Originally: La Nation contre les prédateurs
« Il a instauré un parti unique : il est président, premier ministre, ministre de l’Education Nationale, Chef de la Police, il contrôle les médias. Il est devenu un tyran sanguinaire et aveuglé par sa mégalomanie, il se retourne contre sa propre population et devient un dictateur de caricature en ne projetant que des images qui lui sont favorables. » C’est en ces termes qu’un reporter de TV5 a décrit Saddam Hussein lors de sa capture par les soldats Américains le samedi 13 décembre 2003.
Si les images n’accompagnaient pas ce reportage, n’aurait-il pas pu faire référence à Jean-Bertrand Aristide et à son parti unique, La Fanmi Lavalas ? Saddam Hussein qui fut l’un des pires dictateurs et l’un des hommes les plus riches de cette planète a pourtant du se réfugier dans un trou, tel un rat, avant d’être capturé. Il a été ensuite exposé aux yeux du monde entier tel un sans domicile fixe, sale, le regard hagard et exhibé telle une bête sauvage par un médecin Américain. Voici les images qui ont été diffusées dans le monde entier sur la fin d’un dictateur.
En Haïti, alors que l’ensemble du pays demande le départ de Jean-Bertrand Aristide qualifié aujourd’hui de dictateur sanguinaire et de son gouvernement déclaré « hors-la-loi » par l’ensemble des partis politiques et de la société civile, il semble que les images de Saddam Hussein n’aient pas servi de leçons aux lavalassiens. Bien au contraire, plusieurs parlementaires contestés ont lancé des appels à la violence contre tous ceux qui réclament le départ du Chef de l’Etat. Le dimanche 14 décembre 2003, lors d’une émission en duplex sur leurs stations de radio, Radio Africa et Négritude, le député de la Grande Rivière du Nord, Nahoun Marcellus et son collègue de Jacmel , Wilnet Content , ont demandé aux sympathisants Lavalas de fourbir leurs armes pour défendre le mandat de M.Aristide. Wilnet Content a même annoncé une distribution imminente d’armes de tout type.
En réagissant à une information circulant au Cap-Haïtien selon laquelle deux militants lavalas auraient été tués par balle, le samedi 13 décembre , l’élu contesté de Jacmel a déclaré publiquement, qu’en représailles, six membres de l’Opposition devraient être abattus. Wilnet Content a affirmé péremptoirement qu’il n’y aurait de paix que si Lavalas le voulait ! De son côté, le député contesté de Saint-Marc, Amanus Mayette, a annoncé une réplique « pratique et proportionnée » au comportement d’ anciens camarades de combat, en faisant référence à Prince Sonson Pierre et Dany Toussaint. Si le Secrétaire d’Etat à la Communication , Mario Dupuy, a condamné ces déclarations, il n’a toutefois pas annoncé de mesures punitives prévues par la Loi. Le député de Cavaillon , Jean Candio, a également pris ses distances avec de tels propos.
Il est désormais est clair que pour le pouvoir, et en particulier pour les élus contestés du 21 mai 2000, les ennemis du régime sont les dissidents lanalassiens, l’Opposition , le Groupe des 184 organisations de la Société Civile , les militants des droits humains et … la presse indépendante. Lors d’une intervention , le samedi 13 décembre , sur Radio Africa, le député Nahoun Marcellus a cité Radio Métropole , Vision 2000 , Radio Kiskeya et Caraïbes F.M. qu’il considère comme des médias oeuvrant à la déstabilisation du régime. Le vendredi 12 décembre alors que les partisans du pouvoir paralysaient les activités à Port-au-Prince , des autorités distribuaient des armes lourdes à des adolescents et des enfants. Le même jour , des membres d’Organisations Populaires (OP) Lavalas avaient attaqué un garage appartenant à la Police Nationale et emporté des armes. Face aux déclarations des députés contestés Marcellus , Content et Mayette, déclarations qualifiées « d’incendiaires » par les partis politiques et la société civile, un appel à la grève général a été lancé pour le mardi 16 décembre 2003. Selon le coordonnateur du Groupe des 184, M. André Apaid Jr., cette grève devait pouvoir également démontrer que la population proteste contre le régime en place qui célébrait, le 16 décembre, le treizième anniversaire de l’accession à la présidence de Jean Bertrand Aristide . André Apaid a dénoncé un communiqué de la police interdisant les manifestations “sans avis préalable des autorités” et annoncé une mobilisation sans relâche jusqu’au départ du Président. Il a également ajouté que la prochaine étape dans la mobilisation contre le pouvoir serait la désobéissance civile. Répondant à ce