Originally: Les murs de Jéricho tremblent

Il a fallu deux ans aux émissaires de l?OEA pour révéler une vérité que Platon nous a enseignée depuis plusieurs siècles déjà : « Seriez-vous capables de convaincre des gens qui n?écoutent pas. » En effet, les Accords aussi bien que les Résolutions de l?OEA et de la CARICOM sont nuls et non avenus. En dépit des délais et des prolongations, les protagonistes affichent leur indifférence totale et font preuve d?un laxisme déroutant.

La crise politique haitienne a trop duré et entraine le pays vers l?abime. Le 16 janvier 2003, le Conseil Permanent de l?OEA a fait le triste constat de l?échec de la résolution 822. Catherine Vezina, premier secrétaire de la Mission Permanente du Canada auprès de l?OEA a renchéri en reconnaissant l?impossibilité d?organiser les élections convenablement en 2003 vu le délai imparti.

Le discours prononcé par l?Ambassadeur Raymond Valcin, représentant permanent d?Haiti près de l?OEA est taillé sur mesure. L?harmonisation de ses propos par rapport au contenu de l?exposé du Secrétaire général adjoint de l?OEA laisse la nette impression d?une partition montée d?avance et exécutee avec perfection pour ce concert présenté à la Communauté Internationale.

En dépit de la concordance des termes choisis, le spectacle offert par l?OEA a définitivement consacré son incapacité à résoudre la crise politique haitienne. Jean Bertrand Aristide pour suppléer à cette défaillance feinte par l?OEA joue à fond la carte des élections par le biais d?un Accord Interhaitien. Dans une tentative de sauvetage in extremis, Serge Gilles et Evans Paul sont invités à réintégrer le Gouvernement avec la bénédiction de l?Archeveque Coadjuteur Mgr Serge Joseph Miot. Des démarches s?activent également auprès de Victor Benoit pour un éventuel réalignement.

Pour faciliter l?osmose Jean Bertrand Aristide a choisi un catalyseur efficace : la primature et les portefeuilles de ministres . Ce coup de poker d?Aristide vise à émasculer l ?Opposition. La défection de Kplume aurait brisé les mouvements de rue organisés et animés par le KID qui partage convenablement le béton avec Lavalas. Le cri de Vertières résonne encore aux oreilles des dirigeants lavalassiens et troublent leur sommeil. Ils craignent l?augmentation de son décibel. Il faut faire vite et bien.

Le ralliement de Serge Gilles permettrait au Gouvernement de faire une ouverture sur la Communaute Européene pour un éventuel exit au cas ou l?Administration Bush aurait serré les vis. Cette inquiétude n?est pas sans fondement puisque d?un coté l?Etablishment Américain se montre de moins en moins tolérant envers le régime de Port-au-Prince. Bill Clinton et ses copins ont laché les amarres. De l?autre coté les Républicains ne sympathisent pas non plus avec l?Opposition haitienne qui selon leurs lunettes présente le meme profil que les Sandinistes.

L?arrivée fracassante de l?Ex-colonel Himler Rébu sur le théatre politique haitien attire tous les regards. Sa force de frappe et sa farouche détermination créent des vagues. La situation politique haitienne est assimilée à celle du Nicaragua en 1979 avec le commandante zero : Daniel Ortega.* L?accent fortement socialiste de l?Opposition a un gout d?amertume pour les Républicains. Il n?y a aucune porte de sortie. Tel est le grand dilemme politique haitien.

La résolution 822 n?était qu?un simple épouvantail agité par l?OEA pour écarter l?Opposition de la scène politique et permettre à Jean Bertrand Aristide de sortir du pétrin. Les objectifs à atteindre aussi bien que les délais étaient bien définis. Mais, aucune sanction n?a été prévue, le cas échéant. Malheureusement Lavalas n?a pas pu livrer la marchandise à temps. Comme des électrons libres les protagonistes voyagent dans l?inconnu. Personne ne peut imprimer une nouvelle vitesse, ni changer le cap de la machine politique,voire la stopper .

Entretemps Jose Ulysse, le think tank du Gouvernement déploie son arsenal. Il a déjà donné la preuve de sa performance en renversant les vapeurs en faveur de Lavalas lors du dernier conflit des Gonaives avec Amyot Metayer. Sa nouvelle percée vise l?affaiblissement de l?Opposition par fragmentation. Les dieux de l?argent et du pouvoir sont invoqués en une telle occurrence.

