Le chaos gagne la capitale haïtienne, Paris propose un plan
Reuters – 2/26/2004 3:37:25 PM
La France a présenté mercredi un plan pour rétablir l’ordre en Haïti tandis que l’anarchie s’emparait de Port-au-Prince, où des partisans du président Jean-Bertrand Aristide ont mis le feu à des barricades en prévision de l’arrivée des rebelles qui progressent dans le pays depuis trois semaines.
Estimant qu’Aristide “porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle”, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, l’a invité à en “tirer les conséquences dans le respect du droit” afin d'”ouvrir une nouvelle page de l’histoire d’Haïti”.
Face à “la menace d’une aggravation de la violence”, Paris propose un plan en cinq points qui prévoit le déploiement rapide d’une force civile de paix avec l’aval de l’Onu, une assistance internationale pour préparer un scrutin présidentiel, une aide humanitaire internationale, une mission d’observateurs des droits de l’homme et un engagement à long terme pour une aide internationale à la reconstruction du pays.
Dominique de Villepin, qui s’est entretenu à ce sujet mardi et mercredi avec son homologue américain Colin Powell, devrait en discuter “en principe” vendredi à Paris avec des représentants du gouvernement et de l’opposition haïtiens.
De son côté, le président américain George Bush a déclaré mercredi avoir rejeté une demande d’assistance d’Aristide pour contrer les rebelles et ordonné aux garde-côtes de refouler les émigrés haïtiens tentant d’atteindre les côtes de Floride.
REGLEMENT POLITIQUE PRIORITAIRE, DIT BUSH
Bush a confirmé qu’un projet de force de sécurité internationale était en discussion entre Washington et ses alliés, mais en soulignant que la priorité était de “travailler à une solution pacifique” en Haïti. Le porte-parole de la Maison blanche Scott McClellan a dit que la communauté internationale serait prête à sécuriser un règlement politique mais non à organiser un déploiement avant qu’il soit conclu.
Un tel accord paraît loin. L’opposition démocratique d’Haïti, qui ne soutient pas l’insurrection mais veut le départ d’Aristide, a rejeté mardi un plan proposé par la communauté internationale qui prévoyait la création d’un gouvernement d’union nationale et le maintien d’Aristide à son poste.
Une soixantaine de personnes ont péri depuis le début de l’insurrection, le 5 février aux Gonaïves, qui a fait suite à plusieurs mois de manifestations contre Aristide, que ses adversaires accusent de corromption.
Les rebelles contrôlent la deuxième ville du pays, Cap-Haïtien, et plusieurs agglomérations du Nord. Ils sont commandés par l’ancien chef d’une milice qui a terrorisé le pays et par un ancien chef de la police. Leur dernière prise en date est l’Ile de la Tortue, où vivent 40.000 personnes, ont rapporté des stations de radio haïtiennes. L’île est séparée de Port-de-Paix, tombée aux mains des rebelles mardi, par un voie maritime de 12 km de large.
A Port-au-Prince, des hommes masqués favorables à Aristide ont barré les grands axes avec des voitures, des pneus ou des blocs de pierre. Les automobilistes devaient s’identifier à des points de contrôle pour continuer leur route.
Des opposants ont rapporté que des concessionnaires automobiles avaient été pillés et des restaurateurs dévalisés. Ils ont imputé ces violences aux partisans d’Aristide et réaffirmé qu’ils ne signeraient aucun accord, même international, qui permette au président de rester en fonctions.
“Les habitants de Port-au-Prince sont interpellés par des hommes masqués et très bien armés qui les terrorisent”, a dénoncé Charles Baker, un dirigeant de l’opposition.
AFFLUX A L’AEROPORT
Avertis par leurs gouvernements des risques qu’ils courraient en restant dans le pays, de nombreux étrangers, notamment français et américains, tentaient mercredi d’obtenir un vol à l’aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince. Des Haïtiens cherchaient aussi à embarquer dans la confusion.
Selon des témoins, plusieurs personnes passaient à la fois devant les détecteurs de métaux de l’aéroport pour atteindre les points de contrôle avant embarquement. Des échauffourées ont éclaté entre passagers et personnels d’aéroport.
Beaucoup étaient soulagés d’être arrivés jusque-là, après avoir dû négocier devant des barrages tenus par des jeunes armés et nerveux dont certains dévalisaient et menaçaient les passants. “C’est un miracle que nous ayons atteint l’aéroport”, a dit Elder Tougas, missionnaire américain en costume-cravate.
Françoise Gruloos Ackerman, employée de l’Unicef arrivée dans une salle d’attente, a dit rester en Haïti mais évacuer son fils par précaution. Manque de chance: son vol d’Air France était annulé en raison de l’agression d’un responsable de la compagnie par un gang.
Un employé français de l’aide humanitaire, Emmanuel Pic, se préparait à embarquer avec sa femme et trois enfants. “C’est très difficile de quitter les amis haïtiens, a-t-il dit. Mais, vous savez, j’ai une famille.”