Les grands argentiers hésitent à aider Haïti, pays en faillite et menacé de
crise humanitaire

LE MONDE | 26.03.04 | 17h35

L’appel d’urgence lancé par le Programme des Nations unies pour le
développement n’a pas été entendu. La Banque mondiale et le FMI tentent une
première évaluation.

Saint-Domingue de notre correspondant

Malgré la crise humanitaire, aggravée par les violences des deux derniers
mois, les bailleurs de fonds tardent à se mobiliser pour Haïti. Quelques
jours après le départ du président Jean-Bertrand Aristide, le Programme des
Nations unies pour le développement (PNUD) a lancé un appel pour obtenir 35
millions de dollars d’aide d’urgence. Jeudi 25 mars, les sommes recueillies
ne s’élevaient qu’à 5,8 millions de dollars. Il y a dix ans, lors de la
précédente intervention internationale, le montant des projets qui
accompagnaient les troupes américaines se chiffrait en centaines de
millions.

La prudence a caractérisé la réunion des bailleurs de fonds, bilatéraux et
multilatéraux, qui s’est tenue à Washington, mardi, à l’invitation de la
Banque mondiale. “Le vide institutionnel fait un peu peur. Il n’y a pas de
Parlement pour ratifier les projets, et les nouvelles autorités ont été
mises en place en marge de la Constitution. En outre, Haïti a accumulé des
arriérés avec les différents bailleurs de fonds”, souligne l’un des
participants à cette réunion. Seule la Banque interaméricaine de
développement (BID) avait timidement repris ses activités à l’été 2003,
après l’extradition vers les Etats-Unis d’un important trafiquant de drogue,
Beaudoin Jacques Kétant, et le remboursement de 31 millions de dollars
d’arriérés. Mais la Banque mondiale s’était complètement désengagée.

Un fonds spécial pourrait permettre de débloquer rapidement jusqu’à 10
dollars par habitant, soit environ 80 millions de dollars, sous forme de
dons. Pour y avoir accès, il faut qu’il y ait eu des déplacements de
population. “Cela n’a pas été le cas. Il faudrait que le conseil de la
Banque mondiale accepte une dérogation”, souligne un fonctionnaire
international.

LE “MODÈLE AFGHAN”

La semaine prochaine, une délégation du Fonds monétaire international se
rendra en Haïti pour évaluer la situation monétaire et budgétaire,
catastrophique selon le porte-parole du gouvernement, Robert Ulysse. Une
réunion est prévue le 14 avril, à Port-au-Prince, entre le gouvernement et
les bailleurs de fonds, pour élaborer un programme d’urgence.

Les experts de la Banque mondiale penchent pour le “modèle afghan”. Après
l’urgence humanitaire et le rétablissement d’un minimum de sécurité
viendront la reconstruction des réseaux électrique et d’eau potable et la
réactivation de l’économie grâce à des chantiers à forte densité en
main-d’½uvre. Une mission de la Banque mondiale et de la BID devrait se
rendre en Haïti en juin pour faire un état des lieux.

“On ignore le nombre de morts, le montant des pertes provoquées par les
pillages et les destructions d’agences bancaires, de stations-service et de
commerces ainsi que l’impact de la crise sur la production agricole”,
explique un expert. Il faudra attendre la fin juin pour que les bailleurs de
fonds, réunis en “groupe consultatif”, annoncent les sommes mises à
disposition. D’ici là, le gouvernement provisoire, qui a trouvé les caisses
vides, devra chercher de quoi payer les fonctionnaires et fournir un peu
d’électricité.

Jean-Michel Caroit