Originally: Droits de l’homme en Haïti
English summary.
THE human rights situation in Haiti has “again deteriorated” with police facing a “serious identity crisis”, according to a UN appointed expert on human rights in the country.
Discouragement within the ranks of Haiti’s national police force is “very serious”, Louis Joinet told reporters at the end of a 12-day mission here.
Top police officials have left their jobs “scandalised and disappointed”, said Joinet who cited the case of police officers “who believe in their job but watch helplessly on as people are given unbelievable promotions outside of all legal criteria”.
Denouncing what he called political persecutions in the country, he said political activists in Haiti were treated like “terrorists” and human rights defenders as “liars”.
He said human rights violators could face international justice.
DÉCLARATION FINALE
En terminant cette difficile mission, je voudrais faire la déclaration solennelle suivante :
Mesdames et Messieurs,
– La situation est grave, très grave.
– Elle risque de devenir gravissime.
– Quand, en plus, désabusés ou scandalisés, des cadres éminents de la police sont de plus en plus nombreux à quitter leurs fonctions.
– Quand des policiers issus de l?Académie de Police, qui croient en leur métier ? oui, j?en ai rencontrés ? assistent impuissants, en raison du fait du prince, à des promotions fulgurantes en dehors de tous critères légaux.
– Quand, à demi-mots, d?autres policiers vous font comprendre qu?on leur demande de participer à des missions que leur conscience réprouve ou qui, tout simplement, sont sans rapport avec la formation qu?ils ont reçue grâce à de multiples et coûteux programmes de coopération.
– Quand des juges légalistes font preuve d?un professionnalisme qui honore notre fonction ? car ce métier est aussi le mien ? ils sont convoqués, écartés, marginalisés, neutralisés par un habile harcèlement de pressions ou confinés dans l?exil.
– Quand des militants ? car militer n?est pas un crime ? tentent parfois au risque de leur vie d?exercer pacifiquement, comme à Cité Soleil, leur droit de manifester et qu?ils sont criminalisés, hier encore en les qualifiant de « terroristes », ou traités avec mépris comme ces femmes manifestant par un sit-in.
– Quand des défenseurs des droits de l?homme, et des responsables d?ONG sont invariablement ? comme je le serai peut-être moi-même demain ? traités de menteurs, je leur dit : « ne baissez pas la tête ». Au terme de ces quelques 23 années d?ONU, je puis vous le dire d?expérience, quand la roue de l?histoire finit par tourner, l?opinion internationale découvre avec stupeur que ces prétendus « mensonges » étaient bien en deça de la vérité.
– Quand de victimes vous disent, non Monsieur l?Expert, je ne porterai pas plainte car, dans ma Cité, être victime c?est déjà être coupable.
A tous les auteurs de ces violations, je rappellerai ceci : « Les temps changent. Il existe désormais une justice internationale. Qu?ils se méfient ? avant qu?il ne soit trop tard, de cette épée de Damoclès! »
Intervention du magistrat Louis Joinet Expert indépendant nommé par le secrétaire général des Nations Unies sur la situation des droits de l?homme en Haïti.
Conférence de presse du 5 novembre 2003 (salle de conférence PNUD)
Mesdames et Messieurs,
A la lumière des rapports de mes deux précédentes visites, en septembre 2002 puis en avril 2003, la Commission des droits de l?homme de l?ONU a estimé devoir renouveler mon mandat et m?a demandé de continuer à « lui faire rapport sur l?évaluation de la situation des droits de l?homme et sur les activités de coopération techniques pour les droits de l?homme en Haïti ».
Comme lors de mes précédentes missions, j?ai rencontré des représentants des Hautes autorités de l?État, notamment le Premier Ministre, Son Excellence Yvon Neptune et les Ministres les plus directement concernés par mon mandat : le Ministre des Affaires Étrangères et celui de la Justice puis la nouvelle Directrice Générale de la Police Nationale, le Directeur de l?Administration Pénitentiaire Nationale, le Directeur de l?École de la Magistrature et enfin le Protecteur du Citoyen.
