Originally: LE RETOUR DES ATTACHES
INTRODUCTION
En Haïti la chronique de la dictature est souvent associée à l?existence et au fonctionnement de corps parallèles, illégaux créés pour neutraliser les structures institutionnelles prévues par la Constitution et les lois. La vitalité de la dictature des Duvalier reposait sur l?activité ou plutôt sur les actes d?intimidation et de criminalité des Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN) communément appelés ?Tontons Macoutes?. Sous la pression de ce corps, l?Armée d?Haïti était asservie, humiliée, ignorée le plus souvent. Cette milice privée, élément clef dans le système répressif mis en place, bénéficiait de la permissivité, de l?impunité officielles et était à la base des nombreuses exactions dénoncées au cours de la longue nuit de la dictature.
Après la chute de la dynastie des Duvalier, en février 1986, le corps des Volontaires de la Sécurité Nationale a été officiellement dissout. Cette structure paramilitaire est rejetée, condamnée par la société haïtienne, ses membres bannis et déclarés hors la loi. Ils étaient livrés à la justice sommaire et au lynchage public par une population déchainée sous le regard impuissant des partisans du droit à la vie, du droit à un procès équitable quelle que soit la gravité des charges qui pèsent sur un individu.
Ce rejet à en juger par sa force et pris dans un contexte international défavorable à toute forme de dictature ne laissait présager aucune résurgence d?un pouvoir autoritaire en Haïti. D?aucuns pensaient qu?on allait plus revivre, sous quelque forme que ce soit, cette forme d?organisation de l?État, cette manière de gouverner avec l?appui des bandes armées. Personne n?oserait pronostiquer la naïveté de telle réflexion. Clandestinement, en petits groupes et en haut lieu, parallèlement à l?euphorie de la rue, se tramait le dessein assassin de faire tourner au cauchemar le rêve de tout un peuple. Dans les casernes, les postes militaires et avant-postes, les tontons macoutes sont remplacés par des attachés.
La période du coup d?état militaire de 1991 à 1994 est marquée à l?encre rouge du sceau des attachés : torture, viol, vol, pillage, bastonnade, exécutions sommaires, arrestations illégales, disparitions, détentions arbitraires ont été les différentes formes de violations des droits humains mises à la charge des attachés tout au cours de cette période. Ils en sont même arrivés à former officiellement un corps paramilitaire, le Front pour l?Avancement et le Progrès d?Haïti (FRAPH).
Les victimes de cette période de terreur sont légion. On parle de plus de cinq mille (5000) morts et disparus. Des femmes enceintes ont avorté dans les postes militaires à coup de pieds, de gifle et de cocomacaque. Des personnes arrêtées en pleine santé en sont sorties aveugles, avec un ?il crevé, un pied cassé, un bras fracturé, un tympan crevé et toutes sortes de dommages ou sont retrouvées mortes abandonnées aux chiens.
Le retour à l?ordre constitutionnel symbolisait l?espoir, on promettait au peuple haïtien : « sekirite gratis ti cheri, de l?ordre et la fermeture du robinet de sang ». Pourtant le sang n?a jamais cessé de couler, l?insécurité règne en maître et est même entretenue à dessein. Depuis quelque temps on assiste au retour en force du phénomène attaché avec le spectre grimaçant de tout ce qui le caractérise. La Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR) profondément préoccupée par le développement de ce phénomène dangereux pour la démocratie et la stabilité de l?État tire la sonnette d?alarme par la publication de ce rapport.
I. REALITE DES COMMISSARIATS DE POLICE
Le phénomène attaché est très remarqué aujourd?hui dans les commissariats de Police et ce, depuis le lancement le 28 juin 2001 de l?opération zéro tolérance. Une unité spéciale composée de civils armés, dénommée brigade spéciale (BS) et fonctionnant avec maillot noir portant au dos et en jaune l?inscription BS a d?abord intégré les commissariats de la zone métropolitaine et s?étend de plus en plus au niveau national. Dans certains Commissariats, des agents de Police et des attachés commettent les mêmes exactions. Ces attachés fonctionnent sous la couverture officielle du responsable du commissariat de Police, qui dans certains cas délivre une carte d?identification à chacun des attachés. A titre d?illustration:
Le présent rapport couvre les cas des Commissariats de Delmas 33, de Carrefour, de Cité Soleil, de Port-au-Prince, de Pétion-ville, des Gonaïves, du Cap-Haïtien, de Trou du Nord et de Hinche.
A- Commissariat de Delmas 33
Le Commissariat de Delmas 33 est considéré comme un véritable bastion de gangs armés. La situation de la population de cette commune, plus spécialement celle de Petite Place Cazeau, Delmas 19, 31, 33 et 75 est alarmante. Les attachés de ce commissariat opèrent jour et nuit et sont spécialisés dans le viol, le vol, la bastonnade, l?exécution sommaire, les arrestations suivies de disparitions, le kidnapping. Ils sont impliqués dans de nombreux cas de crimes sous l??il protecteur des policiers. Ils sont assurés de l?impunité officielle. Leurs cibles privilégiées sont les grands commerçants, les hommes d?affaires, les propriétaires de véhicules flambant neuf, les anciens militaires, les militants politiques de l?opposition et les haïtiens qui reviennent de l?étranger. Ils utilisent l?intérieur du Commissariat pour les actes de tortures, les cas de bastonnade. Les espaces tels que : Adoquin (Delmas 33), Habitation Vorbes (Petite Place Cazeau), Route Bâtimat (reliant la route de l?aéroport à Cité Soleil) sont utilisés comme abattoirs. Ces attachés sont nombreux, les plus connus et les plus cruels sont :
Jean Etienne Sylvaince Reynold Joseph Sylvera Jean Lucien