En dépit de toutes les tractations qui se font dans les coulisses, les tristes souvenirs de l?Accord du 6 mars 1999, survenu juste après la mort du Sénateur Yvon Toussaint troublent les esprits. Les nouveaux invités au bord de la table déclinent l?offre considérée comme un véritable cheval de Troie. Les recettes politiques de Lavalas en usage depuis 12 ans appartiennent désormais à la littérature politique haitienne contemporaine. L?Espace de Concertation a été tournée en dérision et ses ministres congédiés quelques mois après avoir permis à René Préval de franchir le Rubicon.

Il n?y a plus l?ombre d?un doute, l?objectif principal de Jean Bertrand Aristide c?est de se défaire des membres de l?Opposition haitienne en les embrassant. Malheureusement , la thérapeutique couramment utilisée n?a plus d?effet. Compte tenu de l?état de dépérissement du malade les méthodes ordinaires ne sont plus de mise. Comment organiser les élections quand les conditions prévues par la résolution 822 ne sont pas encore satisfaites.

Les résultats de l?enquete sur l?assassinat de Jean Dominique pourrissent dans les tiroirs. Au contraire sa femme vient d?etre intimidée en vue d?accepter sans broncher un fac simile revu et corrigé selon la syntaxe lavalassienne. L?opération de dédommagement des victimes du 17 décembre est tronquée et banalisée. Les acteurs des incendies et des crimes du 17 décembre circulent en toute impunité. De quelles élections parlent-on ?

La montée en flèche du prix du gallon d?essence fait grimper le cout de la vie. L?opposition ne chome pas. Au contraire la bande des insurgés est au nombre de 200 organisations, institutions et groupements. Tous les ingrédients sont réunis pour l?éclatement imminent du régime en place, maintenu en respiration artificielle par l?OEA. A la veille du débranchement fatidique les murs de Jéricho tremblent déjà.



*Webmaster’s note: Comandante Zero was actually Eden Pastora.


 

TEXTE OFFICIEL
 Ambassade des Etats-Unis d?Amérique  Bureau des Affaires Publiques              14, Avenue Marie-Jeanne Port-au-Prince, Haiti Tél:  222-1504 / 222-5726    Fax:  223-8324    



       Le 15 Janvier 2003


                   No. 2003/03


EXTRAITS DU DISCOURS DE L?AMBASSADEUR AMERICAIN, BRIAN DEAN CURRAN LORS D?UNE CONFERENCE A MIAMI


?En dépit du sombre tableau de la situation économique et politique en Haiti, il y a quelques aspects positifs qui méritent d?être soulignés, et je crois que l?initiative de l?Ambassade Américaine lancée en 2002 et intitulée ?L?Année de la Floride? est l?un d?entre eux?, a laissé entendre l?Ambassadeur Curran au cours d?une allocution faite à Miami, Floride, le 14 janvier 2003.  En s?adressant à la communauté haitiano-américaine de Miami, l?Ambassadeur Curran a fait une récapitulation des divers projets réalisés par l?ambassade dans le cadre de cette initiative dont le but est de renforcer les liens entre Haiti et la diaspora haitiano-américaine de la Floride, tout en notant que tout cela ne lui semblait guère un embargo!?


La série de programmes entrepris dans le cadre de l?initiative intitulée ?L?Année de la Floride? a débuté en janvier 2002 avec la visite en Haiti d?une délégation bipartisane d?officiels haitiano-américains élus.  Selon l?Ambassadeur Curran, ce groupe sympathique composé à la fois de Démocrates et de Républicains a partagé un message:  ?Bien qu?ils aient des approches philosophiques politiques différentes et des solutions différentes, ils ont prouvé que des figures politiques peuvent traiter pacifiquement l?un avec l?autre, tolérer les désaccords et travailler à la recherche de solutions viables?.  Des programmes additionnels ont inclus:  la visite du juge Fred Séraphin (le juge haitiano-américain le plus élevé dans la hiéharchie judiciaire de la Floride) au cours de laquelle il s?est adressé aux journalistes et aux juges locaux; la participation de représentants de la communauté des avocats de la Floride à la Semaine dédiée à la Loi; et le lancement du système ?CIVA? destiné à fournir des informations aux postulants pour l?obtention d?un visa.  Toutefois, ce n?était pas un échange à sens unique, ?L?Année de la Floride? comportait également des voyages en Floride, tels le briefing du Consul Général à Miami sur des fonctions consulaires; des programmes conçus à l?intention des journalistes haitiens sur la couverture des élections; et des programmes de formation en Floride pour des professionnels haitiens dans les domaines de la résolution des conflits, du leadership féminin et de la transparence dans l?administration et la défense des droits humains.