Étant moi-même Magistrat, j?ai tenu à avoir de nombreux entretiens avec les professionnels de la Justice et notamment avec le Premier Président de la Cour de Cassation, des magistrats des Tribunaux, notamment avec des juges d?instruction et des magistrats du Parquet dont le Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, avec des juges de paix puis des avocats dont le Bâtonnier, Me Rigaud Duplan.
Je me suis par ailleurs efforcé de rencontrer les secteurs les plus larges de la société civile, qu?il s?agisse de représentants religieux, politiques, de la presse et, bien entendu, des ONG.
J?ai enfin eu des entretiens avec M. Adama Guindo, Coordonnateur du Système des Nations Unies, qui nous accueille aujourd?hui ?ce dont je le remercie vivement- ainsi qu?avec les responsables des agences de l?ONU, puis avec l?Ambassadeur David Lee, Chef de la Mission Spéciale de l?OEA et des diplomates, notamment ceux du Groupe des Pays amis d?Haïti.
Tout au long de la mission, la coopération des autorités haïtiennes concernées a été satisfaisante, en ce qui concerne la possibilité de visiter des prisons et surtout dans des services de police considérés comme prioritaire pour cette troisième mission.
C?est ainsi que j?ai eu la possibilité:
– de visiter librement l?Académie de Police, la Direction Centrale de la Police Judiciaire, la Brigade des Mineurs, la Brigade de Recherches et d?Intervention (BRI), le Corps d?Intervention et de Maintien de l?Ordre (CIMO) ainsi que les Commissariats de police de Delmas 33, de Cité Soleil et de Jacmel;
– de consulter librement les mains courantes et registres d?écrou des Commissariats;
– d?avoir de entretiens sans témoins avec les gardés à vue.
Même coopération satisfaisante avec l?Administration Pénitentiaire. Ont été visités à Port-au-Prince, dans les mêmes conditions de transparence : le Pénitencier National puis le Pénitencier de Fort National, la prison pour femmes, celle pour les mineurs garçons, celle pour jeunes filles puis la prison de Pétion-Ville.
Devant remettre mon rapport le 15 décembre prochain, je ne puis aujourd?hui vous faire part que de mes premières impressions, me réservant par la suite de les rectifier à la lumière d?informations complémentaires.
**************************
Les « constations » faites au cours de ma visite riment ?hélas- trop souvent avec « détérioration », spécialement dans un domaine présenté comme prioritaire par les autorités, celui de la lutte contre l?impunité.
LUTTE CONTRE L?IMPUNITE :
DES ENGAGEMENTS SOLENNELS PRIS MAIS RAREMENT SUIVIS D?EFFETS
A plusieurs reprises, les plus Hautes Autorités de l?État ont lancé un « défi à l?impunité »; ce fut l?expression employée par le Premier Ministre lors du lancement ?j?étais présent- du programme dit des « trois juridictions pilotes » en septembre 2002.
Même engagement pris par le Premier Président de la Cour de Cassation : « Finie l?impunité » a-t-il déclaré lors de la récente audience solennelle de rentrée de la Haute juridiction.
A la lumière de ces treize jours de visite, force est de constater ?pour reprendre l?expression désabusée d?un de mes interlocuteurs- que « l?État d?impunité » se substitue toujours plus à « l?État de Droit ».
Cette impunité profite en premier lieu aux auteurs de violations des droits des citoyens, notamment celle commises pour entraver l?exercice du droit de manifester pacifiquement garanti par le Pacte International sur les droits civils et politiques ratifié par Haïti. La présente visite me servira de test en me permettant d?évaluer, lors de ma prochaine mission, où en sont les poursuites et enquêtes judiciaires ouvertes ?si elles l?ont été- à l?encontre des auteurs des violences récemment commises (ou provoquées) à l?encontre de la Caravane de l?Espoir à Cité Soleil, au Cap-Haïtien ou aux Gonaïves.
