Originally: Quelle Institution qui assume la sécurité du peuple haïtien?

                                                                                              


   Quelle Institution qui assume la sécurité du peuple haïtien ?


 


 


  Lettre ouverte de l?Ex-Inspecteur de Police/PNH  Gerry Jabon.


 


 


 


A la Société Haïtienne tout entière.


République D?Haiti.


 


 


 


 


Chers Compatriotes,


 


 


 


Depuis la tenue des élections contestées du 21 mai 2000, Haiti s?est enfoncé chaque jour davantage dans une spirale de violence où personne ne voit les moyens de s?en sortir. Les questions relatives aux problèmes de sécurité sont devenues ces derniers temps des sujets majeurs de préoccupation pour nos concitoyens dont  la persistance risque  le pays d?être en proie à l?agitation sociale, à l?instabilité chronique voire une guerre civile. De nombreuses hypothèses sont avancées pour expliquer cette recrudescence de  violence ou d?insécurité.


 


 En principe, la sécurité est le socle nécessaire à l?exercice de toutes les libertés individuelles ou collectives. Elle est  un droit fondamental du citoyen. Et c?est aussi la première mission de l?Etat. Pourtant,  malgré le cri d?alarme de la population, les tenants actuels du pouvoir ont  fait fi de leurs responsabilités et n?ont adopté aucune mesure rigoureuse pour remédier à cette situation intenable qui s?apparente à ce que nous appelons  ??l?insécurité télécommandée??. Ce jeu de poker  menteur a un double objectif : établir un climat de violence comme moyen d?action politique en vue de liquider les opposants  par milliers ; et imposer un pouvoir unipersonnel  à  tendance missolinienne. En clair, le pays se débat dans un marécage de sang,  jamais connu auparavant, qui est la propre créature d?un régime délinquant. La situation est dramatique au point de donner cours à la plus large spéculation. C?est pourquoi, nous, Gerry JABON, ancien fonctionnaire de la Police Nationale D?Haiti, au grade d?Inspecteur de Police, conscients des dangers qui pèsent sur le pays, avons jugé utile d?ouvrir quelques réflexions dans un dossier consacré à la dérive de la Police Nationale D?Haiti.


                                                                                                                             



Il ne fait pas de doute que la garantie des Droits de l?homme et du Citoyen nécessite une Force Publique. Et cette Force doit être instituée pour l?avantage de tous et non pour l?utilité particulière d?un groupe politique ou de ceux à qui elle est confiée.


 


A ce compte, la Police Nationale D?Haiti en tant qu?auxiliaire de la Justice, est un corps apolitique appelé à évoluer indépendamment de la mouvance des idéologies. En outre, la Police, corps homogène, discipliné et hiérarchisé, chargée d?assurer la protection des vies et biens, devrait en tout temps prendre des mesures statutaires contre tous ceux-là qui auraient dérogé aux principes sacro-saints régissant le code de déontologie de ladite Institution. La Police, bras armé de cet Etat, a aussi comme tâche primordiale ou fondamentale le maintien de l?Orde Public.


 


En fait, Monsieur Jean-Bertrand Aristide, à l?instar des dictateurs qui l?ont précédé, a besoin de l?obéissance absolue et de la soumission totale de la Force publique pour pouvoir diriger le pays. Cependant, la montée en puissance des partis politiques, des syndicats professionnels, des fédérations estudiantines, des organisations des Droits de l?Homme, bien souvent regroupés en coalition? fragilisent le pouvoir en place et conscientisent davantage la population. Etant donnée que c?est un pouvoir qui, pour sa survie, doit nécessairement, dans sa praxis quotidienne, violer les Droits humains, le meilleur moyen d?étouffer tout discours opposé est d?incarner la peur dans les esprits en créant un Etat chimero-policier avec comme boussole <<Zéro Tolérance>>, synonyme d?exécution sommaire. Et par cette hybridation, la police obéit sans état d?âme aux ordres du pouvoir  et les chimères dictent leur loi.


 


Au regard de la primauté absolue de l?Etat, des personnes sans grande formation, y compris des médiocres, des mercenaires, des hommes de main? ont été placés, au sein de la Police Nationale D?Haiti, à des postes de responsabilité sous la base du militantisme et d?allégeance politique, dont leur mission est de faire tourner la machine de l?arbitraire sans se poser d?autres questions que celle qu?on leur ordonne.


 


Face à une telle  collision politique  à très haut niveau, la Police Nationale D?Haiti qui est la seule force publique du pays devient automatiquement une organisation armée à l?intérieur de la Famni Lavalas. C?est delà que sont partis son échec dans la tâche d?assurer la sécurité de la population haïtienne et son recours à des pratiques arbitraires de milices politiques et des corruptions systématisées.


 


D?une part, les liens étroits entre policiers et gangs de malfaiteurs, souvent impliqués dans le trafic de drogue, l?usage de la torture, les actes de kidnapping, les exécutions sommaires à des fins politiques et, d?autre part, la chasse à outrance aux policiers intègres   plongent l?Institution dans la confusion la plus totale. Et cette confusion tend la Police de plus en plus assimilée à une bande de gansters qu?à une force de l?ordre.