Quelques extraits de ce discours:


?Nous entamons l?année 2003 avec les voeux d?espoir généralement formulés à l?approche d?une nouvelle année.  Dans cette perspective, nous pouvons faire une rétrospective de l?année 2002 et dire que les grands espoirs placés sur Haiti au cours de cette année n?ont pas été concrétisés.  Alors que la population d?Haiti continue d?augmenter, son économie a chuté de plus d?un pour cent.  En outre, la gourde a perdu presque la moitié de sa valeur, contribuant ainsi à une inflation qui élève le coût de la vie d?un Haitien moyen.  Nous pouvons également anticiper une nette montée de l?inflation en raison de la récente – et nécessaire – augmentation du prix de l?essence?.


?Il y a une paralysie politique tout à fait déplorable dans le pays, tandis que l?année 2002 s?achève, en dépit des espoirs soulevés par la résolution 822 de l?Organisation des Etats Américains (OEA), soigneusement balancée et votée à l?unanimité le 4 septembre 2002.  J?ai le regret de dire que nous sommes déçus du gouvernement haitien en ce qui concerne l?accomplissement de ses engagements dans le cadre de la résolution 822.  Et le gouvernement a la plus grande part de responsabilité quant à l?application de la Résolution et, en particulier, la promotion d?un climat de sécurité propice aux élections.  Nous sommes particulièrement déçus qu?il n?ait pas été possible de former un conseil électoral pour préparer les élections qui devraient avoir lieu cette année.  Les accusations et contre-accusations entre le gouvernement, l?opposition et la société civile ont conduit à une polarisation de la situation.  Le temps presse.  Nous exhortons le gouvernement à rompre le cycle d?intensification des récriminations et des demandes, à changer de direction en avançant avec assurance vers la mise en oeuvre de la Résolution 822 de l?OEA,  et à donner une chance à la paix.  Il n?est pas trop tard.?


?En dépit du sombre tableau de la situation économique et politique en Haiti, il y a quelques aspects positifs qui méritent d?être soulignés, et je crois que l?initiative de l?Ambassade Américaine lancée en 2002 et intitulée ?L?Année de la Floride? est l?un d?entre eux.  Le programme avait pour but de renforcer les liens entre Haiti et la diaspora haitiano-américaine de la Floride.  Je crois que de meilleures relations entre Haiti et sa diaspora aux Etats-Unis et entre Haiti et la Floride se traduisent par de meilleures relations entre Haiti et les Etats-Unis, et c?est la tâche que m?a assignée le président Bush?.    […]


?Outre l?attention particulière portée par l?Ambassade tout au long de l?année sur Haiti et sa diaspora de la Floride, l?Agence Américaine pour le Développement International (USAID) – dans le cadre de son programme régulier – a alloué $56 millions de dollars pendant l?année 2002 pour le financement de programmes du gouvernement américain en Haiti.  Ces programmes touchent des domaines variés, tels que


Le maintien de la qualité du célèbre café haitien ?Haitian Bleu?


La Promotion des exportations d?objets artisanaux haitiens et de produits alimentaires spécialisés vers les Etats-Unis


La fourniture de repas aux enfants


Le Planning familial


L?assistance aux radios communautaires et la promotion de l?éducation à distance par le biais de la radio dans les écoles primaires


La collaboration avec les organisations de santé pour prévenir la propagation du virus du HIV/Sida et  réduire la stigmatisation associée à cette pandémie


Le soutien aux organisations de la société civile et la promotion de la réforme judiciaire.?


