensait avoir tourné définitivement les pages d’une histoire chaotique marquée par les trente ans de la dictature des Duvalier père et fils, «Papa» et «Baby» Doc, suivis d’un lustre de différentes cliques militaires. «Les Duvalier avaient été des démons, et pour combattre les démons, il fallait… un saint. Beaucoup s’y sont laissé prendre», explique le socialiste Serges Gilles en revenant sur ces années-là.


La démocratie retrouvée, encore faut-il sortir du sous-développement. «Titid» va lutter contre la pauvreté. Les Haïtiens en sont sûrs. Près de quinze ans plus tard, il ne reste rien de ces espoirs. «La promesse s’est faite cauchemar», écrit l’historien français Christophe Wargny (1), qui fut, au début des années 90, un proche conseiller d’Aristide. Le pays est à l’agonie: sans Etat, sans moyens, et la démocratie y est toujours bafouée. Les Tontons Macoutes, la sinistre milice des Duvalier, ont été remplacés par les «chimères» et les «attachés». Les premières sont d’ex-organisations populaires («OP») créées à l’origine pour catalyser la démocratie au niveau des quartiers. Certaines sont devenues des gangs armés au service d’Aristide pour réprimer l’opposition. Les secondes, les «attachés», sont des civils pro-Aristide qui hantent les commissariats. Ils sont fortement soupçonnés de tortures, de viols, d’assassinats.


Attentats. Issu d’une famille paysanne pauvre, Jean-Bertrand Aristide est né le 15 juillet 1953 à Port- Salut, dans le sud du pays. Il étudie chez les Salésiens (qui suivent les préceptes de saint François de Sales) et devient prêtre à 29 ans. Il se réclame de la théologie de la libération. A la paroisse Saint-Jean-Bosco, dans un quartier populaire de Port-au-Prince, il fustige la dictature du haut de sa chaire, dénonce dans ses sermons l’impérialisme américain, «plus dangereux que le sida», et le capitalisme, «péché mortel». Il échappe à plusieurs attentats programmés par les Macoutes de Duvalier.


Six mois après son élection de 1990, Aristide est renversé par les militaires. Commence alors un exil doré aux Etats-Unis. Il y préside un gouvernement en exil, négocie son retour par l’intermédiaire des Américains, et dispose à volonté des fonds de l’Etat. Est-ce en ces années-là que se révèle le vrai visage de Titid ? Son «inexpérience», son «incompétence» et le «messianisme révolutionnaire caricatural» que dénoncent ses adversaires ? «Un besoin égocentrique de s’élever au-dessus de toutes les hiérarchies, sociale, religieuse et politique […] Son entourage le faisait passer pour un politique génial, mais il était incapable de se situer au niveau de l’enjeu», dira plus tard Robert Malval, son Premier ministre de l’époque. «Ses gros appétits médiatiques le rendaient plus sensible à ce qu’on disait de lui dans la presse qu’à ce qu’il était pressant de dire ou de faire.» (2)


Réinstallé au palais national en 1994 par une intervention militaire américaine sous mandat de l’ONU, il fait du pays sa chasse gardée, abuse d’un populisme démagogique, se passe de la Chambre des députés, et bafoue la démocratie. Son parti, Lavalas («l’avalanche», en créole, soit le torrent des espoirs qui doit tout emporter et purifier), concentre tous les pouvoirs. Haïti replonge dans ses malédictions séculaires: clanisme, népotisme, clientélisme. Peu à peu, Aristide se replie sur le palais national et sa résidence privée de Tabarre, entouré de gardes du corps d’une compagnie privée américaine. Ses alliés le lâchent un par un, comme Evans Paul, l’ancien maire de Port-au-Prince, son ex-«compagnon de lutte», aujourd’hui un des leaders de la Convergence démocratique qui rassemble la quasi-totalité des partis d’opposition.


Sang noir. De stature plutôt malingre, l’ex-curé ­ relevé de ses voeux par le Vatican en 1995 avant de se marier à une avocate américano-haïtienne, Mildred Trouillot, avec qui il a deux filles ­ voudrait faire porter sa voix, tout aussi frêle. Mais ses discours restent creux, ne remplissent pas les ventres vides et cachent mal l’absence de programme politique et de projet économique. «De l’Homo habilis à l’Homo erectus, de l’Homo sapiens à l’homme haïtien, nous suivons là le fil conducteur d’une intelligence qui n’a cessé de grandir», déclame-t-il. Truffés de références au passé, ses discours en oublient des Haïtiens surtout préoccupés par l’avenir. Jean-Jacques Dessalines, l’ex-esclave devenu général, vainqueur des armées napoléoniennes, qui a proclamé l’indépendance d’Haïti en 1804, est son héros. «Nos ancêtres ont fait 1804, il nous faut faire 2004 !» Il en appelle au «sang», noir, de Dessalines. «Le sang appelle le sang», «Il faut supprimer le mauvais sang», répète-t-il. Les appels à la violence se multiplient: «Donnez-leur ce qu’ils méritent !», ordonne-t-il. «Ils» sont tous ceux qui résistent à ce que Serge Gilles appelle «une espèce d’idéologie anarcho-populiste noiriste, un fascisme créole qui joue sur les préjugés de couleur, sur l’opposition entre Noirs et mulâtres». Résultat: Noirs ou pas, c’est le sang de tous les Haïtiens qui coule aujourd’hui.


(1) Haïti n’existe pas, Christophe Wargny. Ed. Autrement. (2) L’Année de toutes les duperies, Robert Malval. Regain.