Cette impunité profite aussi aux « délinquants en col blanc », ainsi qu?en atteste, dans le domaine de la délinquance financière, l?affaire dite « des Coopératives ». Lorsque des poursuites sont mises en ?uvre, elles visent quelques « boucs émissaires » issues du petit personnel (j?en ai rencontré en prison) pour mieux protéger ?à l?évidence- les véritables auteurs et complices qui, eux, courent toujours. Quant aux innombrables victimes regroupées dans une Coordination nationale, elles ont été empêchées de manifester le 29 octobre denier.
Cette impunité trouve ses racines, d?une part dans l?aggravation de la crise d?identité que traverse la police et les dysfonctionnements récurent de la justice, d?autre part dans la dégradation qui gangrène le système des Organisations Populaires, dites OP.
LA CRISE D?IDENTITE DE LA POLICE
Cette crise d?identité est tangible. De plus en plus nombreux sont les policiers qui, s?efforçant d?être « professionnels » -il y en a- regrettent de voir l?image de leur profession et la réputation de leur corps ternies par des pseudo policiers dont le flou statuaire est source de confusion aux yeux de l?opinion, voire des policiers eux-mêmes. Citons trois exemples :
1er exemple : le cas des Brigades Spéciales dites « BS » ou BS delta dans certains commissariats ainsi que j?ai pu l?expert a pu le constater sur les registres réglementaires).
Il s?agit d?un personnel en tenue noire portant le sigle BS imprimé en jaune.
Sont-ils habilités à procéder à des arrestations? Oui, selon certains policiers, car il y aurait parmi eux des BS ayant la qualité d?Officiers de Police Judiciaire; Non selon d?autres pour lesquels il s?agit de forces supplétives requises en tant que de besoin dans certains commissariats pour renforcer les effectifs affectés au maintien de l?ordre ou pour effectuer des patrouilles de police préventive.
Certains registres de garde à vue montrent que certains d?entre eux procèdent à des arrestations judiciaires. Leur rôle devrait être d?autant plus d?être clarifié, et que cette unité de police n?apparaît pas dans l?organigramme officiel qui nous été remis par la PNH. Il s?agit donc, incontestablement d?une « police parallèle » dont je demande la dissolution.
2ème exemple : le cas des CASEC.
Il s?agit, au niveau communal, d?agents de développement rural élus localement par la population. Selon les informations recueillies, notamment auprès de juges de paix, d?avocats et de défenseurs des droits de l?homme, certains d?entre eux s?immiscent, au-delà de leur mandat ?dans des fonctions de police et de justice : arrestations parfois avec port d?arme, menottage, mise en garde à vue « de facto : (parfois en leur domicile). Certains policiers estiment que pour illégales que soient ces pratiques, elles sont parfois un moindre mal dans les régions isolées dépourvues de services de police. Mais nombreux sont les témoignages qui montrent que ces activités parallèles tendent à se généraliser dans des endroits non isolés et sont source de fréquents abus tels qu?exécution de mandats judiciaires, mauvais traitements voire tortures, intimidation, diligences effectuées à la place du juge de paix, arrestations et remises en liberté « négociées »?
3ème exemple : La question dite des « attachés ».
Il s?agirait ?selon de nombreux témoignages- de personnes qui avec l?accord implicite de certains services de police, exécuteraient de « basses ?uvres ». Qu?en est-il? Les versions sont contradictoires.
Selon l?explication donnée par un ministre, au cours d?une audience, il s?agit d?une manipulation de l?opinion organisée par les adversaires du Gouvernement pour le discréditer en « fabriquant » une sorte d?assimilation avec le régime du Général Cédras rendu tristement célèbre précisément par ses « attachés ».
D?autres affirment que cette appellation est hâtivement attribuée aux Brigades Spéciales précitées, compte tenu de leur absence de statut ou, il s?agit de simples « informateurs » comme en recrutent toutes les polices du monde.