mot d’ordre de grève générale, la plupart des magasins, des écoles et des banques sont restés fermés le 16 décembre. Rappelons que dans un communiqué publié le 13 décembre 2003, 18 organisations et institutions des secteurs démocratiques et populaires, ont déclaré qu’il « ne fait aucun doute que le régime Lavalas en place est un régime autoritaire, sanguinaire, agissant contre les intérêts des populations et qui ne cesse de violer les droits des citoyens et citoyennes du pays. Ce Gouvernement est donc hors-la-loi. La nature dictatoriale de ce régime, dirigé par M. Jean Bertrand Aristide, apparaît clairement dans les différentes actions entreprises pour brimer les populations. »
Ces actions ont culminé les 15, 16 et 17 décembre où la répression gouvernementale a atteint des seuils inimaginables. Le lundi 15 décembre, alors qu’une fois de plus les étudiants manifestaient pacifiquement à travers la capitale, la police a non seulement réprimé et gazé les manifestants mais, en fin de journée, la capitale découvrait horrifiée une nouvelle tactique de la police : l’usage de seringues détenant un liquide suspect qui a été injecté dans les veines de trois étudiants par des policiers ! Alors que les victimes ont été acheminées à l’hôpital pour y être examinées par des médecins qui ont témoigné sur les ondes que les étudiants avaient effectivement reçus des injections suspectes et devraient peut-être quitter le pays pour des examens plus poussés. Invitée par Vision 2000 à la rubrique très prisée, « Invité du Jour », animée par Valéry Numa, Lilas Desquiron a non seulement nié les faits mais, à court d’arguments face aux questions pertinentes de notre confrère, n’a même pas eu la décence de rester polie…et a raccroché au nez du journaliste et à tout le public branché sur Vision 2000 ! Signalons que, contrairement à Mme Desquiron qui a perdu une occasion de plus de se taire, plusieurs ministres ou responsables du gouvernement ont « quitté le navire lavalassien pour protester contre les pratiques de la répression gouvernementale: après la démission du ministre de l’éducation nationale, Marie-Carmel Paul-Austin, c’était au tour du ministre du tourisme, Martine Deverson, de l’ambassadeur d’Haïti en République dominicaine, Guy Alexandre, et du directeur général du ministère de la santé publique, le docteur Charles-Emile Hérard de mettre la clé sous la porte. Le 18 décembre 2003, le troisième ministre du gouvernement, Webster Pierre du Ministère de l’Environnement, remettait sa démission. Le mardi 16 décembre, alors que le pouvoir célébrait le treizième anniversaire de l’accession au pouvoir par Jean-Bertrand Aristide, les prédateurs lavalassiens sont montés au créneau sur les ondes pour menacer, une nouvelle fois, les travailleurs de la presse indépendante qu’ils accusent de travailler pour l’Opposition. Le député contesté de Grande Rivière du Nord , Nahoun Marcellus , a fait une nouvelle déclaration où il a cité nommément Valery Numa et Marie Lucie Bonhomme (Vision 2000), Sony Bastien et Lilianne Pierre-Paul (Radio Kiskeya) comme membres du Groupe des 184 qui veulent à tout prix le départ du régime Lavalas . Dans cette intervention sur Radyo Ginen, le mardi 16 décembre 2003, l’élu contesté a demandé à l’Association Nationale des Médias Haitiens (ANMH) d’adopter des mesures disciplinaires à l’encontre de ces journalistes qui, selon lui , tiennent un langage violent ! De son côté, le chef d’Organisations Populaires (OP) à Saint Louis du Sud, Jean Marie Perrier alias « Pa Pè Chay » a menacé de décapiter les journalistes de Vision 2000…Décidément, Prince Sonson Pierre avait fait le bon diagnostic concernant ses anciens frères de combat : ils font vraiment preuve de démence ! Démoniaques aussi furent les attaques contre plusieurs médias le 16 décembre, en particulier au Cap Haïtien : des inconnus armés ont attaqué le poste émetteur de Vision 2000 et des individus lourdement armés ont tiré sur les locaux de Radio Maxima, propriété de Jean Robert Lalanne , un des dirigeants de l’Opposition dans le Nord , dans la soirée du 16 décembre. La station a été entièrement saccagée par la police le lendemain. Soulignons que le même jour, dans un discours orageux, le Chef de l’Etat avait appelé tous ses partisans à une mobilisation « manch long » contre tous ceux qui souhaitaient son départ. Un appel considéré comme « a licence to kill » ( permis de tuer) selon Jean-Claude Bajeux du Centre Oecuménique des Droits de l’Homme qui commentait la journée du 17 décembre 2003.
