Originally: L’OEA à l’épreuve de l’unilatéralisme des Etats-Unis !

L’UNION / ACTUALITÉ NATIONALE
Port-au-Prince, Haïti



Haiti-Crise politico-électorale


 


Posté le 24 avril 2003 (http://www.journallunion.com)

L’OEA à l’épreuve de l’unilatéralisme des Etats-Unis !



Il n’a fallu que quelques semaines à l’Administration Georges W. Bush pour neutraliser l’approche diplomatique multilatérale affichée timidement par l’OEA à travers ses efforts pour aboutir à une solution négociée, avec moins de casse possible, dans la gestion de la “crise politico-électorale” haïtienne. L’impondérable reste et demeure pourtant aux yeux de la Maison Blanche la consistance et la constance de la majorité des décideurs politiques des pays membres de la CARICOM depuis le début de la ” crise haïtienne” jusqu’à aujourd’hui.



La stratégie étasunienne conçue pour Haïti sous le label de “démocratie de basse intensité”                se comprend aisément à travers le plan élaboré conjointement depuis 1993 par M. Gerald                  B. Helman, ancien Ambassadeur des Etats-Unis aux Nations- Unies et M. Steven Ratner, ancien officiel de haut rang au Département d’Etat des Etats-Unis (Ministère des Affaires Etrangères).



“Les Etats en faillite vont se multiplier à l’échelle internationale. Si la Communauté internationale persiste dans son approche actuelle, elle se verrai confrontée au coût croissant des opérations de maintien de la paix, d’aide humanitaire…



Les Etats membres des Nations Unies doivent donc apporter une réponse directe à ces défis en créant la base juridique permettant de régler le problème des Etats en faillite, en faisant une catégorie particulière.


 


 La Communauté internationale doit répondre au moindre coût à l’instabilité nationale grandissante ainsi qu’à la misère humaine…



Un nouveau phénomène inquiétant s’impose : celui de l’Etat national failli, totalement incapable de se maintenir comme membre de la Communauté internationale. Alors que ces Etats s’enfoncent dans l’anarchie et la violence, menacent leurs propres citoyens et leurs voisins par des flots de réfugiés, l’instabilité politique, un état de guerre endémique, il devient clair que quelque chose doit être fait” (Foreign Policy # 90).



Il n’est pas indispensable dans ces conditions que ce soient les Etats-Unis qui fassent nécessairement ce ” quelque chose”. Le déclic partit à la fin de janvier 2003 du Canada (pays dit ami d’Haïti), par l’entremise de M. Denis Paradis, Secrétaire d’Etat de ce pays pour l’Amérique latine, l’Afrique et la Francophonie. 


 


 



Il (M. Paradis) avait suggéré la mise sous tutelle d’Haïti, pour se rétracter habilement par la suite.
“… Il n’est pas question de mise sous tutelle, pas question de renversement. Je pense, ce qu’il faut faire en ce moment c’est de regrouper toutes les forces internationales, la Francophonie, la Communauté européenne, un bloc de pays et d’Organisations pour dire à l’OEA qu’on est avec vous pour aider Haïti à sortir du marasme actuel. Il faut que quelque chose soit fait… “.



Le Ministre haïtien des Affaires Etrangères, M. Joseph Philippe Antonio avait rectifié le tir dans une lettre responsive à l’Ambassadeur canadien accrédité en Haïti, M. Kenneth Muray Cook.
“… Vous m’avez effectivement parlé de la réunion informelle tenue précédem-ment en vue d’élargir le groupe de support au travail de l’OEA en Haïti et favoriser le processus de dénouement de la crise haïtienne. Vous vous rappellerez sans doute que je vous avais alors exprimé ma réserve sur cette initiative à laquelle Haïti n’avait pas été dit à quelle sauce elle serait mangée…”, avait déploré le Chancelier haïtien.



Sur le terrain, l’opposition politique et alliés, et la “société civile” faisaient leurs les insultes faites à la Nation par M. Paradis qui a osé comparer les Haïtiens pauvres à des “animaux” qu’il a estimé mieux traités chez lui par les dirigeants de son pays. A partir de là, a semblé commencer le processus d’affaiblis-sement de l’OEA versus son rôle dans le dossier Haïti.



L’OEA a été accusée de juge et partie par les relais locaux. Elle (l’OEA) n’est visiblement plus considérée depuis comme l’organe facilitateur par la Convergence Démocratique, les autres partis politiques, l’Initiative de la Société Civile, le groupe des 184 et tous les autres.
L’handicap avait été apparemment de créer une certaine fissure au sein des pays membres de la CARICOM qui ont toujours manifesté leur solidarité inconditionnelle et leur compréhension de la ” crise haïtienne “.



