Originally: Tout en défendant le point de vue de la restitution de 90 millions d’anciens Francs, versés à la France par Haïti au 19ème siècle. Christophe Wargny estime que la restitution ne pourrait être faite au gouvernement haïtien actuel. Les méthodes de gestion d

 


Il faudrait imaginer une institution neutre pour recevoir l’argent français, dans le cas d’une éventuelle


restitution de la rançon payée par Haïti à la France à partir de 1825 pour


la reconnaissance de son indépendance, opine l’historien français Christophe


Wargny, dans une interview accordée à AlterPresse.


Des questions liées à la restitution, à la célébration du bicentenaire de l’


indépendance d’Haïti en 2004 et à l’état actuel du régime politique haïtien


sont passées au crible lors de cette interview effectuée après l’audition de


Cristophe Wargny par la Commission française d’étude des relations


franco-haïtiennes, à la mi-octobre dernier.


Devant cette Commission, présidée par le philosophe français Régis Debray,


Christophe Wargny dit avoir défendu le point de vue de la restitution de 90


millions d’anciens Francs, versés à la France par Haïti au cours de la


première moitié du 19ème siècle. « C’est une somme due par la France à


Haïti. Il faut discuter des formes de remboursement ».


« Cela ne va évidemment pas résoudre les problèmes d’Haïti », poursuit l’


historien français. « Mais c’est un problème de fond », dit-il, estimant


cependant que la restitution ne pourrait être faite au gouvernement haïtien


actuel. Les méthodes de gestion de cet Exécutif sont telles « qu’il est


évidemment tout-à-fait exclu d’en faire le redistributeur au niveau d’


aïti ».


Christophe Wargny se dit en faveur « d’une institution neutre, qui


disposerait de l’argent français (.) et qui verrait les meilleures solutions


pour que l’argent aille réellement à des investissements et sans qu’il en


soit soustrait beaucoup au passage ».


Interrogé sur les échos en France du colloque organisé récemment en Haïti


avec la participation de quelques intellectuels étrangers par le


gouvernement haïtien sur restitution et développement, Christophe Wargny a


fait savoir qu’aucune résonance n’a été observée.


L’intellectuel français a confié lui et plusieurs autres de ses pairs ont


refusé de prendre part à ce colloque par peur d’être « instrumentalisés »


par le pouvoir. « Beaucoup ont craint que cela soit présenté par les médias


d’État comme des intellectuels qui soutiennent le président Aristide. Ce qui


n’est pas le cas (.) ».


A propos de la célébration du bicentenaire, Christope Wargny affirme se


trouver sur la même longueur d’ondes que les mouvements alternatifs haïtiens


qui estiment « qu’il n’y a rien à fêter » et qu’il faut « profiter de l’


évènement pour s’interroger sur une succession d’échecs ».


Christophe Wargny déclare aussi se reconnaître pour l’essentiel dans les


critiques qui sont formulées par plus d’une cinquantaine d’intellectuels


haïtiens lors d’une pétition rendue publique au début du mois d’octobre. «


Sûrement ces intellectuels ont raison d’évoquer la façon dont le


bicentenaire pourrait être instrumentalisé ». Mais, pense Wargny, « ils ne


vont pas assez loin dans la nécessité de réformes et de réflexion ».


Du coté de la France, il y aura quelques initiatives de célébration, «


finalement assez peu », a noté Christophe Wargny dans cette interview


accordée à AlterPresse. Même la commission officielle française d’étude des


relations franco-haïtiennes ne retient que très peu l’attention.


« On avait organisé l’occultation de toute l’histoire d’Haïti depuis 2


siècles et surtout de son indépendance et j’ai bien l’impression que les


mauvaises habitudes étant prises, cette Commission risque de travailler dans


une grande indifférence », commente l’historien français.


Christophe Wargny souhaite que les conclusions de cette Commission, qui sont


prévues pour la fin janvier 2004, aient un effet déclencheur d’évènements


nouveaux.


Le peu d’enthousiasme constaté par rapport à la célébration en Europe du


bicentenaire d’Haïti est peut-être lié également à « la façon dont l’


exécutif se comporte en Haïti », estime Christophe Wargny, qui désapprouve


une nouvelle fois les méthodes de l’administration du Président Jean


Bertrand Aristide.


Wargny, qui a travaillé aux cotés d’Aristide jusqu’en 1996, parle d’une «


dérive de plus en plus grave qui place le régime sans aucun rapport avec


celui que j’ai soutenu lors de la première mandature d’Aristide (1991) ». Il


note une tendance a un « despotisme mal éclairé (.) insupportable a la fois


aux Haïtiens et a ceux qui ont été les supporters d’un formidable espoir, il


y a une douzaine d’années ».


Christophe Wargny rappelle avoir pris formellement ses distances avec


Aristide à partir de l’an 2000. « Je pense profiter du bicentenaire, où on m


‘invite, pour dire très franchement ce que je pense d’une dérive implacable,


définitive et non réparable », ajoute-t-il.


Interrogé sur les caractéristiques de cette dérive, l’intellectuel français


a relevé que les libertés fondamentales ne sont « absolument » plus


respectées. « Il y a peut-être encore une liberté d’expression, mais le


problème est de gérer l’après expression et c’est très difficile. On a une


dérive policière, une police ultra politisée a laquelle s’additionnent des


bandes armées. ceci rappelle d’autres régimes haïtiens. La priorité aux


pauvres est devenue une extension démesurée de la pauvreté dans le pays ».


Cela dit, Christophe Wargny affirme ne pas vouloir « exonérer » la


communauté internationale, notamment les États-Unis. Quand ceux qui


soutiennent les réformes au niveau de la justice et de la police «


multiplient les exceptions, font sortir de prison des coupables, volent des


archives, refusent des extraditions nécessaires, ils donnent eux-mêmes une


image de la démocratie tout a fait dévoyée, dans laquelle ensuite le pouvoir


peut s’engouffrer facilement ». [


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