Et de fait, cette dernière aura été la journée de tous les dangers, se soldant par un mort, plusieurs blessés et disparus. Ce jour-là, les policiers ont bombardé de gaz plusieurs milliers de manifestants non armés qui avaient gagné les rues de la capitale. Parallèlement, des membres d’Organisations Populaires (OP) Lavalas qui sillonnaient les rues à bord de véhicules appartenant à la compagnie téléphonique nationale « Téléco », ont ouvert le feu sur des manifestants et ont failli atteindre plusieurs reporters de Radio Métropole et de Vision 2000 qui couvraient la manifestation. Intervention musclée également de la police devant les locaux de la Convergence Démocratique pour disperser un rassemblement de manifestants anti-Aristide avec l’appui de « chimères » qui ont tenu les membres de la Convergence en otage pendant une partie de la journée. Alors que le mouvement de contestation contre le Chef de l’Etat était constaté à travers de nombreuses villes du pays, de Port-au-Prince à Jérémie, en passant par Mirebalais, Petit-Goâve, Léogane, Port-de-Paix, Trou du Nord et Jacmel ; les manifestants n’ont pas réussi à s’exprimer librement à Saint Marc et à Jacmel , où la PNH a utilisé du gaz lacrymogène pour les disperser. A Trou du Nord, la mort d’un élève provoquée par la police a déchaîné la population qui a incendié tous les locaux appartenant à l’Etat. Cette journée aura été particulièrement dure pour la presse indépendante et a rappelé la journée d’infamie du 17 décembre 2001, où le Gouvernement avait organisé une répression sans précédent contre l’Opposition et contre la presse, en accusant cette dernière, à travers la voix du Premier Ministre, Yvon Neptune, d’être « un ennemi identifié par le peuple ». Deux ans plus tard, jour pour jour, la presse indépendante a été particulièrement ciblée par des membres d’Organisations Populaires (OP) Lavalas dans une véritable chasse à l’homme à travers la capitale. Cossy Roosevelt et Méroné Jean Wickens de Radio Métropole ont frôlé la mort lorsque des membres d’OP Lavalas qui étaient à bord d’un véhicule de la compagnie nationale des Télécommunications (TELECO) ont pointé leurs revolvers en direction du bus de la salle des nouvelles de Radio Métropole. Il faut noter qu’un journaliste de Mégastar a été blessé par balle, mercredi, à la Rue Mayard, à Bourdon. Les membres d’OP Lavalas qui étaient escortés par des policiers cagoulés ont également fait plusieurs blessés par arme blanche. Au Cap-Haïtien, Radio Maxima n’émet plus suite à l’intervention de policiers munis d’un mandat de perquisition qui ont mitraillé et largement endommagé une partie du matériel de la station , ont rapporté des témoins. Parallèlement , un des principaux responsables de l’Opposition , le Pasteur Jackson Noel , a été arrêté. L’attaque sur Radio Maxima avait été annoncée par le député Lavalas Nahoun Marcellus. Signalons que dans une déclaration vociférante, Marie-Antoinette Gauthier, Déléguée Départementale de l’Ouest avait annoncé les couleurs, en début de matinée, au micro d’un reporter de Radio Ibo, en accusant les journalistes de constituer une nuisance médiatique, de mentir et d’être à la base de la déstabilisation du régime. Il est important de souligner qu’un reporter de Radio Solidarité, radio connue pour être proche du pouvoir, Eddy Jackson Alexis, a dénoncé avoir été malmené par des étudiants le 17 décembre qui, selon ses dires, lui auraient également volé son téléphone cellulaire. Suite à toutes ces attaques contre la presse, le chef a.i du parti Lavalas, Jonas Petit, a condamné uniquement l’incident de ce reporter de Radio Solidarité. Pas un mot, pas une condamnation pour toutes les autres stations ! Pas un mot contre les attaques des OP ! Mais Mme Gauthier avait prévenu la population en déclarant que « pour tous ceux qui sortiront le 17, I’m sorry for them ! »