L’Ambassadeur des Etats-Unis en Haïti, M. Brian Dean Curran, avait cherché maladroitement à porter ombrage à la délégation OEA/CARICOM ayant visité le pays le 19 mars 2003 en s’auto-proclamant porte-parole pour imposer les vues de son pays.



Selon de nombreux analystes et experts, le Conseil Permanent de l’OEA n’a pas pu à la fin de mars 2003 adopter une position claire sur la mise en oeuvre de la Résolution 822 basée sur le Rapport de la Mission spéciale de l’OEA en Haïti, en raison précisément du double jeu des Etats-Unis d’Amérique. D’un côté, la seule superpuissance prétend appuyer l’OEA et la mise en oeuvre de la Résolution 822, de l’autre elle conduirait une diplomatie unilatérale qui marginalise tous les efforts faits par l’OEA, comme cela avait été le cas pour l’ONU dans la guerre livrée contre l’Irak.



Le temps pour la Maison Blanche d’accorder ses violons avec les “indécis” avant la réunion du Conseil Permanent de l’OEA prévue en date du 30 avril 2003, une rencontre plutôt informelle a vite été organisée à Miami (Floride) entre les membres de la Délégation OEA/CARICOM qui avaient séjourné dans le pays dans le but d’harmoniser leurs vues, en brandissant, pour les besoins de la cause, l’application, le cas échéant, de la Charte démocratique de l’OEA contre la République d’Haïti. A cet effet, le Ministre bahaméen des Affaires Etrangères (CARICOM), M. John Mitchell a semblé avoir été mis à contribution pour ramener l’opinion interna-tionale et les autres pays de la CARI-COM à cette éventualité.



“… Le manque de volonté du gouvernement haïtien pour appliquer les Résolutions de l’OEA a placé les pays de la CARICOM dans une situation inconfortable par rapport aux Etats-Unis d’Amérique”, a fait remarquer M. Mitchell en guise d’aveu.



On se rappelle très bien de la position de M. Peter Dechazo (Etats-Unis d’Amérique) à la dernière réunion du Conseil permanent de l’OEA où il avait dénié publiquement au Président Aristide même le droit que lui confère la Constitution haïtienne de choisir le Chef de la PNH.



On ne s’attendait point à la capitulation du Président dominicain Ippolito Mejía, tout au moins dans l’état actuel des choses. ” Le mariage sans divorce” que les deux hommes d’Etat s’étaient promis au profit de leurs peuples est rompu par M. Mejía. Cela était-il prévisible? Le moins qu’on puise dire est que l’armée dominicaine, le vrai pouvoir dans ce pays, aurait peut-être suggéré au président de faire un choix. Les signes étaient prévisibles, à l’analyse de ce qui se passe dans le Plateau Central et à Pernales, à la frontière des deux pays.



L’ONU s’est aussi mêlée de la partie. Elle a épicé le tableau avec les “droits humains” (politiques) à l’initiative du haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme, dirigé par Fernando De Mello.



“… Il faut plutôt tôt que tard qu’Haïti devienne ce qu’il aurait dû toujours être. C’est à dire une vraie démocratie. Cela doit être atteint aux moyens de sanctions, de mesures répressives au niveau international, ou par la volonté et le respect du peuple haïtien. Je préfère la deuxième option. Le rôle de la Communauté internationale et du haut Commissariat des droits de l’homme est d’assister le peuple haïtien à s’exprimer librement et à encourager les autorités haïtiennes à respecter cette volonté populaire dans le cadre d’une véritable démocratie représentative… “, s’est proposée l ‘ONU qui semble se mettre dans les rangs pour avoir bien appris les leçons résultant du conflit opposant les Etats-Unis de Georges W. Bush à l’Irak de Saddam Hussein.



Que se passera-t-il le 30 avril 2003 au Conseil Permanent de l’OEA en faveur ou contre Haïti? Le Ministre haïtien des Affaires Etrangères a fait le point. ” Nous attendons, nous n’attendons pas grand’ chose en tant que gouver-nement. Nous attendons par contre beaucoup de choses pour Haïti. Nous attendons. Le gouvernement est tous les jours confronté avec la réalité, nous ne pouvons pas nous permettre d’être utopique”.


 


Aujourd’hui le Monde doit composer avec cette dure réalité, telle que formulée explicitement par l’actuel Président des Etats-Unis à l’endroit de tous les dirigeants politiques sur la Planète-Terre. “On ne peut être qu’avec ou contre les Etats-Unis. Si vous êtes avec nous, nous voulons des résultats et nous attendons des actions diligentes pour arrêter nos ennemis ainsi que les gens qui les aident…”



Jean Frantz LASERRE



raless2000@yahoo.com