Originally: Plaidoyer contre l’impunité à la remise officielle du prix Jean

P-au-P., 5 mai. 03 [AlterPresse] — Un plaidoyer contre l’impunité a eu
lieu ce 5 mai à Port-au-Prince, lors de la remise officielle du prix
Jean Dominique pour la liberté de la presse, a constaté AlterPresse. Le
lauréat de ce prix, catégorie carrière, est Hérold Jean François,
président de l’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) et
directeur de Radio Ibo.
Comparant les atteintes à la liberté d’expression durant la dictature
des Duvalier à celles de ces derniers temps, Hérold Jean François a
déclaré qu'”il n’y a rien de nouveau sous le soleil”. En Haïti, “la
presse a toujours été un métier de martyr”, a ajouté Hérold Jean
François.
Pour la catégorie jeune journaliste, les gagnants sont les journalistes
Romney Cajuste de Radio Métropole et Goudou Jean Numa, actuellement en
exile. Romney Cajuste a exprimé la difficulté d’être journaliste
professionnel en Haïti aujourd’hui, entre “mutisme, maquis ou la mort”.
Les récipiendaires présents ont exprimé leur satisfaction de l’octroi de
ce prix et souhaité qu’il donne un nouveau souffle à la presse
haitienne. Ils ont convié les autorités à “faire cesser l’impunité”,
laquelle encourage “les menaces contre la presse et les autres
composantes de la société”.
La journaliste Liliane Pierre-Paul, présentatrice d’un journal a grande
écoute et directrice de programmation de Radio Kiskeya, a été nominée
dans la catégorie Reportage et Émission. Elle a refusé de recevoir le
prix pour “raison personnelle”.
Au cours de la cérémonie de ce 5 mai, “Enfo-fanm” (Info-Femmes) l’une
des organisations féministes qui avaient présenté la candidature de
Liliane Pierre-Paul, a exprimé sa solidarité avec la journaliste et sa
station qui sont l’objet ces derniers temps de vives menaces. Enfo-fanm
a rendu hommage à Liliane Pierre Paul pour son engagement en faveur de
la liberté d’expression en Haïti depuis de nombreuses années.
“Liliane donne la parole et écoute”, elle a le souci de “contextualiser
l’information” et fait montre d’un “engagement jamais démenti” pour
préserver la liberté d’expression, a souligné Daniel Magloire, membre du
Comité de Direction d’Enfo-fanm. Elle a lancé une mise en garde contre
“le vent de la tyrannie et de la fascination du pouvoir qui veut faire
taire Liliane Pierre-Paul”.
“Les gouvernements doivent assumer leur responsabilité pour que les
crimes ne restent pas impunis”, a fait savoir le Représentant résident
de l’Organisation des Nations Unies pour la Science et la Culture
(UNESCO) en Haïti, Bernard Hadjadj, dans un discours lu par un le
Représentant A.I. Julien Daboué. Au regard de la situation de la presse
en Haïti et dans le monde, Bernard Hadjadj a indiqué que les
journalistes “paient un lourd tribu pour nous informer”.
A partir de l’année prochaine, ce prix, institué en 2002 par l’UNESCO,
s’appellera “prix pour la liberté de la presse en hommage à Jean
Dominique, Brignol Lindor et Yvonne Hakim Rimpel”.
Jean Dominique a été assassiné en avril 2000, Brignol Lindor en décembre
2001 et Yvonne Hakim Rimpel en juin 1958 sous la dictature de Francois
Duvalier.
Une grande émotion a enveloppé la salle quand Maryse Sassine Von Lignau,
fille de la journaliste et militante féministe raconta les circonstances
de l’assassinat d’Yvonne Hakim Rimpel, qui fut torturée en présence de
ses parents, suivant le récit rapporté par sa fille.
Yvonne Hakim Rimpel a été, selon Nancy Roc, membre du jury, “la première
victime de la barbarie duvalieriste”. Le prix qui porte, entre autres,
son nom, va contribuer “à rehausser l’image de la femme dans les
médias”, a estimé Danièle Magloire.
La cérémonie de remise des prix s’est déroulée dans les décors d’une
exposition, conçue par l’écrivain et critique littéraire Lionel
Trouillot sur l’évolution de la liberté de la presse en Haïti. Les
textes et iconographies présentés donnent des repères sur le rôle
important de la presse haïtienne, à travers le temps, dans la production
du savoir. [vs gp apr 05/05/03 19:26