Originally: Lettre Ouverte au Directeur Général de la Police Nationale d?Haiti
Port-au-Prince, le 21 novembre 2003
Me Jocelyne PIERRE
Directeur Général
De la Police Nationale d?HaVti (PNH)
En ses bureaux.-
Madame le Directeur Général,
La Coalition Nationale pour les Droits des HaVtiens (NCHR) ne cesse
d?attirer l?attention des responsables de l?Etat sur le dangereux
processus de politisation et de vassalisation de l?Institution
policiPre particuliPrement depuis la démission forcée et le départ
pour l?exil, pour des raisons de sécurité, du Directeur Général de
la PNH qui vous a précédé, Monsieur Jean Robert FAVEUR. La NCHR
croit fermement que la Police Nationale d?HaVti (PNH), seule
institution armée du pays, institution garante de l?ordre, de la
sécurité publique et de la stabilité de l?Etat, a un rôle
fondamental B jouer dans le processus de démocratisation en cours.
Sur cette base, la NCHR avait salué, B sa juste valeur, le courage
de M. Jean Robert FAVEUR qui avait choisi de démissionner pour
protester notamment contre l?intégration de bandits armés B la
solde du pouvoir au sein de la PNH, la fantaisie caractérisant les
promotions internes, l?octroi de grades et la position de pantin
réservée au Commandant en Chef de la PNH.
Madame le Directeur Général,
Votre passage contre toute logique, du décanat du Tribunal de
PremiPre Instance de Port-au-Prince au poste que vous occupez
maintenant en violation de la loi régissant la matiPre n?était pas
rassurant. Votre surprenante nomination heurtait, en effet, les
dispositions des articles 21 et 22 de la loi du 29 novembre 1994
portant création, organisation et fonctionnement de la Police
Nationale d?HaVti qui stipulent :
Article 21 : « La Direction Générale de la Police Nationale, organe
central de commandement de la Police Nationale, est une Institution
déconcentrée du MinistPre de la Justice siégeant B la capitale.
Elle est placée sous l?autorité d?un Directeur Général, occupant la
fonction de commandant en Chef de la Police, nommé par le Président
de la République conformément B la Constitution ».
Article 22 : « Le Directeur Général de la Police Nationale,
Secrétaire-Exécutif du CSPN est choisi parmi les Directeurs
Centraux ou les Commissaires Divisionnaires et nommé, conformément
B la Constitution pour un mandat de trois (3) ans renouvelable ».
Madame le Directeur Général,
La NCHR sans se faire d?illusions et sans faire « contre mauvaise
fortune bon cÉur », avait osé espérer, que votre formation de
magistrat pouvait quand mLme Ltre utile B quelque chose dans
l?administration, la gestion et le fonctionnement de la PNH. Hélas
! sous votre commandement le processus de politisation et de
vassalisation de la Police Nationale d?HaVti s?accélPre : les lois
et les rPglements régissant son fonctionnement sont carrément
ignorés et l?opinion publique générale tend de plus en plus B voir
en la PNH non pas une institution étatique, mais une milice privée.
Les cas suivants suffisent B renseigner :
I. Monsieur Jeanty EDNER, Agent II B
l?USGPNH, pour lequel M. Faveur avait refusé de signer la lettre de
promotion au grade de Commissaire Divisionnaire, a été nommé, au
début du mois en cours, Inspecteur Général de la Police Nationale
en violation de l?article 60 de la loi du 29 novembre 1994 qui
stipule :
« La carriPre des différents fonctionnaires de la Police Nationale
comprend des grades hiérarchisés de façon ascendante sans
discontinuité B l?intérieur de trois niveaux. A l?intérieur de
chaque niveau la promotion se fera sur la base d?ancienneté et de
compétence. Le candidat B un niveau supérieur de la Police devra
subir des concours internes dont les épreuves et les conditions
d?accPs sont déterminées par les RPglements Intérieurs.
Ces grades sont présentés dans le tableau ci-aprPs :
Niveau A : 1.- Agents de Police, classe 1B 4
Niveau B1 1.- Inspecteur de Police
2.- Inspecteur Principal
3.- Inspecteur Divisionnaire
Niveau B2 4.- Commissaire de Police
5.- Commissaire Principal
6.- Commissaire Divisionnaire
7.- Directeur Central, Inspecteur Général
8.- Directeur Général de la Police Nationale
Comme vous pouvez vous en rendre compte, Monsieur Jeanty EDNER est
passé du premier au dernier niveau de la hiérarchie de la Police en
sautant en une journée prPs de huit (8) grades ce qui ne saurait se
permettre dans le cadre d?un fonctionnement régulier de la police.
N?est-ce pas le cas de dire avec Jean Pierre BOYER que cet homme «
va plus vite que le Fleuve de l?Artibonite ».
Madame le Directeur Général,
Pouvez-vous imaginer le caractPre démotivant d?une telle décision
dans une institution hiérarchisée ? M. Edner peut-il imposer son
autorité sur ses anciens supérieurs hiérarchiques devenant, B la
faveur de cette décision politique, ses subalternes ? Que diront
ses camarades de promotion ?