Deux indices crédibles jettent incontestablement un doute sur ces justifications :
– D?une part, l?ONG, « Coalition Nationale pour les droits des Haïtiens » (NCHR) a rendu public un rapport d?enquête qui, photos et documents à l?appui, identifie la présence de ces « policiers parallèles » dans l?environnement de neuf commissariats de police (cités dans le rapport), notamment dans celui de Delmas 33 que j?ai visité. Selon l?actuel Commissaire, qui connaissait le document de la NCHR, il s?agit de faux et d?allégations grossiers dépourvus de tout fondement;
– Mon opinion -et pour tout dire- ma conviction est toute autre. Un Juge de Paix de Delmas, le magistrat Stevenson Thimoléon a en effet été saisi d?une affaire impliquant le dirigeant OP précité dénommé Sonnen se prévalant de sa qualité d?attaché. Or il en a fait état au cours d?un débat auquel il participait avec son juge sur Radio-Caraïbe.
Il s?agit là d?une preuve flagrante, publique et incontestable de la présence d?attachés à Delmas 33. Alors, qui ment?
Autre signe évident de la gravité de cette crise d?identité de la police : la défection au cours de ces derniers mois, de plusieurs hauts responsables de la police. On citera la démission de M.M. Jean Daddy Siméon, ex-directeur du bureau de communication de la PNH ou tout récemment celle du Directeur Général de la Police Nationale, Jean-Robert Faveur, qui a fait état dans sa lettre de démission, en date du 21 juin 2003, des nombreuses pressions dont il a fait l?objet, y compris dans l?entourage immédiat de la plus haute autorité de l?État, pour entériner sans possibilité de contrôle la gestion de certains crédits de la PNH ou la nomination irrégulière de policiers. Autre défection, celle de l?agent II de la PNH Charles Jean Panel motivée par la présence, -selon lui- dans l?entourage du Commissariat de Delmas 33, de civils armés responsables notamment d?exécutions sommaires.
Le Premier Ministre m?a informé de l?ouverture d?une enquête sur la question dite des « Attachés ». Je pense qu?il ne manquera pas de la rendre publique le plus rapidement possible pour clarifier cette situation.
DES DYSFONCTIONNEMENTS PERSISTANTS DANS L?ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
J?avais initialement prévu de visiter tour à tour les trois tribunaux pilotes de Jacmel, Port-de-Paix et Fort Liberté. J?ai finalement revisité Jacmel pour être en mesure d?évaluer les initiatives prises depuis ma précédente mission. On constate, grâce aux efforts fournis par les magistrats et le personnel certaines avancées conformes aux recommandations que j?avais faites dans mon rapport, telles que la remise en ordre des registres d?état civil, l?amélioration significative du fonctionnement du greffe, l?aménagement (en cours) d?un bureau supplémentaire, une programmation des audiences permettant d?accélérer le traitement des affaires.
Tout ceci malgré un handicap sérieux (un juge d?instruction absent qui n?est toujours pas remplacé, un substitut non payé depuis plus de 9 mois, un expert archiviste qui n?est jamais venu ?.Le Ministre de la Justice -que j?ai saisi de cette situation- a promis de s?en occuper personnellement.
LE SCANDALE DE LA DETENTION PREVENTIVE PROLONGEE
Outre les raisons classiquement invoquées ?et fondées- (manque de moyens, manque de juges) trois facteurs rarement évoqués mériteraient d?être approfondies :
– La pratique par les parquets, -illégale selon moi- de l?exequatur car non prévu par la loi, pratique en vertu de laquelle des mises en liberté ordonnées par des juges ?telle celle du Général Avril que j?ai visité- ne sont pas exécutées. Mais il est aussi une autre raison, quelque peu tabou, qui méritera d?être approfondie à l?avenir. Je fais ici référence au laxisme des horaires de travail dans certains tribunaux où la présence effective d?une partie des magistrats se limite, dans les cas les plus extrêmes, à quelques heures par semaine. Dans l?un des tribunaux précédemment visités, j?ai pu constater que pendant qu?un juge d?instruction traitait 5 affaires, l?autre n?en sortait qu?une, au grand regret du Directeur de la prison qui devait gérer une surpopulation dont il n?était en aucun cas responsable.
D?une manière générale, le principal dysfonctionnement constaté dans l?administration de la justice est à l?évidence l?incroyable durée de la détention avant jugement. A Pétion-Ville, par exemple, j?ai constaté la présence de 3 condamnés pour 95 mandats de dépôt! L?un d?entre eux est détenu depuis 1995, pour vol sans jugement!
