La Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR) a appris avec indignation l’étonnante nouvelle de l’humiliation infligée au pouvoir judiciaire à travers le juge d’Instruction des Gonaïves, Me Marcel jean, au moment où celui-ci s’apprêtait, le mercredi 22 Janvier dernier à prendre l’avion pour les Etats-Unis d’Amérique. Le passeport du Magistrat instructeur a été confisqué sur ordre du Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, M. Jocelerme privert.



La NCHR considère les agissements du Ministre comme une grave atteinte à l’honneur, à la réputation, à la vie privée, familiale et professionnelle du Magistrat. Ils constituent une violation flagrante du principe de la séparation des pouvoirs, des articles 24, 41-1 de la Constitution en vigueur, de l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et de l’article 12 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques de 1966 ratifié par Haïti.



La NCHR est désolée d’apprendre que les tracasseries auxquelles le Magistrat est soumis sont liées à son souci de traiter en toute indépendance, le dossier du fugitif Amiot metayer, chef de l’armée Cannibale qui, depuis le 2 août 2002, soumet à sa volonté la délégation départementale de l’Artibonite et les forces de police aux Gonaives.



La NCHR est étonnée d’apprendre que des pressions énormes auraient été exercées sur le juge pour légaliser la libération forcée d’Amiot metayer .



La NCHR relève que d’autres membres de l’appareil judiciaire ont aussi fait l’objet d’agressions physiques ces derniers jours :



 



I- Dimanche 19 janvier 2003




– Me Rock cadet, Doyen du Tribunal de Première Instance de Jacmel a été attaqué par des bandits armés dans la ville de Petit-Goâve, il s’en est sorti avec une légère blessure.



 


 


II- Mercredi 22 janvier 2003






  1. Le véhicule de Me Fredeck lenny, Commissaire du Gouvernement près du Tribunal de Première Instance des Cayes, a été attaqué par des bandits armés à la hauteur de Petit-Goâve. Son agent de sécurité en est sorti grièvement blessé.





  2. Me Jacques constant, Juge près le Tribunal Spécial du Travail de Port-au-Prince a été agressé en plein siège par un civil armé d’un pistolet automatique.



La NCHR condamne ces attaques répétées contre le pouvoir judiciaire qui sont de nature à fragiliser davantage un pouvoir souffrant déjà d’un grave déficit de respect et de légitimité lié aux immixtions fréquentes de l’exécutif dans les affaires de la justice.



La NCHR réprouve toute velléité de l’exécutif tendant à révoquer ou à pousser vers la porte de sortie les Magistrats qui ont fait preuve d’une relative indépendance dans le traitement des dossiers sensibles. Les cas ci-dessous suffisent à renseigner :







1.- Me Prince Chérimond Osias, Juge et Juge d’Instruction près le Tribunal de Première Instance du Cap-Haïtien, avait été révoqué par le Ministre Camille Leblanc pour avoir refusé de faire droit à sa demande de retrait d’un mandat d’amener émis contre le Commissaire de Police du Cap-Haïtien d’alors, impliqué dans une affaire pénale.



2.- Me Claudy Gassant chargé du dossier de Jean L. Dominique a été contraint à l’exil après la fin de son mandat.



3.- Me Henry Kesner Noël, Juge et Juge d’instruction le Tribunal de Première Instance de Saint-Marc, responsable du dossier du massacre de Piatre est parti pour l’exil après avoir été contraint de signer un mandat d’amener contre l’ex-général Prosper Avril.



4.- Le Juge Rozier Joseph de Saint-Marc a été mis à la retraite anticipée par le Ministre Pierre Max Antoine pour avoir refusé de revoir une décision prise à l’encontre de l’INARA.



5.- Me Alix Civil, Commissaire du Gouvernement aux Gonaïves, a été mis à l’écart par le pouvoir en guise de protestation contre un réquisitoire pris dans le cadre de l’instruction du dossier relatif au massacre de Raboteau.



La NCHR prie instamment le Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales de restituer au plus vite au Juge Marcel Jean ses documents de voyage.



La NCHR invite le pouvoir exécutif à respecter l’indépendance des Magistrats et de la magistrature et à tout mettre en œuvre pour garantir un climat serein, propice au travail au niveau des Cours et Tribunaux de la République.



 


 


Port-au-Prince, le 28 janvier 2003