Originally: DECLARATION DU POLICIER JULES BELIMAIRE, A3
DECLARATION DU POLICIER JULES BELIMAIRE, A3
On le nomme Jules BELIMAIRE, policier A3, issu de la première promotion formée à l’Académie de Police Nationale d’Haïti, immatriculé au No. 95-01-04-00-228 et affecté à la Direction Départementale de l’Ouest (DDO) à titre de responsable adjoint du Groupe d’Intervention Départementale de l’Ouest (GIDO).
Je suis l’un des douze policiers de GIDO impliqués dans l’affaire des enfants du Président Jean Bertrand ARISTIDE, du 12 août 2003, une affaire montée de toute pièce par Jean Claude JEAN BAPTISTE dont l’objectif principal était de renvoyer le Commissaire Divisionnaire Hermione LEONARD de la DDO et tous ceux soupçonnés d’en être proches, comme l’avait déjà annoncé Johnny OCCILIUS, l’ancien cadre de la Mairie de Cité Soleil, peu avant son départ pour l’exil, en août 2003. Depuis cette affaire, à cause des menaces que je reçois, je me suis mis à couvert. Parmi ces policiers, je suis le plus ciblé pour avoir reçu des ordres manifestement illégaux que j’ai refusé d’exécuter.
Citons entre autres:
Le 12 juillet 2003, à Cité soleil, cinq des policiers qui assuraient la sécurité des activités du Groupe des 184 dont moi, avons par la suite été contactés par un responsable de la police et certains membres du Gouvernement. Ces derniers nous ont invités à participer au Mardis de la Presse du 15 Juillet 2003, aux fins de déclarer que le Groupe des 184 avait tiré sur la population à Cité soleil, ce que nous avons catégoriquement refusé pour avoir vu de nos propres yeux qu’il n’y avait ni mort d’homme ni blessés au sein de la population de Cité Soleil, ce jour-là et que les véritables victimes sont les membres du Groupe des 184, qui ont essuyé des jets de pierre, des tessons de bouteilles et des tirs d’armes à feu etc.
Le 22 juillet 2003, trois jours avant la présentation au Parquet du Coordonnateur du Groupe des 184, André APAID, Jr., Jean Claude JEAN-BAPTISTE m’a contacté par le biais de Jean Musset ELVARISTE, un policier de la quatorzième promotion affecté à la DDO. Elvariste m’approcha pour me dire qu’un chef désirait s’entretenir avec moi sur son portable. Après maintes hésitations, je me suis décidé à répondre.
Mon interlocuteur s’est identifié comme étant Jean-Claude JEAN-BAPTISTE.
Il dit avoir appris que je suis responsable adjoint de GIDO et m’a proposé une rencontre au Commissariat de Delmas 33, le même jour, dans l’après-midi, à quatre heures trente (4:30). Deux policiers de la quatorzième promotion Lucien CEANT, Jean Musset ELVARISTE et moi, Jules BELIMAIRE avons laissé la DDO à destination de Delmas 33 à bord d’un véhicule de police. Lorsque nous fûmes arrivés, Jean-Claude JEAN-BAPTISTE était déjà sur les lieux de la rencontre. Il nous a invités à monter au bureau du Commissaire Emmanuel MOMPREMIER qui s’est déplacé à notre arrivée. Après s’être salués, Jean-Claude JEAN-BAPTISTE m’a posé des questions relatives à mon grade et à ma promotion mettant l’emphase sur mon intérêt à devenir inspecteur. Il m’a, par la suite, confié une mission qui consistait à préparer un plan d’assassinat contre le Coordonnateur du Groupe des 184, considéré comme une menace pour le gouvernement haïtien, lequel plan devait être effectif le 25 juillet 2003, au moment où celui-ci s’apprêterait à se rendre au Parquet de Port-au-Prince. Pour accomplir cette mission, deux autres personnes m’accompagneraient: Jean Musset ELVARISTE et un autre individu de la base Cameroun de Delmas 24 dont j’ignore le nom. Jean-Claude JEAN-BAPTISTE de poursuivre, qu’au cas où le coup ne passait pas, il y aurait quatre (4) enfants des rues, qui devraient se poster dans les parages du parquet, dont le signe apparent serait un bonnet de la couleur du bicolore. Ils avaient pour mission de faire semblant d’essuyer la voiture de André APAID, Jr. et de lui tirer dessus.