?D?autres formes de coopération existent entre la Floride et Haiti, notamment en ce qui concerne le trafic des stupéfiants.  Riverwalk est une opération fédérale basée à Miami pour contrôler les cargaisons illégales de stupéfiants.  Notre ambassade collabore avec ce service depuis quelques temps, et en 2002, environ 8,916 livres de cocaine ont été saisies.  Au cours de la même année, nous avons invité des entraîneurs du service douanier américain à venir en Haiti afin d?animer des séances de formation pour la police et les douanes haitiennes grâce à une allocation du Département d?Etat.  L?Ambassade a essayé pendant quelques temps de formaliser la coopération dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants avec le gouvernement haitien et a pu finalement en mai 2002 signer un Protocole d?Accord permettant l?utilisation de fonds d?une valeur de $680,000 dollars pour stopper ce commerce illégal.  C?est une chance pour le gouvernement haitien de prouver sa détermination et sa capacité à frapper clairement le trafic illégal des stupéfiants?.


?Je voudrais souligner par ailleurs que les départements fédéraux d?Etat et de la Défense financent actuellement au Cap-Haitien une nouvelle base avec un embarcadère pour la Garde-Côtière haitienne.?


?Un autre exemple des efforts intensifs en cours du gouvernement américain en Haiti est la présence de 63 volontaires du Corps de la Paix, qui travaillent dans de petites communautés à travers Haiti.  Un nouveau groupe de 28 volontaires est attendu le mois prochain?.


?Entre parenthèse, tout ceci ne me semble guère un embargo!?   […]


?Si vous pouviez donner un simple exemple de ce que vous avez à partager, de ce que vous avez gagné en vivant aux Etats-Unis, ce serait peut-être exactement ce qui pourrait émerger des liens sociétaux renforcés – le témoignagne vivant que j?ai à chaque visite ici aux organisations communautaires haitiano-américaines.  Vous procédez à l?élection de personnalités d?origine haitienne pour votre administration municipale, votre gouvernement d?Etat et pour le corps judiciaire.  Vous êtes par conséquent bien placés pour encourager les politiciens impatients à permettre aux procédures démocratiques de s?enraciner dans le pays auquel vous êtes tant attachés.  Vous êtes si bien placés pour dire avec cet apôtre de la réconciliation, l?Archevêque Desmond Tutu ?Ne déshumanisez pas votre adversaire?.  Tout au contraire, parlez-lui – faites-lui des propositions – écoutez ce qu?il ou elle a à dire – car les gens des deux sexes ont des contributions précieuses à faire en Haiti.?


?Nou vreman byen plase pou nou bay frè ak sè ayisyen-nou-yo, espesyalman sa kap travay nan domèn politik-la, bèl egzanp tèt ansanm pou nou rive jwenn rezilta nou vle pataje-yo.  Nou dekouvri ke nou ka genyen diferan filozofi, diferan solisyon pou yon pwoblèm, men ke nou kapab malgre tou chita bò yon tab ak yon konpatriyòt pou nou manje ansanm.  Nou konnen kijan pou nou pale youn ak lòt, pou nou eksprime opinyon pa-nou san nou pa derespekte moun ki pa wè bagay-yo jan nou wè?l nou menm?.


?Nou gen anpil bagay pou nou ofri, tankou jan n?ap debat pou nou okipe fanmi-nou-yo, pou nou asime travay politik-la, pou nou sipòte tout jefò nan kominote-a.  Mwen ta renmen akonpaye-nou nan chimen nap pran-an pou nou pote kontribisyon-nou pi plis nan peyi Dayiti, Ayiti Toma.?


(Fin du texte)

Originally: Déclaration de 184 organisations de la société haïtienne.


Déclaration de 184 organisations de la société haïtienne.

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Publié Thursday, January 16, 2003 – 16:20 par p-flash:

  Le mercredi 15 janvier 2003 a expiré le délai accordé au pouvoir en place pour donner à la population haïtienne des signes de bonne foi en vue d’aider à sauver la Patrie en péril.


  Les 184 institutions, organisations et regroupements de 12 secteurs de la société haïtienne, signataires du communiqué du 26 décembre prennent acte du mépris affiché par le gouvernement face aux attentes de la population exprimées dans le texte du 26 décembre.


  En effet, non seulement les demandes n’ont pas été satisfaites, aucune ébauche de réponse n’a été fournie. Pis encore, la situation s’est aggravée de manière alarmante et le pays continue à se précipiter en chute libre vers le fond de l’abîme.


  Face à ce constat, les mécanismes de concertation avec les différents secteurs et avec les autres organisations qui se sont jointes au groupe initial sont immédiatement enclenchés pour les suites nécessaires.


