ORDRE DES AVOCATS
DE PORT-AU-PRINCE
PALAIS DE JUSTICE
PORT-AU-PRINCE, Haïti
Le 27 décembre 2003
Le Conseil de l?ordre des Avocats de Port-au-Prince a l?honneur de vous présenter ses compliments et de dénoncer un complot ourdi au Palais National, siège de la Présidence de la République pour priver de leur liberté trois citoyens. Il s?agit de Me. Gervais CHARLES, Bâtonnier a.i. de cet Ordre, Secrétaire Exécutif de la Fédération des Barreaux d?Haïti et deux de ses clients Monsieur André APAID, coordonnateur d?un mouvement de la société civile dénommé « Groupe des 184 » et un autre membre de ce mouvement, l?étudiant Hervé SAINTILUS.
Ce plan machiavélique n?a pu pour le moment être exécuté grâce au sens du devoir et l?honnêteté du jeune Substitut du Commissaire du Gouvernement (Assistant du Procureur), Maitre Clamé-Ocnam DAMEUS qui a préféré l?exil au déshonneur. Il a établi pour la nation, par la presse parlée, le 26 décembre 2003, une fois en sécurité à l?étranger, l?état d?asservissement de l?institution judiciaire haïtienne au Président de la République Jean Bertrand ARISTIDE. Me. Clamé-Ocnan DAMEUS fait partie de la jeune génération de magistrats formés dans le cadre de l?assistance importante octroyée par la communauté internationale à Haïti pour la réforme de la justice.
Cet état d?asservissement était déjà bien connu mais pour la première fois, des preuves irréfragables existent.
Il a exposé qu?il a été convoqué le 23 décembre 2003 par le Commissaire du Gouvernement, Me. Riquet BRUTUS au Parquet du Tribunal Civil de Port-au-Prince. Celui-ci l?a forcé à le suivre à une réunion au Palais National. La réunion avait pour but l?emprisonnement du Bâtonnier a.i. du Barreau de Port-au-Prince et de deux de ses clients comme dit plus haut. Les prétextes avancés seront exposés ci-dessous. Il est important d?établir maintenant l?illégalité de la démarche de ces comploteurs sur la base des violations flagrantes de la Constitution, des conventions ratifiées par Haïti sur les droits de l?homme et des lois de la République.
A cette réunion ont participé :
– Monsieur Marceau EDOUARD, conseiller du Président Aristide
– Monsieur Jean Barthelemy, membre de la sécurité rapprochée du Président Aristide.
– Maitre Riquet BRUTUS, Commissaire du Gouvernement près le Tribunal Civil de Port-au-Prince
– Deux de ses substituts Mme Jocelyne CASIMIR, conjointe de l?ancien commissaire Jean Auguste BRUTUS actuellement conseiller de Jean Bertrand ARISTIDE et Maitre Clamé Ocnan DAMEUS.
Ce dernier a précisé qu?au cours de cette réunion, les deux premiers étaient en
contact constant avec Monsieur Jean Claude JEAN BAPTISTE, premier conseiller du Président, personnage ténébreux dont la nomination comme directeur général de la police nationale avait soulevé l?indignation de la communauté nationale et internationale, ce qui l?avait forcé à démissionner.
Le Substitut Ocnam DAMEUS a déclaré qu?il lui a été ordonné d?émettre des ordres d?arrestation à l?encontre des trois personnes indiquées ci-dessus. Face à ses protestations sur l?illégalité de cette mesure vu que le Parquet ne peut émettre de tels ordres selon le Code d?instruction Criminelle qu?en cas de flagrant délit, il lui a été répondu que ces trois personnes doivent être jetées en prison. Pour gagner du temps et préserver sa vie selon ses déclarations, le Substitut Ocnan DAMEUS proposa plutôt d?envoyer des mandats de comparution à Messieurs André APAID et Hervé SAINTILUS et en toute probabilité, ils seraient accompagnés lors de leur comparution de leur avocat Maitre Gervais CHARLES. Il en profiterait pour les mettre tous trois en dépôt. Les mandats ont donc été émis et reçus par Messieurs APAID et SAINTILUS.
