Originally: Coopérative : crise à tiroirs
Le torchon de la crise des coopératives haïtiennes n?a jamais été éteint. En dépit d?une accalmie apparente, les tractations persistaient en sourdine, selon David Chéry, propriétaire de la plus généreuse de ces institutions financières.
Affaiblie par une longue et interminable crise post-électorale, l?économie haïtienne a été particulièrement ébranlée, début 2002, avec la vague de dépôts de bilan des coopératives d?épargne, qui a laissé un trou estimé à plus de 250 millions de dollars. Le scandale des coopératives, promues à l?origine par le chef de l?Etat à travers une campagne alpha-économique, allait prendre une tournure plus politique avec l?arrestation de David Chéry, le 6 septembre 2002, et celle, une quinzaine de jours plus tard, du très médiatique chef de file des sociétaires lésés. Rosemond Jean, libéré depuis, était accusé de posséder des grenades à fragmentation et des armes lourdes chez lui. Placé officiellement en résidence surveillée, comme l?a encore rappelé, mardi 17 juin, le porte-parole du gouvernement Mario Dupuy, M. Chéry de la coopérative C?urs-unis a révélé avoir échappé à la surveillance de la police et s?être mis à couvert. M. Chéry, qui dit craindre pour sa vie, invite les autorités haïtiennes à assurer sa sécurité, celle de ses proches et de ses employés. Par ailleurs, le jeune investisseur, 30 ans, a déballé ses quatre secrets gravés sur une bande magnétique, diffusée depuis mardi 17 juin par plusieurs stations de radio de la capitale. Toute l?histoire, depuis l?arrestation du président directeur général de C?urs-unis jusqu?à sa mise à couvert la semaine dernière, ne serait qu?une mise en scène interprétée, bon gré mal gré, par le financier et ses intimidateurs officiels. Primo : M. Chéry révèle qu?il séjournait dans un hôtel, au Cap-Haïtien, département du Nord, lorsqu’il a été prétendument arrêté, à la frontière haïtiano-dominicaine, 72 kilomètres de la deuxième ville du pays, en train de fuir vers la république voisine. Faisabilité : « les policiers m’ont emmené à la frontière pour faire leur montage », explique-t-il avant de poursuivre qu?il a été contraint, depuis son incarcération au Pénitencier national, d’agir sous la dictée des autorités. Secundo : Rançonné par des officiels, dont il tait les noms, obligé de payer US $30?000 pour la libération de ses parents, arrêtés également en septembre 2002, et US $80’000 pour la sienne, deux mois plus tard, David Chéry affirme avoir subi de la part du pouvoir des pressions pour ne pas rembourser les sociétaires de la coopérative qu?il dirigeait. Tercio : il souligne que ses péripéties ont véritablement commencé avec la diffusion d?un spot publicitaire de C?urs-Unis, auto-proclamée l?espoir d?une nation. La publicité faisait non seulement la promotion de l?institution, elle mentionnait également que seul un patriote peut accomplir autant de belles réalisations à travers le pays. Au total, le jeune argentier, dont la coopérative offrait des intérêts allant jusqu?à 12 %, a dévoilé les dessous des négociations engagées entre l?Etat haïtien et les propriétaires de coopérative pour tenter d?étouffer une crise qui a frappé une bonne partie de la population et l?économie du pays l?année dernière. Le lundi 16 juin, la veille même de la première diffusion des révélations de David Chéry, une cinquantaine de sociétaires, membres, pour l?essentiel, de l?Association nationale des femmes victimes des coopératives, avait reçu 40 % du montant restant de leur dépôt dans les institutions en faillite. Ce remboursement, conduit par le Conseil national des coopératives, a été soigneusement présenté à la presse. Il concerne, selon M. Henriot Pétiote, responsable du CNC, le processus global de remboursement de déposants. Une démarche que conteste Rosemond Jean le très médiatique chef de file des sociétaires lésés. « Nous sommes tous les deux à bord du même bateau », indique David Chéry faisant allusion à Rosemond Jean dont il dit comprendre la lutte. Il note pour les sociétaires qu’il est important qu’il demeure en vie, pour éventuellement un jour leur rembourser leurs avoirs placés dans son institution.