  Une conférence de Presse sera tenue au début de la semaine du 20 janvier pour annoncer au peuple haïtien, et à l’opinion nationale et internationale les conclusions découlant du présent constat et les dispositions à prendre.     


L?Union Fait la Force


???????


À? L?OCCASION DU NOUVEL AN,


UNE LARGE COALITION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE


APPORTE DE L?ESPOIR


À LA DÉMOCRATIE ASSIÉGÉE EN HAÏTI


 


La récente déclaration conjointe de 184 organisations de la société civile haïtienne pourrait annoncer l?aurore d’un nouveau jour en Haïti, après une nuit profonde de division, de dérive et de désespoir.  À la veille du bicentenaire de sa Révolution, où le flambeau de la liberté transperça comme un glaive le voile de l?esclavage abattu sur le Nouveau Monde, et quelques 17 ans après qu?un lever de soleil eut chassé le vampire de la dynastie Duvalier, les Haïtiens de tous les milieux semblent, une fois de plus, s?unir devant les intérêts supérieurs de la nation.  


 


Puissent-ils, cette fois-ci, puiser leurs forces dans la volonté de se battre non contre un ennemi commun, mais pour une cause commune ; puissent-ils placer leur confiance non en un leader unique, mais dans le processus démocratique lui-même ; et puisse l?année 2003 entrer dans l?histoire comme celle où a pris naissance la vraie République, si longtemps attendue.


 


LA DÉCLARATION


 


La Déclaration est osée, et sa portée n?est rien moins que révolutionnaire quand on la regarde à la lumière de l?histoire tourmentée d?Haïti et de la crise actuelle.


 


            VERS UN NOUVEAU « CONTRAT SOCIAL » POUR HAÏTI


 


Tout d?abord, elle engage ses signataires, d?appartenances et de talents divers, à travailler ensemble à l?élaboration d?un nouveau « contrat social » pour Haïti, un contrat qui vise, non sans raisons, l?amélioration des conditions de vie de tous les Haïtiens, tout en accordant une priorité méritée aux besoins de la majorité, victime d?une exploitation sans pitié et honteusement laissée dans la misère (oui, il s?agit bien des « démunis »). 


 


Bien sûr, l?appel à un nouveau contrat social en Haïti, à un « projet » national qui transformerait enfin l?héritage amer de l?esclavage en un patrimoine de liberté, ne représente, en soi, rien de nouveau.  Nombreux sont ceux qui en ont réclamé autant pendant des années. 


 


Mais l’idée qu?il vaut mieux mettre en oeuvre ce projet sur une base d?unité et de consensus, plutôt que de discorde et de rivalité, est relativement nouvelle et d?une grande importance.  Car si une compétition vigoureuse entre intérêts divergents est la marque de toute société vraiment libre, c?est bien l?absence de consensus sur une question beaucoup plus fondamentale – celle du respect des « règles du jeu » et des principes qui doivent régir une telle compétition pour qu?elle soit vraiment transparente et juste ? c?est cette absence, dis-je, qui caractérise avec le plus d?évidence les sociétés qui ne sont pas encore libres, au vrai sens du mot.  Haïti souffre depuis trop longtemps de ce syndrome de Caïn ? où des frères s?entre-déchirent dans un conflit sans limites et autodestructeur.


 


Le nouveau contrat social (et peut-être aussi le « premier ») dont il est question aujourd?hui ne reprend donc pas, cette fois, l?éternelle utopie d?une entente sur le « partage du gâteau ».  Il détermine plutôt, comme il le devrait, la manière dont les personnes pourront, ou devraient pouvoir, obtenir ou essayer d?obtenir ce qu?elles veulent ; il indique aussi, inversement, quels sont les fins et moyens devant être désormais considérés inacceptables et illicites dans la recherche de la satisfaction d?intérêts personnels. 


 


Pour que ces nouvelles règles soient assorties d?une force exécutoire, il est nécessaire qu?elles soient préalablement débattues et acceptées.  De plus, il ne s?agit pas seulement ici de convenir de n?être pas d?accord (ce qui paraît déjà assez difficile aujourd?hui en Haïti), il s?agit aussi de s?entendre sur la manière de n?être pas d?accord, afin d’arriver à des conclusions justes et équitables, et de privilégier la compétition constructive plutôt que son contraire.