Ainsi, la comparution devant ce Magistrat ne serait qu?une formalité, le sort de Maitre Gervais CHARLES et de ses clients étant arrêté d?avance. Il s?agit donc de graves violations du droit à la liberté individuelle et à la garantie judiciaire reconnue par la constitution et les conventions internationales ratifiées par Haïti. Mais encore plus révoltant, des autorités judiciaires ont été traînées au Palais National pour participer à une machination illégale dans laquelle la main de Jean Bertrand ARISTIDE est omniprésente à partir des actes posés par ses trois conseillers dont son conseiller principal, le triste sieur Jean Claude JEAN BAPTISTE.
Le but de ce complot était de briser l?élan de protestation de la société civile haïtienne qui organisait le 26 décembre 2003, jour des arrestations projetées, une manifestation sur l?initiative de Monsieur André APAID. L?autre objectif poursuivi, visait a intimider les avocats trop zélés dans la défense de leurs clients en jetant leur Bâtonnier a.i. en prison. En effet, des avocats avaient mis sur pied une cellule d?intervention pour assister les manifestants jetés en prison. L?un des avocats de ce groupe Me. Annibal Coffy avait d?ailleurs été pris a partie lors d?une déclaration radiodiffusée de la déléguée de l?ouest (représentante du pouvoir exécutif dans un département), Madame Marie Antoinette Gautier.
Pendant longtemps, la société civile haïtienne avait tenté d?organiser des manifestations. Elles ont été chaque fois brisées par des hommes armés par le pouvoir parmi lesquels se retrouvent souvent des enfants de moins de 12 ans. Cette milice opère en toute impunité, appuyée et encadrée par la police nationale d?Haïti. Le comble de l?horreur avait été atteint le 5 décembre 2003 lorsque des étudiants rassemblés dans l?enceinte de la Faculté des Sciences Humaines pour protester contre les agissements du pouvoir, ont été tabassés, blessés par balles par ces délinquants qui ont même irrémédiablement endommagé les deux genoux du recteur de l?université d?etat Monsieur Pierre Marie PAQUIOT.
Suite aux protestations de la communauté internationale, la police a enfin assuré la protection de la manifestation du 22 décembre 2003 marquée par le défilé à travers les rues de Port-au-Prince d?une marée humaine impressionnante. Vers la fin du parcours, les manifestants ont été attaqués par des hommes de main du pouvoir visiblement reconnaissables. Ils circulaient à bord d?une voiture sans plaques, ont fait feu sur la foule et la police a répliqué. L?échange de tirs a provoqué le décès de deux personnes. La police par la voix de l?inspecteur Général Patrick RENE et les parents ont déclaré que ces personnes avaient être atteintes par des balles de la Police Nationale d?Haïti.
Cette provocation a servi de base à la machination du pouvoir qui veut impliquer ceux dont la signature apparaît au bas de la notification de la manifestation à la police à savoir Monsieur Hervé SAINTILUS comme organisateur, Maitre Gervais CHARLES qui a approuvé la teneur de la notification en signant expressément comme avocat du groupe des 184 et qui n?a même pas participé à la manifestation. Monsieur André APAID dont le nom n?apparaît même pas dans cette note fait aussi partie des personnes persécutées.
Le conseil de l?ordre des Avocats de Port-au-Prince en appelle à toutes les autorités constituées des pays formant la communauté internationale, à toutes les organisations internationales multilatérales, à tous les barreaux et association d?avocats à travers le monde, au Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l?homme, à la Commission interaméricaine des droits de l?homme, à toutes les organisations s?occupant des droits de l?homme et à celles de la société civile pour faire échec à cette ingérence flagrante du Président Jean Bertrand ARISTIDE dans le système judiciaire haïtien en vue de concrétiser des violations flagrantes relatives à la liberté individuelle et à la garantie judiciaire.
Le Conseil de l?ordre des Avocats de Port-au-Prince renouvelle l?assurance de sa haute considération.
Gervais Charles
Bâtonnier a.i.