Il existe certes des « circonstances atténuantes » : des salaires peu élevés incitant les magistrats à exercer une activité complémentaire notamment d?enseignement. Cette activité n?est pas critiquable sous réserve que l?exception ne devienne pas la règle.
L?incroyable sévérité de certaines sentences est aussi l?une des causes importantes de la surpopulation pénale. (perpétuité pour un vol de véhicule selon le dossier d?un condamné visité à Pétion-Ville).
DES ATTEINTES RENOUVELEES A L?INDEPENDANCE DES MAGISTRATS
Présentant mon rapport en avril dernier, j?avais indiqué à la Commission des droits de l?homme que l?esprit d?indépendance qui, grâce notamment à l?EMA « émerge au sein de la magistrature devient une préoccupation majeure pour certains secteurs de la société qui craignent que les poursuites pénales ne deviennent efficaces et ne soient suivies d?arrestations auxquelles on est pu habitué ». Ces propos demeurent hélas d?actualité ainsi qu?en attestent les récentes mesures prises au Cap Haïtien qui par un artifice juridique ont permis d?écarter trois magistrats saisis d?affaires que l?on qualifie habituellement de « sensibles ». Il s?agit du cas des juges d?instruction Emmania B. Fatal, Jean Ralph Prévost, Harolds Chery venant s?ajouter à cinq autres cas antérieurs portés à ma connaissance, à savoir celui des juges Prince Chérimond Osias, Claudy Gassant, Henry Kesner Noel, Rouzier Joseph et le Commissaire du Gouvernement Alix Civil.
Tout récemment enfin, le Commissaire du Gouvernement de Gonaives a été écarté au profit d?un Juge de Paix de Delmas ne remplissant aucune des conditions minimum d?accès à ces importantes fonctions. J?ai fait part de mon étonnement au Ministre de la Justice qui m?a dit s?être engagé personnellement et sans délai à le faire rappeler. Dont acte!
DEGRADATION DE L?EXERCICE DES LIBERTES D?EXPRESSION ET SURTOUT DE MANIFESTATION PACIFIQUE.
DE LA DIFFICULTE D?ETRE JOURNALISTE
Les multiples pressions, menaces, violences dont ont été victimes les journalistes et les médias depuis avril 2003, date de ma précédente visite, sont connues de tous les journalistes ici présents. Je n?y reviendrai pas. Le fait nouveau est l?utilisation abusive, par certains prêtres, de sermons en forme de réquisitoire contre la presse, prononcés lors d?offices religieux.
– C?est, à Léogane, le Père Fritz Sauvagère, qui après avoir violemment mis en cause en chair certains médias pour leurs critiques à l?égard du Gouvernement, a fait expulser deux journalistes dont l?un a été enlevé a été victime de mauvais traitements. Les auteurs de ce forfait demeurent inconnus.
– C?est à Marchand Dessalines le Père Léabert Dieudonné qui, dans le même contexte, a lui aussi, prononcé un violent réquisitoire contre les journalistes.
Cette situation est d?autant plus grave que dans les deux cas, la cérémonie se déroulait en présence du Président de la République aussi utilisé abusivement comme caution par ses partisans.
Dans un communiqué de presse, le Conseil Épiscopal de l?Archidiocèse de Port-au-Prince a fermement désapprouvé ces pratiques le 26 août 2003.
A mon retour, je demanderai audience à Son Excellence Monseigneur Tomasi, Nonce Apostolique, qui représente le Vatican auprès des Nations Unies à Genève, et siège à ce titre à la Commission des Droits de l?Homme pour l?informer, à toutes fins utiles, de la gravité de ces précédents.
LE RISQUE D?IMPLOSION DES ORGANISATIONS POPULAIRES DITES « OP ».
