Originally: Lettre ouverte de la CONAP (Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes ) Aux Chefs d’Etat et de Gouvernement réunis au Mexique
Lettre ouverte de la CONAP (Coordination Nationale de Plaidoyer pour les Droits des Femmes ) Aux Chefs d’Etat et de Gouvernement réunis au Mexique Pour le Vème Sommet Extraordinaire des Amériques
Port-au-Prince, le 12 janvier2004
Messieurs, Mesdames,
Au moment où M. Jean-Bertrand Aristide se présente devant vous, au Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Amériques, il ne représente pas le peuple haïtien mais un régime qui a perdu toute légitimité et crédibilité aux yeux de la grande majorité des populations d’Haïti. En effet, depuis le 11 décembre 2003, l’ensemble des forces vives du pays s’est accordé pour collectivement décréter le Gouvernement Lavalas au pouvoir Hors la loi. A son départ pour le Mexique, M. Jean-Bertrand Aristide a quitté un pays, soumis à une grande violence politique d’Etat.
Depuis les élections législatives et présidentielles contestées de l’année 2000, le Parti Fanmi Lavalas/Famille Lavalasse, de Jean-Bertrand Aristide, occupe tous les espaces de pouvoir politique. Cette mainmise absolue, a plongé le pays dans une insupportable crise qui ne cesse de se prolonger et dans laquelle le Gouvernement Lavalas est en guerre contre les populations haïtiennes. Le 5 décembre 2003, la violence politique d’Etat à culminer avec les attaques sanglantes perpétrées, avec la complicité totale de la Police, par les chimères/sbires du pouvoir, contre l’Université d’Etat d’Haïti ; attaques dont le bilan est extrêmement lourd : les locaux de deux facultés saccagés, un recteur dont les deux genoux ont été brisés à coup de barre de fer, un vice-recteur sauvagement battu, une trentaine d’étudiants-es blessés par balle et à l’arme blanche, des professeurs-es sauvagement agressés. Le mouvement de protestation, réclamant le départ du Gouvernement Lavalas a gagné l’ensemble pays, dans tous les milieux. Les manifestations antigouvernementales sont très durement réprimées par le pouvoir ; des protestataires sont kidnappés et arbitrairement/illégalement arrêtés ; des menaces d’assassinat planent sur les principaux-ales responsables des mouvements sociaux et politiques revendicatifs ; des représailles sont exercées sur les organisations et les personnes qui prennent par aux manifestations. A titre d’exemple la situation qui prévaut dans la ville de Miragoâne (Nippes, sud-ouest) : Depuis le 29 décembre 2003, cette ville subit l’ordre de la terreur des chimères/mercenaires du pouvoir Lavalas : dispersion brutale des manifestations antigouvernementales, chasse donnée aux membres du mouvement de l’opposition (étudiants-es, membres des organisations citoyennes et des groupes/partis politiques) et attaque de leur domicile, attaques des locaux des organisations, tentatives réitérées de bâillonner la Radio Presqu’île Grande-Anse, etc. Cette répression a culminé lors de la manifestation pacifique anti-Lavalas de ce dimanche 11 janvier, attaquée par des chimères/mercenaires contre-manifestant. La Police, présente, n’a pas su assurer la sécurité des citoyens et citoyennes. Un chimère/mercenaire a été tué, par balle, au cours de l’échauffourée. En représailles, les chimères/mercenaires ont semé la terreur dans la ville, ciblant notamment des figures politiques. L’ex sénateur de l’OPL (Organisation du Peuple en Lutte), Edgard Leblanc, dont le domicile a été incendié ; un occupant a été arrosé d’essence et brûlé. Le sénateur a du gagner le maquis. Jean-William Jeanty, dirigeant de Kore Nip (Coordination Régionale des Organisations de Nippes) et directeur de Radio Presqu’île Grande-Anse est également dans le maquis. Le local de Kore Nip a été incendié et la station de Radio est sérieusement menacée. Ces exactions ont été publiquement revendiquées, le jour même, par Leclerc Alcide, un sbire du pouvoir. Le 12 janvier la répression s’est poursuivie contre une population sans défense (agresssions physique, mise à sac et incendie de maisons, etc.) Les citoyens-nes sont réduits à se terrer.
Dans cette guerre que livre le Gouvernement Lavalas aux populations civiles haïtiennes, les femmes haïtiennes sont tout particulièrement victimes des exactions des forces répressives et de leurs sicaires. Elles sont arrêtées, maltraitées et également extorquées de leur avoir. Comme durant le Coup d’Etat militaire de 1991-1994, les viols pour motif politique sont légions. Parmi les multiples cas enregistrés, il y a lieu de citer : Le cas des trois (3) membres d’une même famille (une mère et deux fillettes) à Petit-Goâve (Ouest), dans la nuit du 11 au 12 décembre 2003, en représailles des manifestations antigouvernementales organisées par des jeunes, notamment les écoliers-ères. Le cas d’une jeune femme violée dans une maternité publique de Port-au-Prince (la capitale), par des chimères/mercenaires Lavalas, alors qu’elle était hospitalisée. Le cas d’une collaboratrice d’une organisation de femme, qui a été attaquée à son domicile et violée. Le 1er janvier 2004, bicentenaire de l’indépendance haïtienne, a été célébré par les officiels du pouvoir sans la participation des secteurs vitaux de la société qui, au regard de la conjoncture nationale et du caractère hors la loi du Gouvernement, ont opté pour des activités mettant à l’honneur la réflexion sur l’histoire nationale et attestant de leur refus de la dictature du régime Lavalas. Face à ce sombre tableau, tous les secteurs de la vie nationale (mouvement paysan, estudiantin ; organisations citoyennes et de femmes ; groupes et partis politiques ; secteur des affaires et socioprofessionnel) sont unanimes à exiger la démission immédiate de Jean-Bertrand Aristide, la destitution du Gouvernement Lavalas et le jugement du régime. Ainsi, en différents points du territoire, des marches pacifiques, réunissant des dizaines de milliers de personnes, ont été organisées le 1er janvier. Ces manifestations ont également été réprimées.
Un usant systématiquement de la violence, le Gouvernement Lavalas parvient encore à s’accrocher au pouvoir. Les membres d’un tel gouvernement ne peuvent, en aucun cas, représenter le peuple haïtien au Vème Sommet Extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Amériques. Lorsqu’Aristide vous parle, il ne représente que lui-même, ses partisans-nes et ses sbires et non les intérêts des populations d’Haïti. Les populations aspirent à faire triompher la démocratie, le respect des droits de la personne, de la liberté d’expression, de la liberté de la Presse ; des droits qu’il est impossible de jouir avec la dictature d’Aristide.
Confiantes que notre démarche retiendra votre attention nous vous prions, Messieurs/Mesdames, d’agréer nos salutations.
Pour la CONAP
Danièle Magloire