Une jeune fille violée par des hommes armés dans l’enceinte d’un centre hospitalier, des « chimères » déguisés en policiers, des partisans du pouvoir qui attaquent, aux yeux de tous et en toute impunité, des citoyens, des jeunes étudiants, bras levés, chantant « Alléluia pour Haïti …mais ce sont les journalistes que Mme Gauthier accuse en osant avertir la presse- décidément on aura tout entendu !- « qu’heureusement qu’il y a une puissance divine ! » La question qui se pose est de savoir si Mme Gauthier croit en Dieu ou en un homme qui se prend pour Dieu…En effet, alors que la presse indépendante est traitée de tous les maux, notamment d’être financée- quand on ne la menace pas de la décapiter !- doit-on rappeler ( et nous sommes bien placée pour le faire) qu’en 1990, des figures de proue de la presse indépendante actuelle ont travaillé gratuitement ( ce qui est loin d’être le cas des journalistes gouvernementaux ou vendus à Lavalas aujourd’hui) pour accompagner l’apparition de M.Aristide sur la scène politique ? Que ces journalistes n’ont jamais été payés ou bénéficié de faveurs pour avoir couvert, parfois au risque de leur vie ou de leur carrière), les sorties très médiatisées d’Aristide ? A un tel point, qu’à l’époque, l’Opposition, en particulier l’ANDP de Messieurs Marc Bazin et Serge Gilles, avait accusé Jean-Bertrand Aristide de « n’être qu’un personnage médiatique ». S’il le fût, certes, c’était surtout du à ses prises de positions courageuses à l’époque, qui l’avaient rendu aussi populaire en 1990 qu’il est devenu impopulaire en 2003 : par son entêtement, sa répression systématique des libertés fondamentales, sa mégalomanie, ses chimères et une corruption tentaculaire de prédateurs sans limite dans leurs appétits triviaux. Mais aujourd’hui, c’est cette même presse qui est devenue le bouc émissaire…Et ce qui a de plus terrible pour les journalistes ayant vécu la période de 1986 à nos jours, c’est de constater, qu’aujourd’hui, ce gouvernement utilise les mêmes méthodes de répression et d’accusation que les militaires contre cette même presse qui fut pourchassée pendant le Coup d’Etat pour son soutien à un Président légitime…à l’époque ! Oui, il y a, nous l’espérons une justice divine Madame Gauthier !
Enfin, alors que l’appel à la mobilisation générale est maintenu par les étudiants, le Groupe des 184 et les partis politiques de l’opposition, des manifestations anti-Aristide ont atteint les communautés haïtiennes de Miami (Etats-Unis), Paris (France) et Cayenne (Guyane). Sur le plan international, le soutien au Président Aristide, s’effrite au jour le jour. De Jack Lang, ancien député socialiste français, ministre de la culture sous François Mitterrand et ministre de l’éducation nationale du gouvernement Jospin, à l’OEA en passant par les chancelleries accréditées en Haïti jusqu’à l’organisme canadien « Entraide Missionnaire », tous croient aujourd’hui que « les autorités haïtiennes doivent être réprouvées pour les exactions et atteintes aux libertés commises dans le pays ». De leur côté, les Etats-Unis ont déploré le 15 décembre dernier, à travers le porte-parole du département d’Etat Richard Boucher, la répression violente des manifestations politiques en Haïti. « Le gouvernement haïtien a agi de concert avec des gangs armés travaillant à sa solde pour réprimer avec violence ces manifestations, provoquant ainsi des blessés et même des pertes en vies humaines », a estimé Richard Boucher. Ceci a sans doute poussé l’ancien Premier ministre haïtien Rosny Smart a déclaré dans une interview au quotidien Le Monde que « le départ d’Aristide ne devrait pas tarder. Le pays est en rébellion. A part le lumpen, tous les secteurs réclament son départ et les Américains se sont rendus compte que Haïti est ingouvernable avec Aristide . » ( Le Monde, édition du 17 déc.2003)
Pourtant, coup de théâtre ce 18 décembre sur les ondes de la TNH : le Président, dans une interview s’apparentant à une véritable mise en scène, a annoncé à la nation qu’il acceptait la dernière proposition de l’Episcopat haïtien pourtant rejetée par l’ensemble des secteurs en l’occurrence, la formation d’un nouveau gouvernement indépendant, un conseil de « sages » chargé d’organiser des élections et, bien entendu, M.Aristide à la tête de l’Etat. Une décision qu’il a qualifiée être « non un acte de faible, car je ne le suis pas a-t-il tenu à préciser, mais un acte de sagesse », tout en demandant à tous les secteurs d’accepter ce « sacrifice patriotique » à la veille de 2004. Rappelons que certains parlementaires contestés avaient dénoncé, il y a un mois, cette proposition en l’assimilant à un coup d’Etat. Pour les observateurs politiques, cette proposition, sans doute fortement encouragée par « les amis » que M.Aristide a mentionné sans les nommer, arrive bien trop tard.