 


            MISE EN ROUTE DU PROCESSUS ÉLECTORAL


 


Dans le cadre de ces préoccupations de base, la Déclaration porte ensuite l?essentiel de l?attention sur ce qui constitue, à l?évidence, la question la plus immédiate et la plus pressante en matière de compétition intersectorielle au sein de la nation : les prochaines élections générales.  En énonçant sept conditions préalables à la tenue de « toute élection crédible et démocratique en Haïti », les signataires avertissent la nation, le régime, voire le monde qu?il serait d?une absurdité patente d?envisager un scrutin dans les conditions qui prévalent de nos jours. 


 


Pour que les prochaines élections aient une chance d?être libres et justes, avancent les signataires, il faut effectuer des changements fondamentaux au préalable et sans tarder.  Ces changements visent sans détour, et de façon essentielle, la « mise à plat du terrain », non seulement pour les candidats à la prochaine campagne, mais aussi pour ceux qui seront appelés à déposer leurs bulletins aux urnes.  Pour la plupart de ces changements, le bien-fondé est évident.  (Signalons, au passage, qu?ils reflètent presque exactement les engagements actuels du gouvernement dans le cadre de la Résolution 822 de l?OEA et l?esprit des recommandations du Conseil Permanent au sujet de ladite résolution et d?autres résolutions.)  Ils stipulent que :


 



  • La liberté de réunion doit être garantie.
  • Les bandes de malfaiteurs doivent être dissoutes et désarmées ; les agents de police et autres fonctionnaires ayant des liens avec ces bandes doivent être licenciés et traduits en justice.
  •  Les chefs de ces bandes, particulièrement ceux qui ont participé, d?une manière quelconque, aux actes de violence du 1er décembre 2001 et à l?assassinat des journalistes Jean Dominique et Brignol Lindor, doivent être traduits en justice.
  • Les prisonniers politiques gardés illégalement en détention, de même que les autres détenus dont l’élargissement a été ordonné par décision de justice, doivent être libérés.
  • Les discours incitant à la haine et à la violence, par les membres ou partisans du régime ou par toute autre personne, doivent cesser.
  • Le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour assurer la sécurité et la paix aux journalistes, étudiants, enseignants et autres personnes actuellement harcelées par des bandes armées ouvertement liées au parti du pouvoir.
  • L?assistance de la communauté internationale en matière de sécurité doit être éventuellement disponible et utilisée.

 


Ils ont raison, bien sûr.  Quiconque a vécu une campagne pour des élections générales en Haïti ? une expérience que malheureusement beaucoup trop de politiciens et de votants n?ont pas connue ? se rendra immédiatement compte que ces sept points (notamment le dernier) ne représentent rien de plus que les desiderata minima pour la tenue d?élections prochaines.  En fait, il faudra faire beaucoup plus pour empêcher que les prochaines élections en Haïti ne reproduisent purement et simplement les échecs du passé ; ce qu?il faut souhaiter à ce pays, ce n?est point le passage d?une crise électorale à une autre.


 


LA COALITION


 


Si les événements des quelques derniers mois n?ont pas suffi à convaincre certains observateurs de l?étranger ? encore animés du désir sincère, mais futile, de voir surgir une personnalité messianique capable de résoudre la situation désespérée en Haïti ? l?émergence de cette coalition de la société civile le 26 décembre ? une coalition trans-sectorielle, diverse, d?envergure nationale et qui se fait clairement comprendre ? ne peut plus laisser aucun doute raisonnable :   


 


Aujourd?hui, comme en 1804 et encore en 1986, c?est le peuple qui va – et doit – prendre les commandes ; il ne se laissera pas mener par quiconque.  Quant à la société civile, elle se prépare clairement à relever ce nouveau défi, cette prochaine occasion de s?efforcer d?assurer la pérennité de cette sorte de changement qui, jusqu?à présent, s?est révélée un vain espoir pour Haïti : les réformes démocratiques irréversibles.


 


En 1990, à dire vrai, le peuple haïtien confiait légitimement et dans une écrasante majorité la gestion de ses affaires à un seul homme qui assuma, sans surprise, la direction du vaste mouvement démocratique et qui, comme un colosse, traversa d?une enjambée le paysage politique où le vide s?était fait devant lui. 