 


 Dans la pratique, ces mauvais spectacles auxquels nous sommes en train d?assister n?ont rien à voir avec la Police et avec aucune matière que les moniteurs internationaux  nous ont enseignée à notre formation de base en Sciences Polices. C?est la somme d?une grande déception humaine et intellectuelle. Et d?une manière générale, le pays ne peut plus payer d?un tel gâchis.


 


Ne dit-on pas que le poisson pourrit par la tête ?


 


Ayant été appartenu à l?élite de la Police Nationale D?Haiti et ayant travaillé du coté des plus hautes autorités du pays à bon nombre d?activités secrètes, nous avons le privilège de constater l?immoralité du pouvoir Lavalas, de passer au peigne fin la gestion de l?Institution policière et de désapprouver la façon politique, discriminatoire et impropre dont les autorités du pays ont traité  les dossiers des policiers imprégnés des actes de corruption et de violations des droits humains.


 


Généralement, lorsque des fonctionnaires de la Police connus pour leur appartenance au pouvoir Lavalas ont enfreint la loi ou trempé dans des scandales du trafic illicite de drogue, d?assassinats politiques et d?enrichissement douteux dénoncées par l?opinion éclairée ou par des témoins potentiels, or, en dépit des preuves physiques de leur culpabilité, les hautes personnalités du pouvoir, mine de rien, se sont mises toujours en travers des enquêtes, par des procédés dilatoires pour étouffer l?affaire. Mais là où le bât blesse, bon nombre  des policiers chargés sont souvent parvenus à être promus  aux grades supérieurs et ont bénéficié de mutations favorables qui leur ont permis de s?enrichir considérablement dans des circonstances douteuses. Paradoxalement, d?autres qui ne sont pas membres influents de l?entourage du pouvoir, sous des simples présomptions, des mensonges ou des règlements de compte avec  quelconque, ont été l?objet d?avilissement public. La majorité d?entre eux ont été jetés en prison ou renvoyés injustement des rangs de la Police. C?est le triomphe de l?injustice et de l?impunité.


 


Parmi les faits révélateurs, Le Duc Jean Bertrand Aristide, dès le lendemain de son retour au pouvoir, soit le 7 février 2001, a réintégré la majorité des policiers renvoyés  des rangs de la Police Nationale d?Haiti pour violation grave des Droits de l?Homme, trafic illicite de drogue, vol, corruption?etc. En effet, dans n?importe quel pays qui est en Etat de Droit,  un chef de l?Etat  ne  saurait accoucher  cet  acte révoltant  en instaurant une Milice politique à son service sous couvert  d?une Force publique.


 


Nous ne pouvons pas comprendre comment des policiers dealers, repris  de Justice, chefs de gangs, tortionnaires? ont-ils été réintégrés la Police Nationale D?Haiti au grand mépris des principes, de  la loi  et des valeurs morales ? Ce qui revient à dire que le délinquant ou le criminel est considéré par le pouvoir Lavalas comme une victime du système. En conséquence, il doit être toujours amnistié et récompensé. Cela ne peut être perçu que comme un encouragement à persévérer dans le recours à des pratiques criminelles, arbitraires, honteuses et dégradantes  qui valent  à leurs auteurs, non des sanctions et des poursuites, mais des primes, des promotions et, dans certains cas les plus hautes décorations. Un tel comportement fait dire que nos dirigeants sont des maniaco-                                                                                                       


dépressifs qui  n?ont aucun intérêt dans le pays et  n?aiment pas le peuple haïtien déjà si grand dans son histoire. Ils ont avili ce qu?ils auraient du aimer et respecter : << leur pays et le pouvoir qu?ils occupent. >>.


 


 


Dans cette optique, il est permis de conclure que les diverses mesures émotionnelles et parfois arbitraires prises à l?encontre des agents de la Police depuis la création de ce Corps ont été des stratégies pour les autorités policières et le Gouvernement lavalas de faire leur capitale politique et de camoufler la communauté internationale dans le cadre d?une pseudo épuration de cette Institution.


 


Comment peut-on inciter les citoyens à prendre la Police au sérieux et à lui faire confiance pendant qu?ils assistent tristement à ses scènes de corruption, de gabegie administrative, de querelles intestines, de  barbarie, d?immoralité et? pour ne citer que celles-là?


 


Les valeurs d?une société se traduisent dans ses normes, c?est-à-dire  les mécanismes mis en place par l?Etat pour protéger et renforcer les institutions emblématiques au plus grand bien de la population. En revanche, en Haiti, sous le régime des imposteurs, la Justice,  symbole d?impartialité et de grandeur, base de  tout  Etat de Droit, est devenue une affaire de classe et s?est donnée au plus offrant ou au plus puissant. De simples citoyens, des mercenaires, des chimères proche du pouvoir Lavalas refusent publiquement de s?incliner aux ordres de la Justice et travaillent de concert avec la Police. Des chefs de gang, des échappés de Justice, des déportés criminels, des anciens militaires tortionnaires, des policiers dealers, des escadrons de la mort, des fauteurs de trouble? bénéficient n?ont seulement de l?impunité, mais aussi ils ont l?habitude d?être reçu officiellement au Palais Présidentiel. Et ces exemples alarmants ne représentent qu?une infirme part de la réalité.