D’autre part, de source bien informée, on apprenait que dans la soirée du 17 au 18 décembre, l’Ambassadeur Américain aurait reçu en sa résidence plus de 25 membres du secteur privé pour leur demander d’accepter la négociation et sans doute ladite proposition. Pourtant, il semblerait que, pour une fois et de façon unanime, le secteur privé aurait rejeté en bloc cette proposition en précisant que la mobilisation devait se poursuivre. Malgré tout, le Président a voulu annoncer cette proposition à la nation. S’adressait-il à la Nation ou à l’International ? Que voulait-il démontrer ? Qu’il était prêt à tous les sacrifices pour faire « revenir la paix dans les rues » alors que le jour même, ses hommes de main, René Civil et Paul Raymond crachaient leur haine contre la presse et plusieurs secteurs de la société ? A-t-il voulu rassurer les Américains, une fois de plus- ou s’en jouer- en affirmant qu’il n’y aurait plus de Boat-people ? N’avait-t-il pas déclaré, le 15 décembre en recevant la diaspora au Convention Center de l’Hôtel Karibe qu’il était « heureux de constater qu’aujourd’hui, il n’ y avait que des exilés économiques et non politiques » ? Cette proposition pourrait-elle être comparée à un « sauve qui peut » de la part d’Aristide, de plus en plus isolé, ou de la part des Américains qui refusent d’admettre ou d’être rendus responsables d’avoir restauré, contre leur gré quelque part, un populiste qui a été un échec total politiquement, économiquement et socialement pour le pays ? Cette proposition ne démontre-t-elle pas aussi le mépris profond de la communauté internationale face au cri du peuple haïtien ?
D’autre part, comment la grogne irrévocable d’une grande partie de la population et d’étudiants héroïques pourra-t-elle s’apaiser ou être étouffée par une telle suggestion de sortie de crise? Aristide a-t-il jamais respecté un seul engagement local ou international depuis son retour au pouvoir ? Comment croire qu’avec une telle proposition, il ne continuera pas de financer ses milices et peut-être même, dans un esprit machiavélique, augmenter la violence pour rendre le prochain gouvernement responsable d’un plus grand chaos afin de pouvoir renverser la situation à son profit ? Pourquoi a-t-il attendu près de deux semaines avant de déclarer que la PNH n’avait pas le droit de réprimer les étudiants ? Pourquoi n’a-t-il pas condamné les violentes exactions des CIMO ? Non, décidément, les Haïtiens aujourd’hui ne pourraient commettre une telle bévue en se laissant « enterrés » par une telle proposition. Ce n’est pas le peuple irakien qui a été retrouvé dans un trou, mais bien son dictateur, son prédateur : Saddam Hussein. Jean-Bertrand Aristide devrait tirer au plus tôt les leçons de la marche de l’histoire, de la marche d’un peuple héroïque et martyr qui a compris, à la veille de 2004, que « cette chose divine, la dignité, compagne de la liberté, il faut qu’il la mérite pour la posséder. »
Nancy Roc, P-au-P, le 19 décembre 2003.
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