 


Toutefois, les personnages d?une taille similaire qui l?avaient autrefois accompagné ou suivi ont, pour la plupart, disparu de son entourage.  Certains furent contraints de partir, à mesure que l?embrasse catholique d?un grand mouvement s?estompait devant l?exclusivité paroissiale d?un parti au pouvoir ; et d?autres se sont distanciés sous l?effet combiné de leur grande déception et de la fidélité à leurs principes.  Il ne reste plus maintenant que les proverbiaux pieds d?argile, ainsi qu?un legs de frustration, de peur et de sectarisme propres à déclencher dans le pays une explosion sociale latente.


 


Ainsi donc, insinuer que ces 184 organisations sont, en quelque sorte, un produit de l?imagination machiavélique de l?opposition ? ou, pire encore, un produit de ses machinations ? c?est révéler des sentiments avoisinant un profond mépris des capacités du « peuple haïtien », dont on parle si souvent et qu?on respecte si peu, de reconnaître et de défendre ses propres intérêts.  Ce peuple n?est pas davantage une masse incohérente aujourd?hui qu?il ne l?était en février 1986, ni en décembre 1990, ni, en fait, durant ses trois années de résistance enfin victorieuse au régime militaire de facto, de 1991 à 1994.  Voilà que son leadership naturel émerge de nouveau aujourd?hui pour reprendre le même combat.


 


Enfin,  la société civile haïtienne, à qui l?on pourrait reprocher une certaine lenteur à se réveiller après ce que l?histoire retiendra comme la « décennie 90 de la léthargie », est de nouveau en mouvement ; et cette fois, souhaitons ardemment qu?elle soit mieux organisée, aguerrie par ses pénibles expériences et encore plus déterminée à jeter les bases d?une démocratisation si longtemps reportée en Haïti.  (Disons-le en passant, la liste des signataires de la récente déclaration, bien que comprenant les noms de certaines personnes et organisations dont on peut trop facilement dire que c?étaient des « putschistes », voire des « macoutes », ressemble de façon très surprenante à un « Bottin » du mouvement Lavalas de 1990.


 


« Si tu me trompes une première fois », dit l?adage, « honte à toi ; mais si tu me trompes une deuxième fois, honte à moi ! »


  


LES ÉTAPES À VENIR


 


            En Haïti


 


La coalition a elle-même fixé une échéance très ferme.  Elle a réclamé au régime de fournir, d?ici au 15 janvier, des preuves palpables de ses intentions. À la même date, la coalition devra elle-même être prête, mutatis mutandis, à réagir à une éventuelle réponse, quelle qu?elle soit, ou même au manque de réponse.


 


D?ci là ? ce qui représente à peine près de 10 jours – le nouveau « Groupe des 184 » doit réaliser des avancées sur plusieurs fronts clairement interdépendants, bien que distincts. 


 


En premier lieu, il doit intensifier sa campagne de sensibilisation et s?appliquer à accroître le nombre de ses adhérents, bien au-delà des résultats obtenus jusqu?ici.  Il existe, par exemple, des groupes de défense des droits de l?homme et des organisations féminines très connus et très respectés, dont l?absence est remarquée dans la liste initiale de signataires et qui devraient, autant que possible, être amenés à adhérer. 


 


Deuxièmement, le groupe doit entre-temps atteindre un nouveau consensus au sujet de l?attitude précise à adopter le 15, et définir cette dernière de façon aussi claire et aussi concise qu?il l?avait fait la première fois.


 


Troisièmement, à l?échéance du 15 janvier, ce groupe doit être prêt à faire des propositions concrètes au sujet de la mise en ?uvre du nouveau contrat social auquel il a souscrit ? i.e. des recommandations aussi pratiques et directes que celles qu?il a déjà faites au sujet des élections. 


 


L?organisation d?une sorte de « conférence nationale » sous les auspices d’entités impartiales (et peut-être même externes) pourrait sembler un bon départ.   Les appels à l?organisation d?une telle conférence se sont multipliés au cours des quelques derniers mois, et, dans la mesure où un débat ouvert au public peut servir à préparer les prochaines élections tellement cruciales (plutôt que d?en détourner l?attention), cette démarche pourrait s?avérer non seulement positive mais encore décisive.  



 


            Dans la politique des États-Unis


 


Pour aussi longtemps qu?on s?en souvienne, les Etats-Unis ont souhaité trouver un « broker honnête » en Haïti.  Ils ont commis tant d?erreurs au fil des ans ? à la fois par eux-mêmes et par la faute de beaucoup, beaucoup trop d?Haïtiens ? qu?il pourrait paraître béat de dire qu’ils sont enfin tombés, malgré eux, sur un interlocuteur crédible et loyal.  Pourtant, c’est bien ce qui est arrivé cette fois. 