II. Monsieur Germain SAINT-FLEUR, Agent II du
CIMO, est aujourd?hui responsable au Commissariat de la
Croix-des-Bouquets avec le grade de Commissaire Principal. Il
fait partie lui aussi de la liste que M. Faveur avait refusé de
signer ;
III. Monsieur Rony JACQUES, Inspecteur de Police
du Canapé-vert est muté Directeur Départemental des Nippes,
fonction généralement réservée aux Commissaires Divisionnaires ;
IV. Le 29 octobre devant le Palais de Justice,
une trentaine de femmes organisaient un sit-in silencieux pour
réclamer justice en faveur de la militante féministe, le Professeur
Danielle LUSTIN, assassinée en sa résidence de Vivi Mytchel. Ces
femmes réclamaient aussi la fin de l?impunité et l?avPnement en
HaVti d?une société de paix, de droit et de justice. Des membres
d?OP lavalas ont mis fin brutalement B cette manifestation sous les
regards passifs de policiers qui n?ont procédé B aucune
interpellation, aucune arrestation. Cependant votre cÉur de femme
ne s?est senti touché ;
V. Le Commissaire de Police Harold ADECLAT
est vivement dénoncé par la clameur publique de participation dans
le crime odieux perpétré sur la personne d?Amiot METAYER. Sans
Ltre mis en situation de se défendre des persistantes et graves
accusations portées contre lui, il est promu Directeur de la
logistique B la Direction Générale de la PNH. Quel esprit de
justice anime donc les responsables de la PNH ?
VI. Le Commissaire Negupe SIMON a abattu de
sang froid une jeune femme de vingt quatre ans, Fernande JEAN qui,
au cours d?une dispute avec son mari, lui a lancé une pierre qui,
ratant sa cible, a heurté le véhicule du Commissaire. M. Simon a
publiquement reconnu son forfait. Pourtant, il n?est pas remis B
la justice répressive et est prétendument gardé en isolement comme
s?il s?agissait d?une faute disciplinaire ;
VII. Les policiers responsables de l?assassinat
des enfants de Viola ROBERT n?ont toujours pas comparu devant leur
juge naturel, la Police ayant refusé d?exécuter les mandats émis
contre eux. Plusieurs d?entre eux ont été pourtant placés en
isolement, mais l?affaire est réglée en famille. La vérité est
cachée au peuple haVtien, Viola ROBERT continue de pleurer et les
assassins, tout en bénéficiant de l?impunité officielle, continuent
de « protéger » et « servir » ;
VIII. Aux GonaVves, des interventions peu
professionnelles de la Police ont fait une douzaine de morts et une
trentaine de blessés au sein de la population civile. La Police a
mis le feu dans prPs d?une douzaine de maisons de pauvres citoyens
dans les quartiers populaires de Jubilé et de Raboteau. Aucune
enquLte, aucune sanction n?est annoncée contre les policiers
fautifs. Les policiers B la gâchette facile ont donc carte blanche
pour continuer B endeuiller la population ;
IX. Sous votre commandement le phénomPne des
attachés a pris un essor considérable dans les opérations de
Police, notamment aux GonaVves, au Cap-HaVtien, B Port-au-Prince et
B Delmas. Mais la Direction Générale laisse faire ;
X. Des policiers impliqués dans des actes de
kidnapping et d?assassinats comme ceux ayant attenté B la vie de
l?attaché René Jean Thony alias Sonnen ne sont pas poursuivis en
justice ;
XI. Sous votre commandement, des responsables de
police ont affiché ouvertement et publiquement leurs comportements
partisans dans l?interdiction illégale, la répression des
manifestations anti-gouvernementales comme au Cap-HaVtien, aux
GonaVves, B Saint Marc, B Petit-Goâve ou ont fait preuve de
tolérance ou plutôt d?une étrange passivité vis-B-vis des
contre-manifestants lavalas B Port-au-Prince, B Pétion-ville, B
Saint-Marc, au Cap-HaVtien et B Port-au-Prince ;
Le comble a été constaté le vendredi 14 novembre 2003 au cours de
la manifestation organisée par le Groupe des 184. La Police a
carrément pris le relais de l?opération « étau bouclier » lancée
par des OP Lavalas pour empLcher les citoyens d?exprimer
pacifiquement et publiquement leurs désaccords au gouvernement.
Toute une machine policiPre a été mise en place dans le but évident
d?empLcher les organisations de la société civile de s?exprimer
sans crainte.
Madame le Directeur Général,
La NCHR, en signalant ces faits non exhaustifs B votre sagacité,
croit qu?il est impérieux de redresser la barque avant qu?il ne
soit trop tard. Il nous faut éviter les erreurs des Forces Armées
d?HaVti (FADH) pour ne pas avoir B chaque fois B recommencer.
Pierre ESPERANCE
Directeur
NCHR