J?avais soutenu à Genève, devant la Commission des droits de l?homme ? je cite ? que « la création des Organisations Populaires aurait pu contribuer à la consolidation du processus de démocratisation amorcé en permettant aux mentalités d?évoluer grâce à la pratique d?une démocratie de proximité ». A mon grand regret, tel ne fut pas finalement le cas. Les OP ont été progressivement utilisées à des fins partisanes, notamment en s?efforçant de plus en plus systématiquement d?empêcher les manifestations pacifiques, soit par des contre-manifestations organisées en vue de provoquer violence, pour justifier leur répression, ou en entravant l?accès des lieux par des opérations dites « étaux ». « Ainsi détournées de leur finalité initiale, les OP sont devenues des groupes para-étatiques, souvent armés, source de violences, plus que de démocratie, échappant progressivement au pouvoir central ». Ne risquent-elles pas de se transformer en « électrons libres » avais-je alors souligné? L?actualité de ces derniers mois et surtout de ces derniers jours tend à l?évidence à me donner raison sur ce point.
Ce fut l?assassinat en septembre dernier d?Amyot Métayer dont les partisans jusqu?alors regroupés dans « l?Armée Cannibale » viennent de se transformer en « Front de Résistance des Gonaïves pour le Renversement de Jean Bertrand Aristide »! Ont suivi les tentatives ou assassinats précités visant les dénommés Sonnen et Colibri. D?autres noms à suivre circulent déjà dans ce pays de rumeur! Qu?en sera-t-il demain? Il s?agit certes de victimes de violences et comme toutes victimes, leurs proches ont le droit d?obtenir que passe la justice. Encore faut-il ne pas jeter la confusion dans les esprits en mettant sur le même plan des victimes au passé criminel et les innocentes victimes abattues, notamment par certains éléments (sans doute mal contrôlés) de la police alors qu?elles tentaient vainement d?exercer pacifiquement leur droit de manifester. Selon les évaluations avec recoupement auxquelles j?ai pu procéder, d?une part, au moins 17 personnes dont j?ai la liste (et les adresses pour 12 d?entre elles) ont été tuées, d?autre part une quinzaine de blessés ont été également identifiés auxquels s?ajouteraient plus d?une dizaine de personnes non identifiées qui tentaient de s?enfuir par la mer.
Sans doute ces chiffres seront ils contestés; si tel était le cas, je serais
prêt à participer à une enquête à caractère semi-international pour contribuer à l?établissement de la vérité. Il est très facile de contester les allégations, notamment des ONG, tout en évitant la conduite d?enquêtes judiciaires suffisamment approfondies et impartiales pour être crédibles..
SUR LES DROITS ECONOMIQUES ET SOCIAUX
J?ai souhaité, à l?occasion de ce second mandat, accorder une place plus importante que précédemment aux droits économiques et sociaux :
– d?une part en amorçant un débat sur « la promotion de la sécurité juridique en économie par la promotion des droits de l?homme et de l?État de droit, comme facteur de développement donc de lutte contre la pauvreté; Un premier contact a été pris à ce sujet avec la Chambre de Commerce d?Haïti et prochainement avec les Syndicats de Travailleurs;
– d?autre part, en ce qui concerne les droits sociaux, en abordant la question de la lutte contre le SIDA en Haïti, dans le cadre du « Fond Global » créé à cet effet, à l?initiative du Secrétaire Général, Kofi Annan.
Avant sa disparition tragique, le Haut Commissaire aux droits de l?homme a souhaité, en partenariat avec ONUSIDA, que tous les rapporteurs spéciaux de l?ONU se sentent préoccupés partout où ils vont par la lutte contre le SIDA. J?ai rencontré Madame Mildred Aristide qui préside le Comité de Coordination du programme du Fond Global. A Cité Soleil, j?ai visité l?excellente réalisation de Médecin du Monde et pris contact avec l?expérience de sensibilisation entreprise avec le concours de Mairie. Les résultats sont là. Tous s?accordent à reconnaître que la situation se stabilise.
S?il est un sujet qui ne peut être que consensuel ,c?est bien celui-là qui pourrait permettre que pour une fois, toutes les forces du pays se mettent autour de la même table pour éradiquer ce fléau qui touche l?humanité entière.