 


Bien sûr, si le Département d?État, trop préoccupé par ailleurs, ne souhaite pas entendre de mauvaises nouvelles au sujet d?Haïti, cette potentielle percée ? par-delà le tohu-bohu de la « politique habituelle » en Haïti ? ne représentera rien d?autre à ses yeux qu?une nouvelle cause d?agacement.  Qui souhaite, après tout, entendre imposer de nouvelles conditions au progrès dans la politique problématique de ce petit pays ?  Qui est prêt à entendre la vérité, si jamais on parle de vérité ?


 


Toutefois, si, dans son engagement vis-à-vis d?Haïti, notre gouvernement s?intéresse à une société plus stable, plus juste et plus prospère – bref, une société qui ne restera pas toujours un milieu bon à produire seulement des immigrés clandestins et des réfugiés politiques ? dans ce cas, il est temps de jeter un regard neuf afin de déterminer qui sont les citoyens de ce pays voisin du nôtre, non loin au sud, qui méritent qu?on leur parle et qu?on les écoute. 


 


Vu son courage et son esprit de solidarité, la nouvelle coalition mérite au moins cela, et il y a certainement lieu, pour les Etats-Unis, de reconnaître ce qu’elle a jusqu?ici réalisé.  La vieille épithète d?« élitiste » dont on s?est jusqu?à présent servi pour marginaliser l?Initiative de la Société Civile ? malgré son évident pluralisme et son incontestable rôle d?inspiratrice dans cette conjoncture nouvelle et prometteuse ? ne peut nettement pas s?appliquer au Groupe des 184.  Nous ne pouvons continuer à réclamer un « leadership plus responsable », d?une part, et ensuite faire volte-face en écartant cette avant-garde sous prétexte qu?elle représente une nouvelle « élite », du simple fait qu?elle s?est portée au-devant de la lutte.  Ou bien, est-ce vraiment ce que nous allons faire ?


 


De plus, comme nous l?avons signalé plus haut, il y a beaucoup à faire.  Un geste symbolique pourra peut-être suffire avant le 15 janvier mais, par la suite, les Etats-Unis devront se préparer à fournir un soutien réel et substantiel ? technique, financier et diplomatique ? au travail entrepris par cette nouvelle coalition pour changer le destin d?Haïti.  Un tel soutien devrait immédiatement être focalisé sur une assistance à la campagne de sensibilisation et d?éducation, qu?il faudra mener en vue de renforcer encore l?étendue et la représentativité de ce groupe déjà remarquable par sa diversité. Il faudra également orienter ce soutien vers l?organisation, dans un proche avenir, d?une Conférence nationale de la Société civile haïtienne sur le Processus électoral. 


 


Comment peut-on faire mieux, pour démarrer une année vraiment nouvelle en Haïti, d?autant plus qu?il s?agit d?une année toute spéciale, celle de la préparation des festivités du Bicentenaire ?  Puisse le monde être invité, en 2004, non pas à la veillée mortuaire d?Haïti ? selon une qualification sinistre de certains diplomates découragés ? mais à sa renaissance.  Apportons notre soutien entier, et cela, le plus tôt possible, à cette accoucheuse dont le succès est indispensable à la réussite de cette renaissance : la société civile haïtienne elle-même, diverse et variée.


 


Pour reprendre, avec une intention ici différente, l?un des aphorismes préférés de l?actuel président haïtien :  Même si les États-Unis (et les autres « amis d?Haïti ») ne réussissent pas en fin de compte avec elle, il n?est que tout à fait certain qu?ils (de même que la nation) continueront d?échouer sans elle.


 

          


         Olivier Nadal

 


Rassemblement pacifique contre l’insécurité et l’anarchie


May 28, 1999 | A remembrance from the archives of haitipolicy.org


Nadal Visits Street Vendors. May 28, 1999


No to Insecurity: Declaration of the Chairman of the Chamber of Commerce


French Original of the Above 


Rowdy Counter-Demonstrators


Details of Attack


With “Aristide’s Moonshine in Their Hands”


Champ de Mars Aftermath


“The Attack of May 28” by Gerard Pierre-Charles of the Organization of the People in Struggle


French Original of the Above