 


Au surplus, toute  nation qui respecte les valeurs humaines  et l?autorité de la loi ne doit au grand jamais protéger les trafiquants de drogue. Cependant, sous le régime des imposteurs, par le biais de la corruption, la majorité des drug-dealers haïtiens et étrangers ont bénéficié de la protection de la Police et du Gouvernement afin de pouvoir transborder en toute quiétude leurs marchandises.


 


Dans le même ordre d?idée, personne ne peut mettre en question la nécessité de combattre la drogue et l?insécurité puisque le pouvoir Lavalas en tire profit. Et toujours dans la stratégie de défier la communauté internationale et l?opinion éclairée, la Police et le Gouvernement Lavalas se sont montrés préoccuper et déterminer à combattre jusqu?au bout la corruption, la drogue et la criminalité à chaque fois qu?un dossier brûlant fait la une. Ce n?est que du bluff car ils ne le veulent ni ne le peuvent. D?ailleurs, aucune Police corrompue à travers le monde ne peut lutter efficacement contre l?insécurité et la drogue.


 


Il est à noter que l?une des caractéristiques  des pays démocratiques, c?est que le gouvernement, par son monopole sur les moyens de coercition, assume la responsabilité d?assurer la sécurité de la société. Et chaque régime politique ou gouvernement est libre de mettre en oeuvre son propre  plan de sécurité suivant le contexte ou son programme  politique, mais cela n?absout pas les atteintes aux Droits de l?Homme. Ce qu?il nous faut comprendre c?est  que beaucoup de gens pensent, qu?il n?y a pas de différence  qualitative entre  les Forces Armées D?Haiti déconsidérées par ses Coups d?Etat à répétion et la Police Nationale D?Haiti  émaillée de la Loi de la Jungle.


 


Fort de ce constat, nous avons l?intime conviction qu?il s?est développé une situation qui ne correspond pas à la vision de grandeur et des servitudes du devoir  au sein de la Police Nationale D?Haiti considérée politisée, sans hiérarchie, indisciplinée, déviante et corrompue. Non seulement, les policiers honnêtes et professionnels sont pris au piège, mais aussi cette Institution est au bord du précipice.


 


Que d?efforts inutiles nous avons fourni, et que de temps perdu !


 


Oui, nous sommes déclarés sérieusement inquiets du nombre et de la gravité des  mauvais traitements perpétrés par les agents de Police. Et nous nous sommes souvent posé cette question sans trouver de réponse: <<Quelle Institution qui assume la sécurité du peuple haïtien ? >>


 


Que les policiers à tous les échelons sachent pour leur gouverne : <<La machine de l?arbitraire punit toujours tous ceux qui l?encouragent>>.


 


Bref, nous invitons, particulièrement, le chef de la mission de l?OEA en Haiti, David Lee, à prendre note de la dérive de la Police Nationale D?Haiti pendant qu?il prône  constamment sa professionnalisation  sans tenir compte des relations de causes à effet.  Il doit savoir que c?est une plaie profonde et puante. Il faut extraire le mal par ses racines. Et notre prétention n?est pas de lui apprendre quoi que ce soit, mais tout simplement qu?il sache que ??le tigre ne devient jamais végétarien??.


 


A tout ce qui précède, La Police Nationale D?Haiti, outil du Gouvernement Lavalas, à travers sa grande hémorragie, est un malade en agonie dont sa survie est soutenue par un fil. C?est une cigarette allumée aux deux bouts dont le peuple haïtien et les Gouvernements futurs feront les frais.


 


 A nous tous de toutes les couches de la société haïtienne préoccupée de changement et de démocratie de conjuguer nos forces et de coordonner nos efforts pour dire : << Ça suffit>>. Une nation non Droit, avec une Police hors la loi, dans laquelle un seul individu identifié sa personne à l?Etat ne peut plus continuer. Nous devons agir rapidement pour renverser cette tendance autocratique qui se veut une Police soumise aux caprices des autorités Lavalas. L?inaction n?est pas une option. Que tout le monde s?unisse pour l?instauration de l?Etat de Droit démocratique avec des lois constitutionnelles et une Justice indépendante au service du peuple haïtien et non  un instrument de représailles contre les Opposants Politiques, les Etudaints, les Journalistes, les Enseignants, les Syndicalistes, les Professeurs, les Défenseurs des Droits de l?Homme et la Société Civile authentique. La Police Nationale D?Haiti est sortie de nos entrailles et symbolise l?expression de nos propres revendications. Empêchons-la de faire naufrage.


                                                                                                                                                                                                                                                                     


 C?est sur cette phrase que nous terminons nos réflexions : ??Il n?y a rien de plus noble que le sacrifice volontaire pour une noble cause.??


 


                                                                                                                             


 


 


                                                                                                                                     


 


 


Gerry Jabon.


Ex-Inspecteur de Police/PNH.


Tampa, Florida


Le 15 mars  2003.


dordricht@yahoo.fr