DEROULEMENT DE LA MISSION
Le 25 juillet 2003, je me tenais en civil à Lalue, dans la zone de la Promobank, sur la route que le Coordonnateur devait emprunter pour se rendre au Parquet. Le policier Jean Musset ELVARISTE aussi en civil et l’autre individu étaient positionnés un peu plus loin, au niveau du signal lumineux. Sur la fréquence de ma radio, j’ai suivi les conversations concernant les déplacements de la cible. J’ai aussi entendu une voix suggérer d’envoyer Paul RAYMOND ou René CIVIL accomplir la mission mais, une autre a décliné, arguant que ces derniers étaient trop reconnaissables. Une voiture poursuivait le véhicule du Coordonnateur du Groupe des 184 et les occupants donnaient tout le long de la route, les détails concernant les faits et gestes de la cible. Au bout de quelques minutes, mes deux accompagnateurs m’ont désigné une voiture comme étant celle de la cible. Je me suis effectivement rendu compte qu’il s’agissait du véhicule de André APAID, Jr, mais, je leur ai répondu qu’ils se trompaient arguant que la voiture qui s’amenait était celle du responsable de la Chambre du Commerce. Face à leur insistance, je leur ai proposé de nous rendre au Parquet, vérifier qu’il s’agissait vraiment du Coordonnateur du Groupe des 184.
Arrivés au Parquet, comme responsable adjoint de GIDO, j’ai conseillé aux policiers en poste de faire déplacer tous ceux qui se trouvaient dans les environs. J’en ai profité pour vérifier la présence des quatre (4) jeunes préalablement mentionnés par Jean Claude JEAN-BAPTISTE. Au lieu de quatre (4), je n’en ai remarqué que deux (2), un peu suspects et qui portaient le bonnet et des boucles d’oreilles. Je suggérai à mes collègues policiers de ne laisser personne s’approcher de la voiture de André APAID, Jr. Par la suite, Jean Musset ELVARISTE et l’autre individu m’ont fait remarquer qu’ils ne s’étaient pas trompés et que c’était bien le Coordonnateur du Groupe des 184. Ma réponse fut que je ne le connaissais pas. Jean Claude JEAN-BAPTISTE a été informé de l’échec de la mission. Il m’a appelé pour me reprocher de n’avoir pas exécuté l’ordre qu’il m’avait donné. Je lui ai répondu que je ne connaissais pas la cible. Depuis lors, je suis considéré comme un opposant au pouvoir lavalas qui cherche à tout prix à m’abattre.
Je veux signaler à l’intention de tous, qu’en 1995, lorsque j’entrai dans la Police Nationale d’Haïti, je brûlais du désir de servir mon pays en toute honnêteté. Malheureusement, cette institution s’est déviée de la mission qu’elle s’était fixée. Elle est aujourd’hui, synonyme d’un réseau de malfaiteurs, de voleurs, de kidnappeurs, de dealers de drogue. La police est aussi corrompue que politisée et placée au service d’un seul homme, le Président de la République.
Point n’est besoin de passer par l’Académie de Police pour devenir policier; il suffit d’être partisan du pouvoir ou mieux, membres zélés d’Organisations Populaires pro lavalas.
L’infime minorité de policiers sérieux qui prêtent encore leur service à la Police Nationale d’Haïti ne sont pas dans les postes de commande. Ils sont éparpillés dans les endroits les plus reculés du pays.
Les promotions sont octroyées au mépris des lois régissant l’institution. Des gens sont promus commissaires, inspecteurs sans aucune formation policière.
Sur ces entrefaites, j’ai décidé de rendre un dernier service à la Nation et, le plus noble cadeau que je puisse lui offrir est de me soustraire de la Police Nationale d’Haïti pour ne pas/plus être complice, même tacite, des basses oeuvres qui se commettent au vu et au su de tous par ceux-là mêmes qui sont appelés à protéger et servir. Je me permets d’inviter sous mes camarades, frères policiers qui ont encore une certaine honnêteté, à emboîter le pas, car, c’est aussi une manière de dire NON.
Jules BELIMAIRE
Policier, A3